L. 55.  >
À Claude II Belin,
le 13 avril 1641

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie de l’honneur que m’avez fait de me faire connaître M. Camusat, [2] lequel est un très digne personnage ; je vous prie de lui présenter mes très humbles baisemains et de me conserver en ses bonnes grâces. Votre solliciteur est venu céans pour votre procès avec des factums et la liste des juges, en laquelle je n’ai trouvé personne à qui je pusse recommander votre procès, [1] qu’au rapporteur même, qui est grand ami d’un de mes amis ; mais ledit solliciteur m’a dit qu’il en était assuré par le général des mathurins ; [2][3][4] les autres conseillers, qui n’étaient pas réduits à petit nombre, étant à Rouen [5] ou à l’Édit, [3][6] ou à la Tournelle, [4][7] ou même exilés, comme M. le président de Bailleul, [5][8][9] ou bien morts, comme M. Perrot. [10] Utut sit[6] je souhaite que vous l’ayez gagné, croyant qu’il est jugé. On attend ici le roi [11] et la reine [12] qui doivent venir à la dédicace de la nouvelle église des loyoles, [13][14] rue Saint-Antoine ; [7][15] on dit que Son Éminence [16] y dira la messe. On tient que le roi partira dans 15 jours et ira à Calais, [17] et que le dessein de cette année est sur Saint-Omer. [8][18] On dit que Banier [19] a été battu en Allemagne, [9] mais en récompense, que M. l’archevêque de Bordeaux [20] a gagné force galères [21] et galions sur les Espagnols, que l’on menait pleines de blé à Perpignan [22] et au Roussillon. [10] Le Portugal a entièrement secoué le joug d’Espagne, [11][23] et n’y a pas dans tout ce royaume un Espagnol, s’il n’est aux galères. Leur ambassadeur est ici, comme aussi les députés de Catalogne. [24] Le duc de Lorraine [25] a fait son accord avec le roi sous certaines conditions et lui a fait hommage, où on lui a fait ôter les éperons, quæ tamen invito detracta sunt[12][26] M. le duc d’Enghien [27][28] se porte mieux. [13][29][30] Nihil hic habemus novi in re litteraria[14] Il y a ici grosse querelle entre les évêques, les curés et la Sorbonne [31] contre les moines et jésuites en l’administration des sacrements ; on dit que Son Éminence est pour les évêques. Je n’apprends rien de nouveau contre le P. Cellot, [32] sinon qu’on lui apporte des réponses. [15] Nous avons ici pour prévôt des marchands M. le président Le Boulanger, [16][33][34] à la place de M. Perrot de La Malmaison, [35][36] qui ne l’a été que 15 jours. [17] Je vous baise très humblement les mains, à Mme Belin et à Messieurs vos frères, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 13e d’avril 1641.

M. d’Hocquincourt, [37] le fils, gouverneur de Péronne, [18][38][39] fut hier envoyé prisonnier au Bois de Vincennes [40] pour trois raisons, dont la première est qu’il a eu querelle avec M. de Noyers ; [19][41][42] la deuxième, qu’il a refusé au roi d’aller en Portugal ; la troisième est qu’il a grosse querelle contre son père, qui s’est remarié. [20][43]


a.

Ms BnF no 9358, fo 60 ; Triaire no lvii (pages 189‑191) ; Reveillé-Parise, no xlv (tome i, pages 72‑73).

1.

V. note [3], lettre 56.

2.

Les religieux de l’Ordre de la très Sainte-Trinité pour la rédemption des captifs, institué en 1198 par le pape Innocent iii, portaient en France le nom de trinitaires ou mathurins, qui leur est venu d’une ancienne Église de Paris, dédiée à saint Mathurin et nommée auparavant l’aumônerie de saint Benoît, que le chapitre de Paris leur avait donnée.

Leur couvent, les Mathurins de Paris, était situé dans le quartier latin, près de l’actuel croisement du boulevard Saint-Germain et de la rue Saint-Jacques ; des vestiges en sont encore visibles rue de Cluny, dans le ve arrondissement. L’Université, dirigée par la Faculté des arts (quatre nations), y tenait ses grandes assemblées.

Les mathurins portaient une robe blanche avec une croix rouge et bleue sur le ventre, composée de huit arcs de cercle. On les a surnommés les frères aux ânes parce que leur institution ne leur permettait à l’origine que de monter sur des ânes pour voyager. Leur principale activité était de collecter de l’argent pour racheter les captifs chrétiens des Maures d’Afrique du Nord.

3.

La Chambre de l’édit du Parlement de Paris avait été établie en vertu de l’édit de Nantes, promulgué par Henri iv le 30 avril 1598 pour pacifier les catholiques et les protestants de France. Installée dans chacun des parlements du royaume, c’était une chambre mi-partie, où il y avait des conseillers de l’une et de l’autre confession pour juger les causes religieuses. Le rôle des chambres de l’édit était de « juger, privativement à tous les autres juges, les différends dans lesquels ceux de la Religion prétendue réformée étaient parties principales, ou garants, en demandant ou défendant en toutes matières, tant réelles que personnelles, soit procès par écrit, soit appellations verbales. Ceux de la Religion prétendue réformée n’ont jamais été admis à demander leur renvoi à la Chambre de l’édit quand il a été question du bien de l’Église, de l’intérêt public, de la police ou des droits du roi. Ils pouvaient renoncer au droit de plaider à la Chambre de l’édit et après leur renonciation, ils n’étaient plus recevables à demander leur renvoi. La contestation d’un coobligé ne pouvait empêcher que l’autre qui faisait profession de la Religion prétendue réformée ne demandât le renvoi en cette Chambre » (Claude-Joseph de Ferrières, Dictionnaire de droit et de pratique…, Paris, veuve Brunet, 1769, tome 1).

4.

La Tournelle était une Chambre du Parlement dont les juges se prenaient tour à tour et par moitié dans la Grand’Chambre et les chambres des enquêtes, et qui tint d’abord ses séances dans une petite tour dite tour criminelle. Il existait deux Tournelles : la Tournelle criminelle, établie sous le règne de François ier (ordonnance d’avril 1515), et la Tournelle civile, créée en 1667 (pour juger les affaires au-dessous de 3 000 livres). Les présidents et conseillers de la Tournelle criminelle siégeaient quatre fois l’an : l’avant-veille de Noël, le mardi de la semaine sainte, l’avant-veille de la Pentecôte, et la veille de l’Assomption. Ils tenaient séance aux prisons de la Conciergerie et au parc civil du Châtelet.

5.

Nicolas ii (Nicolas-Léon) Le Bailleul (vers 1586-19 août 1652) se faisait appeler de Bailleul (usage que suivait Guy Patin et que j’ai conservé dans notre édition).

Il était fils de Nicolas i, renoueur (rebouteux) parisien originaire de Normandie (v.  note [108] de la thèse sur la Sobriété, 1647), mais Popoff (no 56) l’a rattaché à la prestigieuse lignée des Bailleul (10e branche). Quoi qu’il en soit, Nicolas ii, reçu conseiller au Parlement de Paris en 1606, était ensuite devenu maître des requêtes (1616), ambassadeur en Savoie, président au Grand Conseil, puis lieutenant civil de Paris (1621), prévôt des marchands de Paris (1622-1628), président à mortier (1627), chancelier de la reine Anne d’Autriche (1630). Alors en disgrâce, la mort de Richelieu allait le faire surintendant des finances en 1643, avec le comte d’Avaux, mais de son propre aveu, il atteignit là les limites de ses compétences. Il perdit cette charge en 1647 avant de se trouver mêlé sans éclat aux intrigues parlementaires de la Fronde. Patin le disait son « grand et intime ami » et l’a signalé comme œuvrant en vain pour l’installation de Claude i Saumaise en France.

De son second mariage (1621) avec Élisabeth Mallier, sœur de François Mallier, évêque de Troyes, Bailleul eut trois filles et un fils, Louis (v. note [23], lettre 293), qui reprit sa charge de président à mortier (Adam).

6.

« Quoi qu’il en soit. »

Jean Perrot, sieur de Saint-Dié, etc., né en 1599, avait été reçu conseiller au Parlement de Paris en 1622, puis président en la quatrième des Enquêtes en 1634, conseiller ordinaire du roi en ses Conseils d’État et privé. Cousin germain de Nicolas Perrot d’Ablancourt (v. note [3], lettre 203), il avait épousé Magdelaine Gombauld sur laquelle Tallemant des Réaux a écrit une historiette (tome ii, pages 240‑245) (Popoff, no 1965).

V. notes [15] du Borboniana 2 manuscrit pour son père, Cyprien, président au mortier du Parlement, et [3], lettre 203, pour son cousin germain, Nicolas.

7.

C’est l’actuelle église Saint-Paul et Saint-Louis, rue Saint-Antoine, dans le ive arrondissement de Paris, construite par les jésuites (ici loyoles) entre 1627 et 1641 sur le modèle de l’église du Gesù à Rome, et dédiée à saint Louis, en l’honneur du roi, qui avait fait don du terrain à la Compagnie. Le lycée Charlemagne qui la jouxte aujourd’hui, était la maison professe des jésuites à Paris.

Cette église nouvelle était distincte de l’ancienne église Saint-Paul, demeurée siège de la paroisse ; aujourd’hui détruite, elle s’élevait un peu plus à l’est, à l’intersection des rues Neuve-Saint-Pierre et de l’Hôtel Saint-Paul ; v. note [1], lettre 348, pour son curé janséniste, Nicolas Mazure, qui eut de sérieuses querelles avec ses voisins jésuites en 1654-1655.

8.

Une large bande côtière, remontant la Manche depuis l’estuaire de la Somme jusqu’à Gravelines, longeait la frontière occidentale des Pays-Bas espagnols et appartenait au royaume de France, en sa province de Picardie. Située à 35 kilomètres au nord de Boulogne (v. note [20], lettre 219), Calais en était la principale ville (Trévoux) :

« Capitale du pays reconquis, petite contrée de Picardie au septentrion, et le long de la mer, Calais n’est pas grand, mais il est bien bâti, et fort peuplé à cause du commerce qu’y attire la bonté de son port. Calais est une des plus fortes villes de France, étant presque toute environnée ou par la mer, ou par des marais, à quoi l’art a ajouté un grand nombre de bastions, une bonne citadelle et un fort, appelé le Risband, qui défend l’entrée de son port. Les Anglais prirent Calais l’an 1347 et l’ont gardé jusqu’en 1558, que le duc de Guise la reprit. »

Saint-Omer, importante place forte de l’Artois espagnol, située sur l’Aa, à 45 kilomètres au sud-est de Calais, et 60 au nord-ouest d’Arras, était ostensiblement visée par les projets militaires ; le dessein portait en fait sur Aire (v. note [6], lettre 58). Le maréchal de La Meilleraye avait reçu l’ordre de s’en emparer ; après une feinte sur Saint-Omer, il se porta brusquement sur Aire avec toute son armée et l’assiégea ; il obtint sa capitulation le 27 juillet (Triaire). Saint-Omer fut déclarée française par la paix de Nimègue (1679).

9.

Johan Gustafsson Banier ou Banér (Djursholm près de Stockholm 1596-Halberstadt 10 mai 1641) était commandant en chef des armées suédoises, et donc allié de Français. En plein hiver, il s’était mis en campagne pour s’unir à Guébriant (v. note [10], lettre 95) et attaquer Ratisbonne, où la diète germanique était assemblée. Une débâcle subite des glaces sur le Danube l’avait forcé à une retraite ; pourchassé par les Impériaux en Bohême, il mourut de maladie.

10.

Pendant qu’un corps d’armée, confié à La Mothe-Houdancourt (v. note [10], lettre 115) marchait sur Barcelone, on avait envoyé sur mer l’archevêque de Bordeaux, Escoubleau de Sourdis (v. note [5], lettre 29), pour appuyer les opérations terrestres. Il avait attaqué et enlevé, dans la baie de Roses, cinq vaisseaux espagnols et pris deux galères ennemies à l’entrée de Port-Vendres (Triaire).

Perpignan (Pyrénées-Orientales), capitale du comté de Roussillon et place forte de Catalogne, était alors une possession espagnole, que Louis xiii allait annexer à la France en 1642.

11.

Depuis 1582, le Portugal avait été sous la tutelle de l’Espagne qui, depuis 1628, l’avait accablé d’impôts et d’emprunts forcés pour financer la politique continentale de Madrid. Des protestations s’étaient élevées, montrant l’incompréhension totale et mutuelle entre les deux royaumes : les Portugais réclamaient l’aide des Espagnols pour la défense ou la reconquête de leurs colonies, mais leur refusaient la leur pour leur politique étrangère. En 1637, la fiscalité et le zèle maladroit d’un corregidor avaient provoqué une insurrection à Evora qui avait duré plusieurs mois et fait tache d’huile. Des contingents espagnols avaient dû être envoyés en Alentejo et en Algarve pour la réprimer. Le ressentiment avait été très lourd, d’autant plus que don Gaspar de Guzmán y Pimentel, comte-duc d’Olivares (v. note [1], lettre 127), projetait son Unión de Armas et l’intégration totale du Portugal dans la monarchie espagnole. Olivares avait tenté de gagner le duc de Bragance (v. note [27], lettre 86), meneur de la révolte, en lui faisant confiance. Il le fit nommer gouverneur militaire du Portugal et lui envoya même quelques fonds destinés à la défense du pays, mais qui furent employés à des fins différentes. La crise catalane avait obligé Madrid à retirer la plupart des troupes castillanes cantonnées au Portugal ; et la coupe déborda lorsqu’Olivares exigea de la noblesse portugaise qu’elle se joignît à elles pour participer à la répression. Le soulèvement avait eu lieu le 1er décembre 1640 ; quelques heures avaient suffi pour éliminer l’autorité espagnole. Soutenu par l’archevêque de Lisbonne et par une partie importante de la noblesse, le duc de Bragance fut acclamé par les Cortes. Il devint le roi Jean iv, le premier de la Maison de Bragance qui allait régner sur le pays jusqu’au xxe s. (R. et S. Pillorget).

12.

« qui furent cependant retirés à contrecœur. » « C’était une des cérémonies en faisant les chevaliers, de leur chausser les éperons. Quand on rend la foi et hommage, il faut quitter ses éperons » (Furetière) ; v. note [19], lettre 54, pour le mauvais accord entre le duc de Lorraine et Louis xiii.

13.

Louis ii de Bourbon (Paris 1621-Fontainebleau 1686), fils de Henri ii, troisième prince de Condé (v. note [8], lettre 23), et de Charlotte de Montmorency (dernière passion amoureuse de Henri iv), portait alors le titre de duc d’Enghien. Sa sœur aînée était Anne-Charlotte, future duchesse de Longueville, et son frère cadet, Armand, prince de Conti. Louis allait devenir le quatrième prince de Condé (M. le Prince) à la mort de son père (1646) et être honoré par les historiens du surnom de Grand Condé. Ce nom d’Enghien (Anguien ou Enguien) venait d’une seigneurie du Hainaut, ancienne propriété des Bourbons, dont le titre avait été transféré par le premier prince de Condé sur sa terre de Nogent-le-Rotrou, érigée en duché-pairie sous le nom d’Anguien-le-François.

Henri ii, après avoir soigneusement veillé à l’instruction du duc d’Enghien, avait forcé, par intérêt politique (et financier), son mariage avec une nièce de Richelieu, Claire-Clémence de Maillé-Brézé (v. note [63], lettre 101), fille de Nicole du Plessis, sœur du cardinal-ministre. L’union avait eu lieu le 11 février 1641. Le lendemain, le duc d’Enghien était tombé gravement malade : un état de prostration entrecoupé de quelques accès de délire, qui ne dura pas moins de deux mois, et qu’on qualifierait probablement aujourd’hui de dépression mélancolique. Bourdelot, son médecin, écrivait le 24 avril à M. le Prince (Pujo, page 49) :

« La médecine que nous donnâmes à Mgr le duc eut un tel succès qu’après la troisième selle, comme par miracle, il rentra dans son naturel, demanda compagnie, causa pendant trois heures, se souvenant des 20 premiers jours de sa maladie, mais pas des 40 autres. »

Louis ii de Bourbon a été un personnage politique de tout premier plan de l’époque couverte par les lettres de Guy Patin. Elles l’ont suivi dans tous les méandres de sa carrière tourmentée. Elle commença fort brillamment en 1643 : Richelieu, juste avant de mourir, avait recommandé le duc d’Enghien à Louis xiii, qui lui confia le commandement des armées de Flandres et de Picardie, avec la difficile mission de contenir les Espagnols qui menaçaient gravement la frontière du Nord. La première campagne du jeune général aboutit à l’éclatante et décisive victoire de Rocroi, qui sauva la France le 19 mai 1643 (v. note [8], lettre 83), cinq jours après la mort de son roi. Le 8 août, la prise de Thionville confirma le génie militaire du jeune duc. À quelques rares revers près (Lérida, 1647), il vola d’une victoire à l’autre jusqu’à la paix de Westphalie (24 octobre 1648) : Fribourg, Mayence, Landau, Nördlingen en 1644, Dunkerque en 1646, Lens en 1648, pour ne citer que les principales.

Durant la première Fronde (dite du Parlement), devenu M. le Prince, Condé demeura fidèle au jeune roi Louis xiv et à la régente sa mère, Anne d’Autriche : il dirigea les opérations qui aboutirent au siège et à la reddition de Paris (janvier-avril 1649). Sa conduite ultérieure et la menace qu’il représentait pour la branche aînée régnante des Bourbons lui valurent d’être arrêté (18 janvier 1650) et emprisonné dans le château de Vincennes, en compagnie de son frère, le prince de Conti, et de son beau-frère, le duc de Longueville. Leur libération un an plus tard (13 février 1651) inaugura la seconde Fronde (dite des princes) qui transforma le Grand Condé en rebelle, criminel de lèse-majesté :

.

Rétabli dans ses honneurs et dignités, M. le Prince, après avoir été candidat malheureux au trône de Pologne (1660-1667), recommença à exercer ses talents de stratège de 1668 à 1675. Il passa ses dernières années dans sa somptueuse retraite de Chantilly, entouré de poètes et de littérateurs, et livré à la fin de sa vie aux inspirations religieuses de Jacques-Bénigne Bossuet.

L’orgueil et l’ambition expliquent en partie les choix politiques tourmentés du Grand Condé (qu’on qualifierait sans doute aujourd’hui d’imprévisible maniaco-dépressif) : général brillantissime qui avait sauvé par deux fois le royaume (Rocroi et la première Fronde), de 17 ans plus âgé que l’enfant-roi Louis xiv et bien supérieur à Gaston d’Orléans, il pouvait nourrir l’ambition de surpasser les descendants directs de Henri iv pour s’emparer de la couronne ; mais Mazarin sut obstinément le contrecarrer. À tous ces titres, M. le Prince, qu’on appelait aussi Son Altesse, horrifiait Guy Patin, mais occupe une place de tout premier choix dans ses lettres.

14.

« Nous n’avons ici rien de nouveau dans la république des lettres. »

15.

V. note [2], lettre 54, pour les déboires théologiques du P. Louis Cellot, jésuite.

16.

Macé Le Boulanger (1573-Paris 16 juillet 1648), baron de Mafflière, etc., troisième fils d’Eustache Le Boulanger, marchand mercier-grossier et échevin de Paris, avait été reçu conseiller à la Cour des aides en 1600, puis secrétaire du roi, Maison et Couronne de France en 1609, charge qu’il avait résignée en 1613. Conseiller au Parlement en 1611, président de la quatrième des Enquêtes en 1624, puis conseiller à la Grand’Chambre, il était nommé prévôt des marchands de la ville de Paris le 24 avril 1641 et continué jusqu’au 6 août 1644 (Popoff, no 696).

Sa mort fut spectaculaire (Olivier Le Fèvre d’Ormesson, Journal, tome i, page 543) :

« Le jeudi 16 juillet, M. le duc d’Orléans étant au Parlement où l’on opinait, M. Boulanger, de la Grand’Chambre, opinant, se servit d’un passage de Cicéron : Ornavit Italiam, mox domum. {a} Il s’éleva un bruit sur ce mot Italiam, et voulant continuer son discours, il tomba à terre mort, sans pouvoir dire une seule parole. Cet accident extraordinaire rompit la délibération »


  1. « Il a orné l’Italie, bientôt sa maison » : citation dont la source cicéronienne est obscure, mais attaque claire contre Mazarin et les sacs d’or qu’il envoyait, prétendait-on, en Italie.

17.

Christophe Perrot, seigneur de La Malmaison (1573-1641), avait été reçu conseiller au Parlement de Paris en 1597. Il avait été nommé prévôt des marchands le 25 février 1641 pour achever la prévôté d’Oudart Le Féron (mort le 7 février), mais mourut le 1er avril suivant (Popoff, no 1965).

18.

Péronne en Vermandois, sur la Somme à quelque 50 kilomètres en amont d’Amiens, était alors toute proche de la frontière espagnole d’Artois.

Charles de Monchy, marquis d’Hocquincourt (1599-1658), était le fils de Georges de Monchy, seigneur d’Hocquincourt, qui fut gouverneur de Boulogne et de Péronne, premier maître d’hôtel de la reine et grand prévôt de l’Hôtel. Charles, lui-même grand prévôt de l’Hôtel par résignation de son père, et gouverneur de Péronne et de Montdidier depuis 1632, avait fait ses premières armes comme maréchal de camp en Italie. Malgré ses déboires du moment, il allait exercer un commandement à la bataille de La Marfée (6 juillet 1641, v. note [1], lettre 110) et combattre ensuite dans le Roussillon, la Flandre, l’Allemagne.

Lorsque la Fronde éclata en 1648, il demeura fidèle au roi et en 1650, commanda à Rethel une partie de l’aile gauche de l’armée qui défit Turenne. Le roi l’en récompensa par le bâton de maréchal de France le 5 janvier 1651. Le prince de Condé lui fit éprouver un échec humiliant à Bléneau en 1652. Tenu pour responsable de la retentissante défaite, Hocquincourt, devenu la cible des pamphlétaires, fut écarté et envoyé en Catalogne en qualité de vice-roi, où il échoua devant Girone.

Remonté en Flandre auprès de Turenne, nommé commandant en chef des armées (1653), il combattait devant Arras lorsqu’il décida brutalement de quitter le service du roi pour les Espagnols. Il proposa en 1654 au prince de Condé de lui vendre les villes de Ham et de Péronne, dont il était gouverneur, et finit par les restituer au roi moyennant 200 000 écus et un gouvernement pour son fils, après avoir mis pendant 15 jours sa trahison à l’enchère.

Mazarin crut l’avoir regagné en rachetant fort cher la ville de Péronne que le maréchal avait investie, mais ce fut en vain : Hocquincourt passa définitivement à l’ennemi ; il quitta la France et se réunit à Condé et aux Espagnols, qui le prirent à gages et le chargèrent de la défense de Dunkerque assiégée par les Français. Lors de la bataille des Dunes, devant Dukerque, le 13 juin 1658, il fut blessé mortellement de cinq coups de mousquet dans une reconnaissance des lignes de l’armée royale.

De son mariage avec Éléonore d’Étampes naquirent cinq fils, dont trois sont mentionnés dans les lettres de Guy Patin.

19.

François Sublet, sieur de Noyers (1588-Dangu en Normandie 20 octobre 1645), avait dû sa belle carrière administrative à son oncle maternel Jean Bochart de Champigny, premier président au Parlement de Paris puis surintendant des finances. Secrétaire d’État en charge de la Guerre depuis 1636, il avait aussi reçu en 1638 la surintendance des bâtiments et manufactures. Son parcours s’interrompit en avril 1643 après la mort de Richelieu et un mois avant celle de Louis xiii (v. note [34] du Patiniana I‑3).

Guy Patin l’a dépeint comme un grand défenseur des jésuites. Il fonda l’Imprimerie royale, installée dans les galeries du Louvre.

20.

Le père de Charles d’Hocquincourt, Georges de Monchy, seigneur d’Hocquincourt, avait épousé en premières noces, en 1598, une de ses cousines, Claude, dame d’Aussenes (fille de Louis de Monchy) ; il s’était remarié sur le tard avec Gabrielle du Châtelet, fille d’Érard v, marquis du Châtelet.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 13 avril 1641

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(Consulté le 28/03/2024)

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