L. 101.  >
À Charles Spon,
le 8 mars 1644

Monsieur, [a][1]

J’ai peur que vous ne vous moquiez de moi quand vous me dites que mes lettres sont pleines de termes obligeants. Il est vrai que je ne manque pas de bonne volonté, j’en suis tout plein ; mais en récompense, je n’ai guère de rhétorique, je dis les choses grossièrement et comme je les entends, à la mode des soldats de Pompée, [2] qui scapham vocabant scapham[1][3] Pour ma thèse, [4] elle ne mérite pas toutes vos louanges, lesquelles j’attribue à votre bonne volonté et amori in me tuo[2] Pour les points éclaircis, Dieu soit loué si vous en êtes content, mais je veux croire que vous les saviez mieux que moi.

De papulis, modo critice, modo symptomatice erumpentibus, idem tecum sentio, dum pravum victum variolarum causis annumero, nec ipsum aerem excludo, sed longe minus potentem agnosco[3][5] Je tiens la bouillie [6] pour mauvais aliment, tant à cause de la farine, qui n’est pas souvent assez bonne, qu’à cause du lait de vache, [7] qui n’approche que de loin la bonté de celui de la mamelle, [8] qui est tiré tout frais, tout nouveau, tout chaud et tout spiritueux par l’enfant, [9] au lieu que celui de vache est extrêmement faible en comparaison ; joint que c’est un aliment visqueux, grossier, qui fait de la colle dans l’estomac d’un enfant, et force obstruction dans son ventre. Les anciens Grecs n’ont pas connu la petite vérole, [10] hoc habeo indubitatum atque certissimum ; [4] aussi les enfants ne mangeaient-ils pas de bouillie de leur temps, et sola mamma utebantur[5] Jacobus de Partibus, [11] qui vivait il y a 180 ans, a écrit que les femmes de son temps péchaient fort en l’éducation de leurs enfants pour la bouillie qu’elles leur faisaient prendre, faite de lait de vache et de farine, et reprend cette erreur comme toute nouvelle, et qui n’était pas en vogue du temps des Anciens qui ne l’eussent jamais approuvée. [6] Galien [12] a véritablement parlé de la bouillie, mais il ne paraît pas que les enfants en aient usé de son temps. [7] Ipsa quoque pulticula constituit dumtaxat partem victus legis ipsorum infantulorum. Cum qua licet interdum sufficientissima et alia pleraque errata interdum concurrunt[8] Tous les bons auteurs qui n’ont pas été médecins et qui ont parlé de la nourriture des enfants, tels qu’ont été Aristote, [13] Platon, [14] Plutarque, [9][15] Sénèque, [16] Aulu-Gellius, [17] Érasme [18] et tant d’autres, nusquam pulticulæ meminerunt, quasi nescivissent aut attigissent, aut damnassent[10] Il vaudrait beaucoup mieux accoutumer les enfants [19] à prendre du bouillon avec la cuiller ou humer petit à petit, [11] y ajoutant quelque mie de pain [20] à mesure qu’ils croîtraient, que de les réduire à ce grossier et visqueux aliment dont les nourrices [21] de deçà crèvent leurs enfants, et durant qu’ils sont à la mamelle, et après qu’ils sont sevrés. Mes cinq petits garçons n’ont point mangé de bouillie et n’ont été que peu ou point du tout attaqués de ce mal, et je n’en vois point de plus mal traités en cela que ceux qu’on rapporte ici qui ont été nourris aux champs, où les nourrices leur en fourrent jusqu’à la gorge ; aussi leurs < petite > véroles sont-elles cruelles et horribles, et la plupart mortelles. Pour ceux qui n’ont pas mangé de bouillie et qui ont beaucoup de petite vérole, elle leur est venue de quelque autre cause, comme il y en a dix mille. [12] Il y a de malheureuses femmes qui donnent du vin [22] à leurs enfants encore tout petits ou de la soupe au vin, in quo mihi peccare videntur gravissime ; [13] joint que vix ullus est hominum in cuius educatione, multis etiam modis non deliquerint ipsæ matres et ancillæ diversis etiam infantiæ momentis atque temporibus[14] Les nourrices ne font jamais la bouillie assez claire, et ne la peuvent faire à cause de la farine. Tantillum salis nil quidem oberit neque tantillum sacchari, sed ad saporem tantum[15] Le sel ne peut ni doit y être mis qu’en petite quantité ; pour le sucre, [23] si on y en met de trop, il tire quant et soi merveilleuse conséquence, [16] et toujours mauvaise à cause d’une chaleur fixe qu’il contient, hepati et intestinis inimicum[17] J’avoue bien qu’étant fort bien faite, elle nuit moins ; mais à tout prendre, omnia reducta ratione[18] elle n’est pas assez pour la tendresse d’un enfant, auquel un tétin doit suffire jusqu’à ce qu’il soit capable de bouillons et d’œufs frais.

Quod spectat ad Avicenam, parvi facio hominem[19][24] Il n’a guère rien dit de bon qu’il n’ait pris des Grecs, mais il a bien dit des choses frivoles et nous a gâté la médecine par ses fatras de remèdes. Quand on me parle de lui, idem fere sentio cum quodam Italo, qui scripsit Avicennam potius esse carnificem quam medicum[20] Son opinion de ne saigner [25] les malades que quand les signes de coction apparaissent serait un bel échantillon de sa preuve, que Fernel [26] a réfutée lib. 2, Meth. med., cap. 13[21] Nous ne savons ce que c’est que cet auteur ni son livre, si la traduction en est bonne ou non, s’il a été médecin consommé dans la pratique (ce qui ne paraît pas) ou plutôt, s’il a été jeune homme savant qui ait traduit cette médecine en arabe du latin d’Isidorus Hispalensis, [27] comme l’ont écrit les Espagnols. Ut ut sit[22] il y a des plus de vingt ans qu’un des grands hommes que j’aie connu jamais m’a détrompé de cet Arabe, [28] in quo non nego esse quædam bona, sed pauca[23] Je n’ai pas de temps à lire un si mauvais livre. Je crois que l’ébullition de la masse du sang est un pur effet de la pourriture qui y est, sans s’amuser à la qualité de la cause d’icelle. [24][29]

Voilà ce que je vous puis dire sur tous ces sujets, quod spero æqui bonique consules[25] si vous daignez prendre la peine d’aider un peu à la lettre et à ma faiblesse, [26] et peut-être aussi à la difficulté qui m’est naturelle, comme à beaucoup d’autres, de pénétrer jusque dans le dernier point de la vérité en toutes ces choses où les apparences et les conjectures tiennent bien souvent lieu de vérité et de preuves certaines. Pour le mot d’egelidam, non nego esse æquivocum, et interdum, quamvis rarius, significare frigidum, sæpius tamen tepidum significat[27] Quant aux cardiaques, [28][30] ea sola proprie roborant cor, quæ ad illud perveniunt ; atqui soli spiritus et sanguis ad cor perveniunt ; ergo, quid enim confectioni decocto baphico cum corde ? Habet illud medicamentum vaporem et odorem ; præterea calorem insigniter devorantem : nullam prorsus vim adversus malignitatem ; quid ergo præstabit ut et alia falso dicta cardiaca in tanto putredine. Aspersio frigida roborat quidem per accidens, dum cohibet effluxum spirituum ; [29][31][32][33] en quoi elle fait mieux que toutes les confections chaudes, quæ caloris nativi robur et substantiam dissolvunt intensa sua caliditate[30] Les eaux nouvelles cordiales, [31][34] combien que mal à propos, ne peuvent être nommées diaphorétiques, [32][35] ne faisant rien qui en approche, cum nil tale præstent, habent empyreuma a distillatione, præterea nihil nisi calorem nocivum. Præsentis malignitatis in morbis haberi velim rationem per remedia quæ evacuant et educunt, quæ refrigerant, quæ partes liberant ab humore putri in eorum substantiam penetrante atque se se impingente : qualia sunt enemata quæ alvum deplent ; venæ sectio, quæ putredinem coercet dum putrem humorem e venis educit, per quas tamquam per tubulos in singulas corporis partes effertur, in quibus sæpe labem imprimit atque inurit insuperabilem atque ullis artis nostræ præsidiis indelebilem. Præsertim in pulmone et tenuibus intestinis, quæ nihil accipiunt nisi per venas, quæque ambæ sola sanguinis missione possunt depleri atque levari. Enemata non perveniunt ad tenuia intestina, neque inflictam malitiam possent delere ; qui dicuntur bechici syrupi omnes calent nec perveniunt ad pulmonem, nec iuvarent si pervenirent. Hæc omnia medicamenta sunt arabum nugæ, quas pharmacopolæ, callidissimum et versutissimum hominum genus, foverunt, ac retinuerunt ad emungendos ægrorum loculos, indeque sanctissimam artem nostram natura sua saluberrimam atque salvatricem nefandis suis artibus prædatricem effecerunt[33] et l’ont rendu tel qu’il n’est plus que pour les riches et que les pauvres n’y peuvent plus atteindre. Neque aquæ illæ, neque confectiones istæ possunt iuvare motum naturæ coeffundendo ; quin potius, naturæ conatum impediunt atque cohibent sua intemperie, nec possunt a centro ad circumferentiam quidquam depellere[34] Vous me dites urgentioris malignitatis indicatio præpollet febrili incendio : transeat ; sed hoc præstat venæ sectio, non ista cardiaca ; venas deplet, naturam levat, partes vindicat, putredinem emendat, copiam humorum minuit qui naturam gravant, atque lacessunt, ægros denique mille beat commodis tempore et loco celebrata : et quod in rebus mortalium præstat fortuna, illud idem præstat venæ sectio in variolarum curatione, utramque faciendo paginam accepi et expensi[35][36] Voilà ce que j’en ai appris autrefois de mes bons maîtres (quorum manibus bene precor[36] et que j’ai pratiqué depuis vingt < ans > sur une infinité, nec pænitet frementibus etiam et frendentibus pharmacopolis, quorum triscurria ne quidem pili facio ; veris tamen cedam, si meliora docere volueris, neque tamen omissum velim victus legem exquisitissimam esse servandam ex iusculis optimis carnibus saporatis, herbis refrigerantibus medicatis, ovis aliquot sorbilibus, gelatina, aquæ, vel ptisanæ, vel limonacii malo citrio potu : plus enim tribuo, in hoc morbo, quam toti Arabiæ, cum eius depulsio pendeat ab unica putredinis expugnatione[37] Je vous prie de prendre en bonne part tout ce que dessus et d’excuser ma faiblesse, ou plutôt mon ignorance. Et finissant là ce discours que vous trouverez trop importun, je vous dirai ici avec le bon Virgile [37] sur cette matière, hic tandem cæstus artemque repono[38] Passons à d’autres matières plus divertissantes avec votre permission.

M. Merlet, [38][39] huit jours avant la mort de M. Richer, [40] fit un faux pas sur une montée, dont il pensait s’être rompu la jambe, mais il n’avait que le péroné un peu luxé. [39] Les rieurs disent qu’il eût mieux fait de se rompre le cou. Ce sera pour une autre fois, quand il plaira à Dieu de délivrer notre École d’un terrible patelin, qui vere est mala merx, malus animus[40] Je vous remercie de tous les livres que vous m’adressez, j’aurai soin de les retirer selon votre enseignement. [41] J’ai céans il y a déjà longtemps le livre de M. Servius [41] Iuveniles feriæ, c’est fort peu de chose, mera sunt mapalia ; il a mieux fait in suis Institutionibus medicinæ, in‑12 ; il a fait aussi depuis deux ans un autre livre fort impertinent de unguento armario[42][42] Je ne l’ai que vu, et jugé par là du personnage : il est si sot et si crédule qu’il ajoute foi à ces bagatelles paracelsiques et galéniennes. [43] J’honore la mémoire de M. Ranchin, [43] mais j’ai bien de la passion pour Caspar Hofmannus [44] et ses écrits, de quibus magnifice sentio[44] Hélas ! quand plaira-t-il à M. Huguetan [45] que nous voyions ses belles Institutions ? Quid moratur ? [45] Jamais livre de médecine n’eût un si bon et si beau débit. J’ai peur de mourir avant que de le voir achevé, tant je le souhaite. Il n’y a rien ici de nouveau hormis le livre de M. Arnauld, [46] De la fréquente Communion[47][46][47][48][49] duquel on a fait quatre éditions depuis la Saint-Jean[48] Plusieurs ont éclaté contre lui, entre autres le P. Petau, [50] qui n’y a rien fait qui vaille ; [49] mais je ne vous en dirai pas davantage, M. Moreau [51] s’étant chargé de vous mander cette controverse. [50][52][53][54][55] M. d’Angoulême, [56][57] vieux pécheur de 72 ans, a épousé une fort belle demoiselle de 18 ans, [58] et le tout pour le salut de son âme ; encore est-ce quelque chose quand un prince en vient là. [51]

Depuis tout ce que dessus écrit il y a déjà plusieurs jours, je vous dirai qu’enfin le Gazetier[59] après avoir été condamné au Châtelet, [60] l’a été aussi à la Cour, mais fort solennellement, par un arrêt d’audience publique [61] prononcé par M. le premier président[52][62][63] Cinq avocats ont été ouïs, savoir celui du Gazetier, celui de ses enfants, celui qui a plaidé pour les médecins de Montpellier, [64] qui étaient ici ses adhérents, celui qui plaidait pour notre Faculté et celui qui est intervenu en notre cause de la part du recteur de l’Université. [53] Notre doyen [65][66] a aussi harangué en latin en présence du plus beau monde de Paris. Enfin, M. l’avocat général Talon [67][68] donna ses conclusions par un plaidoyer de trois quarts d’heure, plein d’éloquence, de beaux passages bien triés et de bonnes raisons, et conclut que le Gazetier ni ses adhérents n’avaient nul droit de faire la médecine à Paris, de quelque université qu’ils fussent docteurs, s’ils n’étaient approuvés de notre Faculté, ou des médecins du roi ou de quelque prince du sang [54] servant actuellement[55] Puis après, il demanda justice à la Cour pour les usures du Gazetier et pour tant d’autres métiers dont il se mêle, qui sont défendus. La Cour, suivant ses conclusions, confirma la sentence du Châtelet, ordonna que le Gazetier cesserait toutes ses conférences et consultations charitables, tous ses prêts sur gages et autres vilains négoces, et même sa chimie, [69] de peur, ce dit M. Talon, que cet homme, qui a tant d’envie d’en avoir par droit et sans droit, n’ait enfin envie d’y faire la fausse monnaie. [70] L’arrêt sera imprimé avec les plaidoyers. Dès aussitôt, je vous en ferai tenir quelques exemplaires ; j’espère que cela sera beau à voir. [56][71] Il y avait ici quelques médecins étrangers de diverses universités, mais de Montpellier moins que de nulle part, qui eussent volontiers espéré que le Gazetier eût gagné son procès, à quoi néanmoins il n’y avait nulle apparence, et ce qui ne se pourrait faire jamais sans un horrible désordre ; mais voyant qu’il l’a perdu et qu’il est tout à plat déchu de toutes ses prétentions, et même que M. le procureur général [72][73] entreprend d’en faire lui-même l’exécution, [57] tant envers le Gazetier qu’iceux siens adhérents, quelques-uns colligunt vasa atque sarcinulas, et de mutando solo cogitant[58] Quelques autres disent qu’ils tâcheront de se mettre au premier examen, que nous allons faire incontinent, qui sera chose assez mal aisée à plusieurs d’entre eux. Les apothicaires [74] eussent pareillement bien désiré que ce Gazetier eût gagné, pour tâcher de remettre en crédit leur bézoard [75] et autres forfanteries de leurs boutiques ; mais ils sont aussi connus que le Gazetier même. Son avocat parla fort contre nos fréquentes saignées selon les mémoires qui lui en avaient été fournis ; mais outre qu’il en fut sifflé et moqué de tout l’auditoire, il en fut aussi tancé et rudement repris par M. l’avocat général lorsqu’il donna ses conclusions. Le Gazetier dit maintenant qu’il ne se soucie point de faire la médecine, vu qu’il y épargnera 2 000 livres qu’il lui coûtait par an à faire des charités, Credat Iudæus Apella, non ego ! [59][76] mais que l’arrêt le blesse particulièrement en ce qu’il lui défend de plus rien faire de tous ces autres trafics dont il se mêlait, et qu’il tâchera de s’en faire relever par la faveur de la reine [77] ou du cardinal Mazarin, [78] in quo sudabit plus satis, nec quidquam profecturum puto[60] Les rieurs ne sont plus pour lui, le temps est changé : versa est alea[61]

M. le Prince [79] s’en va plaider contre Mme d’Aiguillon [80][81] afin de faire casser le testament du cardinal, son oncle, [62][82] au nom de sa bru, la duchesse d’Enghien. [63][83][84][85] La duchesse d’Aiguillon a cherché la paix et tâchant d’avoir composition, a offert 1 200 000 livres au dit prince, qui ne veut pas boire à si petit gué : il dit qu’il veut en faire venir davantage.

Je veux vous faire part de quatre vers qu’on me vient de donner sur le procès et l’arrêt du Gazetier, à l’imitation des quatrains qui sont dans les Centuries de Nostradamus : [86]

Quand le grand Pan quittera l’écarlate,
Pyre venu du côté d’Aquilon
Pensera vaincre en bataille Esculape ;
Mais il sera navré par le Talon
[64][87][88]

Bataille [89] est le nom de l’avocat du Gazetier qui a perdu contre nous. [65] Talon est le nom de Monsieur l’avocat général qui a donné de rudes conclusions contre Renaudot et tous ses adhérents, soi-disant docteurs en médecine de la Faculté de Montpellier et autres universités fameuses, desquels M. Talon dit que tous ces degrés se conféraient si aisément hors de Paris que toutes ces universités étrangères auraient besoin de réformation en ce point, et que ce spécieux titre de médecin de Montpellier n’était à Paris qu’un prétexte qui couvrait ordinairement un charlatan [90] ou un ignorant, qui même n’avait peut-être jamais été à Montpellier. Quod bonorum virorum et vere doctorum salva pace dictum velim. [66]

Il y a ici en cette ville un honnête homme médecin de Saintes, [91] nommé M. Murend, [92] qui est tibi frater in Christo[67] Il est ici pour un procès, je lui ai fait récit de vous comme vous méritez. Il a bien envie de faire amitié avec vous, et d’avoir quelque petit commerce de livres et de la médecine par votre moyen, il vous en écrira. Il dit qu’il connaît M. Gras. [93] Rogo te ut habeas illum per me tibi commendatissimum[68] je le trouve honnête homme, sage et fort bon. Je vous demande pardon d’une si longue et si mauvaise lettre. Excusez-moi du tout en tout et croyez que je serai en récompense toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Patin.


a.

Triaire no ciii (pages 368‑379) ; Reveillé-Parise, no clxxv (tome i, pages 316‑325).

1.

« qui appelaient une barque une barque » ; proverbe latin (appeler un chat un chat) repris par divers auteurs, tel Érasme parlant du vol (Colloques, xxiii) :

At istam artem nos crassiores solemus vocare furtum, qui ficum vocamus ficum, et scapham scapham.

[Mais nous autres, qui appelons fort grossièrement figue une figue et barque une barque, nous avons coutume d’appeler cet art le larcin].

Pompée (Cnæus Pompeius Magnus, 106-48 av. J.C.), général romain couvert de conquêtes et de victoires, consul en 70, forma avec Crassus et Jules César le triumvirat qui dirigea Rome de 60 à la mort de Crassus, en 53. Resté seul face à César, il profita du départ de son rival en Gaule pour prendre les pleins pouvoirs à Rome. L’ambition des duumvirs aboutit à la guerre civile : César franchit le Rubicon (janvier 49) et défit Pompée à la bataille de Pharsale (48). Pompée se réfugia en Égypte, où il fut assassiné sur l’ordre de Ptolémée xiii.

2.

« et à votre amour pour moi. »

VUne thèse de Guy Patin : « L’homme n’est que maladie », pour celle dont il reparlait ici à Charles Spon.

3.

« Pour les papules faisant éruption tantôt sur le mode critique, tantôt sur le mode symptomatique, j’ai la même opinion que vous. Je compte certes une mauvaise alimentation parmi les causes de la variole, mais sans exclure l’air lui-même ; je le considère pourtant comme de bien moindre importance. » (il n’a pas semblé utile de conserver les points de suspension mis entre dum et pravum dans les précédentes éditions de cette lettre dont le manuscrit n’a pas été conservé).

S’agissant de variole, papule n’est pas à prendre ici dans le sens moderne de « petite élevure de la peau, solide, ne contenant ni pus, ni sérosité, et se terminant par desquamation » (Littré DLF), mais dans celui de pustule (vésicule contenant du pus).

4.

« je tiens cela pour indubitable et absolument certain ».

5.

« et n’avaient recours qu’à l’allaitement. » La déduction de Guy Patin prête à sourire…

6.

Jacques Desparts (Jacobus de Partibus, Tournai 1380-1457) commença ses études de médecine à l’Université de Montpellier et vint les terminer à Paris, où il fut reçu docteur en 1409. Il devint successivement chanoine et trésorier de l’église de Tournai, chanoine de celle de Paris, premier médecin du roi Charles vii et de Philippe, duc de Bourgogne. Desparts voulut que les richesses qu’il avait accumulées servissent à faciliter l’étude de la médecine : en 1454, il donna 300 écus d’or, une partie de ses meubles et de ses manuscrits à la Faculté, qui put ainsi faire élever à Paris, dans la rue de la Bûcherie (v. note [14] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté), les Écoles de médecine qui subsistèrent jusqu’au lendemain de la Révolution. Ce bienfait excita vivement la reconnaissance de la Faculté ; elle décréta que chaque année elle ferait célébrer une messe du Saint-Esprit pour la conservation de Desparts, et après sa mort, un service à perpétuité ; elle lui marqua aussi sa confiance en le choisissant pour un de ses députés au concile de Constance.

Desparts a principalement commenté les Arabes (Descurets in Panckoucke) : Summula Jacobi de Partibus per alphabetum super plurimis remediis ex ipsius Mesue libris excerptis [La petite somme de Jacques Desparts, sur un très grand nombre de remèdes tirés des livres de Mésué, rangés par ordre alphabétique] (sans lieu ni nom, 1500, in‑4o) ; éditions de plusieurs traités (fen) du Canon d’Avicenne.

7.

Au paragraphe 54 de son traité De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus, liber vii [Des combinaisons et facultés des médicaments simples, livre vii], Galien (Kühn, volume 12, pages 45) appelle farine épaissie (κριμνος, crimnos ; crassior farina en latin) celle qu’on tire du froment et de l’épeautre, et qui sert à préparer la bouillie (ροφμα, rophma, ou πολτος, poltos ; puls ou sorbitio en latin) ; il la dit plus nourrissante, mais plus difficile à digérer que la polenta (bouillie de farine d’orge), bien que celle d’épeautre soit plus légère au ventre que celle de froment, surtout si on la consomme froide.

Galien parle ailleurs (chapitre xix, De Fabis [Les Fèves] du traité De alimentorum Facultatibus, liber i [Les Facultés des aliments, livre i] ; Kühn, volume 6, page 530) de la bouillie de fèves (κυαμων ετνος, kuamôn etnos ; fabarum puls en latin), la jugeant flatueuse, mais moins tout de même que les fèves entières bouillies.

Enfin, au chapitre lxxiv de son quatrième commentaire sur le Hippocratis de acutorum morborum victu liber [Livre d’Hippocrate sur l’alimentation dans les maladies aiguës] (Kühn, volume 15, page 862), Galien recommande de faire boire du vin de Crète et manger de la bouillie, ou farine cuite, quand la crise urinaire et sudorale tarde à suivre la coction d’une fièvre.

8.

« Pour tout un chacun la bouillie elle-même tient seulement une place dans le régime des nourrissons. Il y a conflit entre ceux qui en font une part très modérée, et d’autres qui la veulent dominante. »

9.

Plutarque (Chéronée en Béotie vers 50-ibid. vers 125) est un écrivain grec prolifique dont la production est formée de deux parties : les Œuvres morales formées de 78 traités, et les Vies parallèles formées de 46 biographies alternées de Grecs et de Romains illustres groupées par paires. Traduits en français par Jacques Amyot au xvie s. (v. note [6], lettre 116), les ouvrages de Plutarque ont été les plus lus des textes de l’Antiquité jusqu’au xixe s. (G.D.E.L.).

10.

« n’ont nulle part mentionné la bouillie, comme s’ils l’avaient ignorée ou combattue, ou condamnée. » Pour la cohérence de la phrase, le novissent [l’avaient admise] des précédentes éditions a été remplacé par nescivissent [l’avaient ignorée].

11.

Humer, au sens premier, c’est « avaler en retirant son haleine [en aspirant]. Il ne se dit guère que des corps liquides comme des bouillons, œufs frais, sirops, ou autres choses qu’on avale par remède ou par aliment. Il faut humer le café [v. notule {f}, note [33] de la Leçon sur le Laudanum et l’opium], le chocolat [v. note [31], lettre 150] tout chaud » (Furetière).

12.

Partie la plus cruciale de la médecine, l’étiologie est la recherche des causes. Les médecins, comme Guy Patin, se tirent toujours et encore de leurs incohérences étiologiques en invoquant les causes multiples et mélangées des maladies qu’on dit alors « multifactorielles » ; et puis, un jour, on sort de ce fatras, la cause surgit, tout s’illumine, et la maladie est en voie d’être vaincue… Le virus de la variole, aujourd’hui éradiquée, en est le plus admirable exemple. V. note [28], lettre 99, pour les cinq petits garçons de Patin alors en vie.

13.

« en quoi je les considère comme très gravement fautives ».

14.

« presque aucun homme n’a reçu une éducation où servantes et mères elles-mêmes n’ont pas failli, et de multiples façons, et en divers moments et périodes de l’enfance. »

15.

« Un soupçon de sel ne nuira en rien, ni un soupçon de sucre, mais ils ajouteront tant à la saveur. »

16.

Quant et soi, avec lui ; merveilleuse, surprenante.

17.

« il est ennemi du foie et de l’intestin. » Dans toute cette phrase, elle désigne la bouillie.

18.

« tout bien considéré ».

19.

« Quant à Avicenne, je le tiens pour homme de peu. »

20.

« j’ai presque la même opinion qu’un certain Italien, décrivant Avicenne plutôt comme un bourreau que comme un médecin. »

21.

La condamnation de Jean Fernel est en effet sans appel (Thérapeutique universelle, édition française de Paris, 1655, v. note [1], lettre 36, pages 114‑115 ; livre ii, La Méthode de remédier [Methodi medendi], La Saignée [De venæ Sectione] ; chap xiii, En quel temps de la maladie, en quel jour, et à quelle heure il faut saigner [Quo morbi tempore, qua die quaque hora sanguis emittendus]) :

« Il est vrai qu’Avicenne a été d’avis qu’on oubliât tout à fait la saignée dans les commencements des maladies et qu’on attendît la concoction, lorsque la maladie aurait passé son commencement et son état, et que la saignée ne profitait que sur la fin seulement : ce qu’il n’a pas seulement entendu touchant les affections des parties, desquelles il avait auparavant fait le démembrement, puisque incontinent après il conseille le même touchant toute sorte de fièvres, et surtout celle qui vient du sang, dans laquelle il ordonne d’en tirer copieusement lorsque la concoction sera faite. Or d’autant que ces choses semblent être contraires au dernier point, il faut examiner par quelles raisons il prétend les persuader, afin que la question étant parfaitement bien débattue, la vérité se rende plus claire et plus manifeste. Il dit donc que la saignée étant faite dans le commencement, exténue les humeurs nuisibles, les pousse çà et là par tout le corps et les mêle avec le sang qui est pur et sincère ; que nous sommes quelquefois tellement frustrés de notre attente qu’avec les bonnes humeurs, il n’en sort rien des mauvaises ; et que tout réussit suivant nos désirs si nous attendons la concoction pour tirer du sang, lorsque la maladie a déjà passé son commencement et son état. Mais certes, il ne faut pas souscrire à son opinion puisqu’elle est si peu raisonnable, ni écouter non plus ses interprètes, dont les discours sont tous les jours réfutés par l’expérience et par les événements. Car saurait-on forger une plus absurde et ridicule opinion que la saignée exténue les humeurs ? puisqu’il est très clair et constant, par les démonstrations de ce que nous avons allégué ci-dessus, que les humeurs sont retenues et conservées dans le corps après la saignée avec la même proportion qu’auparavant ; que s’il y arrive quelque changement, il y a plus d’apparence que la saignée doive plutôt grossir le sang et les humeurs puisque l’humeur déliée coule plus aisément et plus vite, et la grossière moins aisément et plus lentement. De plus, pourquoi la saignée agitera-t-elle les humeurs ? Si elle ôte l’abondance qui avait causé le désordre et la maladie, elle doit rendre toutes choses plus douces et plus tranquilles. Et si la matière peccante est mêlée avec le sang dans les veines, pourquoi ne sortira-t-elle pas dehors ensemble par la saignée ? »

22.

« Quoi qu’il en soit ».

Isidore de Carthagène ou de Séville (Isidorus Hispalensis), son évêché, dit aussi l’Espagnol (560 ou 570-636), joignait une très vaste érudition à la connaissance de l’arabe et de l’hébreu. Il a laissé de nombreux ouvrages théologiques, canoniques et encyclopédiques. Dans ses 20 volumes des Étymologies ou des Origines et dans son De rerum Natura [La Nature des choses], il a cité des passages de nombreux textes médicaux anciens, dont les clercs des siècles suivants firent un grand profit. Canonisé en 1598, Isidore a été nommé docteur de l’Église en 1722, il est aussi considéré comme son dernier Père.

V. notes [10], lettre latine 56, et [42] du Patiniana I‑2, pour le conte qui fait de saint Isidore le véritable auteur de l’œuvre médicale d’Avicenne. Quoi qu’il en soit de ces divagations oiseuses, v. note [11], lettre 11, pour les deux éditions latines complètes des œuvres médicale d’Avicenne, qui faisaient alors autorité (Venise, 1555 et 1564).

23.

« en qui je ne nie pas qu’il y eût certaines bonnes choses, mais fort peu. »

24.

Sans le nommer, Guy Patin évoquait ici le médecin persan Rhazès, Mohammed Ebn-Secharjah Aboubekr Arrasi ou Razi (Ray, Iran 865-ibid. 925 ou 932), et son Traité de la variole et de la rougeole (traduction française de Leclerc et Lenoir, Paris, J.‑B. Baillière, 1866, pages 13‑14) :

« Je dis donc que l’homme, depuis sa naissance jusqu’à son extrême vieillesse, ne cesse pas d’augmenter en sécheresse et qu’à cause de cela, le sang des adolescents et des enfants est riche en humidité, tout en étant chez les premiers doué d’une grande chaleur. […]

C’est ce qui ressort manifestement aussi de l’excellence des actions naturelles, telles que la digestion, la croissance et le développement chez les enfants. Aussi a-t-on comparé le sang des enfants et des adolescents aux sucs exprimés, chez lesquels n’a pas commencé la coction qui les fait parvenir à une maturité complète, où ne s’est pas encore déclaré le mouvement qui détermine leur fermentation.

Le sang des adultes peut se comparer aux sucs qui ont déjà fermenté, d’où se sont échappées beaucoup de vapeurs et de parties superflues, à l’instar de ce vin qui s’est reposé et calmé, dont la force s’est assise et bien établie.

Quant au sang des vieillards, on peut le comparer au vin qui a perdu sa force, qui est près de se refroidir et de tourner au vinaigre.

La variole survient quand le sang entre en putréfaction et en fermentation pour se débarrasser de ses vapeurs superflues et se changer, de sang de l’enfance et analogue aux sucs exprimés, en sang des adultes, pareil au vin fait. La variole même est comparable à la fermentation et à l’exhalation qui surviennent dans les sucs. Voilà pourquoi les enfants ne peuvent échapper à cette maladie, surtout ceux du sexe masculin, parce que le passage du sang du premier au second état est inévitable, tout comme est inévitable le passage des sucs qui doivent fermenter et s’évaporer à l’état auquel ils arrivent après la fermentation et l’ébullition.

Il est rare que la constitution d’un enfant ou d’un adolescent soit telle que le passage du sang du premier au second état puisse se faire petit à petit, insensiblement et dans un laps de temps considérable, sans être le siège de cette fermentation et de cette ébullition. Il faudrait en effet que cette constitution fût froide et sèche ; or, le tempérament des adolescents est tout le contraire, aussi bien que leur régime, l’alimentation des enfants consistant en laitage.
Quant aux adolescents, bien que leur alimentation ne consiste pas en laitage, elle s’en rapproche cependant plus que celle des autres hommes ; il se produit chez eux plus d’humeurs et leurs mouvements, après les repas, sont plus considérables.
Voilà pourquoi il est rare qu’un adolescent échappe à cette maladie. Ensuite, quand ils en sont atteints, leur position varie en raison de leur tempérament, de leur régime, de leur chaleur propre, de l’air ambiant, de l’état du sang qui coule dans leurs vaisseaux, lequel peut différer tant au point de vue de la qualité que de la quantité. »

Les œuvres de Rhazès avaient été plusieurs fois éditées en latin au xvie s.

25.

« ce que j’espère vous tiendrez pour de justes et bons avis ».

26.

« On dit qu’il faut aider à la lettre pour dire qu’il ne faut pas expliquer une chose à la rigueur, mais y ajouter quelque chose du sien qui en facilite l’intelligence » (Furetière).

27.

« egelidam [aquam], je ne nie pas que l’adjectif soit équivoque, signifiant tantôt, mais rarement, froid, et tantôt, le plus souvent, tiède » ; v. note [10], lettre 99.

28.

Cardiaque a ici le même sens médical que cordial, servant à qualifier les remèdes réconfortants qui augmentent la chaleur générale du corps et fortifient (réjouissent) le cœur (dans la double acception d’âme et de muscle animant le sang). En découlait principalement la qualité fort prisée de contrepoison (mithridate ou alexipharmaque dans la langue de l’époque). Les remèdes cardiaques les plus prisés, mais aussi les plus coûteux (car ils contenaient des matières de grand prix telles qu’or, perles, pierres précieuses ou corail), étaient la thériaque, le bézoard, le mithridate, l’alkermès et l’hyacinthe (v. note [9], lettre 5).

L’observation iii de Charles Guillemeau et Guy Patin (Paris, 1648) en dit bien plus sur le sujet et explique leur profonde aversion pour les remèdes cardiaques, qui était fondée sur d’excellents arguments.

29.

« ne fortifie proprement le cœur que ce qui lui parvient ; et seuls l’air et le sang parviennent au cœur ; alors, qu’est-ce donc qu’une décoction d’écarlate [l’alkermès, v. note [9], lettre 5] aurait à voir avec le cœur ? Ce médicament a une exhalaison et une odeur, et de plus et surtout, une chaleur dévorante, mais absolument aucune force contre la malignité. Il vaudra donc mieux la tenir, avec d’autres, comme faussement cardiaque dans une telle putréfaction. L’aspersion froide fortifie le cœur par accident, dans la mesure où elle retient l’écoulement de l’air ».

Ce passage en latin, comme les suivants, traduit sans fard l’opposition farouche de Guy Patin aux remèdes cardiaques (dont il attribuait la paternité aux Arabes), opinion qu’il a fort bien défendue dans son observation iii (écrite en 1648). Toutefois, dans son Traité de la Conservation de santé, il a admis et prôné les vertus cardiaques de deux aliments :

30.

« qui, par leur propre chaleur intense, dissolvent la substance et la force de la chaleur innée [v. première notule {a}, note [14], lettre 150]. »

31.

Les médicaments cordiaux (fortifiants) se présentaient sous diverses formes : eau, limonade, ou julep (sirop), poudre, tablette, apozème, bézoard, etc.

« Les quatre eaux cordiales sont celles de bourrache, de buglose [v. note [2] de l’observation ix pour ces deux plantes potagères], d’endive [chicorée des jardins], et de chicorée [pissenlit]. Quelques-uns ajoutent celles de chardon bénit [v. note [7], lettre 99], de scorsonère, de morsus diaboli [morsure du diable, surnom du succisa], de scabieuse, d’oseille et d’alleluia [trèfle aigre, v. note [3], lettre latine 22] » (Furetière).

32.

Diaphorétique est un terme de pharmacie qualifiant des remèdes qui agissent par la transpiration insensible, qui purgent les humeurs en provoquant la transpiration [diaphorèse]. Ce sont des sudorifiques peu énergiques ou employés à faible dose ; telles sont la bourrache, la bardane, etc. L’antimoine avait aussi des vertus diaphorétiques. On a donné l’épithète de diaphorétique à une fièvre continue accompagnée d’une sueur perpétuelle (Académie et Nysten).

V. note [1] de la Consultation 14, pour les médicaments hidrotiques qui favorisaient la sudation (transpiration sensible) ; mais la nuance est ténue et il pouvait arriver aux meilleurs médecins de les confondre avec les diaphorétiques.

V. note [1], lettre latine 404, pour les indications thérapeutiques très diverses des sudorifiques.

33.

« car elles ne fournissent rien de tel : par distillation elles acquièrent l’empyreume {a} et outre cela rien, à part une chaleur nocive. Si dans les maladies de malignité immédiate je trouve prétexte à employer des remèdes, c’est qu’ils évacuent et expulsent, qu’ils refroidissent, qu’ils libèrent les parties de l’humeur putride qui a pénétré dans leur substance et s’est jetée contre elles. Tels sont les lavements qui vident le ventre, et la saignée : elle contient la putréfaction, en même temps qu’elle évacue l’humeur putride des veines, par lesquelles, comme par des petits tuyaux, elle est emportée dans chaque partie du corps, où souvent elle imprime et incruste alors une destruction insurmontable et inaccessible à quelque secours de notre art que ce soit ; surtout dans le poumon et dans l’intestin grêle qui ne sont accessibles par nul moyen autre que les veines, et qui tous deux ne peuvent être vidés et soulagés que par la saignée. Les lavements ne parviennent pas jusqu’à l’intestin grêle et ne peuvent détruire la malignité qui lui est infligée. Les sirops qu’on dit béchiques {b} sont tous pourvoyeurs de chaleur, mais n’arrivent pas au poumon, pas plus qu’ils n’y seraient utiles s’ils y arrivaient. Tous ces médicaments sont des balivernes d’Arabes que les pharmaciens, genre d’hommes le plus rusé et le plus madré, ont choyées et retenues avec l’intention de vider les cassettes des malades ; de là, par leurs procédés criminels, ils ont transformé en brigandage notre art très sacré, salvateur et par sa nature, le plus utile à la santé ».


  1. « Qualité qui demeure aux corps qui ont été préparés avec le feu, qui se connaît au goût, à l’odorat » (Furetière).

  2. Contre la toux.

34.

« Ni ces eaux, ni ces préparations ne peuvent servir à dissiper l’agitation de la nature ; bien au contraire, elles entravent son effort et la maintiennent dans son intempérie, sans pouvoir repousser quoi que ce soit du centre vers la périphérie. »

35.

« l’indication d’une malignité plus pressante l’emporte sur l’embrasement fébrile. Soit, mais qu’alors excelle la saignée, et non ces cardiaques : elle vide les veines, elle délivre les parties, elle éloigne la putréfaction, elle soulage la nature, elle diminue l’abondance des humeurs qui l’alourdissent et l’exaspèrent ; enfin elle bénéficie à mille malades si on y recourt souvent, au lieu et au moment opportuns ; et de même que la bonne fortune excelle dans les affaires des mortels, de même la saignée excelle dans le traitement de la variole, pour la juguler [y faire la pluie et le beau temps, en remplir la page de la recette et celle de la dépense (Pline, v. note [2], lettre 626)]. »

36.

« dont j’honore bien la mémoire ».

37.

« et n’en déplaise aux pharmaciens qui grognent et grincent des dents, je ne fais pas le moindre cas de leurs farces. J’en viendrai toutefois aux choses véritables, si vous souhaitez apprendre les meilleures, et je ne dissimulerai pas que le régime le mieux choisi doit réserver les bouillons les plus exquis, faits de savoureux morceaux de viande, d’herbes médicinales rafraîchissantes, de quelques œufs à gober, de gelée ; et pour boire, l’eau, les tisanes ou les limonades citronnées. J’accorde en effet à ces remèdes plus de vertus qu’à tous ceux d’Arabie en cette maladie [la variole], parce qu’on l’écarte uniquement en chassant la putréfaction. »

38.

« enfin, je dépose ici mes cestes et mon art » ; le vers d’origine (Énéide, chant v, vers 484) qui termine le combat d’Entelle contre Darès est : hic victor cæstus artemque repono [victorieux, je dépose ici mes cestes et mon art].

Le ceste était le « gantelet de cuir souvent garni de plomb, qui servait aux anciens athlètes pour combattre à coups de poings dans les jeux publics » (Littré DLF).

39.

Pierre Richer était mort le 24 janvier (v. note [8], lettre 100).

Jean Merlet (Coutances 1581-Paris 11 février 1663) fut, aux côtés de Guy Patin, l’un des plus vigoureux piliers de la Faculté de médecine de Paris contre les attaques du parti antimonial. Docteur régent en 1614, censeur en 1628-1629, doyen de novembre 1644 à novembre 1646, Merlet devint l’ancien de la Faculté en octobre 1662. Son fils, Roland, fut aussi doyen de 1656 à 1658 (v. note [6], lettre 450).

Tallemant des Réaux a parlé de Jean Merlet en termes peu flatteurs dans son historiette consacrée à Mme d’Héquetot et Mlle de Beuvron (tome ii, page 647) :

« Le Tellier, sieur de Tourneville, un riche partisan de Rouen dont la maison fut brûlée dans cette sédition des Pieds-nus, {a} laissa un fils et une fille. Le fils se fit conseiller du Grand Conseil. La Ferté, beau-frère de Charleval, chez qui il demeurait, car sa mère était sœur de La Ferté, lui proposa d’aller passer les fêtes de Pâques de 1648 à la campagne. Ce garçon s’avisa de se vouloir purger à cause du carême. Le remède que lui fit prendre Merlet, médecin de la Faculté, lui donna la fièvre et il en mourut fort vite. » {b}


  1. 1639.

  2. Cette dernière phrase remplace un passage biffé : « Le remède que lui donna je ne sais quel charlatan lui donna un dévoiement effroyable. Le charlatan le pria d’en prendre un autre pour arrêter ce dévoiement ; le garçon le crut ; c’était un restringent si violent qu’il lui causa une rétention d’urine [v. note [10], lettre 209] dont il mourut en vingt-quatre heures ».

Patin a volontiers cité dans ses lettres les virulents libelles que Merlet a rédigés contre l’antimoine ; il lui a notamment attribué la Légende de l’antimoine qui fit grand bruit en 1653 (v. notes [11], lettre 333, et [55], lettre 348). La suite du paragraphe montre le peu d’estime que Patin avait alors pour son collègue, de vingt ans plus âgé que lui.

40.

« qui vraiment est mauvaise marchandise et mauvais esprit. » Mala merx est une réminiscence de Plaute (v. note [9], lettre 588).

41.

De les récupérer ainsi que vous me l’indiquez.

42.

Guy Patin qualifiait de mera mapalia, « pures sornettes », les Iuveniles feriæ, quæ continent Antiquitatum Romanorum miscellanea… Secunda Editio catigata [Fêtes juvéniles qui contiennent des mélanges d’antiquités romaines… Seconde édition corrigée] (Rome, héritiers de Franciscus Corbelettus, 1640, in‑8o, première édition à Avignon, 1638) ; et ce en dépit de la louangeuse épître de Gabriel Naudé, datée de Rieti le 24 décembre 1637, adressée à l’auteur, Petrus Servius, médecin galéniste natif de Spoleto, mort à Rome en 1648. Son livre traite de certaines coutumes, principalement domestiques, de la Rome antique.

Patin citait ensuite deux autres de ses ouvrages :

43.

Charge supplémentaire de Guy Patin contre ce qu’il considérait comme les abus de la pharmacie des substances mêlées, et non bien sûr contre les doctrines galéniques (de Galien, l’une de ses idoles médicales) ; Renauldin, in Panckoucke :

« La pharmacie galénique {a} consiste dans la préparation mécanique des médicaments, dans le simple mélange de leur substance, sans avoir égard aux principes dont elle est composée ; c’est ce qui la différencie de la pharmacie chimique, {b} dont toutes les opérations ont pour but de rechercher les divers éléments qui entrent dans la composition des corps médicamenteux et d’observer l’action réciproque qui résulte de leur mélange. {c} Du temps de Galien, la chimie n’existait pas et elle resta dans le néant bien des siècles encore après ce grand homme. Aussi la distinction entre l’une et l’autre pharmacie n’a été faite que lorsqu’il y a eu des médecins chimistes pour établir la différence de ceux qui restaient attachés à la doctrine de Galien d’avec ceux qui formaient la secte chimique. »


  1. Galénienne dans le texte de Patin.

  2. Paracelsique pour Patin.

  3. Synergie.

44.

« que j’estime au plus haut point. »

45.

« pourquoi tarde-t-il ? »

La publication des Institutionum medicarum libri vi [Six livres d’Institutions médicales] de Caspar Hofmann (v. note [12], lettre 92) ne fut achevée à Lyon qu’en 1645.

46.

Antoine ii Arnauld (Paris 1612-Bruxelles 1694), surnommé le Grand Arnauld, était le dernier fils de la plus fameuse famille janséniste du xviie s. Fondée par Antoine i Arnauld (mort en 1619, v. note [17], lettre 433), elle comptait quatre frères et six sœurs. Antoine ii avait fait ses humanités et sa philosophie aux collèges de Calvi-Sorbonne et de Lisieux. Les conseils de sa mère, née Catherine Marion, et de l’abbé de Saint-Cyran, son confesseur, l’avaient ensuite dirigé vers l’étude de la théologie. Il avait été ordonné prêtre en 1641 et reçu docteur en Sorbonne en 1643, déjà converti aux doctrines austères du jansénisme. Toujours en 1643, il avait publié son livre De la fréquente Communion (v. infra note [47]) qui fut à l’origine d’une longue et intense dispute théologique sur la grâce divine, dont la pomme de discorde était l’antagonisme entre la prédestination défendue par les jansénistes et le libre arbitre prôné par les jésuites.

Arnauld finit par être exclu de la Faculté de théologie (1656). Il retourna alors s’ensevelir dans sa retraite de Port-Royal et n’en sortit que 12 ans plus tard, à la paix de Clément ix (1668). Dans l’intervalle, il avait composé avec Claude Lancelot et Pierre Nicole les manuels jansénistes si réputés sur la Grammaire et la Logique. À cette époque, Arnauld tourna contre les protestants l’impétuosité de son génie polémique et publia plusieurs ouvrages qui eurent un grand retentissement : la Perpétuité de la foi ; le Renversement de la morale de J.‑C. par les calvinistes ; l’Impiété de la morale des calvinistes. Bientôt, entraîné de nouveau par son ardeur, il reprit sa guerre contre les jésuites, fut calomnié auprès du roi et jugea prudent de gagner les Pays-Bas espagnols en 1679. Là il publia son Apologie du Clergé de France et des catholiques d’Angleterre contre le ministre Jurieu. Peu après, il eut de vifs démêlés avec Malebranche, dont il attaqua en termes peu mesurés la doctrine sur la grâce et sur la vision en Dieu. Cette dispute dura jusqu’à sa mort dans les bras du P. Quesnel, qui fut pour ainsi dire son successeur et qui donna une nouvelle forme au jansénisme. Les jansénistes perdirent en lui leur plus ferme appui, et les jésuites leur plus redoutable adversaire (G.D.U. xixe s.).

47.

De la fréquente Communion, ou les sentiments des Pères, des papes et des conciles, touchant l’usage des sacrements de pénitence et d’Eucharistie, sont fidèlement exposés : pour servir d’adresse aux personnes qui pensent sérieusement à se convertir à Dieu ; et aux pasteurs et confesseurs zélés pour le bien des âmes. Par M. Antoine Arnauld, prêtre, docteur en théologie de la Maison de Sorbonne. {a}


  1. Paris, Antoine Vitré, 1643, in‑4o.

Ce livre a ébranlé le siècle, et Tallemant des Réaux (tome i, page 512) n’a pas manqué d’en narrer la curieuse origine dans la courte historiette qu’il a consacrée à Arnauld le docteur :

« On l’appelait le petit oncle, parce qu’il était plus jeune que son neveu Le Maistre, l’avocat. Celui-ci {a} est le plus habile de ses frères, au moins en fait de littérature. Voici l’origine de cette secte qu’on appelle les jansénistes et qui fait aujourd’hui tant de bruit. La marquise de Sablé {b} dit un jour à la princesse de Guéméné {c} qu’aller au bal, avoir la gorge découverte et communier souvent ne s’accordaient guère bien ensemble ; et la princesse lui ayant répondu que son directeur, le P. Nouet, jésuite, le trouvait bon, la marquise la pria de lui faire mettre cela par écrit, après lui avoir promis de ne le montrer à personne. L’autre le lui apporta ; mais la marquise le montra à Arnauld, qui fit sur cela le livre de la fréquente Communion. On accuse MM. Arnauld de n’avoir pas été fâchés d’avoir une occasion de faire parler d’eux. Les jésuites les haïssaient déjà à cause du plaidoyer d’Antoine ii Arnauld. Les jésuites, sur la matière de la grâce, les accusèrent d’être huguenots et disaient : Paulus genuit Augustinum, Augustinus Calvinum, Calvinus Iansenium, Iansenius Sancyranum, Sancyranus Arnaldum et fratres eius. {d} D’ailleurs, les jésuites, à qui il importe de faire un parti, ont poussé à la roue tant qu’ils ont pu et se sont prévalus de tout ce qui est arrivé, comme de faire croire à la reine {e} que la Fronde était venue du jansénisme. »


  1. Antoine ii Arnauld, né en 1612 (v. supra note [46]), était l’oncle de l’avocat Antoine Le Maistre, né en 1608 (v. note [8], lettre 453).

  2. Madeleine de Souvré (1599-1678).

  3. Anne de Rohan (1604-1685).

  4. « Paul a engendré Augustin ; Augustin, Calvin ; Calvin, Jansenius ; Jansenius, Saint-Cyran ; Saint-Cyran, Arnauld et ses frères. »

  5. Anne d’Autriche.

Dans ses Mémoires (1865, tome i, pages 29‑30, v. note [8], lettre 825), le P. René Rapin, jésuite, a inversé les rôles des deux amies dans la genèse du livre d’Arnauld :

« Madeleine de Souvré, fille du gouverneur de Louis xiii, et femme du marquis de Sablé, {a} avait été élevée à la dévotion par le P. Pierre Cotton, {b} confesseur du roi. Ce fut lui qui l’instruisit à sa première communion et qui lui donna le premier du goût pour la dévotion et de l’affection pour les jésuites. Étant mariée, elle prit le P. de Sesmaisons, {c} théologien en casuiste de la Compagnie, pour son directeur. Elle communiait alors tous les mois, comme faisaient les personnes de qualité qui étaient un peu réglées. La princesse de Guéméné, qui communiait bien plus rarement parce qu’elle était dans la conduite de Port-Royal, s’avisa de critiquer les communions de la marquise, trop fréquentes pour une personne du monde. Elles étaient animées l’une et l’autre, et toutes deux des plus considérables de la cour : la princesse par son rang et sa beauté, la marquise par son esprit, cet esprit juste et sensé qui apprend à vivre et qui rend les personnes raisonnables par-dessus toutes choses. La marquise alla aussitôt, sans perdre de temps, avertir son confesseur, que cet avis regardait plus qu’elle ; car c’était à la direction des jésuites à qui on en voulait et qu’on attaquait indirectement. Le confesseur, pour soutenir sa direction, donna à la marquise de quoi défendre sa conduite. C’était un extrait du livre de Molina, {d} chartreux, où le savant homme établit trois règles de la fréquente communion. La première était l’usage ancien de l’Église, la tradition, les sentiments des Pères, les paroles de l’Évangile et ce passage si célèbre de saint Ambroise où il déclare que, parce qu’il pèche souvent, il cherche souvent le remède à sa faiblesse dans la participation du sacré corps de Jésus-Christ. La seconde règle est le conseil d’un directeur sage, expérimenté, spirituel, qui ne soit point sujet à des sentiments particuliers ni à l’esprit de nouveauté. La troisième règle est l’état et la condition des affaires d’un chacun, car c’est sur cela principalement qu’on doit régler ses communions ; et il conclut par le sentiment de saint Hilaire et de saint Augustin, qui enseignent qu’on ne doit pas s’abstenir régulièrement de la communion pour des péchés purement véniels. Il avait ajouté à ces règles de communier souvent, les dispositions requises à la communion, dont la principale est la dévotion, qu’il fait consister dans une préparation de cœur à faire la volonté de Dieu en toutes choses, et non pas dans un goût sensible des choses spirituelles. Il rapporte les sentiments des Pères sur cette disposition ; après quoi, il conclut que le délai de la communion ne peut être une préparation à mieux communier. {e} Voilà en abrégé l’écrit du jésuite, lequel ayant été confié à la princesse de Guéméné par la marquise de Sablé, fut aussitôt mis entre les mains d’Arnauld. Ce docteur, qui se préparait depuis longtemps sur cette matière, arrangea ce qu’il avait préparé et ce que Saint-Cyran lui avait fourni, à ce qu’on prétend, de passages des Pères et de lieux communs qui avaient rapport à ce sujet, sous les trois règles proposées par Molina, dont il fit les trois parties de son livre, suivant pied à pied l’écrit du jésuite pour le réfuter. »


  1. Philippe-Emmanuel de Laval-Boisdauphin, mort en 1640.

  2. V. note [9], lettre 128.

  3. Pierre de Sesmaisons Nantes, jésuite, 1588-Paris 1648.

  4. L’Instruction des prêtres d’Antonio de Molina, moine espagnol mort en 1612.

  5. V. note [5] du Borboniana 6 manuscrit pour l’analyse du Dictionnaire de Trévoux sur la fréquence de la communion catholique.

Mme de Sablé renonça dès lors à la direction du P. de Sesmaisons et s’adressa à un prêtre augustinien, le docteur Jacques de Sainte-Beuve (v. note [3], lettre 435 ; Dictionnaire de Port-Royal, page 897).

Mon frère, Yves Capron (v.  l’Épître dédicatoire), a lu les quelque 630 pages in‑4o de la fréquente Communion et m’en a aimablement livré son avis :

« Curieux écrit dont la lecture surprend le contemporain par son pharisaïsme. {a} L’idée principale est la suivante : on ne peut communier sans péril qu’à la condition d’avoir d’abord fourni des “ fruits de pénitence ” (fructus penitentiæ), c’est-à-dire d’avoir accompli des gestes, d’avoir adopté des attitudes, d’avoir eu des comportements qui, tels les gémissements, les larmes, le jeûne, etc., permettent au directeur de s’assurer que le candidat à l’Eucharistie est animé d’une vraie contrition et qu’il peut par conséquent, s’approcher de la sainte table. Le système fait prévaloir, mais on se demande si l’auteur en a été conscient car il ne semble pas voir l’objection, la relation visible du fidèle avec l’Église sur la relation invisible du fidèle avec Dieu : pour le fidèle, la tentation est forte de se plier aux simagrées qu’on lui demande, et en s’y pliant sans chercher plus loin, de sombrer dans l’hypocrisie et la tartuferie. On voit en tout cas ce que la piété janséniste, volontiers spectaculaire et ostentatoire malgré l’intention déclarée du secret et de la retraite, doit à son ouvrage fondateur. On voit aussi ce que les dérives successives du mouvement (l’intolérance spirituelle de Pierre Nicole, le scandale des convulsionnaires de Saint-Médard, le jansénisme parlementaire) doivent à la conception exagérément ostensible de la religion qu’Antoine Arnauld développe, à l’instigation de Saint-Cyran, dans son De la fréquente Communion.

Le livre consiste tout entier dans une réfutation, au moyen de citations tirées de la littérature patristique, d’un écrit jésuite ; et sa composition s’en ressent, car elle est toute polémique : il s’agit, non d’exposer, avec le plus de sérénité possible, les rapports de proportion que doivent entretenir la pénitence et l’Eucharistie, mais d’anéantir, en l’éradiquant, une opinion jugée fausse. Antoine Arnauld est convaincu d’avoir entièrement raison, comme il est convaincu que son adversaire a entièrement tort. Son ouvrage intéresse à la façon dont peuvent intéresser les plaidoiries d’Antoine Le Maître ou celles d’Olivier Patru, {b} car il est composé dans le style que ces gens-là aimaient ; mais il ne laisse à aucun moment l’impression profonde que l’on éprouve à la lecture d’un vrai livre de dévotion. Les salons en ont été intéressés sans doute, on y a commenté, glosé, daubé ; on a blâmé, vitupéré le jésuite ; on s’y est bien amusé en somme ; mais les vrais religieux, qu’en ont-ils pensé ?

Antoine Arnauld cite peu les Évangiles : à peu près toutes les citations auxquelles il a recours, et qu’il rapièce les unes aux autres au moyen de la couture bien serrée de sa logique, sont tirées ou bien des Pères, ou bien des conciles (provinciaux parfois), ou bien des auteurs de son temps (Jansenius, François de Sales, Charles Borromée). C’est le réseau continu des citations qu’il tisse qui sert de ressort à sa démonstration et qui lui confère sa solidité : Antoine Arnauld paraît s’effacer derrière les autorités qu’il invoque, et laisse l’impression de n’intervenir que pour les mettre en ordre et en lumière, ou encore pour les assortir d’un commentaire qui en dégage, avec à-propos, la portée. Le procédé est très efficace et on conçoit que, de son temps, il ait convaincu. Il est d’autant plus efficace, que s’y superpose un procédé de rabâchage si bien entendu que le lecteur paresseux a légitimement l’impression d’en avoir autant appris après dix pages, que le lecteur scrupuleux après avoir compulsé tout le livre. J’imagine que bien des femmes et bien des mondains ont été très aise de pouvoir disserter, comme des théologiens profonds, de ce qu’ils ne savaient que de la veille – et encore, après avoir survolé à la diable deux ou trois chapitres.

La langue d’Antoine Arnauld n’a rien d’original. Elle est un peu lourde, un peu pataude ; elle sombre, de temps en temps, dans le patois de Sorbonne ; elle sent souvent son latin d’une lieue ; mais telle qu’elle est, elle est facilement intelligible et sert donc avec efficacité le dessein qu’elle accomplit. Blaise Pascal parviendra, sous le rapport de l’intelligibilité, au même résultat qu’Antoine Arnauld. Il y mettra simplement une élégance, une invention, dont, de toute évidence, Antoine Arnauld était incapable.

À plusieurs reprises, je me suis souvenu, en lisant De la fréquente Communion, du non enim veni ut iudiciet mundum, sed ut saluificem mundum {c} de Jean (12:47) – ce qui, de mon point de vue, juge le livre.

Ce passage de la préface (qui ne compte pas moins de 80 pages, alors que le livre lui-même en compte 557), pour illustrer mon propos :

“ C’est pourquoi nous ferons voir dans la suite de cet ouvrage avec quelle hardiesse cet auteur (le jésuite qu’il s’agit de réfuter) a composé son écrit, n’ayant pas craint de dire : Que ce n’avait jamais été la coutume de l’Église, d’être plusieurs jours à faire pénitence avant de communier ; que le délai ne nous rend pas plus disposé ; et qu’en s’abstenant de communier avec cet esprit, on ne rend pas plus d’honneur au Saint-Sacrement ; puisque nous montrerons au contraire que ces propositions combattent formellement les sentiments et les paroles expresses de saint Denis, de Tertullien, de saint Cyprien, de saint Pacien, de saint Basile, de saint Chrysostome, de saint Ambroise, de saint Jérôme, de saint Augustin, de saint Léon, de Théodoret, de Gennade, de saint Césaire, de saint Grégoire, de saint Isidore, de saint Éloi, d’Yves de Chartres et de saint Bernard ; qu’elles détruisent l’autorité des conciles ; qu’elles violent les décrets des papes ; et enfin, qu’elles ne peuvent être soutenues de personne sans s’opposer à Dieu même, et sans condamner de fausseté les oracles qu’il a prononcés par la bouche de tant de saints ” (§ 4).

Éloquent, rhétorique, exhaustif – surtout exhaustif, car on sent d’emblée qu’il ne passera au lecteur rien du programme qu’il se propose ; mais quand on fait attention que l’accumulation était le procédé comique dont François Rabelais se servait le plus volontiers, on se demande si on n’est pas en présence d’une turlupinade théologique plutôt que d’un ouvrage qui s’en va ouvrir l’une des deux grandes crises religieuses du xviie s. » {d}


  1. V. note [14], lettre 83.

  2. V. note [5], lettre 597.

  3. « car je ne suis pas venu pour commander le monde, mais pour sauver le monde ».

  4. V. infra note [50].

Dans sa Lettre intéressante à un évêque sur le monastère de Port-Royal (sans lieu ni nom, 1678, in‑12, pages 8‑9), Vincent Comblat, prêtre des frères mineurs, a expliqué comment s’y matérialisait la parcimonie des jansénistes pour la communion :

« […] et j’ai remarqué même que quand quelque religieuse veut communier, ce qui arrive tous les jours et presque à toutes les messes que l’on dit pour la communauté, l’on met un carton devant la grille, où l’on marque le nombre des hosties avec un petit bout de corde qui y est attaché, que l’on tire vis-à-vis du nombre, afin d’éviter toute sorte de paroles autant qu’il se peut, et il y en a encore un autre pour les séculiers de même ; de sorte que qui veut communier les jours de fête n’a qu’à aller droit à ce carton et, s’il trouve par exemple que ce cordon tiré soit au dixième nombre, il tire celui qui répond à l’onzième, et s’il trouve par exemple qu’il soit au neuvième, il n’a qu’à tirer celui du dixième pour avertir le sacristain de faire consacrer dix ou onze hosties, et éviter par là toute sorte de cloches et de paroles dans l’église autant qu’il est possible, le sacristain venant à ces cartons pour voir s’il y a quelqu’un qui désire de communier et combien il y en a. »

48.

C’est-à-dire depuis le 24 juin 1643, soit en moins de 9 mois : un succès fulminant. Le privilège de La fréquente Communion est daté du 29 mai 1643, avec l’appui de 39 approbateurs, archevêque et évêques, docteurs, chanoines et amis augustiniens.

Pour donner une idée du retentissement que cet ouvrage eut sur le public, Raoul Allier a rapporté les réactions et les propos amers de Vincent de Paul (v. note [27], lettre 402) à son sujet (La Cabale des dévots, pages 167‑169) :

« Cependant, le livre d’Arnauld sur la Fréquente communion avait désolé Vincent de Paul. Au fond, il n’en blâmait point l’austérité morale. Il est probable que la même thèse, soutenue par un docteur bien noté, ne l’aurait point scandalisé. Sous la plume d’un disciple de Saint-Cyran, elle avait un air de menace. N’était-ce point le début de l’assaut détourné que des hérétiques masqués méditaient contre le catholicisme ? Et, sous main, le saint agissait. Dans le “ Conseil de conscience ”, il décidait la reine régente et le cardinal Mazarin à commander qu’Arnauld allât à Rome défendre son livre devant le tribunal de l’Inquisition (mars 1644). Mais il échouait devant l’opposition du Parlement, qui jugeait ce voyage contraire aux libertés gallicanes. On le voit, en 1646, écrire au cardinal Grimaldi {a} et lui recommander le libelle ridicule de Raconis contre le docteur de Port-Royal. {b} C’était encore une façon de solliciter l’intervention de Rome.

En 1648, Vincent n’y tenait plus. “ L’on ne voit plus, écrivait-il à l’abbé d’Horgni, {c} cette hantise {d} des sacrements qu’on voyait autrefois, non pas même à Pâques. Plusieurs curés se plaignent de ce qu’ils ont beaucoup moins de communiants que les années passées : Saint-Sulpice en a trois mille de moins ; M. le curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, {e} ayant visité les familles après Pâques, en personne et par d’autres, nous dit dernièrement qu’il a trouvé quinze cents de ses paroissiens qui n’ont point communié ; et ainsi des autres. L’on ne voit quasi personne qui s’en approche {f} les premiers dimanches du mois et les bonnes fêtes, ou très peu, et guère plus aux religions (maisons religieuses), si ce n’est encore un peu aux jésuites. ” Et à mesure qu’il écrit, il laisse apercevoir de plus en plus sa pensée : “ Il est véritable que ce livre détourne puissamment tout le monde de la hantise {d} fréquente de la sainte communion et de la sainte confession, {g} quoiqu’il fasse semblant, pour mieux cacher son jeu, d’être fort éloigné de ce desein. ” Il finit par laisser échapper l’idée qui le poursuit : “ Ce livre n’a été fait qu’à dessein de détruire la messe et la communion. ” {h}

Cette fois, l’accusation est formelle. Il s’agit bien de ce complot mystérieux que Vincent a flairé, auquel on l’a fait croire, et qu’il est impatient de dénoncer. Et le saint est obligé de constater que, dans une société fondée pour assurer le règne de la vérité catholique, les suppôts d’hérésie ont leurs libres entrées. Et il doit se résigner à une paix apparente qui révolte sa conscience. » {i}


  1. V. note [15], lettre 311.

  2. Examen et jugement du livre de la Fréquente communion, fait contre la fréquente communion, et publié sous le nom du Sieur Arnauld, docteur de Sorbonne. Où est ajouté un traité très important du directeur solide et apostolique, pour opposer au directeur visionnaire de nos nouveaux prophètes. Par Messire Charles François d’Abra de Raconis [vers 1580-1646], docteur en théologie, conseiller du roi en ses Conseils, prédicateur ordinaire de la reine, évêque de Lavaur [Tarn] (Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1644, in‑4o de 470 pages ; dédié à la reine régente, Anne d’Autriche).

  3. Le 25 juin.

  4. Fréquentation ordinaire.

  5. V. note [29] des Affaires de l’Université en 1651‑1652, dans les Commentaires de Guy Patin sur son décanat.

  6. Du banc de communion.

  7. V. notule {c}, note [54] du Borboniana 5 manuscrit.

  8. Lettre du 10 septembre 1648.

  9. Raoul Allier explique ensuite comment la Fréquente communion détermina la Compagnie du Saint-Sacrement, dont Vincent de Paul était l’agent visible, à s’élever contre Port-Royal et à exclure de ses rangs ceux qui lui étaient liés : « dans une cabale déjà secrète, il s’en forme une encore plus secrète. Des confrères se mettent à part, délibèrent dans les coins et cherchent les moyens d’expulser ceux qui leur déplaisent. Ils entendent que la Compagnie, qui veut purifier l’Église et le monde, commence par se purifier elle-même. Il faut obtenir une décision de Rome qui obligera les téméraires à se soumettre ou à se retirer » (page 169).

49.

Au delà de celui qu’il réfutait sans le nommer, le P. de Sesmaisons, directeur de Mme de Sablé, le livre d’Arnauld visait l’ensemble les jésuites et leur tolérance. Atteinte et blessée dans sa doctrine, autant que dans la personne du P. de Sesmaisons, la Compagnie releva aussitôt le gant. Le P. Nouet dénonça en chaire l’ouvrage d’Arnauld et les tentatives des nouveaux réformateurs, auxquels il reprocha de rendre les églises désertes et la communion inaccessible.

De part et d’autre, les esprits s’échauffèrent et dans certaines villes on fut sur le point d’en venir aux mains ; mais quoi qu’en dît ici Guy Patin, ce fut surtout l’intervention du savant et respecté P. Petau, un des plus profonds théologiens de son temps, qui imprima à la controverse un caractère particulier de gravité. Son autorité était tellement considérable que lorsqu’on annonça à Mazarin la prochaine publication du livre dans lequel il réfutait les attaques d’Arnauld – De la Pénitence publique et de la préparation à la communion (Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1644, in‑4o) – le cardinal inscrivit sur ses carnets la note suivante : « Le livre du P. Petau est sur le point de paraître. Mme de Guéméné m’écrit pour prôner l’évangile d’Arnauld et dit que c’est elle qui l’a informé en lui révélant sa confession. Il faut y porter remède immédiatement » (Triaire).

50.

La question protestante et le jansénisme furent en France les deux plus grandes affaires religieuses du xviie s. L’Augustinus de Jansenius (Louvain 1640, et Paris, 1641, v. note [7], lettre 96) avait été l’œuvre fondatrice du jansénisme : la première édition parisienne, en 1641, déclencha la querelle dont le principal épisode ne s’acheva qu’avec la destruction du monastère de Port-Royal des Champs en 1710, sur ordre de Louis xiv.

Sainte-Beuve (Port-Royal, livre ii, chapitre x ; tome i, pages 576‑578) :

« Le combat s’était engagé dès le premier jour à Louvain ; {a} il éclata publiquement à Paris par les trois sermons que M. Habert, théologal de Notre-Dame et docteur jusque-là estimé, prononça en pleine chaire de la cathédrale, le premier et le dernier dimanche de l’Avent de 1642, et le jour de la Septuagésime de 1643 : ce furent trois coups de canon d’alarme.

[…] Le résumé de toute cette dénonciation dont aussitôt une foule de chaires se firent les échos, c’est que Jansenius (je demande pardon du gros mot qui sent la chaudière) n’était qu’un Calvin rebouilli. M. de Saint-Cyran irrité, et libre enfin, lançait Arnauld {b} à la défense ; les jeunes bacheliers de Sorbonne et de Navarre allaient prendre rang et faire renfort. Bref, jamais ouvrage ne trouva en naissant plus de patrons, et aussi plus de persécuteurs tout éveillés que ce gros volume orphelin, {c} dont la fortune est demeurée si singulière.

[…] Nul livre de ce calibre ne se trouva si fameux en restant si peu lu. Il est vrai que les Provinciales, {d} qui se jouaient devant, en furent à la fois l’illustration et la dispense. »


  1. Édition princeps de l’Augustinus en 1640.

  2. Antoine ii Arnauld.

  3. Et posthume.

  4. V. note [23], lettre 446.

Au delà de son profond attachement au gallicanisme (dont Petrus Aurelius s’était fait le champion, v. note [9], lettre 108), le jansénisme doit son essence théologique à sa conception de la grâce divine, ainsi définie par Furetière : « état d’innocence, opposé au péché mortel ; Adam fut créé en état de grâce, il perdit la grâce par sa désobéissance ; on ne peut entrer en paradis si on ne meurt en grâce, dans la grâce de Dieu. » L’âpre débat dogmatique portait sur le point crucial de la manière de l’obtenir.

Selon les Cinq Propositions tirées de l’Augustinus (v. note [16], lettre 321), la grâce est particulière, c’est un pur don de Dieu, elle pénètre l’âme des humains de manière irrésistible, mais peut être retirée à tout moment, même aux saints (reniement de saint Pierre) ; absolument gratuite, elle n’est conférée qu’à ceux que Dieu a élus, selon des critères impénétrables pour les mortels ; Jésus-Christ n’est donc pas mort pour la rémission de tous les humains. À cette prédestination, conçue d’après saint Augustin (v. note [5], lettre 91), s’opposait le libre arbitre lancé par Pelage (au iveve s., v. notes [7], lettre 96, et [57] du Patiniana I‑4) et repris par le jésuite Luis Molina (v. note [10], lettre 263), puis répandu dans toute la chrétienté par la Compagnie de Jésus : Dieu propose sa grâce, alors dite suffisante, à tous les humains ; c’est un appel discret que chacun est libre d’accepter ou de refuser (grâce suffisante devenant respectivement efficace ou inefficace). Au conflit théologique et doctrinal entre augustiniens et molinistes sur la grâce, qui rapprochait les jansénistes des protestants, s’ajoutaient d’autres frictions : politiques (gallicanisme contre ultramontanisme), morales (rigorisme contre tolérance) et sociales (instruction des enfants, v. note [28], lettre 97).

L’Augustinus mit le feu à la mèche ; puis, écrit en français et dans un tout autre style, la fréquente Communion (v. supra note [47]) provoqua l’explosion. Rome hésita longtemps avant de condamner les thèses augustiniennes les plus strictes (en 1653 et 1656), pour préférer le libre arbitre des jésuites à la prédestination, que les jansénistes partageaient hardiment avec les calvinistes. Sous l’influence de l’abbé de Saint-Cyran, Jean Duvergier de Hauranne, intime ami de Jansenius, les religieuses de Port-Royal avaient adhéré au jansénisme et leurs deux maisons (v. note [55], lettre 229) devinrent le foyer d’où il rayonna avec éclat, mais dans la tourmente. Malgré tout le talent des amis de Port-Royal, en tête desquels brillèrent Blaise Pascal et Antoine ii Arnauld, la grâce universelle des jésuites l’emporta sur la grâce particulière des jansénistes et des réformés. Patin, dans sa correspondance, n’a fait mystère ni de ses sympathies pour ces deux derniers partis, ni de son hostilité contre le premier ; ses raisons, à ce qu’on peut en lire, étaient bien moins théologiques que politiques.

V. note [10], lettre 667 pour le virulent assaut jésuite du P. Théophile Raynaud, en 1661, contre les « prédestinatiens » (partisans de la prédestination), qui donne un éclairage, certes partisan mais original et fort éloquent, sur leur histoire et leur combat fratricide au sein de la chrétienté.

51.

Charles de Valois (château du Fayet 1573-Paris 24 septembre 1650), duc d’Angoulême, bâtard du roi Charles ix et de Marie Touchet (v. note [13], lettre 244), avait porté le titre de comte d’Auvergne avant de recevoir son duché en 1619 (tombé en déshérence la mort de Diane de France, v. note [71] du Borboniana 4 manuscrit).

Charles s’était attaché de bonne heure à la fortune de Henri iv et avait glorieusement combattu à son service. Impliqué dans la conspiration de Biron en 1602, il avait reçu sa grâce, mais secondé les intrigues de la marquise de Verneuil ; ce qui l’avait fait condamner à une prison perpétuelle. Remis en liberté par Louis xiii (1616), il avait vaillamment repris les armes. Veuf de Charlotte de Montmorency en 1636, le duc se remariait le 25 février 1644 à Françoise de Nargonne, fille d’un gentilhomme de Champagne (Tallemant des Réaux, Historiettes, tome i, pages 96‑97) :

« Il avait soixante-dix ans, était tout courbé et tout estropié de goutte. En ce bel état, il épousa une fille de vingt ans, bien faite et bien agréable. […] Cette pauvre femme était obligée de souffrir presque tout l’été un grand feu à son dos, car il voulait qu’elle fût toujours auprès de lui. Cela lui avait tellement échauffé le sang qu’elle avait toujours un érésipèle aux oreilles. »

La duchesse mourut en 1715, âgée de 92 ans. De son premier mariage, le duc d’Angoulême avait eu un fils, Louis-Emmanuel de Valois, comte d’Alais (v. note [42], lettre 155).

52.

Le procès du 14 août 1642, soutenu et perdu par Théophraste Renaudot contre Guy Patin (v. note [3], lettre 90), n’avait été qu’une escarmouche. Richelieu étant mort, la Faculté avait attaqué à son tour le Gazetier. Elle le cita devant le Châtelet pour exercice illégal de la médecine.

Dans son Théophraste Renaudot (pages 222‑224), Georges Gilles de la Tourette a transcrit la sentence du prévôt :

« À tous ceux qui ces présentes lettres verront, Louis Séguier, baron de Saint-Brisson, sieur de Ruaux, général et garde de la prévôté de Paris, {a} salut.

Savoir faisons que, sur la requête faite en jugemet devant nous au Châtelet de Paris par Me Étienne Le Droict, procureur des doyen et docteurs régents en la Faculté de médecine à Paris, demandeurs en exécution d’arrêt du Conseil du 7e d’août denrier, suivant leurs moyens signifiés le 30e jour de septembre ensuivant à l’encontre de Me Antoine Du Puys, procureur de M. Th. Renaudot, soi-disant médecin, et par défaut de nous donné contre le sieur Du Puys, non comparant ni autres pour lui, vu l’arrêt du Conseil ci-dessus daté, portant le différend d’entre les parties renvoyées par-devant nous, l’exploit d’assignation au sieur Renaudot en exécution des arrêts du 12e du mois d’août, les requêtes et demandes des demandeurs signifiées le 30e jour de septembre, nos jugements des 4e et 20e jours de novembre dernier, et 1er de ce mois, ensemble l’assignation de venir plaider ce jourd’hui, faite au sieur Du Puys le 7e de ce mois, et ouï les gens du roi en leurs conclusions : Nous, faisant droit sur les demandes des demandeurs, avons fait et faisons inhibitions et défenses au sieur Renaudot, et à ses adhérents et adjoints, soi-disant médecins, d’exercer ci-après la médecine, ni faire aucunes conférences, consultations ni assemblées dedans le Bureau d’adresse ou autres lieux de cette ville et faubourgs, ni de traiter ou panser aucuns malades sous quelque prétexte que ce soit, à peine contre les contrevenants de cinq cents livres d’amende, au paiement desquelles il sera contraint, et, en cas d’assemblée, permettons aux sieurs demandeurs de faire transporter le premier commissaire de la Cour de céans en la maison où elle se fera, pour contraindre les contrevenants au paiement de la susdite amende ; le tout nonobstant opposition ou appellation quelconque, pour lesquelles ne sera différé, et sans préjudice d’icelles ; et condamnons le sieur Renaudot aux dépens, et soit signifié.

En témoin de quoi, nous avons fait sceller ces présentes du scel de la prévôté de Paris. Ce fut fait et ordonné par Messire Dreux D’Aubray, conseiller du roi en ses Conseils et lieutenant civil de la prévôté, tenant siège le mercredi 9e jour de décembre 1643. » {b}


  1. V. note [19], lettre 464

  2. Renaudot fit aussitôt appel de cette sentence devant le Conseil du roi (v. infra note [56]).

Mathieu i Molé (Paris 1584-ibid. 3 janvier 1656), seigneur de Lassi et de Champlâtreux, était premier président du Parlement de Paris depuis novembre 1641. Fils du président au mortier Édouard Molé (1540-1614), Mathieu était devenu conseiller (1606) puis président (1610) en la Chambres des requêtes, et procureur général en 1614. En 1626, Richelieu partant assiéger les protestants dans La Rochelle avec Louis xiii, avait constitué auprès de la reine une sorte de Conseil de régence chargé d’administrer l’État pendant la durée de l’expédition, et appelé Molé à y prendre une part prépondérante. En 1631, Molé avait donné une preuve éclatante de l’indépendance de son caractère et de sa haute impartialité : lors du procès intenté au maréchal de Marillac pour concussion (v. note [17], lettre 10), il osa faire déclarer illégale la constitution de la commission extraordinaire chargée de juger l’accusé, et fit évoquer l’affaire devant le Parlement ; le roi, profondément irrité, fit casser par son Conseil l’arrêt du Parlement et suspendre Molé ; mais le rétif procureur général soutint avec fermeté la cause du Parlement et fut réintégré.

Premier président du Parlement de 1641 à 1653 et garde des sceaux du 3 au 10 avril 1651, puis du 9 septembre 1651 à sa mort, Mathieu i Molé joua un rôle éminent durant la Fronde, que Guy Patin a amplement évoqué dans la suite de ses lettres.

Mathieu i Molé avait épousé en 1608 Renée Nicolaï, fille de Jean Nicolaï, premier président de la Chambre des comptes ; elle mourut le 22 novembre 1641 après lui avoir donné dix enfants (G.D.U. xixe s., Popoff, no 30, et R. et S. Pillorget).

53.

Gilles Bataille défendait Théophraste Renaudot ; Claude Pucelle (v. note [9], lettre 589), ses deux fils, Isaac et Eusèbe Renaudot ; Martin, l’Université de Montpellier, et Deffita, celle de Paris ; Chenvot, les doyen (Michel i de La Vigne) et docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris.

54.

Les princes du sang (royal) sont issus d’une lignée royale par les mâles et légitimement. M. le Prince (Son Altesse) était le titre du premier prince du sang à la cour de France, il s’agissait du prince de Condé. Ses fils étaient princes du sang (par exemple le prince de Conti), de même que les frères du roi (Gaston et Philippe d’Orléans qu’on appelait Monsieur et Son Altesse Royale). Les princes légitimés étaient les bâtards du roi de France reconnus et légitimés par lui. Tous les autres princes (comme ceux de Sedan ou de Lorraine) étaient qualifiés d’étrangers et n’avaient pas de rang à la cour de France.

55.

Omer ii Talon (Paris 1596-ibid. 28 décembre 1652), seigneur de L’Estang, issu d’une illustre famille de la robe anoblie en 1595 par l’échevinage de Paris, était le fils d’un avocat au Parlement de Paris. Il avait débuté à 18 ans dans la profession d’avocat où ses grands talents l’avaient fait remarquer. En 1631, son frère, Jacques Talon, s’était démis en sa faveur des fonctions d’avocat général. L’un des meilleurs juristes de son temps, Omer ii Talon conserva cette charge jusqu’à sa mort et la légua à son fils aîné, Denis. Le renom d’Omer ii Talon tient surtout à la conduite qu’il eut durant la Fronde où il s’évertua, en dépit des circonstances, à concilier les intérêts du Parlement, tout en cherchant à préserver l’autorité royale. On a publié en 1732 ses Mémoires, continués par son fils Denis jusqu’au mois de juin 1653 (Michaud).

Le 7 mars 1644, en remerciement des services qu’Omer ii Talon avait rendus à la Faculté lors de son procès contre Renaudot, la Compagnie publia un décret où elle lui assurait à perpétuité des soins gratuits de la part des docteurs régents, pour lui et sa famille (Comment. F.M.P., tome xiii, fos 220 vo‑221 ro).

56.

Arrêt de la Cour de Parlement, pour les doyen et docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, contre Théophraste Renaudot, Gazetier, soi-disant médecin du roi et de l’Université de Montpellier, les docteurs en médecine dudit Montpellier et d’autres universités, ses adhérents, et des chancelier, professeurs et docteurs régents en ladite Faculté de médecine de Montpellier, intervenus en cause avec lui. Prononcé en l’audience de la Grand’Chambre, le mardi premier jour de mars l’an 1644, avec les plaidoyers de M. Talon, avocat général, et des avocats des parties.


  1. Paris, Claude Morlot, 1644Paris, Claude Morlot, 1644, in‑fo.

Cet opuscule de 33 pages se termine sur l’arrêt prononcé par le Parlement :

« La Cour a reçu et reçoit les parties de Deffita {a} et Martin, {b} intervenantes, et y faisant droit, ensemble sur les appellations, sans avoir égard aux lettres, a mis et met l’appellation au néant, ordonne que ce dont a été appelé sortira son plein et entier effet ; condamne l’appelant en l’amende et aux dépens, a ordonné et ordonne que dans la huitaine, la Faculté de médecine s’assemblera pour faire un projet de règlement pour faire les consultations charitables des pauvres et icelui apporter à la Cour, pour icelui vu, ordonner ce que de raison. Et sur les conclusions du procureur général, a ordonné et ordonne que Renaudot présentera à ladite Cour les lettres patentes adressées à icelle, par lui obtenues pour l’établissement du Bureau et permission de vendre à grâce ; {c} et cependant, {d} lui a fait et fait très expresses inhibitions et défenses de plus vendre ni prêter à l’avenir sur gages, jusqu’à ce que autrement par la Cour en ait été ordonné ; et que les officiers du Châtelet se transporteront chez ledit Renaudot pour faire inventaire de toutes les hardes qui se trouveront en sa maison, pour les rendre et restituer à qui il appartiendra. Et sur la requête des parties de Pucelle, {e} y sera fait droit séparément, ainsi que de raison. Fait en Parlement le 1er jour de mars mil six cent quarante-quatre. Signé Guyet, Baudot. » {f}


  1. Avocat du recteur et des suppôts de l’Université de Paris.

  2. Avocat de l’Université de médecine de Montpellier.

  3. Prêter sur gage.

  4. En attendant.

  5. Avocat d’Isaac et Eusèbe Renaudot qui réclamaient l’application de l’arrêt du Parlement du 6 septembre 1642, ordonnant à la Faculté de les recevoir docteurs.

  6. V. note [72] de L’ultime procès de Renaudot contre la Faculté… pour un extrait du plaidoyer de l’avocat général, Omer ii Talon.

Georges Gilles de la Tourette (page 235) :

« Tout s’écroulait : ce long échafaudage de bonnes œuvres, et d’œuvres utiles, s’en allait en poussière ; non seulement les adhérents de Renaudot, mais encore lui-même, médecin du défunt roi, n’avaient plus le droit d’exercer la médecine à Paris. Il ne devait plus s’occuper de ces monts-de-piété, de ces consultations charitables qu’il avait fondés.

Seule la Gazette survivait : elle répondait trop à un besoin ; et le Parlement, alors si populaire, eût pu voir, s’il l’eût supprimée, se tourner contre lui cette foule qui allait à coups de pamphlets faire la Fronde, et qui, chaque samedi, courait au-devant des porteurs du journal. Le Bureau d’adresse était maintenu sous conditions. »

Il restait aussi à Renaudot ses deux fils, Isaac et Eusèbe (v. note [16], lettre 104), à qui la Faculté de médecine de Paris refusait le doctorat.

Un édit du Parlement, du 17 mai 1644, officialisait les consultations charitables que la Faculté avait fondées le 26 mars 1639, pour contrer celles de Renaudot. Gilles de la Tourette en a donné la transcription (page 240‑242), extraite des Comment. F.M.P. (tome xiii, fo 223 vo‑224 ro) :

« Sur la requête présentée à la Cour par le doyen et les docteurs régents de la Faculté de médecine de cette ville de Paris contenant : qu’en l’exécution de l’arrêt d’icelle du 1er mars dernier, confirmatif des sentences du prévôt de Paris, ladite Faculté de médecine s’étant assemblé et fait un projet du règlement pour les consultations charitables ds pauvres, en date du 22e dudit mois de mars, lequel ils auraient porté à la Cour, requérant l’exécution d’icelui, et vu ledit arrêt et projet, conclusions du procureur général du roi ; tout considéré, ladite Cour, ayant égard à la requête, a ordonné et ordonne que, suivant ledit projet de la Faculté de médecine, six médecins d’icelle Faculté, savoir trois du nombre des anciens et trois de celui des jeunes, se trouveront aux Écoles, précisément à dix heures du matin, tous les mercredis et samedis de chacune semaine, étant avertis auparavant par le billet du bedeau ; et là, étant avec le doyen et plusieurs autres docteurs qui s’y rendent ordinairement, ils visiteront et examineront les maladies de chacun des pauvres et ordonneront les remèdes propres et convenables ; et s’il se rencontre quelque difficulté pour ce qui regarde la connaissance ou le traitement de ces maladies, ils conféreront et consulteront mûrement les uns avec les autres, donneront aux pauvres malades les recettes ordinaires des remèdes par écrit et les remèdes desquels pour lors qu’ils auront besoin, gratuitement et aux dépens de la Faculté ; {a} jusques à ce que, par libéralité des gens de bien et de condition, ladite Faculté puisse ménager quelque fond plus grand pour les pauvres. Et, pour le regard des malades qui ont besoin d’opinion nouvelle, les susdits docteurs auront soin de faire eux-mêmes, ou faire travailler en leur présence quelque bon chirurgien ; et se comporteront au pansement et soulagement des pauvres malades ainsi qu’ils sont obligés. Et afin que la maladie d’aucun pauvre ne puisse être négligée, s’il y a aucun par la ville qui ne puisse marcher et ne soit pansé comme il faut, le doyen de la Faculté en étant averti, y donnera ordre et fera en sorte que chacun sera assisté du médecin et de l’apothicaire.

Et sera le présent arrêt affiché à toutes les rues et carrefours de cette ville et faubourgs, à la diligence du procureur général. {b}

Fait en Parlement le 13 mai 1644. »


  1. Les comptes de la Faculté rendus sous le décanat de Guy Patin les 26 janvier 1652 et 6 février 1653 ne contiennent aucune ligne concernant les dépenses des consultations charitables (tout comme les autres comptes que j’ai eu l’occasion de parcourir dans les Commentaires d’autres années).

  2. L’ambition de la Faculté semblait démesurée : elle ne comptait que quelque 120 docteurs quand Paris avait environ 200 000 habitants ; c’était espérer que fort peu d’entre eux fussent indigents…

57.

Ayant succédé à Mathieu i Molé, Blaise Méliand (mort en 1661) avait été nommé procureur général du Parlement de Paris en 1641. Sieur d’Égligny, La Borde et autres lieux, il était fils de Blaise Méliand, trésorier de France en Berry, greffier du Conseil, puis secrétaire du roi (1585). Il avait été reçu conseiller au Parlement le 15 mai 1609, président de la cinquième Chambre des enquêtes en 1632, avant d’être nommé ambassadeur en Suisse (1635), puis conseiller d’État (1640). Méliand fut ensuite de nouveau en ambassade en Suisse (Popoff, no 1724).

58.

« réunissent bagages et baluchons, et ne pensent seulement qu’à changer d’endroit ». L’examen mentionné dans la phrase qui suit est le baccalauréat de la Faculté de médecine de Paris où pouvaient se présenter les docteurs des autres facultés. La prochaine session allait avoir lieu du lundi 14 au samedi 19 mars 1644.

59.

« Que le Juif Apelle le croie donc, mais pas moi ! » Pour dire (Horace, Satires, livre i, poème v, vers 100-101) « À d’autres, mais pas à moi ! », les Romains, volontiers xénophobes, employaient l’expression Credat Iudæus Apella ! Le légendaire Apelle, pris là comme modèle de crédulité, tirait son sobriquet de pellis (peau, pour prépuce) précédé d’un a privatif.

60.

« en quoi il transpirera plus qu’assez, mais je n’en attends rien du tout » ; tournure cicéronienne (Lettres à Atticus, livre ix, lettre 11) :

Misi ad te exemplum litterarum mearum ad Cæsarem ; quibus me aliquid profecturum puto.

[Je t’ai envoyé une copie de mes lettres à César ; j’en attends quelque chose].

61.

« la chance a tourné. »

Faut-il voir dans cette dernière phrase un tacite accusé de réception du cinglant affront personnel que La Réponse à l’Examen… de Théophraste Renaudot (libelle malheureusement non précisément daté, v. note [9], lettre 96) avait infligé à Guy Patin ? « On dit proverbialement qu’un homme a les rieurs de son côté, quand il est favorisé de quelques puissances qui autorisent ou qui approuvent ce qu’il dit ou ce qu’il fait » (Furetière).

62.

Marie-Madeleine de Vignerod de Pont-de-Courlay, dame de Combalet, duchesse d’Aiguillon (château de Glénay, près de Bressuire, Deux-Sèvres, 1604-Paris 1675), était la fille de René de Vignerod, seigneur de Pont-Courlay, et de Françoise du Plessis, sœur aînée du cardinal de Richelieu. Le comte de Béthune, neveu de Sully, avait demandé Marie-Madeleine en mariage en 1620, mais Richelieu avait dû donner sa nièce à Antoine de Grimoard de Beauvoir du Roure, marquis de Combalet, fils unique de la sœur du duc de Luynes, qui était alors dans la plus haute faveur royale.

Devenue veuve à 18 ans, Mme de Combalet ne se remaria jamais ; elle se dévoua à son oncle dont elle tint le salon pendant 17 ans, et elle consacra une partie de sa fortune à soutenir les œuvres charitables de Vincent de Paul (v. note [27], lettre 402). En 1638, Richelieu lui avait donné les terres du duché d’Aiguillon (v. note [14], lettre 18) et l’avait rendue héritière de la majeure partie de ses biens. Quelques pamphlétaires n’ont pas manqué de dénaturer le caractère de leurs relations, et Guy Patin a volontiers adhéré à leurs calomnies ; mais François Bluche les a niées avec vigueur (v. note [14], lettre 205).

L’historiette de Tallemant des Réaux sur Mme d’Aiguillon (tome i, pages 304-311) lui reproche bien plus que sa pleine soumission à Richelieu : sordide avarice, bigoterie et débauche saphique avec Mme du Vigean.

Mme d’Aiguillon fut l’une des premières admiratrices de Pierre Corneille, qui lui dédia Le Cid, et elle protégea d’autres écrivains de talent. Après la mort du cardinal, la duchesse consacra sa vie aux procès que lui valut son immense héritage, à ses neveux, qui la désolèrent par leurs mésalliances, et surtout à de multiples bonnes œuvres. Elle légua son duché, ses titres et sa fortune à sa nièce Thérèse de Vignerod, Mlle d’Agenois (R. et S. Pillorget).

63.

Claire-Clémence de Maillé (1628-1694) était alors duchesse d’Enghien avant de devenir princesse de Condé en 1646. Elle était la fille du maréchal Urbain de Maillé, marquis de Brézé (v. note [15], lettre 18), et de Nicole du Plessis-Richelieu, sœur du cardinal. En 1641, on l’avait mariée Louis ii de Bourbon, duc d’Enghien, depuis quatrième prince de Condé, le Grand Condé : son père, Henri ii de Bourbon, « s’était mis à genoux devant le cardinal de Richelieu pour avoir Mlle de Brézé pour M. d’Enghien » (Tallemant de Réaux, Historiettes, tome i, page 308). L’objet du procès était la légitimité du duché d’Aiguillon. Ce procès de 1644 contre le prince de Condé fut suivi d’un autre, sur le même différend, en 1645. La duchesse d’Enghien est réapparue plusieurs fois dans les lettres de Guy Patin, au cours de la Fronde, et jusqu’à l’évocation de sa folie en 1671, suivie de son exil final à Châteauroux (v. note [8], lettre 999).

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 174) :

« Le soir, {a} mon père nous dit qu’il avait rencontré M. Le Jay qui avait été à l’audience de M. le Prince, qui était, avec Mme d’Enghien sur le banc des parties […]. Gaultier avait plaidé pour M. le Prince et avait fort décrié la mémoire de M. le cardinal de Richelieu et Mme d’Aiguillon, disant que le testament était suggéré par elle, fait suivant sa passion ; et avait dit de bons mots, entre autres que M. le cardinal pouvait être comparé à Samson qui, étant le plus fort homme du monde, perdait ses forces entre les genoux d’une femme, dit le vers de Juvénal,

…Bona tota ferantur
Ad Phialen
 {b} (qui était une garce) ;

que Mme d’Aiguillon était la plus avare du monde, avait eu le duché d’Aiguillon pour cent mille écus, {c} quoiqu’il valût huit cent mille livres, avait tiré par force la quittance de Sabbathier de trois cent mille livres, quoiqu’elle n’eût donné que sa promesse payable dans dix ans, et qu’après, ayant déduit les intérêts en le payant comptant, elle n’en avait déboursé que cent mille livres ; que M. le cardinal avait fait une fausseté, ayant rempli la procuration du maréchal de Brézé, pour consentir le mariage de son fils, du nom de Claire-Clémence, sa fille ; que c’était son ordinaire puisque, pour empêcher la restitution de vingt mille écus que feu son frère avait ordonnée par testament à ses créanciers, il avait supposé un faux codicille qui révoquait le testament. Pour raison de quoi, il y avait eu procès au rapport de M. Coquelay, présent à l’audience, qui avait été évoqué et renvoyé à Dijon. Il dit quantité d’autres choses et n’acheva pas. Voilà le commencement de la division capable de perdre toute cette famille. »


  1. Du 28 avril 1644.

  2. « il légua tous ses biens à Phialé » (Satire x, vers 238), à propos d’un vieillard lubrique qui déshérite ses enfants au profit d’une courtisane, « tant a su l’appâter de son haleine cette fille qui, durant des années, s’est prostituée dans une cellule de bordel ».

  3. 300 000 livres.

Guy Patin est revenu plus tard sur ce procès (v. note [3], lettre 155).

64.

Sous le titre de Quatrain xvii, c’est la dernière des trois courtes pièces en vers qui forment un libelle anonyme, attribué à Guy Patin :

Le Nez pourri de Théophraste Renaudot, grand Gazetier de France et espion de Mazarin, appelé dans les Chroniques Nebulo hebdomarius, de patria Diabolorum. {a} Avec sa vie infâme et bouquine, {b} récompensée d’une vérole euripienne, {c} ses usures, la décadence de ses Monts-de-piété, et la ruine de tous ses fourneaux et alambics (excepté celle de sa conférence, rétablie depuis quinze jours) par la perte de son procès contre les docteurs de la Faculté de médecine de Paris. {d}


  1. « Vaurien semainier, venu de la patrie des Diables » (Loudun).

  2. Débauchée (celle d’un vieux bouc).

  3. Euripienne est un adjectif forgé sur Euripe, détroit de Grèce, dont les eaux fluent et refluent sans cesse (v. note [4], lettre 483) ; une « vérole euripienne » est à comprendre comme invétérée et rechutant sans cesse.

  4. Sans lieu, ni nom, ni date [1644], in‑4o de huit pages.

Ledit quatrain (pages 5‑6) est sous-titré Extrait de la 22e Centurie de Michel Nostradamus, poète, mathématicien et médecin provençal {a}, prédisant la perte du procès du Gazetier, soi-disant médecin de Montpellier, contre les médecins de Paris, par un arrêt solennel prononcé en robes rouges, après cinq audiences, par Mr Messire Matthieu Molé, premier président, le 1er jour de mars 1644. Les clés en sont ainsi expliquées :

Ce quatrain se lit aussi dans La Conférence du cardinal avec le Gazetier… (1649, v. note [5], lettre 27). C’est sans doute pour cela que P. Paris a attribué cette mazarinade à Guy Patin (comme l’a mentionné P. Triaire dans sa note 1, page 99) ; mais plutôt qu’épiloguer sur cette spéculation, il vaut mieux transcrire le dialogue qui encadre les vers, qualifiés de « première prophétie » dans la Conférence…, où elle est suivie d’une « seconde prophétie , toutes deux attribuées à Nostradamus (pages 13‑17) :

« Gaz. […] J’ai pris un singulier plaisir à entendre discourir de l’astrologie judiciaire et, suivant le génie et la maladie des grands, quoique je ne sois qu’un ver de terre, j’ai voulu savoir quelle serait la suite et la fin de ma vie. Pour cet effet, je fis dresser mon horoscope par deux ou trois des mieux stylés en cet art, dont je me repens bien fort parce que cela m’afflige et m’empêche de dormir : lesquels, sans s’être communiqué l’un à l’autre, ont trouvé la même chose par leur supputation ; savoir que je serais fortuné et amasserais force bien sous le ministère de deux cardinaux, mais qu’à la mort de l’un, je recevrais un grand échec, et qu’à la disgrâce de l’autre, je serais entièrement maté. Or, le premier m’est infailliblement arrivé à la mort de défunt monseigneur de Richelieu, {a} et j’ai toutes les raisons du monde d’appréhender le second si la fortune vous tourne le dos. Car, outre les horoscopes dont je viens de vous parler, ce diable de Patin, que je n’ai jamais su ajuster à mon pied, depuis qu’il fit rire messieurs des Requêtes de l’Hôtel en m’appelant, à cause de mon nez puant, le Bonaze de saint Jérôme, {b} ce Patin, dis-je, trouva une prophétie dans Nostradamus qui prédisait ce qui m’arriva après la mort de défunt monsieur le cardinal ; et depuis huit jours en çà, on m’en a envoyé une autre qu’on dit qu’il a tirée de la sixième centurie d’un vieux manuscrit, laquelle me menace du gibet si votre fortune change. […] {c}

Le Card. À n’en point mentir, tu as raison de dire que c’est une prophétie ; mais plutôt une énigme, dont un seul Sphinx est capable de découvrir le sens et donner l’interprétation : ne veut-il pas dire que tu deviendras roi de Calicut {d} après avoir triomphé des Amazones ?

Gaz. Monseigneur, ne le prenez pas par-là, il n’y a point de quoi rire pour moi, non plus qu’il n’y a rien de plus clair quand vous saurez l’histoire ; et si je croyais que la seconde prophétie {e} dût arriver aussi certainement, je n’attendrais pas qu’on me pendît ; je les préviendrais et me pendrais moi-même afin d’éviter l’infamie que mes enfants appréhendent, et que beaucoup de gens désirent parce que je ne les ai pas traités comme ils méritaient dans mes Gazettes, que je n’ai composées que pour satisfaire aux ministres et aux favoris. Or pour l’intelligence de cette prophétie, V.É. {f} doit savoir que les médecins de Paris m’ont toujours fait la guerre et n’ont jamais voulu souffrir que je fisse la médecine dans la ville, tant à cause que je ne suis pas docteur de leur Faculté, ni capable de l’être, qu’à cause de la profession de gazetier, qui n’est pas plus honorable que celle de courtier d’amour. {g} À cette fin il y eut grand procès entre nous, qui demeura indécis par la faveur de Monseigneur le cardinal ; {h} car tant qu’il vécut, je pratiquai la médecine, en faisant la nique aux médecins, sous son autorité ; mais il ne fut pas sitôt passé que ces Messieurs reprennent leurs brisées. {i} Il fallut plaider à la Grand’Chambre où, quoi que le sieur Bataille, mon avocat, sût dire en ma faveur, et des services que je rendais au public à l’occasion de mon Bureau de rencontre, M. Talon, avocat général, ne se contenta pas de conclure contre moi en faveur des médecins ; mais encore, remontrant l’impiété de mon mont-de-piété et l’usure abominable que j’exerçais sous le prétexte des prêts et ventes à gage, il demanda que me fût interdit sous de grièves {j} peines de n’en plus user à l’avenir. Et ses conclusions suivies de point en point, je me vis en un moment privé de l’exercice de la médecine, dont je ne me souciais pas beaucoup ; mais encore de celui des prêts sur gage, dont je tirais plus de profit en une semaine que trois courtiers de change en un mois, des inventions dont ils se servent dans leur métier. Or que V.É. {f} voie maintenant si la prophétie n’est pas bien claire, dans laquelle même les avocats qui ont parlé en la cause sont nommés ; et s’il pouvait mieux exprimer la mort de Monsieur le cardinal que par le premier vers. Car le nommant le grand Pan, il fait allusion au dieu des Faunes et des Satyres, comme son Éminence l’était des maltôtiers aussi bien que la vôtre. Au second vers, il me dit venir du côté d’Aquilon, parce que Loudun, lieu de ma naissance, est aquilonaire {k} à l’égard de Marseille où Nostradamus faisait sa demeure ; et pour les autres deux vers, on ne saurait exprimer plus clairement les vains efforts du sieur Bataille contre les médecins, sous le nom d’Esculape, ni la plaie que me fit Monsieur Talon par ses conclusions à la gloire de mes ennemis, et à mon grand dommage et regret tout ensemble. Par-là V.É. {f} peut voir si je n’ai pas sujet d’appréhender le succès de la seconde prophétie par celui de la première.

Le Card. À la vérité, elle est plus claire que je la croyais pas. Néanmoins, pour avoir rencontré en l’une, il ne faut se persuader qu’il {l} l’ait fait infailliblement en l’autre : toutes ces sentences sont faites à plaisir, et ce sont plutôt les événements qui font les prophéties, que les prophéties les événements. Voyons encore la seconde et jugeons par l’état présent des choses s’il y a apparence d’en craindre le succès.

Gaz. Monseigneur, si j’osais, je supplierais V.É. {f} de me dispenser de la lui dire ; néanmoins, puisqu’elle le désire, la voici avec prière que je fais à Dieu qu’elle se trouve autant fausse pour elle que je souhaite qu’elle le soit pour moi-même.

Au temps que Nirazam ayant gagné la poule,
coq et poulets plumé, fera gille drilleux :
 {m}
Lors puant roi crétois, faisant saut périlleux,
Par infâme licol
 {n} fera chanter la foule.

Le Card. Celle-ci est encore plus difficile que l’autre, puisqu’elle parle de noms barbares et de rois de Crète. Pour mon particulier, je n’ai point de passion de porter de couronne, si ce n’est celle de France ; et pour ton regard, je n’estime pas que tu doives quitter Paris pour aller en un pays inconnu où les peuples ne sont pas si badauds que de t’enrichir pour des sornettes. Va, quitte ces imaginations de royauté, tu es trop vieil pour un si haut dessein.

Gaz. Ah ! Monseigneur, que V.É. {f} parlerait autrement si elle y avait un peu pensé. Ce nom que vous appelez barbare, et non pas sans raison, c’est le vôtre, car si vous lisez Nirazam à l’envers, et à la façon des Hébreux, vous trouverez Mazarin. La poule, c’est la reine, et pour le coq et poulets plumés, cela signifie le roi et les peuples, dont vous avez tellement épuisé les finances que sa cuisine, faute d’argent, a été deux fois renversée, {o} et le royaume n’est plus qu’un hôpital de gueux. Et c’est ce qui a excité les Français à demander votre éloignement, à se raidir contre votre tyrannie et à protester de n’être jamais satisfaits que vous ne fussiez hors de l’État. Voyez s’il se peut rien dire de plus facile en matière de prophétie, et si je n’ai pas sujet de craindre le funeste événement qui est prédit par les autres vers.

Le Card. Et quand cela serait pour les premiers, qu’en peux-tu conclure pour ton regard des seconds ? T’imagines-tu d’être roi de Crète, aussi bien que cet autre, roi d’Éthiopie ? {p} En ce cas, nous te préparerons un palais aux Petites-Maisons. {q}

Gaz. Monseigneur, si vous aviez autant lu saint Paul comme vous avez fait un auteur de votre pays, qui ne se croyait point Dieu, {r} vous auriez trouvé que la qualité qu’il donne à ces peuples, c’est de ne dire jamais la vérité, et d’être toujours menteurs, Cretenses semper mendaces. {s} Ainsi, être roi des Crétois est être roi des menteurs, ma véritable profession. Pour le reste, vous l’entendez assez, et le chant de la foule est celui du Salve Regina, et de la joie que le peuple aura de me voir finir ainsi de cette façon. »


  1. Le 4 décembre 1642.

  2. Référence à l’audience du 14 août 1642 qui est décrite dans la note [3], lettre 90 ; l’allusion au Bonaze (sic pour Onasius) de saint Jérôme est citée dans sa notule {e} et expliquée dans la note [15], lettre 642.

  3. Suit la transcription du quatrain publié par Guy Patin en 1644, après le verdict de l’Ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, perdu le 1er mars 1644 commenté dans la note [64], lettre 101.

  4. Calicut (Kozhikode dans l’État de Kerala) était le plus grand port et comptoir de la côte occidentale de l’Inde. Déjà lié aux commerçants Arabes, le roi de Calicut n’avait pas réservé le meilleur accueil au navigateur portugais Vasco de Gama en 1498.

    V. notes [28], lettre 226, et [33] des triades du Borboniana manuscrit pour la résolution de l’énigme du Sphinx (ou de la Sphinge) par Œdipe dans la légende antique.

  5. Lire plus bas.

  6. Votre Éminence.

  7. Maquereau.

  8. Richelieu.

  9. Recommencent à me poursuivre.

  10. Lourdes.

  11. L’Aquilon étant le Nord, aquilonaire veut dire septentrional.

  12. Nostradamus.

  13. Fuira en haillons.

  14. Corde qui sert à étrangler les pendus.

  15. Ruinée.

  16. Allusion à l’imposteur Zaga-Christ qui se prétendait roi d’Éthiopie (v. note [9], lettre 40).

  17. L’hôpital des fous (v. note [29], lettre 97).

  18. Nicolas Machiavel, auteur du Prince (v. note [64], lettre 150).

  19. « Crétois toujours menteurs » (v. note [5], lettre latine 75).

La Préface de la première édition des Lettres (1683) et ses auteurs (Charles Patin et Jacob Spon) attribue sans ambages à Guy Patin la paternité du premier quatrain et par conséquent, celle de tout le libelle. Les deux premiers poèmes du Nez pourri… sont bien plus méchants encore :

« Sur le nez pourri de Théophraste Renaudot, alchimiste, charlatan, empirique, usurier comme un Juif, perfide comme un Turc, méchant comme un renégat, grand fourbe, grand usurier, grand Gazetier de France,

Rondeau.

C’est pour son nez, il lui faut des bureaux
Pour attraper par cent moyens nouveaux
Des Carolus, {a} incaguant {b} la Police ;
L’on y hardait {c} office et bénéfice,
L’on y voyait toutes gens à monceaux,
Samaritains, Juifs, garces, maquereaux ;
L’on y portait et bagues et joyaux,
Pour assouvir son infâme avarice,
C’est pour son nez.
Qu’il fit beau voir ces pieux {d} animaux
entrer en lice, et courir par troupeaux,
Pour soutenir la bande curatrice :
Mais tout d’un coup, ma foi, Dame Justice
Jeta par bas alambics et fourneaux :
C’est pour son nez.

Autre rondeau sur le même sujet.

Un pied de nez servirait davantage
À ce fripier, docteur du bas étage,
Pour fleurer {e} tout, du matin jusqu’au soir ;
Et toutefois on dirait à le voir,
Que c’est un Dieu de la chinoise plage. {f}
Mais qu’ai-je dit ? c’est plutôt un fromage,
Où sans respect, la mite a fait ravage ;
Pour le sentir, il ne faut point avoir
Un pied de nez.
Le fin camus touché de ce langage,
Met aussitôt un remède en usage,
Où d’Esculape il ressent le pouvoir :
Car s’y frottant, il s’est vu recevoir
En plein Sénat, tout le long du visage,
Un pied de nez. »


  1. Ancienne monnaie de Charles viii valant dix deniers.

  2. Défiant, emmerdant.

  3. Troquait.

  4. « Martin, avocat, intervenant pour ceux de Montpellier, les appela animaux charitables et muets ».

  5. Flairer.

  6. « Les Dieux de la Chine ont le nez écaché [écrasé et aplati] » ; plage est à prendre pour rivage, ou pour désert.

S’ils sont bien de sa plume, ces deux rondeaux n’ajoutent guère à la gloire de Patin.

65.

« Le répertoire des avocats dressé par Blanchard cite quatre avocats dénommés Bataille : Gilles, reçu le 1er août 1617 ; Jacques, reçu le 23 novembre 1637 ; Étienne, reçu le 16 février 1643 ; Noël, reçu le 19 novembre 1644 » (Adam). Le premier est ici le plus plausible ; Guy Patin a annoncé sa mort le 9 mars 1652, à l’âge de 64 ans.

66.

« pour que la paix soit sauve entre nous, je tairai ce qu’ont dit des hommes de bien et vraiment savants. » Guy Patin voulait sans doute ménager Charles Spon, qui avait bouclé tout son cursus médical (inscription, baccalauréat, licence et doctorat) à Montpellier, en un seul semestre (le second de 1632).

Quant à Théophraste Renaudot, il était authentiquement gradué de la même Faculté, après des études à peine plus longues (inscription le 14 novembre 1605, doctorat le 20 juillet 1606).

67.

« qui est votre frère dans le Christ » ; c’est-à-dire « protestant comme vous ».

Saintes (Charente-Maritime), alors écrit Xaintes, sur la Charente, est la capitale de Saintonge. Les Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis (Paris, Saintes, 1907, tome 2, page 447) citent un François Murend, sieur de La Murendière, conseiller médecin du roi, doyen des médecins de la ville de Saintes en 1656.

68.

« Je vous prie de le tenir pour mon très recommandé à votre attention ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 8 mars 1644

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0101

(Consulté le 25/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.