L. 974.  >
À André Falconet,
le 25 décembre 1669

Monsieur, [a][1]

M. l’évêque de Béziers [2][3] est archevêque de Toulouse ; [4] il était l’année passée en Pologne et on dit qu’il ira bientôt en Espagne. [1] M. Colbert, qui était capitaine des mousquetaires, [5] est aujourd’hui premier capitaine des gardes, à la place de M. le comte de Charost [6] qui est devenu premier gentilhomme de la chambre[2] On dit que M. l’archevêque de Rouen [7] se meurt pour une artère qui lui a été ouverte au lieu d’une veine. [3][8][9][10] Je voudrais bien savoir si le P. de Bussières [11] de Lyon a fait imprimer quelque tome in‑fo de l’Histoire de France. C’est un de mes amis qui en est en peine et à qui j’ai promis de m’en informer, et j’en attends réponse de votre bonté. Je sais bien que ce père a écrit un abrégé de notre histoire en beau latin en trois tomes in‑12, mais je voudrais savoir s’il a fait quelque chose in‑fo[4]

Il y a ici un charlatan prisonnier, se disant médecin du pays de Languedoc, qui a fait une fausse obligation. [5] De plus il est accusé de fausse monnaie, [12] et même d’avoir mis le feu en une maison. Voilà un méchant coquin, il en a fait assez pour être pendu ; mais si on pendait tous les charlatans, [13] il me semble que la corde serait bien chère car il est bien de ces gens-là de par le monde. Lex, grex, mundus omnis facit histrioniam[6][14] Les barbiers [15] et apothicaires [16] font tout ce qu’ils peuvent de notre métier pour s’enrichir et pour tromper le monde ; le magistrat les laisse faire, peut-être d’autant qu’il ne les pourrait pas empêcher. Le procès de M. Cressé [17] est sur le bureau, mais je n’entends point dire qu’il avance. On m’a dit que M. Molière [18] prétend en faire une comédie ridicule sous le titre du Médecin fouetté et du Barbier cocu[7] Nous voilà aux plus courts jours de l’année, c’est pourquoi j’ai donné congé à mes écoliers [19][20] (dont le nombre est près de 300) jusqu’après les Rois ; alors je recommencerai de bon cœur si Dieu m’en donne la force et le loisir, car je n’en ai guère. Le roi [21] a donné le gouvernement de Guyenne [22] à M. de Créqui, [23] ci-devant ambassadeur à Rome. Enfin, le pape [24] est tout à fait mort. Voilà un grand bien pour les bons compagnons qui ont trop bu de vin nouveau [25] puisqu’ils en auront un jubilé [26] tout neuf. M. Le Maître de Bellejamme, [27] président de la quatrième des Enquêtes, est ici mort en peu de jours de la petite vérole. [28] C’était un excellent homme, voilà une grande perte pour le Parlement. Je salue de tout mon cœur M. Noël Falconet [29] auquel vous direz, s’il vous plaît, que le 23e de décembre nous avons ici enterré M. Bourdon, [30] mon beau-frère, procureur de la Cour, qui a toujours été malade depuis trois ans. Il est mort ex corruptela substantiæ pulmonis, a suppressa arthritide, qua laboravit a 20 annis : erat natus parente arthritico, et fuit ille morbus gentilitius. Qui viret in foliis venit a radicibus humor, sic patrum in natos abeunt cum semine morbi[8][31][32] Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 23e de décembre 1669.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 25 décembre 1669

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(Consulté le 16/04/2024)

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