L. 61.  >
À Claude II Belin,
le 12 octobre 1641

Monsieur, [a][1]

Je vous dois réponse il y a longtemps, mais les fréquentes visites [2] qu’il m’a fallu faire à la campagne, à cause que la plupart de nos bourgeois sont aux champs pour leurs vendanges, [3] m’a < sic > empêché de m’acquitter de mon devoir. Premièrement donc, je vous remercie et vous prie aussi de remercier vasculum medone plenum, id est hydromelite[1][4] M. Camusat, [5] de la peine qu’il a prise de m’écrire les mémoires que m’avez envoyés ; je lui fais réponse par un petit mot que je vous prie de lui faire tenir. Je suis malheureux que je n’aie pas été céans quand monsieur votre fils [6] y est venu. Si je savais où il est logé, je l’aurais visité ; il faut nécessairement que j’attende son retour. Vos deux vers de Matthæus Paris [7] sont bien gentils ; [2] je suis bien aise de les savoir, je vous en remercie. Pour les deux vers de Pie v[8] il y a longtemps que je les sais bien ; mais en voici une réponse faite par M. Cachet, [9] médecin de Lorraine, centuria 3, epigr. 59 :

Papa Pius quintus moritur, res mira ! tot inter
Re sanctos, tantum nomine quinque pios
[3]

Le successeur de La Brosse [10] n’est pas encore arrêté. On dit néanmoins que M. Bouvard [11] en aura la meilleure part pour son fils, qui est premier valet de chambre du roi. [12][13] On dit aussi que M. de Noyers, [14] en qualité de surintendant des bâtiments du roi, y veut avoir sa part et en disposer en faveur de quelqu’un de ses amis. [4] Pour votre M. Le Fèvre, [15] on l’appelle ici l’égorgeur de rate[5][16][17] mais je pense que M. de Souvray [18] ne fera rien là pour lui. [6] J’ai lu tout entière la vie de M. de Peiresc, [7][19] c’est un agréable livre. J’ai seulement regret qu’il y ait trois ou quatre sortes de choses là-dedans où je n’entends rien : du prix des monnaies, du prix de l’or contre l’argent, de la marine, de l’astrologie, [8][20][21] de motu solis vel terræ secundum Copernicum[9][22] Les Espagnols sont toujours devant Aire, [23] avec apparence qu’ils la reprendront. Le sieur de Saint-Preuil [24] est prisonnier dans la citadelle d’Amiens ; [25] un habile homme m’a dit aujourd’hui qu’il y a de l’apparence qu’on ne lui coupera pas la tête. [10] La cour est encore à Amiens. On dit que le roi [26] sera ici dans huit jours, et Son Éminence [27] huit jours après. L’archevêque de Bordeaux [28] et son frère, le marquis de Sourdis, [29] sont disgraciés. [11] La reine mère [30] est dorénavant à Cologne. [12][31] Comme elle repassait par la Hollande en venant d’Angleterre, son confesseur y est mort dans le vaisseau, qui était le P. Suffren, [32] de genere loyoliticio[13] S’il était le dernier de sa cabale, ce serait un beau déblai. [14][33] Le pape [34] fait tout de bon la guerre au duc de Parme. [15][35] On parle ici d’une ligue du roi d’Angleterre [36] et du roi de Danemark [37] contre l’empereur, [16][38] pour l’obliger à restituer le Palatinat [39] aux petits Palatins. [17][40] Cela nous aiderait bien à entretenir la guerre en Allemagne et à faire tête au roi de Hongrie. Il me semble que voilà tout ce qu’il y a ici de nouveau. Je vous baise les mains, et à madame votre femme, pour être toute ma vie, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 12e d’octobre 1641.


a.

Ms BnF no 9358, fo 65 ; Triaire no lxiii (pages 210‑213) ; Reveillé-Parise, no li (tome i, pages 83‑85) ; Prévot & Jestaz no 12 (Pléiade, pages 425‑426).

1.

« le petit vase rempli de medo, c’est-à-dire d’hydromel »

Medo est un mot latin peu usité sur lequel Guy Patin allait revenir : v. note [11], lettre 63.

2.

V. note [2], lettre 59.

3.

« épigramme lix, 3e centurie :

« Le pape Pie v {a} est mort : chose admirable que parmi tant de papes, il y en ait seulement eu cinq de pieux ! » {b}


  1. Pie v (Michèle Ghislieri), 225e pape romain, de 1566 à 1572, était moine dominicain (v. note [43] du Naudæana 2, pour son élection). Il fut l’un des grands artisans de l’opposition au protestantisme (contre-réforme) ; il a été canonisé en 1712.

  2. Le prénom papal Pie est la traduction française de Pius, « Pieux ».

Christophe Cachet (Neufchâteau, Lorraine 1572-Nancy 1624) avait étudié la médecine à Padoue et le droit à Fribourg, avant de s’installer à Nancy où il fut le médecin de quatre ducs de Lorraine (Charles iii, Henri ii, François ii, Charles iv). « Ennemi des charlatans et de ces prétendus chimistes qui courent après le Grand-Œuvre, il écrivit contre eux et se fit toute sa vie une affaire de détruire les erreurs dont ils infectaient l’univers » (Éloy).

Le distique latin de Guy Patin est tiré {a} des :

Christophori Cacheti, Lotaringi Archiatri, Exercitationes equestres in epigrammatum centurias sex distinctæ. Quarum prima, et quarta de virtute et moribus, secunda de Deo et Divis, tertia de fide et religione, quinta miscellanea continet, sexta circa res medicas occupatur. His accesserunt elegiæ duæ, prima de morte et passione Christi, altera de assumptione Deiparæ Virginis.

[Essais équestres de Christophe Cachet, archiatre de Lorraine, partagées en six centuries d’épigrammes. La première et la quatrième portent sur la vertu et les mœurs, la seconde sur Dieu et les divinités, la troisième sur la foi et la religion ; la cinquième contient des sujets variés, et la sixième s’occupe d’affaires médicales. S’y ajoutent deux élégies : la première sur la mort et la passion du Christ, la seconde sur l’assomption de la Vierge mère de Dieu]. {a}


  1. Le distique cité par Patin se trouve page 111, sous le titre Diluitur scomma homonymiæ distinctione [Raillerie qu’explique le contraste d’une homonymie] ; v. note [8], lettre 321, pour une variante de cette épigramme.

  2. Nancy, Anthonius Charlot et Claudius Ludovicus, 1622, in‑8o.

L’ouvrage est dédié au sérénissime prince Charles de Lorraine, princed e Vaudemont. L’Author ad lectorem [L’auteur au lecteur] commence par ces mots :

Exercitationes hasce meas equestres inscribo, ut pote quæ totæ fere inter equitandum velut sponte mihi obviæ, nihil privatis meis studiis, nihil publicis, medicisque detrahentes officiis, honesta et suavi nec inutili fortasse meditatione recreant animos, et a curis severioribus distrahunt.

[J’intitule équestres mes essais parce qu’en effet presque toutes se sont comme imposées à mon esprit, tandis que je cheminai à cheval, sans me détourner en aucune façon de mes méditations intimes, ni de mes devoirs publics et médicaux. Elles divertissent les pensées en offrant une méditation honnête et douce, qui n’est peut-être pas inutile, et distraient d’affaires plus austères].

V. note [2], lettre latine 114, pour deux ouvrages médicaux de Cachet.

4.

En qualité de premier médecin du roi, Charles i Bouvard était surintendant du Jardin royal ; il allait en faire donner l’intendance à son fils cadet, Michel (v. note [15], lettre 479). En 1671, Colbert fit réunir les surintendances du Jardin royal et des Bâtiments du roi.

5.

Le Fèvre (sans prénom connu), originaire de Troyes, était un empirique, adepte de la thériaque. Formé à Rome, il exerçait à Paris dans les années 1640. Guy Patin l’a mentionné à plusieurs reprises et a signalé sa mort à Troyes le 15 décembre 1655. Le Fèvre fut un de ceux qui vinrent au chevet de Richelieu lors de sa dernière maladie en décembre 1642. Son surnom d’égorgeur de rate était sans doute une allusion à la curieuse méthode thérapeutique des briseurs ou fendeurs de rate (Méthode des Italiens en la guérison de la rate, ridicule et imperinente ; Jean ii Riolan, Anthropographie, livre ii chap xxiii [La rate], dans Les Œuvres anatomiques de Me Jean Riolan…, 1629, page 317) :

« Mais reprenons la grosseur de la rate, on en surmonte plus heureusement les duretés et les obstructions par l’usage des médicaments que par celui des coups, bien qu’on nous veuille faire croire que les Italiens ne viennent jamais à bout des leurs qu’à force de frapper dessus : car il serait à craindre que la contusion qui accompagne nécessairement les coups, ne tirât après soi la suppuration. C’est pourquoi je tiens que c’est un conte fait à plaisir ; bien que Cardan, qui en est l’auteur, la veuille faire passer pour une histoire véritable, au 8e livre de la Variété des choses, chap. 44, et que même il en ait conseillé l’usage en sa Petite Méthode. Cette façon de soulager la rate est rejetée par Aquapendente, en ses opérations de chirurgie, où il dit que l’usage en est grandement pernicieux. » {a}


  1. V. note [1], lettre 563, pour un autre passage du même livre sur ce sujet.

La rate (σπλην, splên en grec, lien en latin, spleen en anglais) est un organe abdominal situé dans l’hypocondre gauche (Furetière) :

« Sa chair est comme du sang caillé, rare et lâche comme une éponge, propre pour recevoir et boire les grosses humeurs du foie. Galien dit que l’usage de la rate est de nettoyer le sang féculent et d’attirer l’humeur mélancolique ; {a} et pour cela quelques-uns l’ont appelée faux foie, et d’autres l’organe du ris, {b} d’où vient qu’on dit de ceux qui se réjouissent, qu’ils s’épanouissent la rate. »


  1. Atrabile qu’on croyait venue des capsules surrénales, v. note [5], lettre 53.

  2. Rire.

Désopiler la rate (d’où nous est resté l’adjectif désopilant), c’était, à l’aide de médicaments divers, vider la rate de ses humeurs pour en chasser l’atrabile (mélancolie). L’augmentation du volume de la rate (splénomégalie) est une manifestation de diverses maladies du sang (leucémies, lymphomes), de divers états infectieux ou inflammatoires, et de la cirrhose (hydropisie). La rate est un organe fragile qui peut rompre en cas de contusion abdominale, ce qui est susceptible d’entraîner une hémorragie interne mortelle. Briser volontairement une grosse rate en la cognant violemment (à l’aide du poing ou d’un maillet) passait donc alors déjà, et à juste titre, pour un des remèdes des plus « ridicules » qu’on pût concevoir.

6.

Le commandeur Jacques de Souvray (1600-1670), fils de Gilles de Souvray, marquis de Courtenvaux, maréchal de France (1542-1620), et frère de la marquise Magdelaine de Sablé, appartenait à l’ordre de Malte depuis l’âge de 5 ans. Après s’être illustré au siège de Casal, il obtint le commandement des galères de France au siège de Porto Longone (en 1646, v. note [9], lettre 135), et fut, en 1648, accrédité par l’ordre de Malte auprès de Louis xiv ; il reçut, en 1667, le titre de grand prieur de France. Souvray est plus connu comme gastronome que comme guerrier : sa table était une des plus recherchées de Paris et il se glorifiait de faire partie de l’ordre des Coteaux (les marquis friands). Il avait une forte réputation de stupidité (Triaire, G.D.U. xixe s. et Adam). Le commandeur devait faire partie des protecteurs de l’empirique Le Fèvre, mais c’est pure conjecture.

7.

V. note [10], lettre 60.

8.

N’entendant pas bien l’une et méprisant l’autre, Guy Patin confondait volontiers l’astronomie et l’astrologie.

9.

« du mouvement du Soleil ou de la Terre selon Copernic. »

Très illustre savant polonais, Nicolas Copernic (Mikolaj Kopernik, Toruń 1473-Frauenburg 1543) était mathématicien, astronome et médecin. Après de longues études à l’Université de Padoue, il rentra dans son pays natal pour devenir chanoine de divers évêques, exercer la médecine et s’adonner à ses recherches. Il fut le premier à établir et à écrire que la Terre n’occupe pas le centre de l’Univers, mais que, comme les autres planètes, elle tourne sur elle-même et autour du Soleil ; et ce contre l’opinion établie dans l’Antiquité et adoptée par l’Église.

En 1530, il avait achevé la rédaction de ses :

Nicolai Copernici Torinensis de Revolutionibus orbiumcœlestium, Libri v.

Habes in hoc opere iam recens nato, et ædito, studiose lector, Motus stellarum, tam fixarum, quam erraticarum, cum ex veteribus, tum etiam ex recentibus observationibus restitutos : et novis insuper ac admirabilibus hypothesibus ornatos. Habes etiam Tabulas expeditissimas, ex quibus eosdem ad quodvis tempus quam facillime calculare poteris. Igitur eme, lege, fruere.

Α’γεωμετρητος ουδεις εισιτω.

[Cin livres de Nicolas Copernic, natif de Thorn, sur les révolutions des sphères célestes. {a}

Tu as en cet ouvrage tout récemment conçu et mis au jour, studieux lecteur, les mouvements des astres, tant fixes que vagabonds, établis à partir des observations anciennes comme récentes ; ils sont en outre parés d’hypothèses nouvelles et admirables. Tu y as aussi des tables tout à fait commodes à l’aide desquelles tu pourras très facilement calculer ces mouvements à tout moment de l’année. Achète-le donc, lis-le et tires-en profit.

Que nul n’entre s’il ignore la géométrie]. {b}


  1. Nuremberg, Ioh. Petreius, 1543, in‑fo illustré de 408 pages. L’exhortation au lecteur est imprimée sous le titre.

    La préface de l’auteur est dédiée au pape Paul iii (v. note [45] du Naudæana 3).

  2. Devise réputée inscrite sur le fronton de l’Académie de Platon, avec ουδεις au lieu de μηδεις, synonymes signifiant « nul ».

Ce livre fut tardivement mis à l’Index pontifical (1616). La Réforme de l’astronomie a donc été contemporaine de celle de la religion, mais Copernic resta catholique et n’eut pas à souffrir de sa théorie. En la démontrant par des observations stellaires directes, ce fut Galilée qui, un siècle plus tard, eut à endurer les foudres de Rome (v. note [19], lettre 226).

Guy Patin a ajouté dans la marge toute cette fin de phrase, depuis « du prix des monnaies… » ; son érudition n’englobait guère les sciences exactes (y compris en médecine).

10.

L’« habile homme » se trompait : François Jussac d’Embleville de Saint-Preuil (1601-Amiens 9 novembre 1641) fut bel et bien décapité. D’abord capitaine au régiment des gardes, il avait combattu en Languedoc sous le maréchal de Schomberg et capturé le duc de Montmorency (v. note [15], lettre 12) à la journée de Castelnaudary (1er septembre 1632). Obligé de fuir en Belgique à la suite d’un duel, il était rentré en France pour défendre Corbie contre les Espagnols (v. note [2], lettre 31), et en récompense de ses exploits, ne fut pas inquiété pour son duel. Il fut successivement nommé gouverneur d’Ardres, de Doullens et d’Arras.

Montglat (Mémoires, pages 110‑111) :

« Après la prise de Bapaume, {a} devant lequel on ne perdit que Cavois et Montespedon, la garnison {b} fut envoyée à Douai avec escorte, laquelle le gouverneur renvoya étant à demi-lieue de cette ville, n’en croyant plus avoir besoin ; mais dans ce peu de chemin qui restait, Saint-Preuil, gouverneur d’Arras, qui était en embuscade proche de là, le chargea sans le connaître et le défit. Les Espagnols en firent de grandes plaintes, disant qu’on avait rompu la foi publique ; et sous ce prétexte, le maréchal de La Meilleraye l’arrêta de la part du roi et l’envoya prisonnier à Amiens, où son procès lui étant fait, il eut la tête tranchée. Il fut fort regretté car il était brave et fatiguait extrêmement les Espagnols par ses courses continuelles : aussi ils l’appelaient Petit-Jean tête de fer. Les accusations qui furent faites contre lui ne furent que des prétextes, car le véritable sujet de son malheur était la haine que le maréchal de La Meilleraye et des Noyers, secrétaire d’État, lui portaient ; ce dernier à cause qu’il avait frappé de sa canne d’Aubray, commissaire général, qui était son parent et qu’il avait établi dans Arras. Ainsi Saint-Preuil fut sacrifié à la vengeance de ses deux ennemis, contre la coutume du cardinal qui n’abandonnait jamais ceux qui s’attachaient à ses intérêts. »


  1. Par les Français.

  2. Espagnole.

11.

Charles d’Escoubleau, marquis de Sourdis et d’Alluyes (1588-1666) était fils de François i (v. notule {a}, note [37] du Patiniana I‑3) ; le cardinal de Sourdis, François ii (v. notes [27] du Borboniana 2 manuscrit), était son aîné, et l’archevêque de Bordeaux, Henri (v. note [5], lettre 29), son cadet. L’échec de l’« archevêque marin » devant Tarragone (v. note [13], lettre 59) était la raison de sa disgrâce.

12.

Cologne, sur le Rhin, et son archevêché formaient alors l’un des États composant le Cercle électoral du Rhin. Électeurs catholiques du Saint-Empire, les archevêques de Cologne appartenaient depuis le milieu du xvie s. à la dynastie bavaroise des Wittelsbach. La ville même de Cologne était libre ; l’archevêque ne pouvait y pénétrer sans autorisation ; il résidait à Bonn ou à Brühl.

Montglat (Mémoires, pages 116‑117) :

« Durant cette campagne, {a} la reine mère {b} voyant les troubles augmenter en Angleterre et toutes choses se préparer à une guerre civile durant laquelle sa personne ne serait pas en sûreté, partit de Londres à la fin d’août, d’où elle fut descendre à Flessingue ; et delà ayant gagné Dordercht, elle se mit sur le Rhin pour remonter jusqu’à Cologne, où elle arriva au commencement d’octobre et y établit sa demeure. Elle perdit en Hollande le père Sufren, jésuite, son confesseur, {c} auquel elle avait beaucoup de confiance, c’est-à-dire pour sa conscience ; car pour sa conduite temporelle, elle se laissait entièrement gouverner par Fraboni, lequel eut grande inquiétude de ce que la reine étant tombée malade à Cologne, le roi son fils fît sortir de la Bastille Vautier, son premier médecin, pour le lui envoyer. Comme devant sa prison, il {d} avait grand pouvoir sur son esprit, Fabroni craignait qu’il ne le reprît à son préjudice. C’est pourquoi il persuada à Sa Majesté qu’il était gagné par le cardinal, {e} qui ne < le > lui renvoyait que pour être son espion et lui conseiller de retourner à Florence. Il lui mit tellement cette défiance dans la tête qu’elle ne le voulut jamais voir. »


  1. Campagne de 1641.

  2. Marie de Médicis.

  3. V. infra note [13].

  4. Avant d’être emprisonné (en 1630), François Vautier (v. note [26], lettre 117)…

  5. Que Richelieu avait gagné Vautier…

13.

« de la race loyolitique. »

Jean Suffren (Souffran dans le manuscrit de Guy Patin ; Salon-de-Provence 1571-Flessingue 15 septembre 1641), prêtre de la Compagnie de Jésus, avait été nommé confesseur de la reine mère, Marie de Médicis, en 1615, et plus tard confesseur du roi. Il était allé rejoindre Marie dans son exil hollandais, et l’avait ensuite suivie en Angleterre (G.D.U. xixe s.). Il a laissé plusieurs ouvrages pieux, dont le plus connu est :

L’Année chrétienne ou le saint et profitable emploi du temps pour gagner l’Éternité. Où sont enseignées diverses pratiques et moyens pour saintement s’occuper durant tout le cours de l’Année, conformément à l’ordre de l’année, inspiré par le Saint-Esprit à l’Église chrétienne… {a}


  1. Paris, Claude Sonnius, 1640, in‑4o de 1 070 pages ; ouvrage dédié Au Verbe incarné » et composé à la prière de François de Sales.

Henri Fouqueray (chapitre xv, Derniers jours des trois puissants protecteurs [1641-1643], page 440) cite une notice nécrologique écrite peu de tems après sa mort :

« Comme il attendait {a} le temps propre pour faire voile en Hollande, rapporte son biographe, il fut attaqué d’une fièvre tierce qui, prenant tous les jours de nouvelles forces, le fit résoudre sans beaucoup de peine à se préparer à la mort. Il est vrai qu’il souhaita de rendre l’âme dans quelque maison de la Compagnie, comme dans le sein de sa bonne mère, mais il n’obtint pas cette faveur. Il avait coutume de conserver parmi les maladies du corps une grande tranquillité d’esprit ; or, il fit le même en cette dernière ; il demeura dans une si profonde paix que jamais il ne proféra que cette parole : Je me trouve bien, loué soit Dieu ! […] et non content d’avoir reçu avec de grands sentiments de dévotion les sacrements de pénitence et de la communion, il voulut encore recevoir les saintes huiles avant que se mettre sur mer, qui lui donnait bien de la peine même en santé, lui en donna encore bien plus étant malade, joint que la salve des canons donna une telle agitation au vaisseau qui le portait qu’étant réduit aux abois, vingt-quatre heures après qu’il fut arrivé à Flessingue et qu’il eut pendant tout ce temps lutté courageusement contre la mort, enfin ayant toujours eu les yeux sur un crucifix qu’il tenait en mains et avec lequel il faisait de très doux et très amoureux colloques, il rendit doucement son âme à Dieu. »


  1. À Douvres.

14.

Déblai : « ce mot n’a d’usage qu’en ces phrases, beau déblai ! voilà un beau déblai ! qui se dit pour marquer qu’on est bienheureux d’être défait de quelqu’un ou de quelque chose qui incommodait. Il est familier » (Académie).

15.

La querelle entre le pape Urbain viii et Édouard ier Farnèse, duc de Parme, se rattachait à l’affaire de Castro : v. note [14], lettre 62.

16.

Christian iv (1577-1648), fils de Frédéric ii (1534-1588), était monté sur le trône de Danemark et de Norvège à la mort de son père, et avait été, pendant sa minorité, placé sous la tutelle d’un conseil des nobles. Instruit, éclairé, constamment préoccupé de réformes et d’améliorations, il fut le plus remarquable des rois de la Maison d’Oldenbourg. En guerre avec la Suède, il lui avait imposé la libre navigation dans la Baltique par la paix de Sjoeroed (1613). Il réorganisa l’Université de Copenhague, fonda un observatoire, un jardin botanique, des bibliothèques, des écoles. Créateur d’une marine puissante, il eut le premier l’idée de chercher le passage du nord de l’Amérique en Asie, fonda des colonies au Groenland, donna un développement considérable au commerce et aux expéditions maritimes. Il reconstruisit la ville d’Oslo en Norvège, qu’il baptisa Christiania, améliora la législation, les finances, l’instruction publique, mais tenta sans succès de diminuer les prérogatives de la noblesse et d’abolir le servage. Tous ses efforts dans cette voie vinrent constamment se briser contre l’égoïsme de l’aristocratie. Pendant la guerre de Trente Ans, cédant aux sollicitations des princes protestants, il avait pris le commandement de l’armée de la Basse-Saxe, été battu par Johan t’Serclaes van Tilly à Lutter-sur-Baremberg (1626), mais avait paru encore assez redoutable à l’Autriche, par son alliance avec Gustave-Adolphe, pour obtenir le traité de Lübeck (1629). Une guerre avec la Suède (1643-1645), pendant laquelle il essuya quelques revers, lui fit perdre les provinces norvégiennes de Herjedal et de Jemteland, ainsi que les îles de Gothland et d’Œsel. Ce fut là le dernier événement considérable de ce long règne, qui dut surtout son éclat et sa gloire aux institutions civiles et à l’administration intérieure (G.D.U. xixe s.).

Anne, sœur de Christian iv, avait épousé en 1589 Jacques vi, roi d’Écosse, devenu en 1603 Jacques ier, roi d’Angleterre, père de Charles ier, qui régnait alors. Alliée de la France, qui la soutenait financièrement, la Suède rallumait la guerre contre l’empereur en envoyant un renfort de troupes mené par le généralissime Lenart Torstensson.

17.

Le Palatinat du Rhin (Rheinpfalz) avait été un électorat de l’Empire dirigé par un prince de la famille des Wittelsbach, le comte palatin du Rhin. Sa capitale était Heidelberg et son territoire s’étendait sur les deux rives du Rhin, entre la Lorraine et l’Alsace au sud, Trèves, Mayence et Liège à l’ouest et au nord, et Bade et le Wurtemberg à l’est. On l’appelait aussi Bas-Palatinat, par opposition au Haut-Palatinat (Oberpfalz) de Bavière. La guerre de Trente Ans avait fait l’infortune de l’électeur palatin, Friedich v (1596-1632), qui, en 1622, avait dû fuir en Hollande après avoir perdu le Palatinat rhénan et son électorat (qui fut transféré au duc de Bavière). Les « petits Palatins » étaient ses enfants : son fils aîné Karl-Ludwig (v. note [30], lettre 236) et ses frères (Ruprecht, Maurice et Édouard) ; ils tentaient alors de récupérer l’héritage de leur père, ce qui ne se fit que laborieusement après les traités de Westphalie en 1648.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 12 octobre 1641

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(Consulté le 29/03/2024)

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