L. 39.  >
À Claude II Belin,
le 7 avril 1638

Monsieur, [a][1]

Je vous aurais fait réponse par votre chirurgien lorsqu’il s’en est retourné, [1][2] n’eût été que j’avais dans la tête une affaire qui m’empêchait d’écrire avec liberté à mes amis : notre Faculté m’a fait cette année examinateur, [3] dont je me suis acquitté du mieux qu’il m’a été possible. Nous reçûmes en vertu de cette charge samedi dernier, 27e de mars, neuf bacheliers [4] en médecine, [2] pro biennio proximo[3][5][6][7] Maintenant que je suis déchargé de ce fardeau, [4] je vous dirai que pour les thèses [8] de feu monsieur votre père, [9] ce sera pour cet été que je les transcrirai moi-même, et vous les enverrai fidèlement ; ne vous en mettez pas en peine. Toute la cour est ici à Saint-Germain. [10] On espère toujours en la grossesse de la reine, [11] laquelle n’a encore senti aucun mouvement de son enfant. Vendredi 26e de mars fut ici exécuté à la Croix du Trahoir [5][12] un homme âgé de 66 ans, natif de Nérac, [6][13] qui, par intelligence qu’il avait avec le duc de Lorraine, [14] avait, ce dit-on, entrepris un étrange dessein sur la vie de M. le cardinal ; [15] il fut rompu tout vif. [7][16] Le jour d’auparavant on avait mis dans la Bastille [17] prisonniers trois bourgeois qui avaient été chez M. Cornuel [18] et l’avaient en quelque façon menacé, sur le bruit que l’on veut arrêter les rentes de l’Hôtel de Ville [19][20] et convertir cet argent in usus bellicos[8] Ces trois rentiers se nomment de Bourges, [21] Chénu [22] et Celoron, [23] et sont tous trois boni viri optimique mihi noti ; [9] je prie Dieu qu’il ne leur arrive pas de mal. Le chevalier de Jars [10][24] est hors de la Bastille à la prière du roi [11][25][26] et de la reine d’Angleterre, [12][27][28] qui ont obtenu cette faveur du roi pour lui. M. de Créqui, [29][30] maréchal de France, a été tué d’un coup de canon au Milanais, [31] le 17e de mars. [13] On dit que les Espagnols perdent et ravagent tout en Picardie. Je ne sais quel ordre on y donnera, mais on n’en dit rien ici. Le roi [32] a envoyé en Piémont [33] M. le comte de Guiche [34] y porter ses ordres, [14] à cause de la mort de M. de Créqui ; on dit que par ci-après M. le cardinal de La Valette [35] ira. Son Éminence a été en colère contre la Sorbonne [36] et en a menacé quelques-uns de là-dedans ; je ne sais ce que cela deviendra. Samedi 27e de mars est ici mort in ædibus Sorbonnæ [15] M. Filesac, [37] plusquam octogenarius, vir magnæ doctrinæ et virtutum cumulo insignis[16][38] Il était le doyen et l’ancien maître de Sorbonne ; c’est le vieux Du Val [39] qui lui succède. [17] On a pendu en Lorraine [40] un jésuite qui avait des intelligences sur Stenay [41] avec le duc Charles. [18] Le pape [42] a fait retirer de Savoie un autre jésuite, nommé le P. Monod, [43] qui avait rendu la duchesse de Savoie [44] d’inclination tout espagnole ; et a fallu que le pape s’en soit mêlé parce que M. le cardinal et le roi même n’en avaient pas pu venir à bout. [19] On dit que Casal [45][46] est en grand danger d’être pris cette année par les Espagnols, à cause qu’ils se sont rendus maîtres d’une ville dénommée Brême, [47] laquelle nous tenions et qui couvrait Casal. Elle nous avait merveilleusement coûté à fortifier et néanmoins, nous est échappée par la pusillanimité du gouverneur qui l’a rendue aux Espagnols avant qu’il n’y eût brèche. [20] Cela obligera le roi d’envoyer de nouvelles troupes en Italie si on veut conserver Casal. En récompense, le duc de Weimar [48] a pris Rhinfeld. [21][49] M. le Prince [50] est parti pour la Guyenne. [51] M. de Longueville [52] s’en va en la Franche-Comté, [22][53] et M. de Châtillon [54] s’en va, à ce qu’on dit, en Flandres. [55] On dit que le roi est d’accord avec les Hollandais pour dresser une armée navale, à laquelle chacun contribue force vaisseaux, et que l’archevêque de Bordeaux [56] sera celui qui y commandera pour le roi. On dit que c’est pour assiéger Gravelines [57] ou Dunkerque, [58] des garnisons desquelles les Hollandais sont trop incommodés. [23] On dit encore beaucoup d’autres choses que je ne vous mande point parce qu’elles ne sont pas encore trop certaines. Je vous prie seulement de croire pour très certain que je suis et serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 7e d’avril 1638.

Le roi a fait commandement à MM. les présidents Champrond [59] et Barillon [60] de se retirer en leurs maisons, [24] comme aussi à quatre conseillers, qui sont MM. Thibeuf, [61] Foucault, [62] de Sallo [63] et Sevin, [25][64] pour avoir parlé des rentes de l’Hôtel-de-Ville.


a.

Ms BnF no 9358, fo 45 ; Triaire no xxxix (pages 133‑137) ; Reveillé-Parise, no xxx (tome i, pages 50‑52).

1.

V. note [1], lettre 35, pour Lombard (père), chirurgien de Troyes.

2.

Le baccalauréat de médecine (autrement appelé jubilé, jubileum, pour marquer sa solennité, v. note [26] des Décrets et assemblées en 1651‑1652) était le premier grade (principium) conféré par la Faculté.

Chaque année, les étudiants s’inscrivaient aux Écoles pour y entamer (les premières inscription n’étaient prises que les années paires) ou poursuivre leur premier cycle d’études. À partir du lendemain de la Saint-Luc (18 octobre, v. notes [46] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris), ces apprentis ou écoliers, qu’on surnommait philiatres (« aimant la médecine », au sens littéral), suivaient les enseignements faits (en latin) par les professeurs (élus pour un ou deux ans parmi les docteurs régents, v. note [5] des Actes de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris) et par les bacheliers émérites (legentes de mane [lecteurs du matin]) : explication des aphorismes d’Hippocrate, étude des choses naturelles (anatomie et physiologie), des choses non naturelles (hygiène et régime, v. note [13] des pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé) et des choses contre nature (pathologie et thérapeutique). Ces leçons avaient lieu dans les salles basses (Scholæ inferiores, rez-de-chaussée) de la Faculté (rue de la Bûcherie dans l’actuel ve arrondissement, v. note [14] des Décrets et assemblées de la Faculté en 1650-1651), le matin et le soir, tous les jours sauf le dimanche, le jeudi et les nombreux jours fériés, fixés par l’article xv (pages 18‑26) des statuts de la Faculté. Un congé d’été s’y ajoutait chaque année (Statuta F.M.P., art. xvii, page 24‑25) :

A quarto Calendas Iulias ad Idus Semptembres, id est, a pervigilio D.D. Petri et Pauli Apostolorum, ad pervigilium Exaltatationis Sanctæ Crucis, Disputationum et Lectionum publicarum, Vacatio Medicorum Collegio concedatur : ita ut ne Vesperiarum quidem aut Doctoratus Actum liceat hoc tempore celebrare, nisi petita venia a Medicinæ Facultate, ad id legitime convocata. Si qui tamen Doctores, Licentiati, vel Baccalaurei hoc Vacationis tempore velint docere, hoc liberum illis esto.

[Que du 28 juin au 13 septembre, c’est-à-dire de la veille de la fête des saints Pierre et Paul apôtres à celle de l’Exaltation de la Sainte Croix, soit accordée au Collège des médecins une vacance des disputes et leçons publiques ; en sorte qu’il n’est pas permis pendant cette période de célébrer d’acte de vespérie ou de doctorat, sauf demandée à la Faculté de médecine, expressément convoquée à cette fin. Néanmoins, si des docteurs, des licenciés ou des bacheliers veulent enseigner pendant ce temps de vacances, ils sont libres de le faire].

Durant toute l’avant-dernière (cinquième) semaine du carême de chaque année paire avaient lieu les épreuves du baccalauréat. Les candidats à l’examen (candidati) devaient présenter des certificats prouvant qu’ils avaient été reçus maîtres ès arts ou philosophie dans l’Université de Paris depuis plus de quatre ans, ou dans quelque autre Université, mais depuis plus de huit ans, ainsi que des attestations des professeurs ordinaires de la Faculté de médecine prouvant qu’ils avaient assisté aux leçons publiques pendant au moins quatre ans ; ou bien, au lieu des unes et des autres, présenter leur diplôme de docteur en médecine obtenu régulièrement dans quelque autre Université du royaume. L’article viii des Statuta (page 14) ajoutait que :

liceat tamen Decano et Facultati hac studii quadriennalis lege solvere solos Doctorum Medicorum Parisiensium filios, et illis unum aut alterum annum indulgere, quos, juxta Hippocratis præceptum, omni favore et gratia excipi par est, dum tamen in Academia Parisiensi sint Artium Magistri, et examinati ad Medicinæ Baccalaureatum idonei judicentur.

[le doyen est toutefois autorisé à faire remise aux fils des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris d’une ou deux des quatre années d’études préparatoires ; en vertu du précepte d’Hippocrate, il est juste de leur accorder cette grâce et faveur, pourvu qu’ils soient maîtres ès arts de l’Université de Paris et qu’après examen, ils aient été jugés aptes à se présenter au baccalauréat de médecine].

En somme, pour les Parisiens, la durée minimale du premier cycle médical était de quatre ans (cinq inscriptions), mais pouvait s’abaisser à deux ou trois ans (trois ou quatre inscriptions) pour les plus privilégiés d’entre eux, les fils de maîtres. Tous étaient obligatoirement des hommes ; mais au temps de Guy Patin, n’avaient plus cours les clauses imposant le baptême dans la religion catholique, le célibat (v. note [12], lettre 254) et l’âge de 22 ans révolus.

La veille du quatrième dimanche de carême avait lieu une cérémonie solennelle (supplique) de présentation des candidats au Corps entier de la Faculté. À partir du lundi suivant, le doyen et les quatre examinateurs (v. note [1], lettre 38) soumettaient les candidats aux épreuves (orales et bien sûr en latin) du baccalauréat (ibid., article ix, page 15) :

Diebus ab Examinatoribus dictis, Cadidati de Rebus Naturalibus, non Naturalibus, et præter Naturam sigillatim examinentur : sed et cæteris Doctoribus præsentibus liceat, si libuerit, Candidatos interrogare : postremo Examinis die, singulis Candidatis ab Examinatoribus proponatur unus Hippocratis Aphorismus, die sequenti pro more explicandus.

[Qu’aux jours fixés par les examinateurs, les candidats soient individuellement examinés sur les choses naturelles, {a} non naturelles {b} et contre nature ; {c} mais qu’il soit aussi permis aux autres docteurs présents, s’ils le souhaitent, d’interroger les candidats ; que le jour suivant ces épreuves, {d} les examinateurs soumettent à chacun des candidats un aphorisme d’Hippocrate qu’il aura, le lendemain, {e} à expliquer dans les règles].


  1. Anatomie et physiologie le lundi.

  2. Hygiène le mardi.

  3. Pathologie le mercredi ; v. note [13] des Pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé pour la manière traditionnelle (galéniste) de classer les choses ou qualités composant la matière médicale.

  4. Le jeudi.

  5. Le vendredi.

Le samedi (veille des Rameaux), après une messe solennelle, les examinateurs faisaient leur rapport à la Compagnie assemblée qui votait l’admission ou le refus du candidat, selon que celui-ci était sufficiens ou incapax. Ceux qui avaient obtenu les deux tiers des suffrages étaient admis. Devenant bacheliers de médecine, ils prononçaient un serment les engageant à observer les statuts de la Faculté, à en respecter les maîtres, à les aider dans leurs luttes contre les ennemis de l’École, et à assister aux messes solennelles, aux cours et actes de l’École pendant les deux années de préparation à la licence (v. note [47] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris). « Si le nombre des bacheliers était insuffisant pour préserver le prestige de l’École de médecine », les candidats déclarés incapaces pouvaient bénéficier d’un examen de rattrapage (dénommé jubilé, v. notes [37] et [49] des Décrets et assemblées de 1651‑1652) à la Saint-Rémy (1er octobre) suivante (ç’avait été le cas de Guy Patin, Jacques Thévart et François Foucqué en 1624) ; s’ils échouaient de nouveau, ils devaient attendre deux années supplémentaires pour se présenter au baccalauréat suivant (ibid., article xi, page 16).

Le baccalauréat ne conférait pas le droit d’exercer la médecine (ibid., article lix, page 56) :

Nullus Lutetiæ Medicinam faciat, nisi in hac Medicorum Schola, Licentiatum aut Doctoratum assecutus, aut in eorum Collegium more solito cooptatus, aut in Domesticorum album inter Medicos Regios relatus sit, Regique Christianissimo reipsa inserviat : ita ut ne Baccalaureis quidem hujus Facultatis liceat in urbe, aut suburbiis sine Doctore Medicinam exercere : Cæteri illicite Medicinam facientes reprobentur.

[Que nul n’exerce la médecine à Paris s’il n’a pas obtenu une licence ou un doctorat dans cette Faculté de médecine, ou s’il n’a pas été agrégé dans les règles à son Collège, ou s’il n’a pas été inscrit sur la liste des officiers royaux, parmi les médecins de la Couronne, pour servir effectivement le roi très-chrétien : il n’est donc pas permis aux bacheliers de cette Faculté d’exercer la médecine dans la ville ou dans ses faubourgs où il n’y a pas de docteur ; ceux qui pratiquent autrement la médecine seront réprouvés].

Quelques bacheliers de Paris partaient présenter leur licence dans une autre ville où son obtention était réputée plus facile et plus courte (et donc moins coûteuse). Le cas inverse n’était en principe pas possible : pour devenir licencié de Paris, il fallait y avoir été reçu bachelier.

Les Décrets et assemblées de la Faculté en 1651-1652 illustrent abondamment l’ensemble de ces coutumes et pratiques appliquées aux deux sessions du baccalauréat qui eurent lieu en mars et octobre 1652.

Je n’ai en revanche trouvé aucun texte permettant de savoir précisément quelle proportion des philiatres d’une promotion postulait le baccalauréat. Le nombre des candidats à qui la Compagnie refusait l’examen était faible (généralement inférieur à quatre) ; celui des bacheliers reçus tous les deux ans était tacitement calculé pour maintenir l’effectif de la Compagnie des docteurs régents autour de 120 ; les étudiants qui partaient se faire graduer plus rapidement et à moindre frais dans une faculté provinciale étaient plus nombreux, mais l’estimation de leur effectif a jusqu’ici échappé à mes recherches.

La scolarité étant gratuite jusqu’au baccalauréat (v. note [11] des Comptes de la Faculté de médecine en janvier 1652), les registres de la Faculté ne permettent pas de connaître le nombre annuel des inscrits en premier cycle. Toutefois, une estimation fondée sur le Catalogue des plantes cultivées à présent au Jardin royal des plantes médicinales… de Guy de La Brosse (Paris, 1641, v. note [4], lettre 60) établit que le cumul annuel des philiatres inscrits à la Faculté de médecine de Paris devait se situer entre 100 et 200.

3.

« Pour les deux prochaines années. »

La durée du baccalauréat était de deux années, qui incluaient la soutenance (v. note [1], lettre 1) des deux thèses quodlibétaires (aux mois de novembre ou décembre des première et seconde années) et de la thèse cardinale (aux mois de juin ou juillet de la seconde année), immédiatement suivie par l’examen de licence. Certains bacheliers ne soutenaient qu’une seule des deux quodlibétaires prescrites.

Guy Patin omettait ici les détails les plus intéressants du baccalauréat de 1638. Les docteurs régents examinateurs, élus le samedi 30 janvier, avaient été, selon la règle, deux anciens, Jean Bérault (docteur régent en 1620) et Thomas Gamare (1624), et deux jeunes, Hermant de Launay (1625) et Guy Patin (1627). Ils s’étaient réunis le samedi 20 mars 1638 pour examiner les lettres et diplômes des 11 candidats.

Les neuf bacheliers reçus le samedi 27 mars 1638, veille des Rameaux, étaient Jean de Montreuil (natif de Paris), Quentin Thévenin (Châlons), Toussaint Fontaine (Paris), Claude Perrault (Paris), Charles Le Breton (Paris), Isaac Renaudot (Loudun), Eusèbe Renaudot (Loudun), Étienne Le Gagneur (Paris) (ibid. fo 49 ro).

4.

Statuta F.M.P., article lxv (pages 65‑66) :

Licet superioribus capitibus caveatur, ne quis eligatur ad aliquod munus obeundum, qui eo functus fuerit, et Decreto a Facultate lato iii. Calend. Ianuar. Anno m. d. lxxiv. prohibeatur, ne quis in posterum ullo munere, Decanus scilicet, Medicinæ in Scholis Professione, Phamaceutices Interpretatione, aut Candidatorum pro Baccalaureatu Examine bis fungatur, donec omnes Doctores idem munus obierint. Facultati tamen liberum esto, ad ejusmodi Munera illos eligere, quos magis utiles et idoneos existimaverit, etiamsi semel, bis, atque iterum his Muneribus functi fuerint : sed ea conditione, ut huic Electioni universus Ordo consentiat, et ex præsentibus nemo reclamet.

[Que les précédents chapitres mettent bien en garde contre le fait que nul ne soit élu pour assurer une charge s’il l’a déjà remplie par le passé, et qu’en vertu du décret prononcé par la Faculté le 30 décembre 1574, nul n’assure deux fois la même charge, savoir celles de doyen, de professeur de médecine dans les Écoles, de commentateur de pharmacie ou d’examinateur des candidats au baccalauréat, aussi longtemps que tous les docteurs ne se seront pas acquittés une fois de la charge en question. {a} La Faculté aura cependant la liberté d’élire de nouveau à ces charges ceux qu’elle aura estimés les plus utiles et les plus aptes, même s’ils les ont déjà remplies une voire deux fois ; mais à la condition que toute la Compagnie consente à cette élection et qu’aucun des présents ne s’y oppose].


  1. Guy Patin était donc bien à l’abri d’être à nouveau élu examinateur du baccalauréat : le nombre des docteurs régents oscillait autour de 120 ; il était donc inconcevable qu’on eût à solliciter l’un d’entre eux pour assurer une seconde fois une charge qu’il avait déjà remplie. La seule possibilité pour Patin d’examiner à nouveau les candidats bacheliers était qu’il devînt doyen (comme cela lui arriva pour le baccalauréat de 1652).

5.

La Croix du Trahoir (ou Tiroir) était le carrefour formé par la rue de l’Arbre-Sec et la rue Saint-Honoré (qui existent encore dans le ier arrondissement de Paris), au centre duquel on avait élevé une croix, suivant une coutume presque générale au Moyen Âge. Les étymologistes varient à l’infini sur l’origine du mot trahoir.

En 1400, c’était la seule place de Paris où l’évêque pût faire justice, mais sans aller jusqu’à la condamnation capitale. François ier avait fait élever une fontaine auprès de la croix. Cette fontaine avait depuis été entourée de boucheries, et les degrés de son perron été occupés par des fruitières et des vendeurs d’herbes. En 1606, la situation de la Croix du Trahoir et de sa fontaine au milieu de la rue causant un grand embarras à la circulation, le prévôt des marchands, François ii Miron (v. note [9], lettre 211), avait fait enlever la fontaine. La croix fut détruite au début du xviiie s. La fontaine fut réédifiée en 1776, mais la croix ne fut pas rétablie. C’était là qu’avaient lieu, encore au xviiie s., les exécutions pour crime de fausse monnaie ou autres crimes commis dans le quartier (G.D.U. xixe s.).

6.

Nérac, en Gascogne (Lot-et-Garonne), était un fief des seigneurs d’Albret, qui lui donnèrent beaucoup de lustre au xvie s. quand ils devinrent rois de Navarre, pour donner souche à la famille de Bourbon.

7.

Rompre ou rouer un condamné à mort consistait à l’attacher sur une roue (ou une croix de Saint-André) placée horizontalement sur l’échafaud, puis à le battre avec une barre de fer. Les coups vifs étaient portés sur les membres, brisant les os sans tuer la victime. Dans le retentum de la condamnation (codicille connu du seul le bourreau), les juges, par mesure de clémence toute relative, pouvaient limiter le nombre des coups vifs, après quoi le condamné était étranglé. Dans la plus dure des sentences, il en recevait une douzaine avant d’être exposé sur la roue, à la vue du public, la face tournée vers le ciel, jusqu’à ce qu’il meure de ses blessures. La roue était réservée aux hommes non nobles coupables de vol avec violence ou de meurtre.

8.

« pour financer les guerres ».

Créées en 1522 sous François ier, les rentes de (ou sur) l’Hôtel de Ville étaient des emprunts d’État qui connurent un très grand succès auprès des épargnants parisiens en tous genres, riches, moins riches (comme sans doute Guy Patin), et même modestes. Le public souscrivait les rentes et en percevait les intérêts à l’Hôtel de Ville de Paris, intermédiaire et garant qui prêtait au roi, en son nom propre, l’argent des rentiers. Le paiement des intérêts était assigné sur divers impôts d’État (aides, gabelles, etc.) et s’effectuait en principe chaque trimestre (« par quartier »). Initialement au denier 12 (8,33 pour cent), l’intérêt (« denier du roi ») diminua au fil des émissions : denier 16 (6,25 pour cent) en 1601, denier 18 (5,5 pour cent) en 1634, denier 20 (5 pour cent) en 1665. Outre cette dévaluation, l’usage s’instaura de faire sauter un quartier ou un quartier et demi (comme le mentionnait ici Patin dans sa lettre), et d’accumuler les retards de versements qui atteignirent en moyenne un an en 1637, et jusqu’à trois ans en 1645, et même quatre ans en 1648, au plus fort de la crise financière, provoquant l’extrême mécontentement des rentiers. Dans les Comptes de la Faculté de médecine pour 1651‑1652 (v. note [1]), on peine à croire le doyen quand il accusait alors la perception des intérêts dus pour le premier semestre 1630.

Retz (Mémoires, page 577) :

« L’on peut dire, avec vérité, que les rentes de l’Hôtel de Ville de Paris sont particulièrement le patrimoine de tous ceux qui n’ont que médiocrement du bien. Il est vrai qu’il y a des maisons riches qui y ont part, mais il est encore plus vrai qu’il semble que la providence de Dieu les ait encore plus destinées pour les pauvres ; ce qui, bien entendu et bien ménagé, pourrait être très avantageux au service du roi, parce que ce serait un moyen sûr, et d’autant plus efficace qu’il serait imperceptible, d’attacher à sa personne un nombre infini de familles médiocres, {a} qui sont toujours les plus redoutables dans les révolutions. {b} La licence du dernier siècle a donné quelquefois des atteintes à ce fonds sacré. »


  1. Modestes.

  2. Changements de l’opinion.

Le paiement des rentes avait alors un peu tardé et le bruit s’était répandu dans le peuple que leurs dividendes avaient été employés aux frais de la guerre. Les rentiers s’en prirent à Claude Cornuel qui fut injurié, menacé. L’autorité intervint et trois des assaillants furent mis à la Bastille. Cette affaire ayant été portée devant le Parlement encore échaudé par son opposition de 1636 à l’autorité royale sur la multiplication des charges (v. note [3], lettre 30), elle y avait causé une nouvelle poussée d’agitation, car une partie des conseillers voulaient que les rentiers ne fussent pas inquiétés. Le roi intervint alors et défendit l’assemblée des chambres par lettre de cachet (Triaire).

Dans son historiette consacrée au président Paschal, Tallemant des Réaux (tome ii, page 57) a aussi évoqué l’événement :

« Quand on fit la réduction des rentes, lui {a} et un nommé de Bourges, avec un avocat au Conseil dont je n’ai pu savoir le nom, firent bien du bruit et à la tête de 400 rentiers comme eux, ils firent grand’peur au garde des sceaux Séguier et à Cornuel. Le cardinal de Richelieu fit mettre dans la Bastille les deux autres ; pour Paschal, il se cacha si bien qu’on ne le put trouver, et fut longtemps sans oser paraître. »


  1. Paschal.

9.

« hommes de bien et que je connais pour fort estimables. »

Ce de Bourges, rentier rebelle, était peut-être apparenté à Jean de Bourges, médecin qui devint doyen de la Faculté de Paris (v. note [26], lettre 237).

10.

François de Rochechouart, chevalier de Jars (1595-1670), était entré en 1607 dans l’Ordre de Malte, dont il devint commandeur en 1647. Créature d’Anne d’Autriche, il était ami et confident du garde des sceaux Châteauneuf, ce qui l’avait rendu suspect à Richelieu, qui l’avait fait exiler en Angleterre après la Journée des Dupes (11 novembre 1630, v. note [10], lettre 391). Le chevalier y était devenu familier de la reine Henriette.

Rappelé en France peu de temps après, il s’était jeté dans tous les complots contre le cardinal. Arrêté en 1632, il avait été condamné à mort en 1633 sous l’accusation d’avoir voulu faire passer en Angleterre la reine mère et Monsieur. Après avoir reçu sa grâce sur l’échafaud (10 novembre 1633), sa peine avait été commuée en emprisonnement à perpétuité dans la Bastille. Souhaitant un rapprochement avec la Couronne d’Angleterre, Richelieu fit le magnanime en libérant de Jars, pour l’exiler en Italie. Il reparut à la cour après la mort de Louis xiii et joua un rôle secondaire dans la cabale des Importants (v. note [15], lettre 93) et dans les premières agitations de la Fronde.

11.

De la dynastie des Stuarts, Charles ier (Dumferline, Écosse 1600-Londres 9 février 1649) était le fils de Jacques ier et d’Anne de Danemark. Prince de Galles en 1612, à la mort de son frère aîné Henry, il avait succédé à son père en 1625. Livré à son favori Buckingham (v. note [21], lettre 403), il s’était laissé entraîner par instinct d’absolutisme vers le catholicisme (« papisme », qu’il ne professait pas) et avait blessé la Nation dès le commencement de son règne en persécutant les calvinistes (presbytériens écossais et puritains anglais), en favorisant les catholiques, en attaquant les libertés publiques et en dissolvant successivement plusieurs parlements qui avaient refusé des subsides et manifesté une redoutable opposition au roi.

Charles gouvernait alors depuis 1629 sans Parlement, avec ses ministres William Laud, archevêque de Canterbury, et sir Thomas Wentworth, comte de Strafford. Il multipliait les extorsions, les taxes arbitraires, les violences, les concussions, les actes de despotisme, et les persécutions religieuses et politiques. Ses efforts obstinés pour établir en Écosse la liturgie anglicane soulevaient les presbytériens de ce pays, qui signèrent le Scottish national Covenant, prirent les armes et envahirent l’Angleterre (Bishops’ wars, v. note [11], lettre 45).

De tous les souverains d’Europe au xviie s., Charles ier a connu le destin le plus tragique. Marche après marche, la révolution politique et religieuse qui commençait dans son pays allait le conduire jusqu’à l’échafaud.

12.

Charles ier avait épousé en 1625 Henriette-Marie de France (Paris 1609-Colombes 10 septembre 1669), la troisième fille, et le sixième et dernier des enfants de Henri iv et de Marie de Médicis. L’union des deux couronnes de France et d’Angleterre avait été, dès la naissance de Henriette, une des pensées de son père. Jacques ier préférait pour son fils Charles, alors prince de Galles, une fille du roi d’Espagne, Philippe iii, à cause de la grande puissance de la Maison d’Autriche ; mais les pourparlers avec Madrid en ce sens n’ayant pas abouti, on s’était rabattu sur le projet français. Le mariage avait été célébré, par procuration, au Louvre, en juin 1625, peu de temps après la mort de Jacques ier (le 25 mars).

Le pape Urbain viii n’avait accordé la dispense papale, nécessaire à cause de la différence de religion des deux fiancés, qu’à des conditions ridicules : tous ceux qui seraient placés autour de la princesse devaient être catholiques ; les enfants à naître du mariage ne pourraient avoir que des domestiques catholiques ; 20 prêtres de l’Oratoire devaient accompagner la reine. Henriette fut la première à souffrir des bévues du Clergé français qui n’avait aperçu dans ce mariage qu’une occasion d’inonder l’Angleterre de mitres et de soutanes. À peine débarquée à Douvres (22 juin 1625), son époux, jugeant avec sang-froid les dangers de la situation, avait poliment congédié toute cette séquelle cléricale, malgré le serment juré au pape pour obtenir la dispense. La reine mit son point d’honneur à conserver sa foi et ses privilèges en Angleterre. Un bon accord entre le roi et la reine avait paru se rétablir après la mort de Buckingham (1626), mais leur réconciliation n’aboutit qu’à attiser les braises de la révolution qui se préparait.

De ce mariage tourmenté naquirent trois enfants : Charles (né en 1630) prince de Galles, futur roi Charles ii ; Marie (1631) future princesse d’Orange ; Jacques (1633), duc d’York, qui allait devenir le dernier des Stuarts en succédant à son frère sur le trône, sous le nom de Jacques ii ; Élisabeth (1635) ; Henry, duc de Gloucester (1639) ; enfin, Henriette-Anne (1644, en pleine guerre civile) qui devint Madame, épouse de Philippe d’Orléans, frère cadet de Louis xiv. Après cette dernière naissance, la reine vint se réfugier en France. Elle retourna en Angleterre en 1660-1661 puis de 1662 à 1665, avant de revenir mourir dans son pays natal (G.D.U. xixe s.).

13.

Charles ier de Blanchefort de Canaples, marquis de Créqui (vers 1571-1638), avait été institué par son oncle, le cardinal de Créqui, héritier des biens, du nom et des armes de la Maison de Créqui. Il avait servi sous son beau-père, le connétable François de Lesdiguières (v. note [26] du Naudæana 1), dans la guerre de Savoie, en 1597, lui avait succédé en 1610 dans la lieutenance générale du Dauphiné, avait combattu contre le parti de la reine mère, assisté à l’affaire des Ponts-de-Cé (1620, v. note [38], lettre 280), été nommé maréchal de France en 1621, s’était distingué dans les guerres du Piémont, avait emporté le Pas de Suse en 1629, commandé l’année suivante, sous les ordres du cardinal de Richelieu, l’armée de Savoie, et pris Chambéry, Pignerol, Annecy et plusieurs autres villes.

Créqui avait encore figuré avec éclat dans les guerres de Savoie et d’Italie contre les Espagnols, mais fut tué d’un coup de canon sous les murs de Brême (Milanais) au moment où il s’approchait de la place pour reconnaître la position. Il avait eu avec don Philippin, bâtard de Savoie, au sujet d’une écharpe perdue dans une action, une série de duels qui eurent un grand retentissement. Il avait tué son adversaire dans un dernier combat en 1599. À la mort de son beau-père, il avait hérité du titre de duc de Lesdiguières et de la pairie. En 1633, il avait été envoyé comme ambassadeur à Rome pour solliciter vainement la dissolution du mariage de Gaston d’Orléans (G.D.U. xixe s.).

La suite des lettres a parlé de son petit-fils, Charles iii de Créqui (v. note [31], lettre 532).

14.

Antoine (iii) de Gramont-Toulongeon (château d’Hagetmau dans les Landes 1604-Bayonne 1678) fut d’abord connu sous le nom de comte de Guiche. Fils d’Antoine ii et de Louise de Roquelaure, il avait entamé sa carrière militaire en 1621 contre les protestants, en 1623 au service des Hollandais, en 1625 au Piémont. Un duel l’avait forcé à quitter la France pour se mettre au service de l’Empire dans l’armée de Johan t’Serclaes van Tilly ; puis il était devenu lieutenant général du duc de Mantoue dans le Montferrat (1627) et s’était signalé en 1630 par la défense de Mantoue où il avait été blessé et fait prisonnier.

En épousant en 1634 François-Marguerite de Chivré, petite cousine de Richelieu, il s’était concilié la faveur du cardinal. Nommé maréchal de camp en 1635, il était parti combattre en Allemagne, en Alsace, en Flandre et en Italie. Il fut nommé lieutenant général au gouvernement de Normandie en 1638, mestre de camp du régiment des gardes-françaises en 1639 et lieutenant général en 1641. La même année, la façon brillante dont il se conduisit pendant la campagne de Flandre, surtout pendant les sièges d’Aire, de La Bassée et de Bapaume, allait lui valoir le bâton de maréchal de France.

À la mort de son père (1644), le maréchal devint comte de Gramont, gouverneur de la Navarre et du Béarn. Il fut élevé à la dignité de duc et pair en 1648 et resta fidèle au roi durant la Fronde. Ministre d’État en 1653, gouverneur de Bayonne en 1654, il participa à plusieurs missions diplomatiques, dont l’élection de l’empereur en 1657-1658 et le mariage de Louis xiv en 1659. Son fils aîné, Guy-Armand (v. note [24], lettre 478), né en 1638, est cité dans la suite des lettres, lui aussi sous le nom de comte de Guiche. Le duc a laissé des Mémoires publiés par son fils (1716, 2 volumes, in‑12). Il a inspiré à Edmond Rostand le personnage du comte de Guiche dans son Cyrano de Bergerac. Tallemant des Réaux lui a consacré une historiette (tome i, pages 528-533) (G.D.U. xixe s. et R. et S. Pillorget).

15.

« à la Sorbonne ».

16.

« plus qu’octogénaire, homme de grande science et remarquable pour l’accumulation de ses vertus. »

Jean Filesac (Paris vers 1550-ibid. 1638), théologien catholique français, avait été recteur de l’Université (1586) puis doyen de la Faculté de théologie de Paris. Il a laissé de nombreux ouvrages, dont une :

Medicinæ defensio, adversus Plinium Maiorem. Excerpta ex lib. i Selectorum Ioannis Filesaci Theologi Parisiensis.

[Défense de la médecine contre Pline l’Ancien. Extraite du livre i des Selecta {a} de Jean Filesac, théologien de Paris]. {b}


  1. « Morceaux choisis » de Filesac, dont je n’ai pas trouvé d’édition antérieure à celle de Paris, Sébastien Cramoisy, 1621, in‑4o.

  2. Paris, Rolin Thierry, 1617, in‑8o de 35 pages.

Filesac recense et critique es blâmes de Pline sur les médecins qu’on lit dans son Histoire naturelle. Sa première phrase explique son propos :

Nescio an Græci nominis, an artis odio, aut potius utriusque, Plinius maior acerbissime in Medicinam invehitur lib. 29 historiæ Naturalis c. i.

[J’ignore si c’est par haine du renom grec ou de l’art, ou bien plutôt des deux à la fois, que Pline l’Ancien s’est emporté avec immense véhémence contre la médecine au chapitre i du livre xxix de son Histoire naturelle]. {a}


  1. V. notes [24], lettre 117, [11], lettre 126, [17], lettre 271, [24], lettre 380, et [10], lettre 589.

17.

André Du Val (Pontoise 1564-Paris 1638), par la protection du cardinal Duperron, avait obtenu une chaire de théologie à Paris, puis devint un des supérieurs généraux des carmélites de France et doyen de la Faculté de théologie de Paris. Ultramontain zélé, il avait acquis la faveur du nonce Barberini, qui devint le pape Urbain viii, et poussé son collègue Edmond Richer à signer (en 1629) une rétractation de ses sentiments sur les libertés de l’Église gallicane (richérisme, v. notes [27], lettre 337 et [41] du Patiniana I‑2) (G.D.U. xixe s.).

18.

Stenay, aujourd’hui une petite ville du département de la Meuse, était alors une possession des ducs de Lorraine, qui la cédèrent à la France en 1641. Pendant la Fronde, en 1650, elle devint la place d’armes des mécontents, qui s’y réfugièrent et firent un traité avec les Espagnols. Louis xiv y fit ses premières armes en l’assiégeant pour la prendre en 1654. Le traité des Pyrénées attribua la prévôté de Stenay à la famille de Condé qui l’a conservée jusqu’en 1791 (G.D.U. xixe s.).

19.

Pierre Monod (Bonneville, Savoie 1586-Chambéry 1644) était entré dans la Compagnie de Jésus à 17 ans. Devenu recteur du collège des jésuites de Turin, ses connaissances et son habileté dans les affaires lui avaient acquis l’estime et la confiance de la famille ducale de Savoie, alliée de la France. Confesseur de Madame Royale (v. note [10], lettre 45), sœur de Louis xiii, il avait été chargé d’aller faire prévaloir à Paris les prétentions de la Savoie à la couronne royale de Chypre et à toutes les préséances qui s’y attachaient. Il s’y était pris maladroitement et on l’avait éconduit.

Mécontent de son échec, il chercha à se venger de Richelieu en se ralliant contre lui aux conspirations de son collègue, le P. Nicolas Caussin, confesseur de Louis xiii (v. note [5], lettre 37), et de Louise-Angélique de La Fayette, fille d’honneur de la reine et platonique favorite du roi. Le cardinal en ayant eu connaissance, faisait chasser le P. Monod de France après avoir éloigné ses complices de la cour : Mlle de La Fayette dans un couvent (19 mai 1637) et le P. Caussin en Bretagne (10 décembre suivant). Non content d’avoir neutralisé ses ennemis, le cardinal poursuivit le P. Monod de sa vindicte, imposant à la duchesse régente de Savoie d’exiler son protégé à Coni dans le Milanais. Là, Monod chercha en vain à se venger en s’expatriant en Espagne ; il fut emprisonné en Savoie, à Montmélian, puis au fort de Miolans où il termina ses jours. « Toutes les agitations cessèrent avec la vie d’un homme qui, relégué dans une prison au pied des Alpes, occupait à la fois les cours de Paris, de Madrid, de Rome et de Turin, et troublait le repos d’un ministre-roi qui remuait l’Europe à son gré » (Michaud).

Le P. Monod, sous la signature de « l’historiografe de Savoye », a laissé quelques ouvrages pour la défense de sa patrie, telle son :

Apologie française pour la sérénissime Maison de Savoie. Contre les scandaleuses invectives intitulées première et seconde Savoisienne. Où se voit, comme les Ducs de Savoie ne possèdent chose aucune injustement usurpée sur la Couronne de France ; ains {a} ont été les plus constants en l’amitié de ses Rois, comme les plus anciens en leur alliance… {b}


  1. mais.

  2. Chambéry, G. Du-Four, 1631, in‑4o de 181 pages, dédié au roi Louis xiii.

20.

Brema (Lombardie), forteresse située sur le bord du Pô, avait été investie par les troupes espagnoles. Après la mort de Créqui (v. supra note [13]), la garnison française avait capitulé ; son chef, le baron de Montgaillard, fut condamné pour ce fait par le Conseil de guerre à avoir la tête tranchée (Triaire).

Casal (aujourd’hui Casale Monferrato) est une ville du Piémont, alors capitale du Montferrat, petit duché situé entre la Savoie, indépendante, à l’ouest et le Milanais, espagnol, à l’est, rattaché au duché de Mantoue. Le Montferrat était un enjeu stratégique de première importance : surnommé « la clef des Alpes », il contrôlait la route permettant aux Espagnols de passer d’Italie vers les Pays-Bas.

Guy Patin se souvenait qu’en 1629-1630, Louis xiii et Richelieu avaient eux-mêmes dirigé l’armée française qui envahit le nord de l’Italie et attaqua Casal, dont le siège se conclut sur une trêve proclamée par la spectaculaire intervention du jeune Mazarin, alors au service du pape Urbain viii (v. note [6], lettre 53).

21.

Rhinfeld ou Rheinfelden, est une ville de Suisse (Argovie) sur la rive gauche du Rhin. Ce combat fut fatal au duc Henri de Rohan. La bataille qui avait opposé les Français aux Bavarois s’était déroulée en deux journées, les 28 février et 2 mars 1638.

22.

Henri ii d’Orléans, duc de Longueville et d’Estouteville (1595-Rouen 12 mai 1663), comte de Saint-Pol, prince de Châtelaillon et de Neufchâtel, était fils de Henri ier, duc de Longueville, et de Catherine de Gonzague. Ce fut le plus illustre représentant de cette famille issue de Jean d’Orléans, comte de Dunois, fils naturel de Louis ier de Valois, duc d’Orléans (1372-1407), frère cadet du roi Charles vi de France. Gouverneur de Picardie dès l’âge de 18 ans, Longueville avait pris le parti de Condé et des princes contre le maréchal d’Ancre. En 1617, il avait épousé Louise de Bourbon, fille du comte de Soissons (morte en septembre 1637, v. note [6], lettre 35), puis avait été nommé gouverneur de la Normandie (1619) et pris part au complot de Chalais contre Richelieu (v. note [16], lettre 13). Vite revenu en grâce, il se distinguait alors dans les campagnes militaires de Piémont et d’Allemagne. Il allait se remarier en 1642 avec Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, sœur du Grand Condé. Guy Patin a évoqué la suite de sa vie au fil de ses lettres.

23.

Dunkerque (Nord) était alors un port maritime flamand de première importance commerciale et militaire, au sud des Pays-Bas espagnols ; v. note [9], lettre 105, pour Gravelines.

24.

Jean i de Champrond (mort en 1642), seigneur d’Anche, avait été reçu en 1570 conseiller au Parlement de Paris en la troisième Chambre des enquêtes, puis, en 1581, président en la première, et enfin président en la deuxième, en 1632 (Popoff, nos 213 et 877).

Jean-Jacques Barillon, seigneur de Châtillon-sur-Marne et de Maurigny, avait d’abord été conseiller au parlement de Bretagne (1620), puis à celui de Paris (1623). Président en la première des Enquêtes (1628 ou 1629), il s’opposa vivement à Richelieu puis à Mazarin qui, après l’édit du Toisé (1644, v. note [6], lettre 127), le fit emprisonner en 1645 à Pignerol (v. note [6], lettre 46) où il mourut la même année (Triaire, Jestaz, et Popoff, no 505).

25.

Pierre Thibeuf (mort le 13 décembre 1661), seigneur de Bouville, etc., avait été reçu en 1624 conseiller au Parlement de Paris en la troisième des Enquêtes, et monta ensuite à la Grand’Chambre (Popoff, no 2338).

Claude Foucault (mort le 28 mai 1664) avait été reçu en 1627 conseiller au Parlement de Paris, en la quatrième des Enquêtes ; il monta à la Grand’Chambre en 1661 (Popoff, no 1233).

Jean Sevin, seigneur de Bizay, etc., avait été reçu en 1619, conseiller en la troisième des Enquêtes ; monté à la Grand’Chambre en 1645, il mourut en 1661 (Popoff, no 2292).

Jacques de Sallo (mort en 1648), seigneur de La Coudraye et de Beauregard, avait été reçu, en 1619, conseiller au Parlement de Paris en la première des Enquêtes ; il monta ensuite lui aussi à la Grand’Chambre (Popoff, no 2235) ; deux de ses fils ont figuré plus tard dans la correspondance de Guy Patin. V. note [48] du Borboniana 10 manuscrit pour son mariage et son tempérament.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 7 avril 1638

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(Consulté le 25/04/2024)

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