L. latine 55.  >
À Thomas Bartholin,
le 22 juillet 1656

[Ms BIU Santé no 2007, fo 44 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Thomas Bartholin, professeur royal d’anatomie à Copenhague. [a][1]

M. Érasme Bartholin, ce frère qui vous est très cher et cet ami qui m’est si agréable, retourne dans votre Danemark, sa patrie. [2] Loin de moi l’idée qu’il s’en aille sans une lettre vous assurant que je suis en vie et me porte bien, et suis votre entier dévoué. Je suis du moins en bonne santé, bon gré mal gré, sans nul soupçon de pierre ou de goutte, bientôt âgé de 55 ans. [3][4][5] Notre Riolan est en vie certes, mais se porte moins bien, car c’est un vieillard affligé d’un asthme opiniâtre, qui le met très souvent en péril de suffoquer, et qui, sans aucun doute, l’eût bien des fois fait passer de vie à trépas si la saignée ne l’avait secouru. Pour parler comme Duret, elle est salvatrice et sans limite, et il est tout à fait opportun de la pratiquer très souvent et même itérativement. M. Riolan reconnaît lui devoir la vie depuis 25 ans. [1][6][7][8][9][10] Il médite quelque chose de nouveau sur l’anatomie, mais j’ignore absolument ce que ce sera : peut-être bien une nouvelle édition de son Encheiridium anatomicum et pathologicum, augmenté d’une troisième partie, à quoi s’ajouteront quelques traités qu’on n’aura pas à regretter, de Generatione, de Morbis mulierum et infantium[2][11] Gaspard Meturas, le libraire, le presse aussi de songer sérieusement à une nouvelle édition de son Anthropographia, in‑fo, dont il est difficile de trouver encore un exemplaire à acheter. M. Riolan s’occupe souvent à cet ouvrage pour qu’il soit bientôt réédité. Il l’a augmenté et enrichi en de multiples endroits. [3][12][13] S’il n’avait pas promis de l’achever rapidement, un savant médecin de Venise, fervent partisan de ses idées, aurait pris soin de le faire réimprimer là-bas depuis déjà un an. Il a récemment reçu d’Allemagne une nouvelle Anatomia de Werner Rolfinck, professeur à Iéna (du moins sa première partie, car deux autres ne sont pas encore disponibles et ne sont pas imprimées) ; il la couvre de quantité de louanges, et se délecte fort de sa lecture. [4][14] Qu’il verrait de bon cœur les deux autres parties qui restent à publier ! mais toutes choses viennent en leur temps et, outre celle-là, il a bien d’autres affaires à régler. La nouvelle édition des œuvres complètes de M. Sennert, en deux tomes in‑fo, a récemment vu le jour ; [15] à Cologny on achève l’Hippocrate de Foës ; [16][17][18] et pour que rien dans la nature n’existe sans son poison, d’autres imprimeurs de Genève continuent la nouvelle édition des œuvres du certes grand Théophraste Paracelse, mais très néfaste vaurien, qui jouit d’un prestige immense parmi les souffleurs ignorants, et n’est pourtant remarquable que pour occire les humains par sa chimie. [5][19][20] Les Selecta medica de M. Johannes Antonides Vander Linden verront sous peu le jour, tout comme le Fernel avec les commentaires d’Heurnius. [6][21][22][23][24] Si quelqu’une de vos relations vient en cette ville, envoyez-moi, s’il vous plaît, votre Spicilegium et les autres nouveautés que vous aurez eues sous la main ; [7][25][26] mais en attendant, vale et vive, et aimez-moi, moi qui suis votre Guy Patin de tout cœur.

De Paris, ce samedi 22e de juillet 1656.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, le 22 juillet 1656

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(Consulté le 28/03/2024)

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