L. latine 71.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 26 janvier 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 50 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, docteur en médecine à Leyde.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Par manque de temps et sans la liberté de faire mieux, je vous écris ces quelques lignes. Sachez que, de la propre main du fils de votre marchand, Vincent van Doeswerff, [2], j’ai reçu votre dernière à laquelle je vais répondre sur-le-champ, accompagnée de trois paquets de livres, dont je vous dirai d’abord un mot.

Je me mettrai bientôt en devoir de lire vos Selecta qui, j’espère, me rendront meilleur et plus savant. J’en ai remis votre quatrième exemplaire à mon Carolus, qui est déjà parvenu à la page 36 ; il ne veut pas faire autre chose tant qu’il ne l’aura pas entièrement dévoré de bout en bout. Il n’est pas surprenant que les jeunes bouillonnants se précipitent avidement sur cette tâche ; vous connaissez le défaut de cet âge et pardonnerez à un fort studieux jeune homme de 22 ans. Robert a aussi son exemplaire, mais il remet à plus tard le profit de sa lecture. Je vous remercie beaucoup pour ces trois exemplaires joliment reliés, [1][3][4][5] et Dieu veuille que je puisse un jour vous témoigner ma reconnaissance en retour, ce que je ferai très volontiers chaque fois que l’occasion s’en présentera. Je n’ai pas encore offert le quatrième exemplaire destiné à M. Riolan, notre ancien, [6] bien que je le voie tous les jours, car il se porte très mal en raison d’une dysurie avec hématurie ; [7][8] je le lui remettrai dès qu’il ira mieux pour, d’un seul et même coup, pouvoir obtenir son Celse manuscrit ; [2][9] au moins essaierai-je, et je pense que c’est ainsi qu’il faut s’y prendre avec lui dans cette affaire. Nicolas de Nancel est mort en Touraine il y a 50 ans, je n’ai jamais entendu parler de son travail sur Cælius. [3][10][11] J’ignore dans quelles mains ses livres seront tombés et il n’est pas aisé de le savoir. Pour monsieur votre fils, [12] je ferai de tout cœur ce que vous aurez désiré, chaque fois que vous voudrez l’envoyer à Paris. Il y verra tant qu’il voudra ces grandes opérations de chirurgie qu’on pratique rarement ailleurs, [13] en particulier la section de vessie, [14] car j’ai pour ami M. Jamot, chirurgien en chef à l’hôpital de la Charité, dans le faubourg Saint-Germain, [4][15][16][17] où plus de trois cents calculeux subissent cette section chaque année ; les autres communs chirurgiens ne pratiquent pas une si grande opération.

La seconde partie des Epistolæ de Claude Saumaise ne roule-t-elle pas sous la presse ? [5][18] Le moment venu, omnem movebo lapidem [6][19] pour arracher plus qu’obtenir de M. Riolan son Celse manuscrit ; mais en attendant, je vous ferai souvenir de sa part (pour que vous sachiez qu’il pense à votre Celse) que M. Chifflet, très savant archiatre, a en sa possession un Celse fort bien corrigé qui appartint jadis à M. Chifflet, son père, médecin de Besançon, dont l’illustre [Ms BIU Santé no 2007, fo 51 ro | LAT | IMG] Jacques Cujas, homme très éminent qu’on n’a jamais suffisamment loué, lui avait fait cadeau. [20][21][22] M. Chifflet le montra jadis à M. Riolan, quand il avait accompagné la reine mère en exil à Bruxelles, il y a 20 ans. [23] Je ne doute pas que vous connaissiez ce Chifflet, c’est un personnage fort éminent et de grande considération chez les princes autrichiens, qui a écrit deux élégants opuscules contre une certaine poudre barbare, ou du moins péruvienne, à laquelle certains vagabonds qu’on ne connaît que trop (il s’agissait des jésuites, espèce d’hommes fort âpres au gain) s’étaient efforcés de procurer une bonne réputation contre la fièvre quarte. [7][24][25][26] Mais cette poudre s’est entièrement dissipée en fumée et sa bonne réputation tout à fait évanouie, en faisant même grincer les dents des marchands, pour ne pas dire des imposteurs, et des mendiants roués et adroits qui la colportaient ; et ce autant par l’opération et le bienfait des opuscules de M. Chifflet, qu’on a ici pleinement approuvés, que par le soin et le zèle d’excellents hommes et de très sages médecins, qui haïssent toutes les fraudes et ne peuvent supporter aucune imposture en notre art, et même se détournent, pire que d’un chien ou d’un serpent, de tels vauriens, que travaille sottement la soif des sous à gripper. Notre Riolan souhaite aussi vous faire souvenir que Janus Cornarius a porté grande attention à Celse ; c’est un homme très savant, pour ses Commentaria ou Emblemata sur Dioscoride ; [8][27][28] je vous les offre si vous ne les avez pas, et vous les enverrai sans tarder si vous voulez. Saluez, s’il vous plaît, notre ami M. Utenbogard de ma part, et faites-lui savoir que j’ai reçu son paquet, dont je le remercierai tantôt. [29] Je salue aussi tous vos très sages collègues, mais vous tout le premier, très distingué Monsieur, que Dieu veuille nous conserver de nombreuses années. Vale et continuez de m’aimer comme vous faites, moi qui suis, plus qu’en toute franchise, pour tant de vos faveurs, qui sont vraiment en or, votre très sincère et très dévoué,

Guy Patin.

Ce vendredi 26e de janvier 1657.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 26 janvier 1657

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(Consulté le 20/04/2024)

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