L. 24.  >
À Claude II Belin,
le 28 août 1635

Monsieur, [a][1]

Je vous eusse plus tôt écrit pour répondre à la vôtre si je n’eusse différé, afin de vous envoyer une copie de l’exploit que notre doyen [2] m’a promis de faire donner à votre Monsaint, [1][3] en vertu d’une requête que M. le procureur général [4][5][6] a signée contre ceux que nous voulons poursuivre, [2] en laquelle il est dénommé avec sept ou huit autres, selon le mémoire que j’en ai donné, auquel je l’ai fait mettre exprès à votre dessein. Dès qu’on lui aura signifié, j’en tirerai copie du sergent et vous l’enverrai sans faute. J’ai reçu aussi votre dernière de la main d’un honnête homme, pour lequel je me fusse volontiers employé envers M. Du Laurens [7] et M. Baltazar, [8] à cause de vous ; mais il n’a pas voulu, disant que son affaire était suffisamment recommandée à ces deux-là. [3] J’ai été bien marri que je n’aie pu lui servir envers quelque autre, mais je n’y ai point de crédit. [4] Pour nouvelles de ce temps, je vous dirai que, il y eut jeudi huit jours, Monsieur [9] signa entre les mains du roi son démariage et que, scripto vivaque manu[5] il a renoncé à ses amours de Lorraine. [10] Maintenant, on parle d’une fille de l’empereur, [6][11] et que par le moyen de ce mariage on ferait une paix générale, qui est bien plus à désirer qu’à espérer. On dit que M. de Bullion [12] veut se retirer et laisser sa charge de surintendant des finances à M. Cornuel. [7][13] On dit que le roi [14] s’en va vers la frontière de Lorraine, [15] et qu’il laisse ici M. le cardinal [16] et M. le garde des sceaux. [17] On achève le second tome des Conseils de M. de Baillou, [18] lequel me semble un peu plus gentil que le premier. [8] Je vous prie de faire mes très humbles recommandations à monsieur votre frère et de me tenir pour celui qui sera toute sa vie, Monsieur, votre très humble et affectionné serviteur,

Patin.

De Paris, ce 28e d’août 1635.

On dit que toute notre armée de Flandre [19] est dissipée et que les Hollandais sont entièrement occupés à reprendre le fort qu’ils ont perdu tandis qu’ils étaient devant Louvain. [9][20][21][22] Les jésuites [23] et autres moines [24] prêchent et fulminent en leurs chaires contre les Français. L’archevêque de Malines [25][26][27] y a été fort malade. [10] Le cardinal-infant [28] y a fait le sieur de Saint-Germain [29] son suffragant ; lequel, par conséquent, est assuré du dit archevêché, avec ce qu’il est premier secrétaire d’État du dit infant.


a.

Ms BnF no 9358, fo 30 ; Triaire no xxiv (pages 91‑93).

1.

Acte du doyen Charles Guillemeau refusant à Antoine de Monsaint l’autorisation de venir pratiquer la médecine à Paris (v. note [4], lettre 22).

2.

Le procureur général du Parlement de Paris, depuis janvier 1614, était Mathieu i Molé (v. note [52], lettre 101).

3.

Antoine Du Laurens (v. note [3], lettre 13) et son beau-frère, Jean Baltazar (v. note [5], lettre 822), fils et gendre de Richard Du Laurens, étaient alors tous deux conseillers au Parlement de Paris.

4.

Souvent dans ses lettres, Guy Patin a ainsi offert de recommander des plaignants à des juges de sa connaissance. On ne peut savoir si c’était une manière de vanter ses relations bien placées ou de rendre vraiment service. Il en ressort tout de même l’impression que les conseillers du Parlement n’étaient pas insensibles à ces interventions.

5.

« par écrit et de sa propre main ».

Le samedi 7 juillet, l’Assemblée du Clergé, réunie à Paris, avait estimé que « la coutume de France ne permet pas que les princes du sang […] se marient sans le consentement du roi […] que tels mariages ainsi faits sont illégitimes et nuls » (R. et S. Pillorget). Cet avis n’eut pas d’effet : toutes les tentatives que fit Louis xiii pour casser la mésalliance de son frère Gaston échouèrent ; sous l’influence de Mazarin, le roi reconnut et régularisa en quelque sorte ce mariage huit jours avant sa mort (14 mai 1643).

6.

L’empereur Ferdinand ii avait deux filles. Le 15 juillet 1635, Maria-Anna (1610-1665) avait épousé l’électeur de Bavière Maximilien ier. Cäcilia Renata (1611-1644), qu’on espérait alors marier à Gaston d’Orléans, allait devenir reine de Pologne en 1637, en épousant Ladislas iv.

7.

Claude Cornuel, sieur de La Marche et de Mesnilmontant, intendant et contrôleur général des finances, puis président de la Chambre des comptes (nommé le 5 mai 1635), avait été le commis de Claude de Bullion (v. note [6], lettre 17). Quand Bullion quitta la surintendance des finances qu’il partageait avec Claude Bouthillier, elle échut entièrement à ce dernier. Cornuel mourut en 1640, comme Bullion. L’abbé de Laffemas (v. note [12], lettre 447) fit son épitaphe en prenant pour thème les donations généreuses qu’il avait faites sur son lit de mort (Adam) :

« Ci-gît ce fameux gobeleur,
Ce grand dénicheur de harpies, {a}
Qui, plus subtil qu’un bateleur,
De ses vols fit des œuvres pies,
Raffinant sur le paradis
Comme il faisait sur les édits. »


  1. V. notule {b‑ii}, triade 82 du Borboniana manuscrit (note [41]).

8.

Gulielmi Ballonii Medici Parisiensis celeberrimi, Consiliorum medicinalium liber secundus. A Iacobo Thevart Facultatis Medicæ Paris. Doctore, digestus ac in lucem primum editus. Tomus secundus. In quo plæraque continentur quæ ad morborum cognitionem, eorum curationem propositis exemplis ad rem accommodatis, et obscuriorum Hippocratis, et Galeni, et veterum scriptorum intelligentiam pertinebunt.

[Second livre des Conseils médicaux de Guillaume de Baillou, très célèbre médecin de Paris. Édité et publié pour la première fois par Jacques Thévart, docteur de la Faculté de médecine de Paris. Tome second. {a} Qui contient bien des choses ayant trait à la connaissance et au traitement des maladies, en s’aidant d’exemples appropriés, et à la compréhension des passages les plus obscurs d’Hippocrate, de Galien et des anciens auteurs]. {b}


  1. V. note [19], lettre 17, pour une précédente édition des deux premiers livres (Paris, 1635).

  2. Paris, Jacques Quesnel, in‑4o. Cette édition contient 51 conseils, mais porte le curieux millésime de m. dc. xxxxix. (1649), avec un achevé d’imprimé daté du 1er septembre 1635. L’approbation de la Faculté, signée François Boujonnier, doyen, René Moreau et Guy Patin, est datée du 25 juin 1634 ; et l’épître dédicatoire de Thévart à Claude d’Argouges, abbé commendataire de l’abbaye du Mont Saint-Quentin, l’est du 13 août 1635.

9.

Louvain (Belgique, Leuven en néerlandais) était une ville fortifiée du Brabant espagnol, siège d’une grande université.

Les troupes franco-hollandaises avaient levé le siège de Louvain le 4 juillet. Affaiblies par le typhus et par les dissensions entre les généraux français et le prince d’Orange, elles se retirèrent chacune de leur côté : les Français vers l’est, en étant harcelés par la population des campagnes flamandes ; les Hollandais vers le nord pour faire face en hâte à l’offensive du cardinal-infant et des Impériaux contre leur pays. Les Hollandais s’étaient en vain efforcés de reprendre aux Espagnols le fort de Schenk (v. note [8], lettre 29) (Bogdan, page 181, et Triaire).

10.

Jacques (Jacobus) Boonen (1573-1655), avait été évêque de Gand de 1617. Nommé archevêque de Malines en 1621, il le demeura jusqu’à sa mort. Malines, ville flamande du Brabant, sur la Dyle, à mi-chemin entre Anvers et Louvain, avait été érigée en archevêché en 1559. Son titulaire était primat des Pays-Bas espagnols.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 28 août 1635

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(Consulté le 28/03/2024)

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