L. 162.  >
À Claude II Belin,
le 28 octobre 1648

Monsieur, [a][1]

Je vous dirai pour réponse à la vôtre, de laquelle je vous remercie bien fort, que les paranymphes [2] de mon fils [3] ne sont pas imprimés, mais ils ne le seront jamais que vous n’en ayez des premiers. [1] J’ai ici tant d’affaires que je n’ai pas eu loisir d’y penser et votre lettre m’en a fait souvenir. On imprime la table du troisième tome des Conseils de M. de Baillou. [4] Ce livre me déplaît pour le fatras qu’il y a tiré des Arabes [5] et de la pharmacie de ce temps-là ; mais néanmoins, il y a de fort bonnes choses. Quand vous l’aurez, si vous en voulez profiter, n’en lisez que l’index qui sera à la fin, il est fait de telle sorte qu’il vous représentera tout ce qu’il y a de bon en tout l’œuvre et que vous n’aurez pas de regret du temps qu’y aurez employé. [2] On imprime ici un traité de Anima et eius facultatibus, quatenus medicus illas considerat de M. Hofmann, [6] je vous en ferai part dès qu’il sera fait. [3] Je suis bien aise qu’ayez vu, lu et approuvé la thèse de M. Guillemeau ; [7][8] mais n’est-ce pas celle que je vous ai envoyée ? [4] Je suis tout à fait de votre sentiment sur la méthode et sur les remèdes simples, sint pauca, sed bona et selecta, et de quibus maiores nostri fecere periculum[5] On imprime en Hollande un traité nouveau de M. Vossius [9] de disciplinis et un autre du même que l’on réimprime de Historicis Græcis et Latinis[6] Cet auteur est un des habiles hommes qui soit aujourd’hui sur terre. On a imprimé depuis peu au même pays un livre nouveau in‑8o sous ce titre, Les Jésuites sur l’échafaud. L’auteur en est un jésuite révolté et retourné, nommé le P. Jarrige, [10] lequel dépouilla la casaque du P. Ignace [11] l’an passé à La Rochelle. [12][13] Il accuse et convainc, par exemples et circonstances requises, là-dedans les sociétaires de faire de la fausse monnaie, [14] de débaucher les femmes à la confession, [15] d’avoir des garces en leurs maisons habillées en valets, de pédérastie [16] et autres crimes pendables. [7] Si quelqu’un de vos marchands a intelligence en Hollande, faites-en venir hardiment car la feinte cabale fera ce qu’elle pourra pour le supprimer ; [8] combien que je croie bien fort que cela n’empêchera pas qu’il ne devienne commun. Il y a en Flandre [17] grosse querelle des médecins contre les apothicaires [18] avec des requêtes imprimées de part et d’autre au roi d’Espagne. [19] Si les médecins veulent, ils auront bientôt ruiné ces fricasseurs d’Arabie. [9] Je ne doute point que n’ayez vu la déclaration du roi que le Parlement a faite et publiée depuis trois jours. [10][20][21] Ils ont envie de faire encore bien mieux l’hiver prochain après la Saint-Martin. Le roi [22] est encore à Saint-Germain, [23] unde dicitur rediturus intra octiduum[11] Je vous baise les mains, à Mme Belin, à Messieurs vos frères, à M. Sorel, à MM. Camusat et Allen, et suis de toute mon âme et à monsieur votre fils, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 28e d’octobre 1648.


a.

Ms BnF no 9358, fo 115 « À Monsieur/ Monsieur Belin/ docteur en médecine,/ À Troyes » ; Reveillé-Parise, no xci (tome i, pages 144‑146) ; Triaire no clxiv (pages 621‑623).

1.

Le paranymphe médical de Robert Patin, prononcé en 1648, ne fut imprimé qu’en 1663 (v. note [2], lettre 157) ; ce délai est ainsi expliqué dans l’avertissement Benevolo lectori [au bienveillant lecteur] :

Quod per quindecim annos in tenebris oblituit Opusculum, anno 1648. tunc temporis Medicinæ Baccalaureo exaratum et publice dictum, non existimabam typis esse mandandum, sed hodie amicorum præcibus enixe atque vehementer petentium in vulgus prodit, utinam illud quantulumcumque, tibi gratum sit.

[Si cet opuscule, rédigé et lu publiquement en 1648, au temps de mon baccalauréat de médecine, s’est tenu caché dans les ténèbres pendant quinze années, c’est que j’estimais ne pas devoir l’imprimer ; mais aujourd’hui le voici offert au public sur les prières d’amis qui l’ont réclamé avec force et insistance. Pourvu que, tout petit qu’il est, il te soit agréable].


  1. V. note [11], lettre 155, pour le baccalauréat de Robert Patin, le 4 avril 1648. Le 28 juin suivant, la Faculté lui avait fait l’insigne honneur de lui confier la rédaction et la récitations du discours de paranymphes à la gloire des licenciés de la même année.

2.

V. note [47], lettre 152, pour ce troisième livre des Consiliorum medicinalium de Guillaume de Baillou (Paris, 1659) dont Guy Patin avait composé l’Index alphabeticus rerum omnium insigniorum quæ continentur in hoc tertio tomo Consiliorum medicinalium Dom. Guilielmi Ballonii, Doctoris Medici Parisiensis [Index alphabétique de toutes les matières les plus remarquables que contient ce troisième tome des Conseils médicaux de Me Guillaume Baillou, docteur en médecin de Paris] (omis dans la numérisation de Medica).

Comme ça n’était pas rare à l’époque, chaque entrée est non pas un simple mot, mais une petite phrase explicative ; par exemple, pour le lait :

Il n’y a pas d’entrée sur les Arabes. Ce qui poussait sans doute Patin à ne pas trop aimer ce livre était sa flatteuse épître dédicatoire (datée de Paris, le 14 janvier 1649, en pleine Fronde) : Illustrissimo et sapientissimo viro D.D. Francisco Vautier, olim Reg. Mariæ Mediceæ archiatro, nunc Regi Ludovico xiv a sanctioribus Consiliis, et archiatrotum comiti, Iacobus Thevart D. Medicus Parisiensis S.P.D. [Jacques Thévart, docteur en médecine de Paris, adresse ses profonds saluts à Me François Vautier, homme très illustre et très sage, jadis premier médecin de la reine Marie de Médicis, maintenant conseiller et premier médecin du roi Louis xiv]. Thévart y dresse les louanges de Vautier pour l’heureuse guérison de la variole du roi en 1647 (v. note [42], lettre 152). Entre autres flagorneries, on y lit (2e page) Tu certe, qui regem Christianissimum ab hoste tam insenso liberasti, auream, qualis est ab Atheniensibus Hippocrati concessa, meruisti [Vous, qui avez libéré le roi très-chrétien d’un ennemi si furieux, avez mérité une auréole semblable à celle que les Athéniens avaient concédée à Hippocrate]. Rien ne signale au lecteur la contribution de Patin à l’index.

3.

« de l’Âme et ses facultés, jusqu’au point où un médecin les peut considérer » (v. notes [59] et [60], lettre 150). Caspar Hofmann n’a fait paraître en 1648, à Paris, que l’Institutionum suarum medicarum Epitome… [Abrégé de ses Institutions…] (v. note [26], lettre 150) dont aucune partie ne se rapporte spécifiquement aux facultés de l’âme.

4.

Dans sa lettre du 11 juillet 1648 (v. lettre 157), Guy Patin avait en effet annoncé à Claude ii Belin l’envoi de quatre exemplaires de la thèse de Charles Guillemeau sur la Méthode d’Hippocrate (v. note [2], lettre 158) ; il faut croire que Belin avait omis de l’en remercier.

5.

« pourvu qu’ils soient peu nombreux, mais bons et choisis, et que les plus grands des nôtres en aient fait l’expérience. »

6.

Guy Patin appelait de disciplinis [des sciences] les :

Gerardi Ioannis Vossii de quatuor Artibus popularibus, Grammatistice, Gymnatistice, Musice et Graphice, Liber.

[Livre de Gerardus Johannes Vossius {a} sur les quatre Arts populaires, Grammaire, Gymnastique, Musique et Dessin]. {b}


  1. V. note [6], lettre 162.

  2. Amsterdam, Joannes Blaeu, 1650, in‑8o.

Guy Patin annonçait aussi la rédition de deux traités :

7.

Pierre Jarrige (Tulle 1604-ibid. 26 septembre 1670) était entré dans la Compagnie de Jésus en 1623, avait professé la grammaire, les humanités et la rhétorique au collège de Bordeaux ; mais, blessé que la Compagnie de Jésus n’eût pas assez reconnu et récompensé ses talents, il avait abjuré le catholicisme à La Rochelle pour se faire protestant en novembre 1647. Peu après, menacé par les jésuites, il s’était réfugié en Hollande où ses nouveaux coreligionnaires l’accueillirent froidement ; mais il obtint des États généraux une pension et la promesse d’un pastorat après quatre années d’épreuve. Les jésuites, après avoir vainement essayé de le ramener à eux par des promesses, l’avaient pourtant fait condamner le 17 juin 1648 « à faire amende honorable, tête et pieds nus, en chemise, la corde au col, devant la grand-porte et principale entrée de l’église de Saint-Barthélemy et de celle des pères jésuites de La Rochelle, et ensuite être mené et conduit en la place publique du château pour y être pendu et étranglé à une potence ». Jarrige répondait à cette sentence en publiant trois attaques :

Ces livres produisirent une sensation extraordinaire ; mais en dépit de cet acte d’éclatante rupture, les bons pères finirent par ramener Jarrige à eux par l’entremise du P. Ponthelier, jésuite, attaché à la personne de l’ambassadeur de France à La Haye qui quitta Leyde pour Anvers : P. Jarrige est apud nostros, écrivait le P. Othon Zylius au P. Masset, le 28 mai 1650, Antverpiæ, et Retractationem parat, omni caritate et humanitate exceptus [P. Jarrige est parmi nous, à Anvers, et il prépare sa Rétractation, nous l’hébergeons avec toute la charité et l’humanité possibles].

Après la Rétractation du P. Pierre Jarrige de la Compagnie de Jésus, retiré de sa double apostasie par la miséricorde de Dieu (Anvers, veuve de Jan Cnobbaert, 1650, in‑8o de 130 pages avec, à la fin, deux lettres du P. Jean Ponthelier), on laissa à Jarrige le choix de rentrer dans la Compagnie ou de rester dans le siècle. Il prit ce dernier parti et vécut à Tulle, donnant jusqu’à sa mort des répétitions de rhétorique et de philosophie (Sommervogel).

Les Jésuites mis sur l’échafaud est un extravagant brûlot antiloyolite. L’Épître dédicatoire « À très hauts et très puissants seigneurs, messeigneurs les États généraux des Provinces-Unies » mord d’emblée :

« Messeigneurs, L’intérêt que je prends à la conservation d’un État qui tient immédiatement sa souveraineté du Dieu des souverains et des exploits miraculeux de vos épées victorieuses, m’oblige d’amener aux pieds de vos très illustres Seigneuries des dangereux inconnus, pour les faire connaître, et des traîtres travestis en saints, pour les dépouiller en votre présence du manteau de leur hypocrisie. Vous connaîtrez à leur mine qu’ils sont vos ennemis puisqu’ils sont jésuites et jugerez par la relation de leur crime qu’ils ne doivent être non plus tolérés dans vos Provinces que les tyrans et les empoisonneurs. »

Le livre (96 pages) est composé de 13 chapitres :

  1. La coutume des jésuites est d’attaquer toujours ceux desquels ils peuvent avoir une juste appréhension qu’ils révèlent leurs crimes ;

  2. Crimes de lèse-majesté commis par les jésuites ;

  3. Usurpations et antidates commises par les jésuites ;

  4. Meurtres des petits enfants trouvés, commis par les jésuites ;

  5. Les impudicités des jésuites dans leurs classes (« Mon encre rougit écrivant ces saletés », page 43, v. note [9] des Affaires de l’Université en 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine) ;

  6. Impudicités des jésuites en leurs visites ;

  7. Vilenies commises par les jésuites dans leurs églises ;

  8. Impudicités commises par les jésuites dans leurs maisons ;

  9. Impudicités des jésuites en leurs voyages, et aux maisons des champs ;

  10. Impudicités des jésuites dans les couvents des nonains (religieuses) ;

  11. Des vengeances et ingratitudes des jésuites ;

  12. Fausse monnaie faite par les jésuites ;

  13. Réflexions sur les douze discours précédents.

L’Épître dédicatoire de la Réponse, « À Messieurs les pasteurs et anciens des Églises de la langue française, recueillies ès Provinces-Unies du Pays-Bas », n’est guère plus mesurée que la précédente :

« Les jésuites voudraient bien faire passer les flétrissures qu’ils prétendent imprimer sur mon front pour des marques d’ignominie ; mais s’il vous plaît, Messieurs, de considérer leur intention, examiner mon procès et ses causes, et demander leur jugement à nos pasteurs et à nos frères de La Rochelle qui sont sur les lieux où toutes choses se sont passées, vous jugerez mon opprobre glorieux et les prétentions de mes ennemis criminelles. Déjà l’un des plus religieux et des plus éloquents ministres du Saint Évangile m’a défendu avec autant de vigueur d’esprit que de vérité ; et sa réponse a eu grande approbation par la défaite de mes adversaires. J’eusse pardonné à Beaufés les contumélies {a} qu’il a vomies contre mon honneur par une obstinée délibération de me taire, mais ceux qui font état de ma conversion pour la gloire de Dieu jugent que je suis obligé de parler. Je me défends donc contre un religieux prétendu qui choque de dessein formé les maximes fondamentales de la doctrine de Jésus-Christ et foule aux pieds les lois de charité dont toutes les Écritures sont pleines. Les canons romains déclarent un clerc irrégulier pour avoir assisté à l’exécution d’un criminel, et Beaufés, se disant prêtre et clerc de la Compagnie de Jésus, s’établit juge de ma vie dans son livret, prononce et signe des arrêts de mort contre moi, et se rend ingénieux à inventer des nouveaux tourments pour me faire cruellement mourir. Son accusation est que j’ai célébré leur messe dans le dessein de me convertir et ne me suis pas abstenu de prêcher dans leurs chaires, étant même en traité avec Messieurs les ministres pour trouver le moyen de professer publiquement la foi que j’avais dans le cœur. La fougue l’emporte là-dessus avec tant de rage qu’il fait profusion de toutes les figures injurieuses et de tous les termes scandaleux que l’imagination lui fournit. À chaque feuillet il s’arme de nouveaux aiguillons pour me piquer. Je suis à son avis un Judas {b} entre les apôtres et un démon dans la Maison de Dieu. Les mots d’exécrable, de détestable, d’abominable lui paraissent trop mols pour faire des larges plaies, il emploie la malice de son esprit et fait suer toute sa rhétorique pour en trouver de plus piquants et de plus venimeux. Non content d’en insérer un ou deux dans chaque période, il en étale treize et quatorze tout de rang comme lorsqu’il dit en la page 25, “ Cet homme était vain, superbe, envieux, rebelle, hypocrite, sacrilège, perfide, désespéré, fourbe, imposteur, charnel, traître, mondain, etc. ”. En un mot, il ne tient pas à lui que je ne devienne l’objet d’une persécution universelle et que la passion particulière des jésuites ne passe dans tout le monde chrétien pour la cause publique. »


  1. Calomnies.

  2. V. note [2] de l’Introduction au Borboniana manuscrit.

V. note [10], lettre 179, pour l’avis destructeur de Gabriel Naudé sur Les Jésuites mis sur l’échafaud.

8.

Feint : « déguisé, apparent, dissimulé » (Furetière).

9.

Fricasseur : « apprenti cuisinier qui ne sait encore que tenir la poêle, préparer les viandes d’une manière fort commune » (Furetière).

10.

Tirant avantage de la libération triomphale de Broussel, le Parlement avait recommencé à délibérer dans l’intention de casser les décisions du lit de justice du 31 juillet 1648 (v. note [8], lettre 157) et soulager le peuple de l’énorme pression fiscale qu’il lui avait imposée.

À la suite des conférences menées, du 25 septembre au 4 octobre, à Saint-Germain entre les princes et les émissaires du Parlement (v. note [1], lettre 175), une déclaration du roi en son Conseil (v. note [1], lettre 168) tranchait, le 22 octobre, en faveur du Parlement contre le Conseil. Elle fut enregistrée au Parlement le 24 octobre et à la Chambre des comptes le 27 novembre suivant.

Mazarin et la reine régente avaient donc entièrement échoué dans leur dessein de ramener le Parlement à sa fonction de tribunal en cessant de se mêler des affaires politiques qui ressortissaient aux compétences du Conseil d’État. « Quand la Fronde se durcirait en blocus de Paris et en guerre civile [janvier-mars 1649], le programme broussélien visant à restaurer la vertu dans le gouvernement royal deviendrait de plus en plus fantasmatique » (Ranum, pages 192‑195).

Dans les lettres qui nous restent de lui, Guy Patin n’a pas même mentionné la signature à Osnabrück et à Münster, le 24 octobre, de la paix de Westphalie marquant la fin de la guerre de Trente Ans et l’échec des prétentions de l’empereur à l’hégémonie sur les pays germaniques. La France se voyait confirmer la possession de l’Alsace et des Trois-Évêchés, mais la guerre franco-espagnole continuait.

11.

« d’où, dit-on, il doit revenir sous huitaine. » Guy Patin ne savait pas tout, ou se gardait bien de tout dire à Claude ii Belin sur la tension extrême qui étreignait la capitale. Échaudée par les barricades du 28 août et en butte à l’agitation ravivée du Parlement, la reine avait d’abord emmené le roi à Rueil le 13 septembre (Retz, Mémoires, page 351) :

« il était visible que le roi n’était sorti de Paris que pour l’attaquer. »

Alors, le 22 septembre (ibid. page 353) :

« le Parlement donna, même avec gaieté, arrêt par lequel il était ordonné que très humbles remontrances seraient faites à la reine pour la supplier de ramener le roi à Paris et de faire retirer les gens de guerre du voisinage. »

Ibid. (page 356) :

« Comme la reine n’était sortie de Paris que pour se donner lieu d’attendre, avec plus de liberté, le retour des troupes avec lesquelles elle avait dessein d’insulter {a} ou d’affamer la ville (il est certain qu’elle pensa à l’un et à l’autre), comme, dis-je, la reine n’était sortie qu’avec cette pensée, elle ne ménagea pas beaucoup le Parlement à l’égard du dernier arrêt […] par lequel elle était suppliée de ramener le roi à Paris. Elle répondit aux députés qui étaient allés faire les remontrances qu’elle en était fort surprise et fort étonnée, que le roi avait accoutumé tous les ans de prendre l’air en cette saison et que sa santé lui était plus chère qu’une vaine frayeur du peuple. »


  1. Assaillir.

La cour avait quitté Rueil pour Saint-Germain le 25 septembre et revint à Paris le 30 octobre (Olivier Le Fèvre d’Ormesson, Journal, tome i, pages 572‑574) :

« Le dimanche 13 septembre, je fus pour aller à la messe du roi. J’appris de M. Rose que le roi était parti dès six heures du matin avec M. le cardinal pour Rueil, que la reine irait l’après-dînée, que M. de La Meilleraye était aussi parti. Chacun commençait à parler comme d’une fuite de Paris. […]

Tout le monde blâme cette sortie comme marque d’une grande peur et de faiblesse ; mais l’on parle diversement de leurs desseins. Les uns disent qu’ils feront venir des troupes pour affamer Paris et s’en venger ; qu’ils s’en iront à Orléans et delà à Tours où ils manderont aux compagnies souveraines de venir afin de les maltraiter. D’autres soutiennent qu’ils ne peuvent prendre ce dessein sans être fous et avoir envie de perdre le royaume, et faire une révolte générale partout contre eux ; d’autres enfin, que leur dessein est de se mettre en liberté et de pouvoir observer en sûreté ce que le Parlement fera sur le tarif, et témoigner avec plus de liberté son mécontentement. Quel que soit leur dessein, il est certain que toutes choses sont disposées à un grand désordre si de part et d’autre on ne s’adoucit pas, et nous sommes à la veille d’une très grande confusion si la reine se veut venger. Il n’y a que Dieu qui puisse détourner tous ces orages qui nous menacent en inspirant des conseils très sages et modérés. Le commerce de toutes choses est cessé et chacun serre son argent pour la nécessité. »

La déclaration du 22 octobre visait à établir en France rien moins qu’un régime de monarchie parlementaire (André Le Fèvre d’Ormesson, père d’Olivier, Mémoires, cité par Chéruel, longue note 4 qui commence page 581, tome i du Journal d’Olivier Le Fèvre d’Ormesson) :

« La déclaration ramène et réduit l’autorité royale à ce qu’elle doit faire pour bien régner. Le Parlement est devenu supérieur au Conseil d’en haut. Le Conseil d’en haut perdit la bataille contre le Parlement le jour des barricades, et depuis ce jour-là le Parlement a commandé et le Conseil d’en haut a obéi au Parlement, et cette déclaration a été tirée et extorquée de la reine par force et non de sa bonne volonté. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 28 octobre 1648

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(Consulté le 25/04/2024)

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