L. 35.  >
À Claude II Belin,
le 16 septembre 1637

Monsieur, [a][1]

Comme j’étais lundi matin, 14e de septembre, fort en peine de vous et de votre santé, et que j’avais délibéré de vous écrire exprès pour en savoir des nouvelles, votre lettre datée du 3e de septembre fut apportée céans ; par laquelle ayant reconnu que M. Lombard pourrait être arrivé, je fus sur l’heure de midi le chercher ; [1][2] et lui ayant montré votre lettre qu’à peine voulut-il voir, il me délivra votre paquet avec tout honneur, m’alléguant que si l’adresse du dit paquet n’eût été perdue (comme de fait elle était), qu’il m’eût envoyé le paquet plus tôt et que je n’eusse eu la peine de l’aller quérir. Je le remerciai bien humblement de sa courtoisie et lui ayant offert pour le port du dit paquet, qu’il refusa, m’en revins bien content d’avoir le paquet, et bien obligé à vous de votre bon souvenir et de la grande affection qu’avez pour moi, combien que je n’aie jamais rien mérité de semblable envers vous. Le lendemain matin M. Denise, [3] notre ancien ami, m’apporta de sa grâce votre troisième < lettre >. [2] En voilà donc trois pour lesquelles je vous dois réponse, quod faciam libentissime, et quam potero brevissime[3] Premièrement je ne manquerai point de vous envoyer copie des thèses [4] de feu monsieur votre père. [4][5] 2o Je ferai de vos paquets ce que me mandez et l’exécuterai soigneusement, en retenant de chacun d’iceux ce qui pourra servir à la deuxième édition, [5][6] et vous renvoyant le reste dans sa propre liasse. Je voudrais bien, en récompense de tant de peine que prenez pour moi, pouvoir vous rendre de deçà quelque bon service, et peut-être que quelque jour nous en aurons le moyen. En attendant quoi, je vous dirai que mercredi, 9e de ce mois, est ici morte Mme de Longueville, [6][7] âgée de 35 ans, d’une fièvre maligne [8] qui l’a prise en revenant de boire des eaux de Forges. [7][9] Le jeune Seguin [10] était son médecin, qui est extrêmement blâmé de l’avoir menée à Forges et de l’avoir traitée mal à propos, comme il a fait, et contre le conseil des autres médecins. C’est un coup de barre que la mort lui a donné sur la tête afin de l’humilier ; non plus, était-il trop arrogant. M. de Bussy-Lameth [11] a été tué devant La Capelle, [8][12] et M. de Rambure [13] y a été tellement blessé qu’on le tient pour mort. [9] On a néanmoins fait partir d’ici dès samedi deux célèbres chirurgiens, savoir Juif [14] et Fourmentin, [15] pour le traiter ; [10] je n’en ai rien appris depuis. On a achevé ici les Éloges latins de Papire Masson [16] en deux volumes in‑8o[11] avec de nouvelles lettres de Balzac, [17] dont le volume sera mi-partie : les françaises seront devant et les latines seront après. On vend ici l’Histoire de la République romaine en deux volumes in‑fo du sieur Dupleix. [12][18] Pendant un mois j’espère que nous aurons huit volumes du Galien grec-latin de M. Chartier ; [13][19][20][21][22] il est délibéré de les vendre tandis qu’il achèvera les six autres. [14] Je vous baise très humblement les mains, et à mademoiselle votre femme, en demeurant, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.


a.

Ms BnF no 9358, fo 41 ; Triaire no xxxv (pages 122‑124) ; Reveillé-Parise, no xxvii (tome i, pages 47‑48).

1.

Ce Lombard servait d’intermédiaire à Guy Patin dans sa correspondance avec Troyes. Il est probablement réapparu au début de la lettre du 7 avril 1638, avec la qualité de chirurgien.

Dans les échanges que Patin a eus avec André Falconet et Charles Spon en 1650-1657, il a mentionné plusieurs fois un « jeune » chirurgien Lombard, originaire de Troyes, désireux d’être agréé chirurgien à Lyon.

Les 12 années d’écart et l’origine troyenne de ces deux chirurgiens (de prénoms inconnus) m’ont mené à supposer que le premier était le père du second.

2.

Ce M. Denise pouvait être Pierre Denise, lieutenant en la prévôté de Troyes, mentionné dans la note [2], lettre 37. Maître des Eaux et Forêts au bailliage de Troyes, il fut maire de Troyes de 1652 à 1656, puis à nouveau de 1660 à 1664.

V. note [3], lettre de Claude ii Belin, le 31 décembre 1657, pour une autre identification possible de ce personnage.

3.

« ce que je ferai de très bon cœur, et le plus brièvement que je pourrai. »

4.

V. note [1], lettre 34.

5.

Des Orationes et præfationes de Jean Passerat (v. note [10], lettre 34).

6.

Louise de Bourbon-Soissons, duchesse de Longueville (1602-1637), fille de Charles de Bourbon, comte de Soissons, et d’Anne de Montafié, avait épousé le 30 avril 1617 Henri ii d’Orléans, duc de Longueville et d’Estouteville (v. note [22], lettre 39). Mlle de Longueville, Marie d’Orléans (v. note [1], lettre 111), future duchesse de Nemours, née en 1625, était leur seul enfant qui eût survécu au berceau. Âgé de 42 ans, le veuf se remaria le 2 juin 1642 avec Anne-Geneviève de Bourbon, sœur du Grand Condé.

7.

Les eaux de Forges (aujourd’hui Forges-les-Eaux, pays de Bray, Seine-Maritime) étaient alors très à la mode, surtout depuis la cure que Louis xiii y avait faite en 1632 et 1633 (avec la retentissante querelle médicale qui en avait découlé, v. note [15], lettre 17).

Dictionnaire de Trévoux :

« Forges est renommé par ses eaux minérales qui sont très salutaires pour la gravelle {a} et plusieurs autres maladies, et il y a toujours pendant l’été un grand concours de Français et d’étrangers. On dit les eaux de Forges, aller aux eaux de Forges, prendre les eaux de Forges. On transporte aussi ces eaux et on prend les eaux de Forges à Paris et ailleurs. »


  1. V. note [2], lettre 473.

8.

Charles de Bussy-Lameth était entré dans l’armée en 1622, entamant une brillante carrière au service du roi : mestre de camp en 1631, maréchal de camp en 1634, il allait être nommé maréchal quand il fut tué, le 10 septembre 1637, au siège de La Capelle (sur le plateau de la Thiérache, à mi-chemin entre Vervins et Avesnes-sur-Helpe, au nord du département de l’Aisne) dirigé par le cardinal de La Valette. Les Espagnols, qui occupaient la place depuis le 9 juillet 1636 (v. note [2], lettre 30), se rendirent le 20 septembre 1637. Ce succès confirmait le reflux des envahisseurs et l’éloignement de l’immense menace qu’ils avaient fait peser, en Picardie, sur Paris (Triaire).

9.

Jean de Rambure, chevalier des Ordres du roi, capitaine aux chevau-légers, était gouverneur de la citadelle de Doullens avec rang de maréchal de camp. Blessé à La Capelle, il mourut peu après. Son cœur fut inhumé en l’église Notre-Dame de Doullens.

10.

Liste funèbre des chirurgiens de Paris pages 95‑97) :

« M. Jean Juif, né à Châtillon-sur-Indre, chirurgien du roi, était dans une estime générale par son habileté dans toute l’étendue de la chirurgie ; mais plus particulièrement estimé du cardinal-duc de Richelieu, premier ministre. Il brilla sur tous les chirurgiens de son temps par son adresse et son intrépidité dans la pratique des opérations les plus dangereuses et les plus difficiles. Il rendit la chirurgie des incisions plus commune qu’elle ne l’était auparavant, et l’on peut dire qu’en rendant cet usage plus familier, il abrégea considérablement la cure de la plupart des maladies chirurgicales. Le fameux Voiture {a} le célèbre dans ses Landeriri par les deux couplets suivants, à l’occasion d’un ulcère fistuleux dont il le traitait :

“ J’ai reçu deux coups de ciseaux
Dans un lieu bien loin du museau,
Landerirette,
Je m’en porte mieux Dieu merci.

J’en mettrais encor plus de six,
Mais je ne puis plus être assis,
Landerirette,
Je m’en vais trouver M. Juif. ” {b}

Au surplus, cet excellent chirurgien malgré ses grandes occupations qui l’appelaient auprès des personnes de la plus haute qualité, ne laissait pas de trouver du temps pour aider les pauvres de son art et de ses aumônes ; de sorte qu’il ne se rendit pas moins recommandable par sa piété et par ses œuvres charitables que par ses autres talents qui le rendaient un chirurgien accompli. Il mourut le 30e de décembre de l’année 1658. Il communiqua à son fils aîné, qui avait embrassé l’état ecclésiastique, le louable penchant qu’il avait à faire de bonnes œuvres, et particulièrement à secourir les pauvres malades. Ce qui fit qu’il succéda dans l’hôpital de la Charité des hommes à un bon prêtre connu sous le nom du P. Bernard, où il imita cet homme en assistant les pauvres malades dans les fonctions de charité les plus viles et les plus rebutantes. Son second fils, qu’il avait revêtu d’une charge de conseiller auditeur en la Chambre des comptes de Paris, dissipa en peu de temps tout son patrimoine et ne fit pas d’honneur à sa mémoire. »


  1. Vincent ii Voiture, v. note [9], lettre 210.

  2. La rime prouve qu’on prononçait Jui le nom de Juif.

Tallemant des Réaux a aussi parlé de Jean Juif avec éloge (Historiettes, Générosités, tome ii, page 746) :

« Feu Juif, ce fameux chirurgien, traita un homme fort riche d’un mal fort dangereux. Cet homme guéri envoya sa femme chez Juif avec une somme considérable en or. “ Jésus ! Madame, dit le bonhomme, en voilà très bien. ” Il prit trente pistoles, et trois pour son garçon, à qui elle en voulait donner douze ; et quoi qu’elle fît, il n’en voulut jamais prendre davantage. Au voyage qu’il fit en Savoie pour Madame, {a} étant défrayé du roi, il ne voulut jamais prendre un sol de tous ceux qu’il traita, disant que ce n’était pas pour eux qu’il faisait le voyage. Madame lui donna 40 000 livres. »


  1. Christine de France, dite Madame Royale (v. note [10], lettre 45).

Raymond Fourmentin, chirurgien de Saint-Côme, mourut le 1er janvier 1659 (Index funereus chirurgicorum Parisiensium, pages 44‑45).

11.

Cl. viri Io. Papirii Massonis, in Senatus Paris. et in Regia advocati, Elogiorum :

Omnia hæc vetera et nova e Musæo Ioan. Balesdens, in Sen. et Regia advoc. Ad illustr. Virum Petrum Seguierium, Togatorum Eminentissimum.

[Éloges de Jean-Papire Masson, {a} très éminent avocat au Palais et Parlement de Paris :

[Tous ces textes, anciens comme nouveaux, proviennent du cabinet de Jean Ballesdens, {d} avocat au Palais et Parlement].


  1. V. note [7], lettre 16.

  2. Paris, Sebastianus Huré, 1638, in‑8o de 536 pages ; dédié au chancelier Pierre iv Séguier.

  3. Ibid. et id. 1638, in‑8o de 439 pages, achevé d’imprimé daté du 30 novembre 1637 ; réédition chez le même libraire, 1656, un volume in‑8o.

  4. V. note [11], lettre 52.

Bien que rien ne l’indique dans l’édition imprimée, Chéreau (Bibliotheca Patiniana, page 589) a attribué à Guy Patin les éloges de Simon i Piètre (v. note [5], lettre 15), dans la seconde partie, pages 377‑386, et de François ii Miron (prévôt des marchands de Paris, v. note [9], lettre 211, et frère de Robert i, v. note [20], lettre 180), dans la seconde partie, pages 396‑405.

12.

Recueil de nouvelles lettres de Monsieur de Balzac (Paris, Jean Camusat, 1637, in‑8o de 512 pages).

V. note [17], lettre 34, pour l’Histoire romaine de Scipion Dupleix (Paris, 1638).

13.

René Chartier (Montoire-sur-le-Loir dans le Vendômois 1572-Paris 29 octobre 1654) avait enseigné les belles-lettres à Angers, puis la rhétorique à Bordeaux et Bayonne, avant de venir étudier la médecine à Paris, où il avait été reçu docteur régent en novembre 1608. En janvier de la même année il avait épousé Françoise Boursier, fille de Martin Boursier, chirurgien barbier, et de Louise Bourgeois, sage-femme de Marie de Médicis. La dot avait été de 6 000 livres, avec engagement d’obtenir pour le gendre une charge de médecin ordinaire du roi. Cette avantageuse introduction de Chartier à la cour lui avait valu d’être nommé en 1612 médecin des dames de France. Il avait successivement accompagné les trois filles de Henri iv pour leurs mariages : en Espagne (Élisabeth en 1615 avec Philippe iv), en Savoie (Christine en 1619 avec Victor-Amédée ier) et en Angleterre (Henriette-Marie en 1625 avec Charles ier, v. note [12], lettre 39). Conseiller médecin ordinaire du roi en 1613, Chartier avait été nommé professeur royal de médecine en 1617, mais avait cessé lui-même ses leçons au bout de six ou sept ans parce que d’autres occupations le surchargeaient. Par lettres expédiées le 29 novembre 1623, Chartier avait cédé en survivance sa charge du Collège de France à Jacques ii Cousinot (v. note [26], lettre 7). Veuf en 1631, Chartier s’était remarié en 1634 avec Marie Le Noir.

La gloire médicale de Chartier est d’avoir réalisé la première édition grecque et latine complète des œuvres d’Hippocrate et de Galien ; elle lui coûta 150 000 livres et il ne put en achever la publication de son vivant parce qu’elle l’avait ruiné : Magni Hippocratis Coi et Claudii Galeni Pergameni universa quæ extant Opera. Renatus Charterius Vindocinensis, Doctor Medicus Paris., Regis Christianissimi Cons. Medicus ac Professor Ord., plurima interpretatus, universa emendavit, instauravit, notavit, auxit, secundum distinctas medicinæ partes in tredecim tomos digessit, et cuniunctum græce et latine primus edidit ; astruxit et medicam synopsin, rerum his in operibus contentarum indicem [Toutes les œuvres qui existent du grand Hippocrate de Cos et de Claude Galien de Pergame. René Chartier natif du Vendômois, docteur en médecine de Paris, conseiller médecin et professeur ordinaire du roi très-chrétien, les a pour la plupart traduites, et toutes augmentées, annotées, reprises, amendées, séparées en 13 tomes suivant les différentes parties de la médecine, et les a le premier produites à la fois en grec et en latin ; il a ajouté un index des choses contenues dans ces œuvres, et un synopsis médical] (Medica).

Comme Chartier avait son ouvrage entièrement prêt, il n’a pas gardé l’ordre des tomes en les faisant imprimer ; les textes y sont groupés par matière en mêlant les traités d’Hippocrate et de Galien :

Au début du tome i, l’Ad amplissimum et consultissimum medicorum Parisensium Ordinem Oratio [Discours à la très grande et très avisée Compagnie des médecins de Paris] annonce un tome xiv, contenant universæ librorum aut operum tredecim tomis superioribus inclusorum materiæ locupletissimum indicem [un très riche index de toute la matière des livres ou œuvres contenus dans les 13 tomes précédents], qui n’a jamais paru.

Cette Oratio non datée est suivie du In editionis Charterianæ operum Hippocratis et Galeni approbationem et amplissimum gratiarum actionem saluberrimæ Facultatis Medicinæ Parisiensis Decretum [Décret de la très salubre Faculté de médecine de Paris approuvant l’édition des œuvres d’Hippocrate et Galien par Chartier et lui en rendant très ample action de grâce] daté du 8 août 1637 : la Faculté approuve et soutient l’ouvrage, et remercie Chartier d’avoir consacré ses talents, son temps et son agent à un projet louable qu’elle avait encouragé et déjà approuvé dans son assemblée du 4 juillet 1633. Ce décret est suivi du tableau complet des 111 docteurs régents du consultissimus sapientissimorum saluberrimæ Facultatis Medicinæ Parisiensis Doctorum hodiernam vitam degentium Ordo [Tableau de la très avisée Compagnie des très sages docteurs de la très salubre Faculté de médecine de Paris vivant à ce jour]. Guy Patin y occupe le 68e rang d’ancienneté et René Chartier, Consiliarius, Medicus, ac Professor Regius, nec non Serenissimæ Reginæ Magnæ Britanniæ Archiatros [conseiller, médecin et professeur du roi, ainsi que premier médecin de la sérénissime reine de Grande-Bretagne], le 11e.

Cette édition d’Hippocrate et de Galien l’emportait sur toutes celles, partielles, qui l’avaient précédée, Chartier ayant conféré le texte grec, non seulement sur celles-ci, mais encore sur les manuscrits (en particulier celui de la Bibliothèque Vaticane), et restitué une foule de passages mutilés ou corrompus (O. in Panckoucke & Lehoux). Aujourd’hui l’Hippocrate de Chartier a été surpassé par celui d’Émile Littré (1839-1861) ; mais son Galien, repris presque textuellement par Karl Gottlob Kühn (1821-1833), demeure, par cet intermédiaire, une référence extrêmement précieuse, tout particulièrement par son très volumineux index (latin) qui occupe tout le volume 20 (695 pages).

De son premier mariage, René Chartier avait eu quatre fils. L’aîné, prénommé Jean (v. note [13], lettre 271), a beaucoup fait parler de lui dans les lettres de Patin comme médecin antimonial. Son demi-frère Philippe (v. note [8], lettre 964), né du second lit et, comme Jean, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris, y figure aussi.

14.

Délibéré : « déterminé à ».

M. Jean-François Vincent, rédacteur en chef de notre édition, a attiré mon attention sur l’extravagant privilège du roi, daté du 8 avril 1639, qu’on trouve à la fin du tome xiii (Paris, sans nom, 1639, in‑fo). Louis xiii y vante bien sûr les mérites de l’auteur, et les primauté et primeur de son ouvrage :

« combien qu’Hippocrate et Galien aient été reconnus de tout temps premiers auteurs de la vraie médecine rationnelle, et princes de tous les médecins, et que, sans la lecture de leurs œuvres et la doctrine de leurs écrits et préceptes, aucune personne ne puisse bien savoir ni heureusement pratiquer la médecine, iceux œuvres, néanmoins, n’ont encore jusqu’à présent été tous ensemble imprimés, In folio e regione, {a} grecs et latins ; et par cette négligence des siècles précédents, plusieurs ont été perdus au détriment commun de la doctrine, santé et vie de tous les hommes. Toutes lesquelles raisons et autres ont mû ci-devant le sieur Chartier à rechercher et tenter tous moyens de poursuivre, et produire une nouvelle parfaite et glorieuse édition de tous les œuvres d’Hippocrate et Galien, distribués par lui selon l’ordre de médecine en treize tomes, de les coucher en la plus belle et plus grande forme In folio e regione, {a} grecs et latins, de les imprimer en caractères royaux, d’en ouvrir et proposer ses desseins à notre très célèbre Faculté de médecine de Paris, qui lui en a donné son approbation avec actions de grâces par un décret fait exprès et inséré à la fin du préface de cette édition. Cet avis conçu, étant parvenu dès le temps de notre longue maladie de Villeroy au mois de juillet 1630 à la connaissance de notre très cher et très amé cousin le cardinal-duc de Richelieu, pair de France, grand maître chef et surintendant général des Navigations et commerces de ce royaume, gouverneur et notre lieutenant général en notre province, pays et duché de Bretagne, a incontinent été enfanté par l’unique exhortation faite au dit sieur Chartier en notre présence, par notredit très cher cousin porté toujours à toutes choses hautes, utiles et glorieuses à notre État et bien public. »

Suit l’attribution de deux étonnants avantages.

Françoise Lehoux (pages 337-338) a montré comment Louis xiii et Charles ier, roi d’Angleterre, s’étaient rendus débiteurs de Chartier pour les honoraires que lui valait, depuis 1625, sa charge auprès de Henriette-Marie, sœur du premier et épouse du second. En 1631, il y allait d’au moins 2 600 livres d’arriérés. Ce pourrait être une explication des privilèges extraordinaires d’exclusivité et d’exigibilité que Louis xiii avait accordés en 1639 à l’Hippocrate et Galien de son créancier. Guy Patin dut peiner à admettre qu’on pût ainsi s’accaparer tout le corpus qui fondait alors l’enseignement de la médecine. Ce fut sans doute une raison de sa constante malveillance à l’encontre de René Chartier puis de ses fils.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 16 septembre 1637

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(Consulté le 16/04/2024)

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