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Au très distingué Adolf Vorst, docteur et professeur de médecine à Leyde.
Très distingué Monsieur, [a][1]
Je vous écris ce peu de mots pour vous dire que je suis en vie et en bonne santé, me souvenant de vous et demeurant entièrement à votre service. Nous attendons ici de jour à autre le Cardan complet, de la nouvelle édition de Lyon, en 10 tomes in‑fo, [2] et le Sam. Bochartus de Animantibus sacræ Scripturæ, [3] que suivra de peu le Diogenes Laertius de Vitis philosophorum, avec les commentaires de divers auteurs. [1][4] Si vous en désirez, voici des nouvelles de nos affaires. La reine mère souffre encore de double tierce ; [5][6] pour l’en débarrasser, un certain médicastre aulique, [7] du nom de François Guénault, [8] a voulu lui faire boire du vin d’antimoine, [9] qu’on appelle communément émétique (on ferait mieux de dire énétique, étant donné les milliers d’hommes qu’il a tués et massacrés), mais elle a prudemment refusé, [10] répondant comme le rusé renard au lion malade : « Pour chasser ma fièvre, abstenez-vous de votre vin indéniablement empoisonné, dont tant de gens ont même tout récemment péri, nam me vestigia terrent ; [2][11] je ne veux pas devoir ma guérison à un poison, etc. » Aujourd’hui, les paroxysmes sont plus doux et j’espère qu’elle se rétablira sans ce venin chimystique. Fouquet, [12] jadis notre surintendant des finances, [Ms BIU Santé no 2007, fo 147 vo | LAT | IMG] est encore aux fers, avec trois trésoriers royaux et d’autres pilleurs, concussionnaires et partisans ; mais qu’adviendra-t-il de ces minables individus, fraterculi gigantum [3][13] et sangsues du peuple français ? C’est un mystère, que je pense nul ne connaît, hormis le roi lui-même. [14] Son épouse, notre jeune reine Marie-Thérèse, [15] a souffert de la rougeole, [16] par inflammation bilieuse du sang ; [17][18] elle en a heureusement guéri après trois saignées. [4][19] Notre différend avec le pape n’a pas encore pu être résolu. [20][21] Vale et aimez-moi.
De Paris, ce 24e de mai 1663.
Votre Guy Patin de tout cœur.