L. 7.  >
À Claude II Belin,
le 4 novembre 1631

Monsieur, [a][1]

J’ai reçu la vôtre, belle et longue, de laquelle je vous remercie bien humblement, comme aussi de la thèse de M. Du Chemin, [1][2][3] de laquelle je vous ferai faire copie et vous l’enverrai, pour rendre à M. Du Chemin [4] l’apothicaire à qui je baise les mains ; duquel je vous prie savoir s’il n’en a point d’autres, de l’assurer aussi que, quand il aura affaire de celle de deçà[2] laquelle il me veut bien céder par votre moyen, je lui renverrai aussi. Ma pensée de votre colère était fondée sur ces mots, Numquam sus Minervam docebit[3][5] lesquels me semblaient injurieux en quelque façon, quocumque sensu acciperentur ; [4] mais je vois bien, et l’ai bien cru par ci-devant, que ce n’était non plus votre dessein que mon désir. C’est pourquoi, à cela près, nous demeurerons, s‘il vous plaît, en bonne intelligence, amoto omni fuco et omni subdola cavillatione[5] J’avais peur que vous ne trouvassiez pas bon ce que je vous avais mandé assez librement et brièvement de mon avis en ma première lettre, où je vous répondais de peste et contagio ; [6][6] mais n’y pensons plus, je vous prie. Ma terreur a été en cela panique et ombrageuse, suivant de près mon naturel, < moi > qui n’ai toujours peur d’offenser ou de n’honorer assez les gens de mérite qui m’obligent de les aimer, comme vous êtes et me faites. Quant à Fernel, [7] mon opinion a été de ce grand personnage, depuis que je l’ai pu connaître, qu’il mérite le premier lieu entre les modernes ; sed homo fuit, nec humani ab eo alienum nihil fuisse existimare debemus, præsertim in suis morbis formæ, quos primus voluit constituere, et quorum potissima ponebat remedia ab occultis qualitatib. agentia, quæ tamen vana sunt ac irrita : quib. in locis manifeste admodum in Galeni reprehensionem incurrit, dum cuivis rationem quærenti nihil aliud reponit quam ignotas voces, aut abditas qualitates. Et utinam minus leviter in hoc peccasset vir tantus, abindeque causam non præbuisset tot ciniflonibus ex fanatici Paracelsi grege in plebem sævientib. qui tanti viri nomine, crassam suam inscitiam turpiter tuentur atque defendunt[7][8][9][10][11][12] Pour la thèse [13] que je vous ai envoyée de la peste, [14] je l’estime beaucoup et vous prie de croire que je n’en donne qu’à mes amis. [8] M. Hieraulme [15] est mort dès l’an 1628, le 26e de juillet, et cette année, nous en sont morts six, savoir MM. Robin, [16] Bonier, [9][17] Charles, [10][18][19] Complainville, [20] Quiquebœuf [21] l’aîné, [11] que pouvez avoir connu, et M. Frey, [22] qui est mort de sept charbons de peste. [12][23] Quant aux Institutions de Sennertus, [13][24] n’en donnez point, si voulez, la peine à monsieur votre frère. [14][25] Mandez-moi seulement de quelle impression vous les voulez : ou d’Allemagne, qui est plus belle et plus chère, ou de Paris, qui coûtera quelque peu moins. Je suis tout prêt de vous l’envoyer sans que d’autres en aient de la peine, puisque je puis faire cela. Le Paré des dernières impressions, bien relié, vaut huit livres, sans rien rabattre[15][26] Il est augmenté, en cette dernière, d’un nouveau traité des fièvres, qui a été ajouté sur la fin du livre, et fait par un médecin, intus et in cute mihi nosco[16][27][28][29] sans y avoir mis son nom ; lequel est très bon. Le dernier La Framboisière, [30] qui est aussi bien augmenté, et de bonnes choses, vaut au dernier mot 6 livres 10 sols[17] Pour Vallambert, de variolis[18][31] je l’ai reçu et vous en remercie ; il n’est pas mon homme. On fait ici une paix fourrée avec les apothicaires, [19][32] de laquelle il s’imprimera quelque chose que je vous enverrai aussitôt avec un catalogue des docteurs vivants. [20][33] Pour < la > copie de vos ordonnances, vous m’obligerez de me la donner. Pour le Prosper Martianus, [34] médecin de Rome qui a commenté l’Hippocrate, [21][35] c’est un livre assez bon, mais bien plus rare ici que nécessaire, vu qu’il fait le docteur en l’explication de certains textes où il n’a entendu que le haut allemand. [22] Je crois qu’il n’a jamais été guère employé à la pratique, vu qu’il fait le subtil en la découverte de certains remèdes qui sont peu de chose. Je prise bien davantage les petits commentaires de Foesius, [36][37] qui sont remplis d’une mâle et solide doctrine, tant en théorie qu’en pratique. [23] Néanmoins, je ne veux mépriser Martianus, ex voto laudandum censeo[24] et en userai librement jusqu’à ce qu’il en soit venu un autre qui ait mieux fait que lui, comme feraient une vingtaine de vieux chirons que nous avons ici, [25] desquels les principaux sont MM. Seguin, [38] les deux Cousinot, [26][39][40][41][42] M. Nic. Piètre, [43][44] qui en a lui seul plus oublié que jamais Martianus n’en a su, MM. Bazin, [27][45][46] Guérin, [47] Du Chemin, qui est une bonne tête et de présent près de la reine mère, [28][48][49][50] en Flandres, [29][51] en qualité de premier médecin, [52] MM. Chartier, [53] Des Gorris, [54] La Vigne, [55][56] Barralis, [57] M. Moreau, [58] notre doyen, savant homme et forte tête, qui litteratam multorum senectutem evicerat adhuc adolescens, et annorum cursum animo præverterat[30] Au reste, j’ai à vous prier d’avoir pour recommandé un honnête homme de cette ville, malade à Troyes, [59] nommé M. Tisserand, [60] si par hasard c’est vous qui le traitez. Il est beau-père d’un honnête homme de peintre qui est logé céans avec moi, nommé M. Quesnel, [31] lequel tient les deux chambres où vous m’avez fait l’honneur de venir une fois pour y être mal reçu. [32][62][63] J’ai de présent tout le logis, savoir, le premier étage, la salle et une grande étude tout joignant, à votre service, comme aussi tout ce qu’il y a dedans. Le peintre tient tout le reste que je n’ai pu occuper. Je vous prie de me recommander à M. Du Chemin l’apothicaire [64] et à ses autres thèses. Vive, vale, et nostri memor esto, dum [65][66]

   Capitoli immobile saxum
Accolet, imperiumque pater Romanus habebit
[33][67]

Je suis et serai toujours, Monsieur, votre très humble et affectionné serviteur,

Patin.

Ce 4e de novembre 1631.


a.

Ms BnF no 9358, fos 11‑11 bis ; P.T. no vii (pages 25‑33) ; Reveillé-Parise, no vii (tome i, pages 12‑15).

1.

André Du Chemin (Laval 1577-Bruxelles 27 novembre 1633), docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1608, en avait été doyen d’avril 1623 (mort de Michel Seguin, qui avait été élu en novembre 1622) à novembre 1624. Son décanat avait été marqué par des dissentiments avec Jean Héroard (v. note [30], lettre 117), premier médecin du dauphin puis du roi Louis xiii, et par l’impulsion que Du Chemin donna à la préparation de l’antidotaire (v. note [3], lettre 15), codex pharmaceutique contenant la liste des médicaments autorisés par la Faculté. Ce recueil ne fut cependant terminé qu’en 1637. Du Chemin avait été nommé premier médecin de la reine Marie de Médicis en 1629 et l’avait suivie dans son exil en Flandre (Triaire et Baron).

2.

Bien que le style de Guy Patin ne brille pas ici par sa clarté, j’interpréte « quand il aura affaire de celle de deçà » comme signifiant « quand il [Du Chemin, l’apothicaire de Troyes prêteur de thèses] aura besoin de celle d’ici [que j’ai entre les mains] ».

Patin n’en disait pas assez pour permettre d’identifier les deux thèses dont il parlait ici, parmi les huit qu’André Du Chemin a disputées pendant ses études ou présidées pendant sa régence, mises en ligne sur Medica.

3.

« Jamais un pourceau n’en remontrera à Minerve », v. note [13], lettre 6.

4.

« dans quelque sens qu’ils fussent interprétés ».

5.

« loin de tout déguisement et de toute fourbe subtilité. »

6.

« au sujet de la peste et de la contagion » (v. la totalité de la lettre du 18 octobre 1630).

Contagion, mot dérivé du latin contagium, contact, attouchement, n’avait pas alors son sens actuel, qui recouvre la notion de microbe transmis par le contact d’une personne malade. Elle n’était le « mal qui se gagne par communication, […] se dit par excellence et absolument de la peste » (Furetière). Tel était le sens que Guy Patin donnait à contagion, quand il n’en faisait pas un synonyme de peste.

Fracastor (v. note [2], lettre 6) n’avait donc pas convaincu les médecins du xviie s. avec le sidérant chapitre 1, Quid sit Contagio [Ce en quoi consiste la contagion], livre i, de ses De Contagionibus et contagiosis morbis, et eorum curatione libri tres [Trois livres sur les Contagions et les maladies contagieuses, et sur leur traitement] (Venise, 1546, pour la première édition ; fo 77 ro‑vo de ses Opera omnia, Venise 1584, v. premire notule {d}, note [18] du Borboniana 6 manuscrit) :

Nunc autem de Contagione prosequamur, cuius gratia tot de sympathia et antipathia rerum quæsita sunt, ab iis incipientes, quæ universalia magis videntur, et aliorum principia. Quod igitur contagio sit quædam ab uno in aliud transiens infectio, vel ipsum nomen ostendit : in duobus enim semper contagio versatur, sive illa duo diversa sint, sive duæ continuæ unius partes : verum, quæ inter diversa sit, simpliciter et proprie contagio dicitur, quæ vero inter duas unius partes, non proprie, sed quodammodo. Videtur autem et consimilis esse in se in utroque infectio, et cui contagio sit, et a quo, tum enim contagionem factam dicimus, quum simile quoddam vitium utrunque tetigit : quam ob rem, qui hausto veneno pereunt, infectos quidem fortasse dicimus, contagionem accepisse, minime : et in aere quæ simpliciter putrescunt, lac, et carnes, et reliqua corrupta quidem vocamus, non autem contagionem passa, nisi et aer ipse corruptus consimiliter fuerit : de hoc autem diligentius in sequentibus inquiremus. Videtur autem actio omnis et passio aut circa rerum substantiam fieri, aut circa accidentia : contagionem autem accepisse quempiam non appellamus, quod calefactus ab alio fuerit, aut factus vitiosus, nisi per transumptionem : quapropter videtur contagio consimilis quædam infectio secundum substantiam. Utrum igitur, quum domus incendio vicinæ ardet, contagionem vocemus ? at certe neque hoc contagio est dicenda, nec in universum, quum totum ipsum corrumpitur primo secundum quod totum est, sed tum magis, quum in particulis minimis et insensibilibus quædam infectio sit, et ab illis incipit : quod et nomen infectionis ostendit, infectum enim vocamus, non corruptum, qua totum est, sed quodammodo, et circa insensibilia : totum autem voco ipsum compositum, particulas vero minimas, et insensibiles voco eas, ex quibus compositio sit, et mistio. Exustio igitur circa totum ipsum fieri videtur, contagio autem circa particulas componentes, quanquam ab iis mox corrumpatur et totum ipsum : propter quod et mistorum passio quædam videtur contagio. Quoniam autem duplicter corrumpuntur, et intereunt mista, uno modo per adventum contrarii, sub quo consistere non potest eorum forma, alio modo per dissolutionem mistionis, ut in putrefactis contingit, dubitationem fortasse habet, utro modo contagio fiat infectione particulis minimis illata : ad hæc autem et qualisnam sit hæc infectio, utrum corruptio earum particularum, an alteratio sola, et quid demum patiantur : quare et illud potest dubitari, utrum contagio omnis sit putrefactio quædam. Quæ omnia manifestiora quidem fient, si contagionum differentias primas, et earum causas in primis perquisiverimus : nunc, si licet aliquo modo contagionis rationem subfigurare, dicemus contagionem esse consimilem quandam misti secundum substantiam corruptionem, de uno in aliud transeuntem infectione in particulis insensibilibus] primo facta

[Poursuivons maintenant avec la contagion, grâce à laquelle s’explore tout ce qui touche à la sympathie et à l’antipathie des choses, en commençant par ce qui semble tout à fait général, en tant que principe de tout le reste. {a} Admettons que la contagion, comme son nom l’indique, soit la transmission d’une infection allant d’une chose à une autre : la contagion s’applique en effet toujours à deux entités, qu’elles soient distinctes, ou qu’il s’agisse de deux parties contiguës d’une seule entité ; toutefois, on parle simplement et proprement de contagion quand elles sont distinctes, et ce n’est qu’une façon de s’exprimer quand il s’agit de deux parties d’une même entité. En soi, l’infection paraît parfaitement identique chez l’être qui contamine et chez celui qui est contaminé, car nous disons qu’une contagion s’est faite quand quelque défaut semblable a touché l’un et l’autre. Ainsi, de ceux qui meurent d’avoir bu du poison, pouvons-nous certes dire qu’ils ont été infectés, mais nullement qu’ils ont subi une contagion. Ainsi qualifions-nous de corrompus le lait, la viande, etc., qui pourrissent à l’air, mais sans dire non plus qu’ils ont subi une contagion, à moins de croire que l’air ait lui-même été pareillement corrompu. Nous reviendrons plus loin là-dessus. Il semble néanmoins que toute action, comme toute lésion, provienne ou de la substance des choses, ou d’une influence extérieure fortuite ; {b} mais nous n’appelons pas contagion ce qui a été reçu, puisque cela a été déclenché ou rendu défectueux par une autre entité, à moins de le lui avoir été volontairement emprunté. {c} La contagion paraît donc exactement semblable à une infection intéressant la substance. Appelons-nous contagion l’incendie qui se transmet d’une maison à sa voisine ? On ne doit certainement pas parler de contagion dans ce cas particulier, ni dire, dans le cas général, qu’une chose s’est entièrement corrompue d’elle-même pour la seule raison qu’elle forme un tout, quand cette raison tient bien plus au fait que l’infection est liée à des particules minuscules et imperceptibles, et qu’elle en tire sa source. C’est ce que signifie le mot infection, {d} et je ne qualifie pas d’infecté ce qui est corrompu, puisqu’il s’agit d’un tout, mais c’est ma manière de parler de ce qui est imperceptible : car j’appelle un tout ce qui est en soi un composé ; et j’appelle particule véritablement minuscule et imperceptible, ce qui constitue cette composition et cette mixture. C’est donc ce tout qui semble déclencher l’incendie, et provoquer la contagion par le moyen des particules qui le composent, bien qu’elles corrompent bientôt entièrement ce tout lui-même. La contagion semble donc principalement être un désordre des choses mélangées. Cette mixture corrompt et tue de deux manières : la première en introduisant un élément contraire, qui les empêche de conserver leur forme ; la seconde, en désunissant les parties du mélange, comme on observe dans la putréfaction. Peut-être y a-t-il doute sur celle de ces deux manières qu’emploie une infection transmise par des particules minuscules pour provoquer la contagion ; et là-dessus aussi, quelle que soit la nature de l’infection, on peut se demander s’il s’agit de la corruption de ces particules ou de la seule altération qu’elles provoquent, et comment précisément elles la permettent. On peut même douter que toute contagion soit une forme de putréfaction. Tout cela deviendra plus clair quand nous aurons soigneusement étudié les différences fondamentales qui existent entre les contagions, et avant tout quelles sont leurs causes. Dès lors, s’il m’est donné quelque liberté de proposer une explication de la contagion, je la dirai tout à fait semblable à une corruption de ce qui est mélangé au regard de la substance, par le passage d’une infection d’un être à l’autre, primitivement due à des particules imperceptibles].


  1. Dans l’édition princeps (Venise, 1546), comme dans toutes celles qui l’ont suivie, le traité de la contagion est immédiatement précédé, sous la même reliure, par le De Sympathia et Antipathia rerum liber unus [Livre unique sur la sympathie et l’antipathie des choses] : v. note [4], lettre 188, pour le sens médical du mot sympathie, dont antipathie est le contraire.

  2. Opposition scolastique entre la substance et l’accident, soit l’être et son environnement, termes plus simplement intelligibles aujourd’hui ; ou même, en allant plus loin, la question de la génération spontanée des êtres vivants, sans apport de « germe » extérieur, qui n’a été battue en brèche qu’au milieu du xixe s.

  3. Comme le poison cité plus haut en exemple.

  4. Infection dérive du participe latin infectus, du verbe inficere, dont la première acception est « imprégner », d’où a dérivé celle d’« empoisonner ». Au xviie s. (Furetière), infection signifiait « puanteur », « corruption », mais aussi « peste » (en lien avec le caractère transmissible de la maladie).

    En français, Patin n’a employé le mot « infecté » que dans le sens défini dans notre glossaire, c’est-à-dire de « puant » ou de « corrompu » ; « infection » n’apparaît qu’une fois, mais au sens de « malpropreté », dans le chapitre i de son Traité de la Conservation de santé.

  5. Léon Meunier a publié une édition bilingue (française et latine) des Trois livres de Jéôme Fracastor sur la contagion, les maladies contagieuses et leur traitement (Paris, Société d’éditions scientifiques, 1893, in‑12). Sa tradution de ce chapitre (pages 3‑7) est moins fidèle au texte original que la mienne, sans être beaucoup plus claire, bien qu’il se permette d’y employer le mot virus.

    Quoi qu’il en soit, cette lecture reste bouleversante : l’expression en est ardue, mais elle anticipe avec grande précision l’ère microbienne que Louis Pasteur a ouverte quatre siècles plus tard.


7.

« mais ce ne fut qu’un homme, et nous ne devons pas croire que rien de ce qui concerne l’homme ne lui fut étranger, notamment dans ses défauts de conformation, qu’il a voulu privilégier. Il considérait comme des plus importants les remèdes qui agissent par qualités occultes, qui pourtant sont vains et sans effet. Dans ces passages, il s’expose très manifestement à la critique de Galien ; en même temps qu’il ne présente rien d’autre que paroles inconnues ou qualités secrètes à quiconque lui demande une explication. Plût aux dieux qu’un tel homme se fût trompé moins légèrement en cela, et de là n’eût fourni prétexte à tant de souffleurs enragés contre le peuple, issus du troupeau du frénétique Paracelse qui, au nom d’un si grand poison, protègent et défendent honteusement leur ignorance crasse. »

Paracelse est le pseudonyme de Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim (Einsiedeln, près de Zurich, 1493 ou 1494-Salzbourg 1541). Ce nom de Paracelse a été interprété comme une adaptation latine de Hohenheim (haut se dit höhe en allemand et celsus en latin, mais cela explique mal para), ou comme une provocation purement latine, pour dire égal de Celse, le fameux encyclopédiste médical latin (v. note [13], lettre 99). Son père, qui était médecin, initia de bonne heure Philippus aux mystères de l’alchimie, de l’astrologie et de la médecine. Quelques ecclésiastiques prirent aussi part à son éducation. Il fréquenta les universités d’Allemagne, d’Italie et de France, mais il n’aimait, disait-il lui-même, ni les livres, ni les langues. Immense voyageur, il sillonna toute l’Europe pour glaner les savoirs les plus éclectiques dans les sciences autant que dans les superstitions. En 1526, il obtint une chaire à l’Université de Bâle. Sa manière nouvelle d’exposer la théorie et la pratique de l’art, non pas en latin mais en langue vulgaire, attira une foule d’élèves à ses leçons. L’auto-da-fé qu’il fit des livres d’Avicenne et de Galien, et la haine que ses idées iconoclastes avaient inspirée à tous les médecins contribuèrent plus encore que son ivrognerie et sa vie ordurière à le rabaisser dans l’esprit public. Un procès scandaleux qu’il perdit contre un de ses malades l’obligea à quitter Bâle en toute diligence. Il se rendit d’abord à Colmar, où il recommença à mener la vie d’un théosophe ambulant. Après avoir parcouru une partie de l’Allemagne, la Moravie, la Hongrie et la Carinthie, il s’arrêta enfin à Salzbourg, où il mourut (v. note [9], lettre 996, pour son épitaphe commentée par Charles Patin).

Derrière un fatras à peu près inextricable de mysticisme, de magie et d’astrologie, la doctrine de Paracelse ne recèle rien moins que la Renaissance de la médecine. La maladie est principalement une réponse stéréotypée du corps à des influences externes. Elle n’est plus seulement un déséquilibre interne des quatre humeurs qui composent l’individu (v. note [4], lettre de Jean de Nully, datée du 21 janvier 1656). En conséquence, les remèdes à employer doivent être propres à la maladie, et non plus à la personne malade. C’est aujourd’hui une évidence, mais c’était une totale hérésie par rapport à la conception de la médecine qu’Hippocrate et Galien avaient léguée au monde savant (v. note [4], lettre 98). Les Anciens, bien sûr, n’avaient pas eu entièrement tort, mais il manquait à leur système la pièce majeure que Paracelse mettait en pleine lumière. Très inspiré par les influences cosmiques dans la genèse et l’évolution des maladies, Paracelse inventa la médecine chimique : jusque-là cantonnée aux substances végétales et animales, la pharmacopée s’enrichit de remèdes minéraux ; en particulier, il mit en vogue l’antimoine (v. note [8], lettre 54) et introduisit l’emploi du mercure dans le traitement de la syphilis (v. note [9], lettre 122).

Les ouvrages de Paracelse n’ont été publiés qu’après sa mort, traduits en latin à partir de 1560. L’édition latine la plus complète de ses abondants écrits a pour titre : Opera omnia medico-chymico-chirurgica [Œuvre complète médicale, chimique et chirurgicale] (Genève, 1658, 3 volumes in‑fo).

Révolutionnaire en bien des domaines, aussi bien qu’occultiste des plus échevelés, Paracelse ne pouvait qu’inspirer du mépris, et même de la haine, au gardien du temple médical que fut Guy Patin, tenant acharné et aveugle des dogmes les plus opposés. Tant qu’il a pu, Patin a maudit Paracelse, qui représentait véritablement pour lui le diable. Sans s’interroger sur la différence qui l’opposait radicalement aux novateurs, dont les moyens étaient encore dérisoires, il était facile à Patin de brocarder leurs méthodes, comme on lit dans le chapitre ii de son Traité de la Conservation de santé, où il n’hésite pas à accabler les paracelsistes de la plus horrible barbarie.

Conçue dans son principe dès le xviie s., entre autres par Samuel Sorbière et Claude Tardy, la transfusion sanguine (v. note [5], lettre latine 452) n’a pu commencer à sauver des vies qu’au xxe s., avec la découverte des groupes sanguins par Karl Landsteiner.

8.

Les deux dernières thèses quodlibétaires assez récemment disputées à Paris sur ce sujet étaient :

Étant donné son estime pour le candidat et pour le président, celle que Guy Patin ne donnait qu’à ses amis devait être la première ; mais il avait été l’un des neuf examinateurs de la seconde.

9.

Valentin Hieraulme, natif de Paris, avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris le dernier jour de 1620.

Antoine Robin (mort le 7 mars 1631), natif de Dijon, était de la même licence que Hieraulme ; mais, moins bien classé (6e contre 2e sur 7), il avait dû attendre le 17 février 1621 pour devenir docteur régent. Au dire de Hieronymus Bauhin (v. notule {g}, note [1], lettre 594), Antoine était frère cadet de Vespasien Robin, botaniste du roi et de la Faculté de médecine de Paris (v. note [5], lettre latine 347).

Jean Bonier (mort le 15 mai 1631), natif de Moulins, avait obtenu le premier lieu de la licence de 1630 (v. note [8], lettre 3), et été reçu régent en novembre de la même année (Baron).

10.

Claude Charles (1576-21 juin 1631) avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en décembre 1606. Médecin de Richelieu, il avait été doyen de novembre 1610 à novembre 1612. Durant ces deux années, comme André Du Chemin (v. supra note [1]), il avait eu à soutenir la Faculté contre Jean Héroard, premier médecin du dauphin (futur Louis xiii) et docteur de Montpellier, qui souhaitait réunir l’exercice de la médecine et de la pharmacie, et même recevoir chirurgiens et apothicaires au sein de la Faculté de médecine ( v. note [31], lettre 117). Pour chasser les empiriques de Paris, Charles avait obtenu une ordonnance royale qui obligeait les médecins à signer et dater leurs prescriptions.

Il avait épousé Geneviève Piètre, fille de Simon ii Piètre, le Grand Piètre (v. note [5], lettre 15), qui se démit de sa chaire royale de médecine (ou de chirurgie, selon les sources) en faveur de son gendre (1607) ; Charles la résigna à son tour en 1624, en faveur de Henri ii Blacvod (v. note [29], lettre 390). Hormis ses thèses, Claude Charles n’a laissé qu’un ouvrage manuscrit (ms BnF no Fr 6352) intitulé De Lue venera [La Maladie vénérienne] (Triaire).

11.

Jean Complainville (mort le 1er août 1631), natif de Paris, avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1630.

François Quiquebœuf, de Paris, dit l’aîné par rapport à son frère Claude (v. note [14] des Actes de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris), avait été reçu en 1620 (Baron), et était mort, censeur de la Faculté, le 13 septembre 1631 (Comment. F.M.P., tome xii, fo 258 ro).

12.

Les noms de ces six gradués de la Faculté de médecine de Paris, morts en combattant l’épidémie, prouvent leur dévouement aux malades.

Jean-Cécile Frey (Kaiserstuhl, canton suisse d’Argovie vers 1580-Paris, hôpital Saint-Louis, 2 août 1631) avait été reçu docteur non régent de la Faculté de médecine de Paris en 1624 dans des circonstances inhabituelles (v. note [30] des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine de Paris en 1651-1652). Connu aussi sous le nom latinisé de Janus Cæcilius et le pseudonyme de Samon Failyona, il avait étudié la philosophie à l’Université de Paris et enseigné au Collège de Montaigu dès 1618, puis au Collège de Boncourt. Son enseignement mêlait l’aristotélisme traditionnel à des curiosités nouvelles (cosmographie, celtisme, ésotérisme). Michel de Marolles l’avait introduit dans le cercle des « libertins érudits », il s’était lié avec Gabriel Naudé, Guy Patin, Jacques Gaffarel. Jusqu’à sa mort, Frey avait multiplié les écrits de philosophie naturelle (Dictionnaire historique de la Suisse). Trois recueils posthumes mal agencés composent ses œuvres complètes :

13.

V. note [21], lettre 6.

14.

Probablement Sébastien Belin, v. note [4], lettre 10.

15.

Les Œuvres d’Ambroise Paré, conseiller et premier chirurgien du roi. Huitième édition. Revues et corrigées en plusieurs endroits, et augmentées d’un fort ample Traité des fièvres, tant en général qu’en particulier, et de la curation d’icelles, nouvellement trouvé dans les manuscrits de l’auteur. Avec les portraits et figures tant de l’anatomie que des instruments de chirurgie, et de plusieurs monstres. {a}


  1. Paris, Nicolas Buon, 1628, in‑fo de 1 320 pages, 8e édition ; 1re édition en 1561).

    Les œuvres proprement dites sont réparties en 26 livres (pages 1‑1144) ; il s’y en ajoute quatre à la fin :

    • Des Distillations (pages 1145‑1176) ;

    • Des Rapports et du moyen d’embaumer les corps morts (pages 1177‑1189) ;

    • Une Apologie, avec les voyages faits par l’auteur (pages 1190‑1228) ;

    • Le Traité des fièvres… (pages 1229‑1320, v. infra note [16], pour l’attribution douteuse de ce traité à Guy Patin).

Fils d’un agriculteur fabricant de coffres, Ambroise Paré (Le Bourg-Hersent, près de Laval, vers 1517-Paris 1590) a été l’illustre restaurateur de la chirurgie française. Rendu par hasard témoin de l’opération de la taille (v. note [11], lettre 33), le jeune Paré se sentit une vocation décidée pour la chirurgie et se rendit à Paris. Aide à l’Hôtel-Dieu pendant trois ans, il fut reçu maître barbier vers 1536. Choisi par René de Montijean, colonel général des gens de pied, pour être son chirurgien, Paré fit plusieurs campagnes en Italie. En 1552, Henri ii le choisit pour son chirurgien ; il exerça ensuite les mêmes fonctions près de François ii, de Charles ix et de Henri iii. En 1554, la Compagnie de Saint-Côme l’honora gratuitement du bonnet de maître chirurgien. En 1575, la Faculté de médecine de Paris commença à chicaner Paré sur ses ouvrages, prétendant qu’il y traitait d’autres sujets que ceux de la chirurgie, et qu’il empiétait sur les droits des médecins. Henri iii le protégea et arrêta les poursuites, ce qui n’empêcha pas qu’on répandît contre lui des libelles violents approuvés par Étienne Gourmelen, doyen de la Faculté (v. note [4], lettre latine 341). Il fut fort occupé à se défendre pendant les dernières années de sa vie (L.‑J. Bégin in Panckoucke et G.D.U. xixe s.).

On trouve encore la trace de cette vieille animosité sous la plume de Patin (v. infra note [16] et note [19], lettre 181), qui accusait Paré de ne pas avoir été l’auteur de tous ses livres. Il est vrai que dans les Œuvres de Paré, la liste des 173 Auteurs recherchés, et cités en ce présent œuvre, dont presque tous (hormis les « auteurs » bibliques) n’avaient alors été publiés qu’en latin, peut laisser perplexe quand on sait que Paré ne maîtrisait pas cette langue. À moins que Paré n’ait appris le latin sur le tard, les seuls livres d’Hippocrate et Galien qu’il a pu lire de son vivant et sans aide sont fort peu nombreux (v. note [6], lettre 6).

Ces réserves étant dites, Patin est convenu qu’« Ambroise Paré mérite d’être lu » (lettre du 30 juillet 1655 à Hugues ii de Salins, 2e phrase du 4e paragraphe). Il nous a laissé l’une des plus belles maximes en l’art de soigner :

« Je le pansai, Dieu le guérit. »

16.

« je le connais jusqu’au bout des ongles » : ad populum phaleras ! ego te intus et in cute novi [Clinquant bon pour le peuple (À d’autres, mais pas à moi) ! je te connais jusqu’au bout des ongles] (Perse [v. note [16], lettre 81], Satire iii, vers 30).

Intus et in cute [Dedans et sous la peau] est un adage d’Érasme (no 889) : « c’est connaître sous tous les rapports, c’est comme dire connaître du dehors comme du dedans. »

Achille Chéreau, Bibliographia Patiniana (page 9) :

« Le Traité des fièvres […] est-il bien d’Ambroise Paré, et le manuscrit en a-t-il été réellement trouvé dans les papiers de l’illustre chirurgien ? Si non, serait-il de la façon de l’anonyme si bien notus intus et in cute de Guy Patin ? Enfin, cet anonyme serait-il Patin lui-même ? Dans ce cas, la supercherie serait bien habile, car le texte du Traité des fièvres rappelle un peu le langage naïf et plein de charme de Paré. Nous disons un peu, ne pouvant y trouver une similitude complète. D’ailleurs dans la préface de ce même Traité, {a} il y est parlé en telles louanges de la Faculté de médecine de Paris, laquelle “ nourrist et esleve les plus beaux esprits qui soient en la Medecine, qui distribuë la pure et la vraye doctrine d’Hippocrate et de Galien ”, {b} qu’il n’est guère possible de reconnaître la plume de celui que la Compagnie de la rue de la Bûcherie {c} avait constamment poursuivi de sa haine et de ses sarcasmes. Jamais Ambroise Paré n’eût trouvé dans son cœur, à l’égard de ses ennemis, ces paroles qui terminent ladite préface : {d} “ Je proteste icy que ce n’a pas été par ambition de paroistre docte ny sçavant, sçachant tres bien que tout ce qu’il y a de bon dans tout ce Traicté des Fiebvres a esté compilé par moy des bons Medecins, ausquels après Dieu, je suis tenu de ce peu de cognoissance que j’ay en la Medecine et en la Chirurgie. ” Nous croyons fermement que ce “ compilateur ” n’est < autre > que Guy Patin lui-même. »


  1. Préface au lecteur du Traité, page 1229‑1230.

  2. Citation qui se continue par : « et pour mon particulier, qui m’a enseigné et donné ce peu de sçavoir que je desire communiquer aux autres ».

  3. La Faculté de médecine de Paris (v. note [14] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires).

  4. Sic pour « ledit traité » (page 1320).

  5. Il reste tout de même difficile d’admettre qu’un docteur régent reçu en décembre 1627 ait eu les relations et les connaissances requises pour écrire lui-même et faire publier un Traité des fièvres, épais de 101 pages, paru en 1628. Il ne figure pas dans l’édition latine (Opera Ambrosii Parei, traduites par Jacques Guillemeau, Paris, 1528, v. note [15], lettre 219).

    À la fin de l’exemplaire des Œuvres d’Ambroise Paré (1628) que conserve la BIU Santé est attaché, juste après la Table, un cahier manuscrit (qui n’est pas de la plume de Guy Patin) intitulé Livre des Fièvres recueilli de Galien, Fernel et autres auteurs par Ambroise Paré, conseiller et premier chirurgien du roi (11 feuillets recto et verso). Un chercheur intéressé par l’énigme du traité de Paré pourra sans doute l’examiner avec profit.


Dans sa lettre du 11 juin 1649 (note [19]), Patin me semble avoir levé tous les doutes quant à sa propre implication dans la rédaction des Œuvres d’Ambroise Paré en confiant à Charles Spon que leur collaborateur caché, qu’il connaissait intus et in cute, avait été Jean Haultin, « un de nos anciens » (mort en 1615).

17.

Nicolas-Abraham de La Framboisière (Frambesarius, Guise, Aisne, 1560-Reims 1636), docteur régent de la Faculté de médecine de Reims en 1587, s’était établi à Paris. Attaché pendant les guerres de Religion aux princes de la Maison de Lorraine, dont il tenait le fief de La Framboisière, il était passé, à la paix, au service du roi Henri iv (1600) et fut nommé premier médecin des Bandes de France (médecin en chef de l’armée). Entretemps, il avait obtenu à la Faculté de Reims les honneurs du décanat. Il avait été nommé médecin de Louis xiii, mais disgracié, sans doute par Richelieu, il s’était retiré à Reims où il s’occupait à la publication de ses œuvres (Triaire).

Guy Patin se disait être fort son ami, et possédait certains de ses manuscrits. Il signalait ici la parution des :

Œuvres de N. Abraham de La Framboisière, divisées en vii tomes, où sont méthodiquement décrites l’histoire du monde, la médecine, la chirurgie et la pharmacie, pour la conservation de la santé, et la guérison des maladies internes et externes ; avec les arts libéraux, par le moyen desquels on acquiert les grâces d’entendre et de bien dire, et d’heureusement vivre. {a}


  1. Paris, Pierre Billaine, 1631, in‑fo ; précédente édition Paris, Marc Orry, 1613, 2 volumes in‑fo) ; v. note [5], lettre latine 169, pour d’autres éditions.

18.

« sur la variole ».

Simon de Vallambert était, disent Les Bibliothèques françaises du sieur de La Croix du Maine… (Paris, 1584, v. note [20] du Naudæana 3), pages 459‑460 :

« natif d’Avallon {a} près Vézelay au duché de Bourgogne, premièrement médecin de Mme la duchesse de Savoie et de Berry l’an 1558, et depuis de M. le duc d’Orléans.

Il a écrit un livre intitulé Le Trésor des pauvres touchant la nourriture et maladie des enfants, contenant cinq livres, lesquels ont été imprimés à Poitiers par les de Marnefs. {b}

Il a traduit de grec en français un dialogue de Platon intitulé Criton, ou l’obéissance qui est due à la justice, imprimé à Paris l’an 1542 chez Olivier Maillard. […]

Ledit Vallambert a mis en lumière : un livre intitulé Méditation de l’oraison des chrétiens prise du Vieil et Nouveau Testament, autrement intitulé le Trépas des fidèles, imprimé à Paris par Gueroult Sbire ; < un > Traité de la conduite du fait de chirurgie, imprimé à Paris chez Vascosan l’an 1558.

Il florissait sous les rois François ier et Henri ii. »


  1. En Bourgogne, dans l’actuel département de l’Yonne.

  2. Et Bouchetz, frères : Cinq livres, De la manière de nourrir et gouverner les enfants dès leur naissance, par M. Simon de Vallambert, médecin de Mme la duchesse de Savoie et de Berry, et depuis peu de temps, de Mgr le duc d’Orléans, 1565, in‑4o.

Il ne se trouve pas de traité de variolis dans les Cinq livres… de Vallambert, mais le chapitre x (De la Rougeole et vérole, pages 248‑276) du cinquième livre (La Manière de guérir les maladies des enfants) contient de longs développements sur la petite vérole.

19.

Paix fourrée : « paix qui n’est faite qu’en apparence, et qui ne durera pas longtemps » (Furetière). Ce procès, commencé en 1629, visait à interdire aux épiciers (apothicaires, v. note [4], lettre 14) de préparer toutes espèces de drogues. Après bien des disputes, il fut conclu par un arrêt définitif du 27 novembre 1632 : les épiciers étaient autorisés à conserver les objets qui formaient les deux premiers chefs de la contestation, c’est-à-dire les drogues simples et les drogues composées, foraines. Comme exemple de drogues simples, l’arrêt indiquait la rhubarbe, la casse, le séné, la manne, l’agaric, le turbith ; et de drogues composées, la thériaque, le mithridate, l’alkermès et l’hyacinthe. Les autres préparations restaient réservées aux apothicaires (Triaire).

La trace de cette mise au pas des pharmaciens (v. note [29], lettre 6) se trouve dans les Comment. F.M.P. (tome xii, fos 307 ro‑308 vo), dans le Règlement accordé entre les doyen et docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris et les syndics et apothicaires épiciers du roi suivant la Cour sous la charge de Monsieur le grand prévôt de l’hôtel :

« Qu’ils ne recevront ni exécuteront aucune ordonnance de qui que ce soit se disant médecin empirique, opérateur, ou chirurgien quel qu’il puisse être, s’il n’est docteur de ladite Faculté ou approuvé d’elle. Souffriront deux fois l’année la visite, ainsi que les maîtres apothicaires de Paris, de leurs boutiques et leurs médicaments, tant simples que composés, par quatre docteurs en médecine avec le doyen de ladite Faculté, si bon lui semble ; savoir par les deux professeurs de pharmacie députés d’icelle Faculté et les deux adjoints, à laquelle visite sera préalablement appelé le syndic des apothicaires pour y assister avec lesdits médecins. Et un procès-verbal d’icelle fait avec le syndic de leur communauté sera présenté par lesdits professeurs et syndic à Monsieur le grand prévôt ou son lieutenant. »

20.

Chaque année, au début du mois de novembre, le doyen en exercice de la Faculté de médecine de Paris (qui venait d’être élu ou reconduit pour un an) écrivait à la main dans les Comment. F.M.P. la liste complète des docteurs régents, rangés dans leur ordre décroissant d’ancienneté, réglé par leurs année et lieu de licence (v. note [8], lettre 3).

Ce catalogue – équivalent de ce que la langue familière appelle aujourd’hui plaisamment un « cocotier » – était imprimé tous les ans, après l’élection ou la reconduction du doyen. Le zèle inlassable de Mme Solenne Coutagne, conservatrice à la BIU-Santé, et de M. Jean-François Vincent, qui y dirige le service d’histoire de la santé et qui coordonne notre édition, m’ont transmis les références de trois de ces très rares documents, avec leurs liens sur la Bibliothèque numérique Medica :

Statuta F.M.P., art. xliv :

Singulis annis in prima Quodlibetaria, ante Quodlibeta, singulorum Doctorum Regentium Nomina, et Agnomina a Bidello publice recitentur, et in Collegii Medici Commentariis scribantur.

[Que chaque année, lors de la première quodlibétaire, {a} avant qu’elle n’ait été disputée, l’appariteur récite publiquement les noms et prénoms de chacun des docteurs régents, et qu’ils soient inscrits dans les Commentaires du Collège de médecine]. {b}


  1. Suivant l’agenda parfaitement réglé de la Faculté, la première thèse quodlibétaire (v. note [1], lettre 1) était disputée (quodlibeta) au mois novembre de chaque année universitaire paire, après l’élection du doyen (le samedi suivant la Toussaint, v. note [16], lettre 247). En principe, aucune thèse quodlibétaire ne l’était entre le mois de novembre d’une année impaire et celui d’une année paire, période qui était principalement consacrée aux examens du baccalauréat (avant-dernière semaine du carême) et de la licence (en juin), aux thèses cardinales (au printemps) et aux actes du doctorat (surtout de novembre à février, mais plus tardivement parfois).

  2. La consultation des Comment. F.M.P. montre que cette liste était aussi généralement dressée au mois de novembre de chaque année impaire (renouvellement du doyen, sans soutenance de quodlibétaire dans les jours suivants).

La sentence du procès des pharmaciens a été imprimée sous le titre d’Arrêt de la Cour de Parlement, rendu sur les conclusions du procureur général du roi, en règlement entre le corps des marchands épiciers (v. note [15], lettre 544) et celui des maîtres et marchands apothicaires-épiciers, tant pour la vente des marchandises communes entre eux, que celles permises aux seuls apothicaires ; et du rang que doivent conserver les gardes, tant épiciers qu’apothicaires, en diverses occasions (sans lieu ni nom, 1632, in‑4o de 15 pages).

21.

Prospero Marziano (Martianus, Sassuolo, duché de Modène 1567-Rome 1622) fut reçu docteur en médecine à Bologne en 1593, puis vint s’établir à Rome où il acquit une grande réputation. On lui doit des commentaires sur Hippocrate, dont Guy Patin a cité deux éditions :

Magnus Hippocrates Cous notationibus explicatus, sive operum Hippocratis interpretatio.

[Le grand Hippocrate de Cos expliqué par des notes, ou interprétation des œuvres d’Hippocrate]. {a}


  1. Rome, Jac. Mascardi, 1626, in‑fo ; ibid. 1628, in‑fo ; Venise, Guerili, 1652, in‑fo.

22.

« Je n’entends non plus cela que le haut allemand, c’est-à-dire, que c’est une chose qui n’est point intelligible » (Furetière).

23.

Anuce Foës (Foesius, Metz 1528-ibid. 1595) étudia les langues anciennes (et tout particulièrement le grec) et la médecine. Ses maîtres de la Faculté de médecine de Paris (où il ne dépassa pas le grade de bachelier) furent Houllier, Goupil, Fernel, qui virent en lui celui qui pourrait venir à bout d’une édition moderne et complète des œuvres d’Hippocrate. Foës s’attela à la tâche, mais dut l’abandonner vers 1556 pour retourner à Metz afin d’y gagner sa vie en exerçant la médecine. Ses compatriotes lui accordèrent la place de médecin public de la ville. Il leur témoigna sa reconnaissance en refusant les invitations de plusieurs princes étrangers qui lui firent des offres brillantes pour l’attirer à leur cour. Tout son temps, jusqu’à sa mort, fut dès lors partagé entre l’exercice de la médecine et la méditation des œuvres d’Hippocrate. Ses laborieux et constants efforts prirent une grande part dans la chute de l’arabisme et le retour au purisme hippocratique, c’est-à-dire le rétablissement de la méthode d’observation et de déduction en médecine, à laquelle les médecins semblaient avoir tout à fait renoncé depuis plusieurs siècles (A.–J.-L. Jourdan in Panckoucke).

Parmi sa volumineuse production hippocratique, l’ouvrage que Guy Patin appelait ici « les petits commentaires de Foës » {a} est son :

Œconomia Hippocratis, alphabeti serie distincta, in qua dictionum apud Hippocratem omnium, præsertim obscuriorum, usus explicatur, et velut ex amplissimo penu depromitur : ita ut Lexicon Hippocrateum merito dici possit. Anutio Fœsio Mediomatrico Medico, Authore

[Économie d’Hippocrate, rangée dans l’ordre alphabétique, où est expliqué l’emploi chez Hippocrate de toutes les expressions, surtout les plus obscures, et à la manière dont on puise dans un gigantesque garde-manger ; au point qu’on puisse à juste titre le nommer Lexique hippocratique. Par Anuce Foës, natif de Metz]. {c}


  1. Sans doute pour dire qu’ils étaient brefs (mais loin d’être négligeables).

  2. Francfort, héritiers d’Andreas Wechelus, Claudius Marnius et Io. Aubrius, 1588, in‑fo de 704 pages ; réédité à Genève en 1662, v. note [3], lettre latine 209.

Cet somme d’immense érudition et de grande utilité réunit tous les termes obscurs ou équivoques qu’on rencontre dans le vocabulaire d’Hippocrate, pour en éclaircir le sens, non seulement d’après les meilleurs manuscrits, mais encore avec le secours des ouvrages qui nous restent de tous les autres écrivains de l’ancienne Grèce.

Son édition des œuvres complètes d’Hippocrate, en grec et latin (parues en 1595, v. note [6], lettre 68) a longtemps servi de référence.

24.

« je juge avec le souhait de louer ».

25.

Chiron : substantif ironique (et affectueux) que Guy Patin tirait du nom du centaure Chiron, qui excella dans l’art de la chasse, l’astronomie et la médecine (v. note [5], lettre 551).

26.

Les deux Cousinot se prénommaient Jacques.

Les Cousinot appartenaient au même « parti » de la Faculté que Guy Patin, qui a mentionné deux fils de Jacques ii (Jacques iii et François), et acheté sa bibliothèque en 1652.

27.

V. note [5], lettre 15, pour Nicolas Piètre.

Simon Bazin, reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1598, en devint doyen de 1638 à 1640. En cette qualité, il choisit la nourrice qui éleva Louis xiv.

Deux des nombreuses thèses qu’il a présidées ont été imprimées : Ergo magis ab aëre quam alimentis corpus mutatur [Le corps est donc plutôt transformé par l’air que par les aliments] (Paris, 1598, in‑4o ; quodlibétaire du 26 novembre, Pierre Collier candiat), et Ergo ex carie pudendi callosa cicatrix syphilidis certissimum signum [Une cicatrice calleuse à la suite d’un chancre honteux est donc un signe très certain de syphilis] (Paris, 1628, in‑4o ; cardinale du 9 mars, Pierre Guénault candidat) (J. in Panckoucke et Triaire).

28.

André Du Chemin (v. note 7, lettre [1]) était depuis 1629 premier médecin de la reine mère, Marie de Médicis (Florence 1573-Cologne 3 juillet l642).

Veuve du roi Henri iv (assassiné en 1610) et mère de Louis xiii, elle était alors en exil à Bruxelles, dans les Pays-Bas espagnols. V. note [9] du Borboniana 9 manuscrit pour les liens familiaux de Marie avec les Médicis, grands-ducs de Toscane. Henri iv l’avait épousée en 1600, après la rupture de son mariage stérile avec Marguerite de Valois, la reine Margot (v. note [4], lettre latine 456). Le couple avait eu cinq enfants : Louis xiii (né en 1601), Élisabeth (1602, devenue reine d’Espagne en épousant Philippe iv, en 1615), Christine (1602, devenue Madame Royale en épousant, en 1619, le duc de Savoie, Victor-Amédée ier), Gaston d’Orléans (1608) et Henriette (1609, devenue reine d’Angleterre en 1625 par son mariage avec Charles ier).

De 1610 à la majorité de Louis xiii (1614), Marie avait assuré la régence, mais conservé ensuite le pouvoir jusqu’à l’assassinat de son favori Concini (le maréchal d’Ancre, v. note [8], lettre 89) en 1617. Le gouvernement du royaume était alors passé entre les mains de Louis xiii et de son propre favori, le duc de Luynes, qui obligèrent Marie à un premier exil à Blois, de 1617 à 1619 (évasion du château, le 22 février). Richelieu, qui l’avait suivie à Blois, avait permis son retour en grâce ; de nouveau à la cour en 1620, Marie lui avait fait obtenir le chapeau de cardinal (1622), puis l’avait fait accéder au Conseil (1624).

Devenu principal ministre de Louis xiii (21 novembre 1629), Richelieu n’avait pu venir à bout des menées politiques adverses de son ancienne protectrice qu’en lui ôtant tout pouvoir (Journée des Dupes, 11 novembre 1630, v. note [10], lettre 391), puis en la forçant à un exil définitif (fuite de Compiègne, le 18 juillet 1631), d’abord à Bruxelles. Toujours animée par l’espoir d’une réconciliation qui ne vint jamais, et progressivement à bout de ressources, la reine mère déchue allait errer hors de France, de place en place, jusqu’à sa mort : Spa, Bois-le-Duc (Bolduc, v. note [14], lettre 76), puis Londres en 1638, auprès de sa fille Henriette ; et enfin Cologne en 1641 où la maladie l’obligea à interrompre son voyage de retour vers Florence.

29.

Le purisme géopolitique établissait une distinction entre le pluriel et le singulier.

Dans ses lettres manuscrites, Guy Patin n’a pas toujours strictement respecté la distinction entre Flandre et Flandres ; on l’a rétablie chaque fois que le contexte le permettait.

30.

« qui, encore jeune homme, avait triomphé sur la docte vieillesse de beaucoup de gens et avait devancé en esprit le cours des années. »

V. notes : [28], lettre 6, pour René Moreau ; [13], lettre 35, pour René Chartier ; [3], lettre 225, pour Jean iii Des Gorris ; [2], lettre 72, pour Michel i de La Vigne ; et [35], lettre 6, pour Barthélemy Barralis.

31.

Les Quesnel étaient une famille de peintres distingués. On y compte au moins sept peintres ou dessinateurs. Le plus célèbre, François Quesnel, était né vers 1544 et mourut à Paris en 1619. Ses deux frères, Nicolas et Jacques, furent peintres et les deux fils de Jacques, François et Augustin, suivirent la même carrière. Augustin (1595-1661) est probablement celui dont Guy Patin parlait ici (Triaire).

32.

Claude ii Belin avait dû visiter Guy Patin en 1631, alors que son nouveau logis de la rue des Lavandières n’était pas encore bien aménagé et tandis que la maîtresse de maison était aux champs (v. note [5], lettre 11).

33.

« Adieu, vivez bien, et souvenez-vous de nous, “ aussi longtemps que le maître de Rome habitera auprès de l’immuable rocher du Capitole et qu’il détiendra le pouvoir ” » ; Virgile (Énéide, chant viiii, vers 447-449) :

Nulla dies umquam memori vos eximet ævo,
Dum domus Æneæ Capitoli immobile saxum
Accolet imperiumque pater Romanus habebit
.

[Nul jour ne vous enlèvera au souvenir des âges, tant que la maison d’Énée sera voisine de l’immuable rocher du Capitole {a} et que le maître de Rome {b} conservera le pouvoir].


  1. L’une des sept collines de Rome, le Capitole était le symbole de la pérennité de la Cité (Urbs) ; la Roche Tarpéienne (Saxum Tarpeium) était son point culminant (d’où on précipitait les condamnés à mort, v. note [8], lettre 626).

    V. note [14], lettre d’Adolf Vorst, datée du 4 septembre 1661, pour Énée, le mythique fondateur de Rome.

  2. Le maître de Rome [pater Romanus] était l’empereur Auguste (v. note [6], lettre 188) pour Virgile, mais le pape pour Guy Patin (Jupiter capitolin).

Virgile (Publius Vergilius Maro, Andes près de Mantoue 70-Brindisi 19 av. J.‑C.) est l’un des plus grands poètes latins de l’Antiquité. Patin savait par cœur et a cité la plus grande partie de ses œuvres : Énéide (Æneis, 12 chants), Géorgiques (Georgica, 4 livres), Bucoliques (Bucolica ou Eclogæ).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 4 novembre 1631

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0007

(Consulté le 25/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.