L. 183.  >
À Charles Spon,
le 18 juin 1649

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière qui fut le vendredi 11e de juin, jour de Saint-Barnabé, laquelle contenait six pages, je vous dirai que pour m’être couché ce jour-là assez tard, [1] j’étais le lendemain matin encore au lit à sept heures lorsque monsieur votre beau-frère M. Marion [2] prit la peine de m’apporter votre lettre, [2] dont j’eus comme vous pouvez penser, grande joie ; et c’est à icelle que je m’en vais vous répondre. Si j’ai quelque crédit par rencontre à l’affaire de M. Marion, vous pouvez croire que je m’y emploierai de bon cœur. Je viens de mettre sur le mémoire de ce que je vous dois les dix livres de M. Gras ; [3] je vous dois encore de reste environ six ou sept livres que je délivrerai si vous voulez à M. Marion lorsqu’il partira. [3] Pour le port de nos livres de Lyon à Nuremberg, [4] je n’en saurais avoir meilleur marché que vous me faites et je vous en remercie. Dieu vous le rende, qui est le meilleur mot de la gueuserie de ceux qui, pour vivre en une grande communauté, ne laissent pas de s’appeler moines [5] et qui vivent de cette adresse de nous promettre, par leurs prières telles quelles, paradis qu’ils n’ont point pour l’argent que nous avons. [4] Le livre des Jésuites sur l’échafaud, fait par le P. Jarrige, [6] a été ici imprimé par un libraire de la Religion nommé Vendosme, [5][7] et s’y débite merveilleusement, vu que Paris abonde en gens qui haïssent ces pères, à force de les bien connaître, qui ont l’impudence de s’appeler compagnons de Jésus ; [8] combien que le bon Seigneur n’ait jamais appelé personne son compagnon que Judas même, [9] qui le vendit en ces termes, dans saint Matthieu cap. 26:50, εταιρε, εφ′ ω παρει, qui vaut autant à dire que, Compagnon, pourquoi êtes-vous ici ? que faites-vous ici ? [10] vu que ce mot εταιρος signifie vraiment et proprement compagnon, et non pas amicus, comme dit notre Vulgate, [6][11] laquelle de toutes les versions du Nouveau Testament est la pire, au rapport d’un des grands hommes qui fût jamais et duquel le nom seul est capable de faire peur aux carabins qui sont sortis de la braguette du P. Ignace, [12] fussent-ils un régiment tout entier. Voici ses termes : et Latina, qua παπολατραι utuntur, quæ ab ea propagata est, longe deterrima[7][13][14] Même le nom εταιριδιον sive εταιρα, meretricem significat ; [8] comme les loyolites mêmes se servent du mot εταιρια [9] pour exprimer leur Société, sodalitium sive Societatem[10] Je ne sais s’ils entreprendront de répondre au P. Jarrige, mais je pense qu’ils ne le feront pas, non plus qu’ils ne le doivent faire, d’autant qu’ils n’en viendront jamais à leur honneur ; joint qu’il me semble qu’un vieux proverbe de notre pays < le > leur défend lorsqu’il dit que Tant plus on remue l’ordure, tant plus elle pue[11] Et quoi que ce révolté ait écrit, je tiens pour certain qu’il y a bien encore des choses à dire de cette Société, et qu’on ne dira peut-être jamais telles qu’elles sont pour l’infamie dont elles sont accompagnées. Si M. Falconet [15] a reçu ma lettre, comme il doit avoir reçu, il peut vous montrer le jugement que j’ai fait du P. Fichet, [12][16] qui n’est point différent de celui que vous m’en faites : c’est à n’en point mentir un chétif ouvrage, et digne d’être nommé, comme disait par indignation de pareil ouvrage l’incomparable Joseph Scaliger, partus est, sed infelix cento Loyoliticus ; [13] aussi mérite-t-il d’y avoir mal rencontré, aliena enim multa attigit, quæ non intellexit[14] Je vous prie de saluer en mon nom M. Falconet et de lui dire que je soumets à votre censure à tous deux ce que je vous écrivis hier de antiepilepticis et specificis[15][17] et que j’espère quelque jour qu’une occasion se présentera qui me fera aller à Lyon vous embrasser tous deux, et qu’au moins en ce temps-là, nous conviendrons ensemble de cette controverse et de toute autre semblable si le cas y échet. [16][18] Au moins irai-je pour vous y faire hommage de tant d’obligations que je vous ai, mais ce ne sera jamais si tôt que je voudrais bien, vu qu’un de mes plus grands désirs serait de vous entretenir en particulier de plusieurs choses quæ tuto chartæ committi non possunt. Fiat, fiat[17]

Nous avons ici nouvelles que M. d’Épernon [19] est enfin devenu le maître et qu’il est entré dans Bordeaux [20] le plus fort. [18] Je plains bien de pauvres gens qui pâtiront injustement en ce rencontre, joint que ce gouverneur est cruel et inhumain.

Je n’ai point encore ouï parler de ce nouveau décret du pape [21] contre la moinerie et ce nombre effroyable de moines qui sont aujourd’hui en France ; [22] et même, je doute fort si le pape d’aujourd’hui, qui n’est un grain sot, osera entreprendre une affaire de si grande conséquence, vu que s’il n’est bien secondé de la force et de la puissance des potentats, il n’en viendra jamais à bout, ayant affaire à la plus méchante peste de gens qui soient au monde. Il aura beau leur commander, ils n’obéiront point. Ils ont pour cet effet en bouche cet axiome vulgaire, Par in par non habet imperium : [19] un pape les a créés, ou tout au moins les a approuvés et confirmés, et par conséquent, un autre pape ne les peut détruire et anéantir, à ce qu’ils disent. Et néanmoins Pie v [23] abolit tout à fait l’ordre des humiliés, [24] d’autant qu’un d’iceux avait voulu tuer le bon archevêque de Milan, saint Charles Borromée. [20][25] Un autre pape longtemps auparavant avait aboli l’Ordre des jésuates. [21][26] Je ne vois pas aussi par quel motif le pape voudrait entreprendre une telle réformation, vu que tous ces gens-là lui servent avec toute leur bigarrure, [22] et qu’ils aident merveilleusement à soutenir sa puissance par le monde et même sa tyrannie sur les consciences. Ils sont les archers et commissionnaires, si je ne dis les espions et les maquereaux politiques du pape, tandis que les jésuites, hominum genus θεοστυγες, [23] sont ses violents bourreaux et ses janissaires ; et je tiens pour certain que s’il était moins de moines par le monde, que le pape y aurait aussi moins de crédit ; ils font les affaires les uns des autres et s’entendent ensemble en disant Do ut des, Caïphas et Herodes[24][27][28] Je me souviens d’avoir ouï dire à feu M. le président de Novion, [29] père de celui-ci, [25][30][31] qui était un grand personnage et excellent homme, président au mortier, que l’on avait agité l’affaire au Parlement de réduire tous les moines à leur source, et ad 4 fontes sive prima capita[26] afin que, par ce moyen-là, ce grand nombre pût être diminué. Il m’a autrefois dit cela l’an 1628 durant le siège de La Rochelle. [27][32][33] Feu M. Grotius [34] m’a mainte fois dit que pour réformer la France, il y a avait trois choses premièrement à faire : 1. de retrancher l’autorité du pape, laquelle s’accroissait trop en France ; 2. de ne plus donner d’évêchés qu’à des gens capables de prêcher et d’enseigner, et non à des courtisans et des maquereaux, pour récompense de leurs infâmes services, comme on fait aujourd’hui ; 3. d’ôter tout d’un coup tant de moines qui sont ici superflus, et disait ordinairement circumcidendus ingens ille monachorum numerus[28] Il n’est pas jusqu’au bon Rabelais, [35] qui n’ait dit quelque part : Depuis que décrets eurent ales, que gens d’armes portèrent males, que moines furent à cheval, au monde n’y a eu que mal[29] À cause du scandale que les moines avaient apporté à la chrétienté, Patres Tridentini [30] avaient ordonné que dorénavant on ne recevrait plus de nouveaux moines ; mais pour le profit qu’ils y ont trouvé, ils ont fait tout autrement : ils en ont plus reçu depuis ce temps-là qu’ils n’avaient fait en 14 siècles auparavant. Cette peste est aujourd’hui puissante dans le monde et < ils > sont capables de faire un schisme contre le pape s’il les entreprenait sans être appuyé ou secondé de l’autorité des princes souverains, qui tous ensemble ne sont pas meilleurs que les moines. Mais laissons là cette peste de < la > religion pour passer à celle de la médecine, j’entends les apothicaires. [36] Vous avez fait un accord avec eux ; ils ne méritent pas cette grâce et sont tout à fait indignes de cette faveur d’entrer en composition avec leurs maîtres, et desquels ils devraient dépendre absolument. Si vous voulez empêcher qu’ils n’entreprennent et n’empiètent à la fin sur vous, il faut que les fassiez souvenir du Médecin charitable[37] avec lequel, lorsqu’il ne valait qu’un sol ou deux, nous avons ruiné les apothicaires de Paris. Faites-leur voir et entendre qu’il y a chez les épiciers [38] de la casse, [39] du séné, [40] de la rhubarbe, [41] et du sirop de roses pâles, [42] avec lesquels remèdes nous nous passons d’eux et les avons rendus dans les familles de Paris si ridicules ou si odieux qu’on ne veut point les voir dans les maisons et qu’ils ont bien plus de loisir qu’ils ne voudraient de garder leurs boutiques. Il n’est, Dieu merci, plus ici question de bézoard [43] ni d’eaux cordiales [44] en la petite vérole, [45] ni de juleps cordiaux, [46] ni de perles [47] en quelque maladie que ce soit. [31] Le peuple est détrompé de ces bagatelles et de plusieurs autres. Les riches ne s’en servent plus et se tiennent obligés à plusieurs anciens de notre Faculté d’être délivrés de cette tyrannie. Ces Messieurs nos anciens sont MM. Marescot, [48] Simon Piètre, [49] son gendre, Jean Duret, [50] fils de Louis, [51] les deux Cousinot, [32][52][53] Nicolas Piètre, [54] Jean Haultin, [55] MM. Bouvard, [56] Du Chemin, [57] Goulu, [33][58] Brayer, [59] Tournier, [34][60] La Vigne, [61] Merlet, [62] Michel Seguin [63][64] (fils du bonhomme [65] qui mourut l’an passé), lequel mourut encore bien jeune, doyen de la Faculté, l’an 1623, [35] MM. Barralis, [66] Allain, [67] Moreau, [68] Boujonnier [69] (qui a été le grand écolier de feu M. < Nicolas > Piètre et qui fait encore aujourd’hui merveille de bien contre cette pestilente secte), Charpentier, [70] Launay, [36][71] Guillemeau [72] et plusieurs autres, qui ont introduit dans les maisons et familles de Paris une médecine facile et familière, laquelle les délivre de la tyrannie de ces cuisiniers arabesques. [73] Ceux qui se plaignaient de la trop grande dépense et des frais excessifs que causaient les apothicaires ont été les premiers détrompés ; et vous noterez qu’avant ce temps-là, on ne voyait que des parties d’apothicaires en procès dans le Châtelet [74] et au Parlement, afin d’être réglées par les médecins qui seraient pour cet effet nommés et établis par les juges ; mais tout est bien changé aujourd’hui, cela ne se voit plus. Nos médecins aussi introduisent cette facilité de remèdes et cette épargne dans les monastères utriusque sexus[37] dans leurs familles, chez leurs voisins et amis, et enfin toute la ville s’en est sentie, præter nonnullos paucissimos[38] lesquels petit à petit se convertissent. Les apothicaires ne se trouvent aujourd’hui guère en besogne que pour les forains logés en chambre garnie ; hors quelle rencontre, je vous puis dire avec toute vérité qu’ils ne devraient point faire d’apprentis, leur métier étant si sec que personne n’a plus envie de s’en mêler aujourd’hui. Outre nos médecins que je vous ai nommés ci-dessus, qui ont puissamment aidé à abattre ce monstrueux colosse de volerie qui régnait tyranniquement à Paris, je pourrais bien vous en nommer encore plusieurs qui vivent aujourd’hui et qui y ont bien aidé ; mais je me retiens afin de ne me pas nommer moi-même, qui pourtant y ai travaillé autant que pas un. C’est pourquoi je me tais afin de ressembler à cette prophétesse ou Sibylle [75] devineresse de laquelle parle Ovide [76] quelque part en ses Fastes.

His dictis, postquam nostros pervenit ad annos,
Substitit in medio præscia lingua sono
[39]

Le peuple de Paris est tellement accoutumé à cette épargne que ce ne sont plus les apothicaires que les malades mettent en besogne. On envoie aussitôt au médecin. Et combien qu’à cause de la misère du temps et de la calamité publique, il y ait plusieurs malades qui ne paient guère bien, ou peu libéralement, au moins avons-nous cet avantage que nous y sommes appelés des premiers et que nous ne voyons plus chez eux faire litière, [40] comme on faisait autrefois, de juleps apozèmes, [77] poudres, opiates [78] et tablettes cordiales, [41][79] qui ne servaient la plupart qu’à faire durer les maladies, à échauffer, dégoûter et coûter beaucoup aux malades. Chez la plupart des présidents, maîtres des requêtes, conseillers, avocats, riches marchands, procureurs, gens de boutique, artisans gagnant leur vie, les apothicaires n’y entrent point. Chez les pauvres, ils n’y veulent point aller, d’autant qu’il n’y a rien à gagner. Ainsi, ils ne vont guère nulle part, Dieu merci et notre Faculté. Ce n’est pas qu’ils n’aient fort bon appétit et qu’ils ne voulussent bien mordre, mais c’est qu’ils n’ont pas de quoi. Aussi paraissent-ils fort humbles et voudraient bien être reçus en grâce, de laquelle ils sont fort déchus, et ne sont pas en état d’être rétablis, tant pour être trop bien connus pour ce qu’ils valent que pour la misère publique qui règne, et laquelle régnera tant que le Conseil du roi se gouvernera comme il fait, dont le dessein semble être pareil à celui de cet ancien tyran [80] qui disait en secret à son favori, hoc unum agamus, demusque operam ne quis quid habeat ; [42][81] vu que la reine ne saurait guère cacher son intention de vouloir tout perdre, tout affamer et tout ruiner.

Outre Polydore Virgile, [43][82] qui a parlé de la diversité des moineries, il me semble que nous avons un in‑fo, fait par un savant homme nommé Rodolphus Hospinianus, [83] qui est tout entier de Monachis ; c’est le même qui a fait de Templis, de Festis, et Historia Iesuitica, le tout in‑fo à Zurich ; etc. [44][84]

Pour les manuscrits de M. Hofmann, [85] dont je ne vous ai dit qu’un mot par ma dernière parce qu’il était tard et qu’il était grand temps de cacheter ma lettre, [45] je vous dirai plus amplement que Jansson [86] d’Amsterdam [87] les a rendus à un garçon libraire hollandais qui est quelquefois ici chez M. Châtelain ; [46][88] et ce en vertu de quelque lettre et par ordre qu’il avait, ce me semble, reçu à Francfort d’un M. Schefferus, [89] médecin du dit lieu ; [47][90] de quoi néanmoins, feu M. Hofmann ne s’est jamais bien clairement expliqué de son vivant avec moi. Cet Hollandais étant donc de retour de Francfort à Amsterdam, les reçut, puis les empaqueta et les mit dans des balles qu’il envoya ici à son correspondant M. Châtelain qui, après les avoir longtemps attendues, enfin les reçut et me l’avoua ; mais il me dit en même temps qu’il ne les pouvait délivrer que son Hollandais ne fût ici arrivé. À cause de quoi, comme je lui en témoignais fort souvent mon impatience, lui m’alléguant tantôt pour excuse que son Hollandais était tombé malade, tantôt que sa tante, de laquelle il était héritier, se mourait, tantôt qu’il plaidait pour la succession de cette tante, une autre fois, ut sunt isti mercatores mendaciorum artifices et consarcinatores putridissimi[48] que la paix de Hollande s’allait faire et qu’il en désirait voir avant son retour les cérémonies et solennités, enfin je m’avisai d’un autre expédient : je lui proposai de me prêter et de me mettre le tout entre les mains sur mon récépissé que je lui donnerais ; ce qu’il n’osa me refuser, tant par l’appréhension qu’il eut ou de me désobliger, ou qu’en prenant la voie de force, je ne le fisse condamner à me les rendre ; je les fis donc apporter céans, et aussitôt en donnai avis à M. Hofmann et le priai de me mander par un écrit de sa main qu’il entendait que lesdits livres fussent mis entre mes mains pour en disposer de l’édition à ma volonté. Quand M. Hofmann reçut ma lettre, il était si mal qu’il ne put écrire ce consentement que j’avais demandé, mais il le fit écrire de la main de M. Volckamer [91] et le fit signer proprio sigillo ; [49] ce qui me fut envoyé et puis tôt après, il mourut. Là-dessus, cet Hollandais nommé Biestkens [92] est arrivé, [50] lequel m’a fort humblement caressé, et je tiens cela à grand honneur, d’autant qu’il est fort glorieux et ne m’en ferait pas tant s’il voulait ; m’a vendu quelques livres bien chèrement, et encore eût-il fait pis si je l’eusse voulu croire. Altum interea silentium de ms. ex utraque parte[51] c’est-à-dire de lui et de moi. Enfin, il y a environ 15 jours qu’il me pria que je ne fisse pas imprimer ces manuscrits de M. Hofmann sans en parler à M. Châtelain. Je lui dis qu’ainsi serait fait et qu’il en serait toujours le premier refusant. [52] Là-dessus, bons amis, et à Dieu. Depuis quatre jours M. Châtelain m’est venu voir céans de bon matin et faisant semblant de s’étonner de ce que j’avais beaucoup de livres céans, il me demanda si j’avais un Tostat [93] entier et la Bibliothèque des Pères[53] Je lui répondis que non, que ces livres n’étaient pas à mon usage, que même je n’y croyais point, [94] outre que je n’avais point de place à les mettre. Il me dit que si je voulais, je pourrais lui faire un grand plaisir qui serait de lui prêter 400 livres sur ces deux auteurs qui sont en plusieurs volumes, et qu’il en avait fort besoin (dont je ne doute nullement et en suis bien averti il y a déjà quelque temps). Ma réponse fut sur-le-champ que je n’avais point d’argent à prêter, que nous étions en un mauvais temps et de plus, que je ne prêtais point sur gages à mes amis ; que j’avais grand regret de ne lui pouvoir faire ce plaisir. Sic me servavit Apollo : [54][95][96][97] il ne me dit rien des manuscrits de M. Hofmann et s’en alla, et fit bien ; aussi ne < les > lui eussé-je point rendus et ferai tout ce que je pourrai afin qu’ils me demeurent jusqu’à ce que lui ou quelque autre les veuille imprimer ; sed ad hoc mitiora et præsentibus pacatiora tempora requiruntur[55] Pour la bonté des manuscrits, si vous m’en demandez mon avis, je vous dirai que je ne les ai pas encore bien regardés. Il me semble qu’ils approchent du style de son livre de Usu lienis et de ses opuscules qu’il a intitulés Exercitationes iuveniles ; [56] et néanmoins, à tout prendre, ils ne m’ont pas contenté, pensant que ce fût autre chose que ce n’est pas. Néanmoins, au premier loisir, j’y verrai et quand j’y aurai regardé de plus près, je vous en manderai ce qui m’en aura semblé.

Mais voilà une autre lettre qui me vient de votre part, datée du 11e de juin, avec celle de M. Garnier, [98] et je m’en vais vous y faire réponse. Touchant votre tireur de pierre [99] nommé M. Couillard, [100] je pense qu’il a fait imprimer quelque chose en français et me semble l’avoir vu. [57] Il a taillé, ce dites-vous, un homme de 28 ans au grand appareil ; aussi ne peut-on pas tailler [101] un de cet âge au petit appareil, cui soli sunt idonei pueruli 3 aut 4 annorum ; [58] et encore, ce petit appareil s’en va-t-il in desuetudinem et non usum[59] pour le peu d’assurance qu’il y a. Aussi nos tailleurs n’aiment-ils point à travailler à ce petit appareil et pratiquent le grand, etiam in puerilis[60] Cette pierre molle, friable et sablonneuse était récente, mais si elle n’eût été tirée, elle se fût bientôt accrue et durcie. Voilà pourquoi feliciter actum est cum illo Helvetio[61][102] de ce qu’il a été taillé plus tôt que plus tard. Quand on tailla notre M. Riolan [103][104] l’an 1641, la pierre se rompit en deux ou plusieurs parts ; on en tira tout ce qu’on put, mais on ne put pas si bien faire qu’il n’en restât quelque fragment, lequel s’accrut per appositionem materiæ[62] et si notablement qu’il fallut l’an suivant le tailler derechef. Pour la section franconienne, je pense qu’elle se peut faire aussi bien sur les hommes que sur les femmes, mais plus utilement pour elles. Feu M. Nic. Piètre l’avait bien à la tête et en a fait une thèse [105] qui est infailliblement celle dont vous me parlez. [63] Je me souviens d’y avoir autrefois disputé pour feu M. Richer [106] que je traitais alors malade, [64] et qui depuis est mort d’une autre maladie, savoir ex abscessu purulento et fluore mesenterico attenuatus et plane confectus[65] l’an 1644. M. Piètre défendit fort bien cette thèse, comme il était en tout incomparable, et particulièrement contre deux de nos docteurs quibus tantus vir erat odiosus[66] savoir Merlet et Gervais. [107] Ce premier est un méchant et dangereux Normand, fin et rusé, fort employé, que M. Piètre appelait quelquefois par juste indignation ignarus nebulo et illiteratus, vir nequam[67] Le second est un grand badaud, valet d’apothicaire et ivrogne, rousseau de vache [108] et fait comme le Juif errant, [68][109] qui se rendit encore plus ridicule qu’il n’est en attaquant fort mal à propos M. Piètre ; lequel a fait faire cette section en cette ville sur hommes et sur femmes, et laquelle a réussi. Ce qui la décrie n’est que la nouveauté, hors de laquelle elle pourrait aussi bien réussir que l’autre. On n’a rien dit ici de nouveau d’Angleterre [110] depuis longtemps, c’est pourquoi je tiens fausse la nouvelle du massacre de l’ambassadeur de Hollande à Londres. [69] On parle toujours ici du mariage de M. de Mercœur [111] avec la nièce du Mazarin, [112][113] mais il n’est pas encore conclu. Ce n’est pas que M. de Vendôme [114] y cherche du bien (il est d’ailleurs très riche), mais seulement de la faveur et du repos, et la nièce du Mazarin ne lui peut pas apporter grand’chose en mariage. De celui de M. de Beaufort [115] avec la Barberine, fille du prince préfet, [116] on n’en parle plus. [70] Je n’ai point ouï parler de la traduction [117] d’Hippocrate. Si j’avais du crédit je l’empêcherais, c’est de la marchandise à faire babiller les barbiers, [118] apothicaires [119] et autres singes du métier. [71] On a ici traduit depuis peu et mis en vente in‑fo un Virgile [120] avec quelques notes et commentaires, et des tailles-douces, par M. l’abbé de Marolles [121] qui par ci-devant avait traduit Lucain ; [72][122][123] mais ce Virgile ne se vend point, et le libraire en est bien étonné et a grand regret d’y avoir mis ses deniers. Berthelin, [124] imprimeur de Rouen, fait rouler sur ses presses une nouvelle édition de Sennertus[125] dont je suis bien fâché à cause de M. Ravaud, [126] auquel vous ferez tenir, s’il vous plaît, la présente. [73] Je vous baise les mains et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et affectionné serviteur,

Patin.

De Paris, ce vendredi 18e de juin 1649.


a.

Ms BnF no 9357, fos 53‑54 ; Du Four (édition princeps, 1683), no xiv (pages 49‑58) ; Bulderen, no xx (tome i, pages pages 55‑61), très mutilée ; Reveillé-Parise, no ccvi (tome i, pages 450‑455), comme la précédente édition ; Jestaz no 8 (tome i, pages 461‑475) ; Prévot & Jestaz no 16 (Pléiade, pages 434‑443).

1.

À voir la lettre en question transcrite par les précédents éditeurs, sans manuscrit aujourd’hui disponible, on se rend compte à quel point ses six pages ont été irrémédiablement châtrées. Guy Patin avait écrit avoir achevé sa lettre à 10 heures du soir.

2.

Josias Marion, marchand tireur (fileur) d’or à Lyon, avait épousé en 1629 Anne Spon (née en 1607), sœur de Charles.

3.

V. note [21], lettre 172, pour les 10 livres qu’Henri Gras devait au libraire parisien Pierre Le Petit. Charles Spon avait envoyé cette somme à Guy Patin pour effacer la dette de son collègue ; mais Gras s’en étant lui-même acquitté de son côté, Patin devait rendre à Spon ce qu’il avait avancé. Le compte de Spon, pour des ouvrages que Patin lui avait expédiés, s’en trouvait donc allégé d’autant.

4.

V. note [7], lettre 11, pour l’étymologie du mot moine qui peut renvoyer à monos, solitaire en grec.

5.

Louis Vendosme, apprenti en 1611, avait été reçu libraire en 1627. Installé dans la cour du Palais à Paris et de religion protestante, il avait ouvert une officine à Charenton (v. note [18], lettre 146) en 1633. Il mourut en 1650, laissant à son fils, aussi prénommé Louis, le soin de poursuivre ses activités (Renouard).

V. note [7], lettre 162, pour Les Jésuites mis sur l’échafaud… de Pierre Jarrige, dont l’édition de 1649, in‑12, ne porte ni lieu, ni nom d’imprimeur. Vendosme avait publié en 1648 in‑8o la Conversion de M. Jarrige ci-devant jésuite [Lettres de Ph. Vincent, Jarrige et Ch. Drelincourt, publiées par Laurent Drelincourt].

6.

« Matthieu cap. 26:50 » renvoie au récit de l’arrestation de Jésus au Jardin des oliviers dans l’Évangile de Matthieu :

« Mais Jésus {a} lui dit : “ Ami fais ta besogne. ” Alors, s’avançant, ils {b} mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. »


  1. S’adressant à Judas (v. note [2] de l’Introduction au Borboniana manuscrit).

  2. Les émissaires des grands prêtres.

Pour le grec donné par Guy Patin, les exégètes ont divergé entre l’interrogation (pourquoi es-tu ici ?), le reproche (que fais-tu là !), et la résignation (fais ce pourquoi tu es ici). Guy Patin a opté pour la forme interrogative, en contestant le mot latin amice [« ami », amicus au vocatif, ou « amicalement », sous forme adverbiale].

La Vulgate (du latin vulgata, divulguée, rendue accessible à tous ») est la version canonique (catholique romaine, refusée par les protestants) de la Bible, fondée sur la traduction, du grec et de l’hébreu en latin, que saint Jérôme (v. note [16], lettre 16) a écrite au ive s. Pour εταιρος (« compagnon, ami »), elle a choisi amicus (« ami ») : ο δε Ιησους ειπεν αυτω Εταιρε, εφ’ ο παρει, dixitque illi Iesus amice ad quod venisti. V. note [36] du Grotiana 1, pour les nazaréens et leur version hébraïque de l’Évangile de Matthieu à laquelle Jérôme aurait eu accès pour établir son texte latin ; mais elle est aujourd’hui perdue, et les exégètes bibliques ne disposent plus que de versions grecques de cet évangile.

7.

« pour la latine, que les papolâtres {a} utilisent et qu’on a prolongée [de la Septante], {b} c’est de loin la pire. » {c}


  1. Papolâtres, « adorateurs du pape », est le terme péjoratif employé par les protestants pour désigner les catholiques.

  2. De la Septante (Septuaginta ou lxx), version grecque de la Tanakh (Bible hébraïque, Ancien Testament chrétien) faite à Alexandrie sur la demande du pharaon Ptolémée ii Philadelphe (vers 270 av. J.‑C.) et que la tradition attribue au travail de 70 (ou plus exactement 72) rabbins érudits (qui auraient abouti à autant de textes absolument identiques).

  3. L’édition dite romaine ou sixtine de la Septante est intitulée :

    ηπαλαια διαθηκη κατα τους εβδομηκοντα δι αυθεντιας ξυστου ε αρχου αρχιερεως εκδοθεισα Vetus testamentum iuxta Septuaginta ex auctoritate Sixti v. Pont. Max. editum.

    [L’Ancien Testament suivant la Septante, édité sous l’autorité de Sixte Quint, {i} souverain pontife]. {ii}

    1. Pape de 1585 à 1590, v. note [45] du Naudæana 1.

    2. Rome, Franciscus Zanettus, 1587, in‑fo bilingue de 783 pages.

  4. Joseph Scaliger, Ép. lat. lettre xiv, livre i, page 101, adressée à Gilbertus Seguinus, sans lieu ni date, entièrement consacrée à la Septante : Scaliger trouve plus vraisemblable qu’un seul auteur ait traduit de l’hébreu en grec et critique la fidélité du résultat, qu’il juge mendosissima et falsissima [très faux et plein de défauts]. Il clôt son propos sur la Latina [la latine], c’est-à-dire la Vulgate, traduction en latin de la Septante augmentée du Nouveau Testament, entreprise par saint Jérôme au ive s. de notre ère (v. note [6], lettre 183).

    Dans Bulderen et Reveillé-Parise, pour ménager les jésuites, « à ce que dit Scaliger » remplace « au rapport d’un des grands hommes […] régiment tout entier ».


8.

« hétaïridion ou hétaïra signifie putain. » « Hétère, écrit quelquefois hétaire (mauvaise orthographe) : terme d’antiquité grecque [pour] courtisane » (Littré DLF).

9.

Association de camarades, d’amis (Bailly).

10.

« confrérie ou société. »

Tout ce savant raisonnement de Guy Patin visait à assimiler les jésuites à Judas (v. note [2] de l’Introduction au Borboniana manuscrit).

11.

« J’ai ouï dire à ma grand-mère que tant plus on remue un étron (sauf votre grâce), tant plus est-il puant et vilain, et punais. »

J’ignore si Guy Patin s’y référait, mais cela se lit dans la Préface du traducteur (page a iii) d’une curieuse satire de l’avarice (mais non des jésuites), intitulée :

La fameuse Compagnie de la Lésine, ou Alêne. {a} C’est-à-dire la Manière d’épargner, acquérir et conserver. Ouvrage non moins utile pour le public que délectable pour la variété des rencontres, pleins de doctrine admirable et de moralité autant qu’il est possible. Traduction nouvelle de l’italien..


  1. La lésine est l’avarice sordide. L’alêne est le poinçon de fer dont on se sert pour percer et coudre le cuir. La première phrase de la préface établit un rapport entre les deux mots : « Épargnants infatigables, lésinants industrieux qui mettez peine d’affiler la pointe de l’alêne… » ; autrement dit, l’alêne est l’outil favori du lésineur, dont l’avarice va jusqu’à rapetasser lui-même ses hardes les plus usées.

  2. Paris, Rolet Boutonné, 1618, in‑12 de 748 pages. Le frontispice est décoré d’une alène entourée de cette légende : Omina vincit subula [L’alène vient à bout de tout].

12.

Les éditions antérieures n’ont pas transcrit la lettre où Guy Patin donnait à André Falconet son jugement sur l’Arcana… du P. Alexandre Fichet (v. note [26], lettre 180).

13.

« c’est un enfantement, mais un stérile pot-pourri loyolitique » ; Joseph Scaliger (Ép. lat. livre ii, page 283, lettre cvi à Isaac Casaubon, de Leyde le 4 mai 1605, julien) :

Ego alio genere scabiem Clavii in meis Canonibus Isagogicis defrico, et hominis inscitiam ac impudentiam ventilo : cuius cento ingens (vere Loioliticus partus) nuper prodiit : in quo nihil aliud quam errores suos, quos vix tandem percepit, ineptissimis Tabulis tueri conatur. Sed frustra.

[Dans un autre genre, je polis les rugosités de Clavius {a} dans mes Canones isagogici, {b} et je vilipende l’ignorance et l’impudence de cet homme, dont l’immense pot-pourri – qui est en vérité un accouchement loyolitique – a récemment paru. Il ne s’y trouve rien d’autre que ses propres erreurs, dont il s’est pourtant rendu compte et dont il entreprend de se protéger à l’aide de tables parfaitement ineptes, mais en vain].


  1. Christoph Clavius (Clau) mathématicien et jésuite allemand (1538-1612) : v. seconde notule {c}, note [30] du Borboniana 2 manuscrit, pour son Apologia du calendrier grégorien (Rome, 1588).

  2. « Canons introductifs », v. note [23], lettre 535.

14.

« de fait, il a parlé de beaucoup de choses empruntées à d’autres que lui, et qu’il n’a pas comprises » ; rencontré signifie réussi.

15.

« sur les médicaments antépileptiques et spécifiques » : v. lettre du 11 juin à Charles Spon.

16.

Si l’occasion se présente : échet (ou échoit) est l’indicatif présent, à la troisième personne du singulier, du verbe échoir.

17.

« qui ne peuvent en toute sûreté être confiées à une lettre. Advienne que pourra. »

18.

V. note [1], lettre 179.

19.

« un égal n’a pas de pouvoir sur son égal », adage du droit canonique.

20.

Humiliés (L’Encyclopédie) :

« ordre religieux, établi par quelques gentilshommes milanais au retour de la prison où les avait tenus l’empereur Conrard, ou, selon d’autres, Fréderic ier l’an 1162. Cet ordre commença à fleurir dès le même siècle, principalement dans le Milanais. Les humiliés acquirent de si grandes richesses qu’ils avaient 90 monastères et n’étaient environ que 170 religieux vivant dans le scandale et dans un extrême relâchement lorsqu’ils donnèrent occasion au pape Pie v de supprimer leur ordre ; ce fut même un des principaux événements de son pontificat. » {a}


  1. De 1566 à 1572 (v. note [3], lettre 61).

Charles Borromée (Carlo Borromeo, Arona, sur la rive du lac Majeur 1538-Milan 1584), neveu du pape Pie iv (v. note [5], lettre 965) fut nommé cardinal en 1561, puis archevêque de Milan en 1564. Il s’attacha à réformer les ordres religieux en y restaurant la règle suivant les préceptes du concile de Trente (v. note [4], lettre 430). Sa rigueur et son ascétisme lui valurent de nombreux ennemis. Les humiliés allèrent jusqu’à monter un attentat contre lui : le coup d’arquebuse qu’ils tirèrent sur lui, le 26 octobre 1569, ne fit que le blesser légèrement ; l’archevêque demanda lui-même au pape la grâce des coupables, mais Pie v les fit mettre à mort en 1570 et abolit l’ordre entier (bulle du 7 février 1571), dont il donna les maisons aux dominicains et aux cordeliers. Charles Borromée fut canonisé le 1er novembre 1610 par le pape Paul v.

21.

Jésuates : « nom d’une sorte de religieux, qu’on appelait autrement clercs apostoliques ou jésuates de saint Jérôme. Le fondateur des jésuates est Jean Colombin [Giovanni Colombini]. Urbain v approuva cet institut en 1367 à Viterbe et donna lui-même à ceux qui étaient présents l’habit qu’ils devaient porter. Ils suivaient la règle de saint Augustin et Paul v les mit au nombre des ordres mendiants. Le nom de jésuates leur fut donné parce que leurs premiers fondateurs avaient toujours le nom de Jésus à la bouche. Ils y ajoutèrent celui de saint Jérôme parce qu’ils le prirent pour leur protecteur [jésuates de saint Jérôme].

Pendant plus de deux siècles les jésuates n’ont été que frères lais, Paul v leur permit en 1606 de recevoir les ordres. Ils s’occupaient dans la plupart de leurs maisons à la pharmacie ; d’autres faisaient le métier de distillateurs et vendaient de l’eau-de-vie, ce qui les fit appeler en quelques endroits pères de l’eau-de-vie. Comme ils étaient assez riches dans l’État de Venise, la République demanda leur suppression à Clément ix pour employer leurs biens aux frais de la guerre de Candie, ce que le pape accorda en 1668 » (L’Encyclopédie). On ne comprend donc pas pourquoi Guy Patin parlait en 1649 de leur abolition « longtemps auparavant [avant les humiliés, en 1571] ».

22.

Bigarrure : « mauvais assortiment de couleurs ou d’ornements sur un habit, sur des meubles, etc. ; se dit aussi des ouvrages d’esprit composés de plusieurs choses qui n’ont aucune liaison ni relation ensemble » (Furetière) ; synonyme de diversité.

23.

« espèce d’hommes haïe des dieux ».

24.

« je te donne pour que tu me donnes, Caïphe et Hérode » : v. note [3], lettre 430, pour la source de ces deux vers qui attaquaient le roi de France et le pape, dans leur acharnement complice à tondre le Clergé de France.

Dans les Évangiles, Caïphe est le grand prêtre et souverain sacrificateur des Juifs, installé par les Romains, qui confondit le Christ devant le sanhédrin et le condamna à mort avec la bienveillante autorisation du préfet romain Pilate ; et Hérode, roi des Juifs à la fin du ier s. av. J.‑C., est accusé d’avoir été asservi à l’autorité de Rome et ordonné le Massacre des Innocents (v. notes [52], [53] et [54] du Borboniana 3 manuscrit), auquel le Christ nouveau-né échappa par miracle. Tous deux sont des symboles de collusion personnellement intéressée avec l’occupant.

25.

Par « celui-ci » (celui de maintenant), Guy Patin désignait Nicolas iii Potier (Paris 1618-Thiverval-Grignon, Yvelines, 1693), sieur de Novion, le fils d’André Potier de Novion (mort en 1645, v. note [23], lettre 128) et de Catherine Chevalier, sa seconde épouse. Nicolas iii était le neveu de Nicolas ii (v. note [7], lettre 686).

Conseiller au Parlement de Paris en 1637, Nicolas iii y avait été promu président à mortier en 1645, reprenant le nom de président de Novion qu’avait eu son père. Il fut élevé à la dignité de premier président du Parlement de Paris en 1678 ; mais « le roi, enfin indigné de l’abus continuel que le premier président de Novion faisait de sa place et de la justice, voulut absolument qu’il se retirât » (Saint-Simon, Mémoires, tome i, page 303) ; il démissionna en 1689.

Bien qu’il n’eût aucun mérite littéraire et n’eût publié aucun livre, le président de Novion fut élu membre de l’Académie française en 1681 (Popoff, no 139).

26.

« et à leurs quatre sources ou premiers chapitres ».

27.

La Rochelle, capitale de l’Aunis (Charente-Maritime), Rupella en latin, avait été une grande place de sûreté des huguenots, jusqu’à devenir une véritable république maritime alliée à l’Angleterre. En 1627 elle était si ouvertement rebelle que Louis xiii entreprit de l’assiéger. Sous le commandement de Richelieu, assisté du duc d’Angoulême et des maréchaux de Bassompierre et de Schomberg, le siège avait duré un an, d’octobre 1627 à octobre 1628. La construction d’une ligne de retranchement et d’une digue avait isolé la ville de tous côtés. L’impossibilité de recevoir tout secours maritime ou terrestre avait réduit les assiégés à la famine (la population chuta de 18 000 à 5 500 habitants) et les avait contraints finalement à se rendre. La ville perdit son échevinage et tous ses privilèges, ses remparts furent rasés, le culte catholique y fut rétabli, mais le culte protestant y resta autorisé (G.D.E.L.).

28.

« ce nombre énorme de moines doit être réduit. »

29.

Quart-Livre (lii, page 652) ; l’exact dicton que Rabelais (sans l’avoir inventé) fait dire à frère Jean est :

« Depuis que decretz eurent ales, {a}
Et gens d’armes portèrent males, {b}
Moines allèrent à cheval,
En ce monde abonda tout mal. »


  1. Ailes.

  2. Malles.

30.

« les Pères du concile de Trente [v. note [4], lettre 430] ».

31.

La perle (margarita en latin), ou nacre de perle tirée de l’huître (mytilus margaritiferus), est essentiellement composée de matière animale et de carbonate de chaux : « l’ancien Codex la prescrit dans l’emplâtre styptique, dans la poudre pectorale, médicaments absolument abandonnés. On la préparait par lévigation [pulvérisation] et on en composait un magistère, etc. C’est à juste titre qu’on a quitté l’emploi de cette matière inerte » (Panckoucke). La perle médicinale n’est qu’un exemple du croisement lucratif entre joaillerie et pharmacie qu’on prisait fort au xviie s.

La thèse de Charles Guillemeau (Paris, 1648) sur la « Médecine d’Hippocrate » contient une Observation sur les perles, à laquelle Guy Patin a probablement mis la main.

32.

Jacques ii Cousinot et son père, Jacques i.

33.

Jérôme Goulu (Paris 1581-1630) fils de Nicolas Goulu, professeur royal de langue grecque mort en 1601 (v. note [6] du Borboniana 8 manuscrit), lui succéda au Collège de France alors qu’il n’avait pas encore atteint les 20 ans révolus. Reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1610, Jérôme Goulu épousa la fille de Henri de Monantheuil (v. note [6], lettre de Samuel Sorbière, datée du début 1651). Brillant helléniste et catholique fervent, il se signala par son opposition farouche à l’admission de docteurs calvinistes au sein de l’École de médecine (M. Andry, Encyclopédie méthodique).

V. note [11], lettre 276, pour Jean Goulu, général des feuillants, et frère aîné de Jérôme.

34.

Jean Tournier, natif de Langres, avait été classé premier des onze licenciés reçus le 12 mai 1614 sous le décanat de Pierre Pijart (Comment F.M.P. volume xi, fo 83 ro). Ses actes ont suivi la chronologie attendue : vespérie et doctorat les 1er et 15 juillet ; antéquodlibétaire le 12 novembre juillet ; première présidence le 23 novembre 1614, quodlibétaire de Michel Seguyn (v. note [35], lettre 183) An laboris et cibi æquabilitas sanitatis custos ? [La régularité du travail et de l’alimentation protège-t-elle la santé ?] (affirmative).

Tournier n’a rien publié d’autre que les thèses qu’il a disputées ou présidées. V. notule {g}, note [14], lettre 15, pour son implication dans la révision de l’Antidotaire de la Faculté en 1623. Il mourut le 5 décembre 1624 (Comment F.M.P. volume xii, fo 113 ro). Guy Patin l’a cité trois fois dans ses lettres comme l’un de ses maîtres respectés.

35.

Michel Seguin, natif de Paris, fils de Pierre i (qui était mort le 27 janvier 1648, v. note [12], lettre 5) et d’Anne Akakia (v. note [12], lettre 128), avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1616 (Baron). Sur la démission de son père en 1618, il avait été nommé médecin du roi et professeur au Collège de France. Élu doyen de la Faculté en novembre 1622, il mourut avant la fin de son décanat, le 15 avril 1623. Son père reprit alors la charge qu’il laissait vacante au Collège royal, jusqu’à la céder en 1630 à son neveu Claude Seguin.

36.

Antoine Charpentier a correspondu avec Guy Patin.

Hermant de Launay, natif de Mantes, avait été reçu docteur régent à la Faculté de médecine de Paris en 1625 (Baron).

37.

« de l’un et l’autre sexe ».

38.

« à l’exception de fort peu de gens ».

39.

« Ayant dit ces choses, elle en vint aux choses de notre temps et sa prophétie s’arrêta au milieu du récit » (Ovide, Fastes, livre i, vers 536‑537, avec variante du premier vers, Talibus ut dictis nostros descendit in annos).

40.

Les hommes « font litière de quelque chose quand ils en font dégât [gaspillage] et profusion [prodigalité], quand ils l’estiment aussi peu que de la litière [paille qu’on met sous les animaux] » (Furetière).

41.

Tablette (Furetière) :

« Électuaire {a} solide, extrait ou composition de quelque drogue réduite à sec qu’on taille en forme de petites tables ou carrés. On dissout dans du sucre des poudres, des confits, des confections, des fruits pilés, des huiles, des sels et des esprits dont on fait des tablettes, comme celles de jus de réglisse pour le rhume. On en fait de cordiales, {b} de stomacales, d’apéritives, d’hépatiques, etc. On a vu des consommés réduits en tablettes ou des bouillons à porter en poche. Il y a des tablettes de manus Christi, ou de sucre rosat perlé. On appelle des tablettes de magnanimité, celles que prennent les vieillards qui ont de jeunes femmes pour aider à la génération. »


  1. V. note [5], lettre 167.

  2. V. note [31], lettre 101.

42.

« œuvrons dans le seul but que personne n’ait plus rien, et mettons y tout notre soin » ; Suétone (Vies des douze Césars, Néron, livre vi, chapitre xxxii) :

Nulli delegavit officium ut non adiaceret : “ Scis qui mihi opus sit ”, et “ Hoc agamus, ne quis quicquam habeat ”.

[Jamais il {a} ne conféra de charge à personne sans ajouter : « Tu sais bien ce dont j’ai besoin », et « Arrangeons-nous en sorte qu’il ne reste rien à qui que ce soit »].


  1. L’empereur Néron, v. note [6], lettre 215

43.

Polydore Virgile (Urbino, Italie vers 1470-ibid. 1555) embrassa l’état ecclésiastique et professa d’abord les belles-lettres à Bologne. Le pape Alexandre vi le choisit pour aller recevoir le denier de Saint-Pierre que l’Angleterre payait au Saint-Siège. Une fois sa mission accomplie, le roi Henri vii le retint à sa cour et il fut aussi en faveur auprès de Henri viii. Archidiacre de Bath et Wells, il se consacra à rédiger une histoire de l’Angleterre (Anglicæ historiæ libri xxvi, Bâle, Io. Bebelius, 1534, in‑fo, pour la première édition). L’indifférence avec laquelle Polydore parut voir l’Angleterre se séparer de l’Église romaine fit douter de son attachement au catholicisme. Il ne revint en Italie que vers 1550. Il a laissé plusieurs autres ouvrages, dont certains lui valurent la censure de Rome. Dans ses Dialogorum de Prodigiis libri iii [Trois livres de Dialogues sur les Prodiges] (Bâle, Officina Bebeliana, 1538, in‑8o), il s’est attaché à combattre les préjugés populaires touchant la divination et à démontrer que la plupart des faits cités comme des prodiges n’ont rien que de naturel (Michaud).

44.

Rudolf Wirth (1547-1626) dit Hospinianus (en raison du nom latin de sa ville natale, Altdorf, dans le canton de Zurich), professeur de théologie à Zurich :

Publiées en 1681, les Opera omnia d’Hospinianus comptent 17 tomes.

Zurich (Tigurum en latin), en Suisse dans le canton et au bord du lac de même nom, après avoir été une ville de l’Empire, était devenue république indépendante en 1351, au sein de la Confédération helvétique. Patrie du réformateur Ulrich Zwingli (1484-1531), Zurich fut le berceau du protestantisme (partagé avec Wittemberg, université de Martin Luther, v. note [22], lettre 104).

45.

On ne trouve pas ce mot sur les manuscrits des Chrestomathies physiologiques de Caspar Hofmann dans la lettre du 11 juin 1649 : preuve, s’il en fallait encore, qu’elle a été lourdement châtrée par ses transcripteurs.

46.

Charles Châtelain (né en 1610) avait été reçu libraire-imprimeur à Paris en 1628 et poursuivit ses activités éditoriales jusqu’en 1650 au moins. Son officine se trouvait rue Saint-Jacques, Au Temps ou À l’Occasion et à la Constance. Il avait épousé Marie Fouet, dont il eut une fille qui se maria avec le libraire Nicolas Biestkens (v. infra, note [50]). Son frère, Mathurin, reçu libraire en 1643, travaillait avec Charles rue Saint-Jacques (Renouard).

47.

Wilhelm Ernst Scheffer (Budingen, Wetteravie 1590-Francfort-sur-le-Main 1665) avait reçu le bonnet de docteur en médecine à Strasbourg en 1624 après avoir étudié à Giessen, Helmstedt, Leyde et Oxford. Il s’était établi ensuite à Francfort-sur-le-Main (Z. in Panckoucke).

V. note [31], lettre 150, pour son édition des Marci Aurelii Severini… de efficaci Medicina libri iii [Trois livres sur la Médecine efficace de Marco Aurelio Severino…] (Francfort, 1646).

Guy Patin a abondamment correspondu avec Sebastian Scheffer, fils de Wilhelm Ernst.

48.

« comme sont ces marchands, experts en mensonges et emballeurs tout à fait pourris ».

49.

« de son propre sceau ».

50.

Nicolas Biestkens, né à Amsterdam, converti à la religion catholique, avait été naturalisé français en juillet 1646. Entré comme apprenti en 1647 chez Charles Châtelain (v. supra note [46]), il avait été admis à la maîtrise sur l’intervention de la régente en considération de sa conversion et de ses fiançailles avec une fille de Châtelain, sous condition d’accomplir ses 18 mois d’apprentissage avant d’exercer. Il fut reçu libraire en 1650 (Renouard).

51.

« Grand silence, depuis lors, sur les manuscrits, de l’une et l’autre part ».

52.

Le premier à pouvoir refuser le marché.

53.

Alonso Tostado, prélat et théologien espagnol, plus connu en France sous le nom d’Alphonse Tostat (1400-1455), fut reçu en 1422 docteur en théologie. Député au concile de Bâle en 1431, il se rendit en Italie et soutint à Sienne en 1443, devant Eugène iv et une assemblée de théologiens, 21 propositions dont quelques-unes furent désapprouvées par le pape et réfutées par le cardinal Juan de Torquemada. De retour en Espagne, il n’en fut pas moins nommé abbé de Pincia, évêque d’Avila (1449), membre du conseil de Castille et grand référendaire. Les Opera omnia de Tostat ont été publiées pour la première fois, en 13 volumes in‑fo, à Cologne en 1619 (G.D.U. xixe s.).

V. note [4], lettre 669, pour la Bibliotheca veterum Patrum… du P. Fronton du Duc (12 volumes in‑fo).

En écrivant, dans la phrase suivante, qu’il n’y croyait point, Guy Patin ne cachait pas à Charles Spon son scepticisme à l’égard des idoles de la catholicité : voulait-il (une fois de plus) flatter son correspondant calviniste ou lui dévoiler sincèrement le fond libertin de son esprit (v. note [9], lettre 60) ?

54.

Adage qu’Érasme a commenté en même temps qu’Homo homini deus (no 69, v. note [15], lettre 630) :

Præterea vulgo quoque qui in rebus perplexi ac desperatis aut ancipiti periculo servantur, a Deo quopiam aiunt sese servatos. Horatius : Sic me servavit Apollo.

[En outre aussi, mais trivialement, ceux qui se sont tirés d’affaires embrouillées et désespérées, ou d’une dangereuse épreuve, disent qu’ils ont en quelque façon été secourus par Dieu ; ce qu’Horace a rendu par Sic me servavit Apollo]. {a}


  1. « Voilà comme Apollon [v. note [8], lettre 997] m’a préservé » (Horace, Satires, livre i, 9, vers 78).

55.

« mais pour cela, nous avons besoin d’être dans des temps plus doux et plus paisibles. »

Guy Patin est revenu sur cette affaire, qui lui tenait fort à cœur, dans sa lettre à Johannes Antonides Vander Linden du 23 juillet 1655 (v. sa note [4]).

56.

Caspar Hofmann :

57.

Joseph Couillard (mort en 1660), se faisait appeler Covillard. Il s’acquit à Montélimar, sa ville natale, et dans les provinces voisines une très grande réputation pour son habileté à tailler la pierre vésicale (v. note [11], lettre 33, qui donne un aperçu sur les différents types de taille vésicale et d’appareils qu’on y mettait en œuvre). On voit dans ses ouvrages quelque différence entre la manière dont il pratiquait le grand appareil et celle qu’employaient les autres lithotomistes de son temps : il plaçait l’incision plus bas qu’on ne le faisait alors et entamait le col de la vessie. La méthode de Couillard (v. infra note [61]) ne différait guère de ce qu’on a plus tard appelé l’appareil latéral et dont l’invention est attribuée à Pierre Franco (Descuret in Panckoucke).

Son livre dont Guy Patin se souvenait vaguement était :

Le Chirurgien opérateur, ou Traité méthodique des principales Opérations en Chirurgie. Par Joseph Covillard Me Chirurgien juré de Montélimar, et Opérateur du Roi. Second édition {a} revue, augmentée et divisée en deux Livres, par l’Auteur : de plus, Demi-centurie d’Observations iatrochirurgiques , {b} pleines de remarques curieuses, et événements singuliers. {c}


  1. La première édition était intitulée Le Chirurgien opérateur où il est traité de l’Excellence des hautes opérations, et comme elles appartiennent aux Chirurgiens méthodiques… (Lyon, Pierre Ravaud, 1633, in‑4o de 136 pages).

  2. Médico-chirurgicales.

  3. Lyon, Pierre Ravaud, 1640, in‑8o de 122 pages.

Deux quatrains plaisantent gentiment sur le patronyme du chirurgien.

58.

« auquel sont seulement propres les enfants de 3 ou 4 ans ».

59.

« en désuétude et hors d’emploi ».

60.

« même chez les petits enfants. »

61.

« on a agi heureusement, conformément à ce Suisse ».

Prévot & Jestaz, comprenant que le patient de Couillard était suisse, ont opté pour une traduction différente : « on a bien réussi avec cet Helvète » ; mais à mon avis, « cet Helvète » était plutôt Pierre Franco. Chirurgien du xvie s., né près de Sisteron, mort vers 1570, il s’était installé en Suisse, à Fribourg puis à Lausanne, pour enseigner la chirurgie et l’anatomie. Franco a sinon inventé, du moins été le premier à décrire le haut appareil (v. note [11], lettre 33), qu’on honora ensuite du nom de taille franconienne : chapitre xxxiii, Autre façon de tirer la pierre, plus propre que les autres, d’autant qu’elle est sans grand péril et douleur, inventée par l’Auteur (pages 134‑140) de son très fameux :

Traité des Hernies contenant une ample déclaration de toutes leurs espèces, et autres excellentes parties de la Chirurgie, à savoir de la pierre, des cataractes des yeux, et autres maladies, desquelles comme la cure est périlleuse, aussi est-elle de peu d’hommes bien exercée ; avec leurs causes, signes, accidents, anatomie des parties affectées, et leur entière guérison. Par Pierre Franco de Turriers en Provence, demeurant à présent à Orange. {a}


  1. Lyon, Thibauld Paillan, 1561, in‑8o de 554 pages.

Le chapitre xi, section i du livre ii du traité de Couillard (Lyon, 1640, pages 106‑107) s’intitule De la troisième manière de tirer la pierre, appelée Franconienne :

« Monsieur Rousset, docte et curieux médecin, après avoir voulu introduire par ses raisons et expériences l’Hystérotomotokie ou section césarienne, {a} soutient aussi, en la section troisième, chapitre sixième et suivants, la Cystotomie, c’est-à-dire l’extraction de la pierre par la section du pénil {b} et de la vessie, être sans danger ; ce qu’il tâche de prouver par plusieurs exemples […]. Cette façon est appelée Franconienne, d’autant que l’invention en est attribuée à Pierre Franco ; lequel, en son chapitre vingt-troisième du Traité des hernies, se vante d’avoir coupé un enfant de deux ans par-dessus l’os pubis avec heureux succès ; ce qu’il dit avoir hasardé pour n’avoir pu faire descendre la pierre au col de la vessie par aucun artifice, et pour céder aux importunités d’un père et d’une mère qui ne pouvaient supporter de voir plus longtemps leur enfant traîner une mourante vie. Il avoue néanmoins que cette expérience était téméraire et ne conseille qu’on l’imite, à cause des pernicieux accidents qui peuvent survenir. Il est fort véritable qu’il ne faut fonder les arts sur des rares événements, et cet heureux succès est plutôt dû à la vigueur de la faculté naturelle et à la bonne constitution de ce jeune corps qu’à la dextérité de l’ouvrier, ou subtilité de l’invention. »


  1. V. note [7], lettre 159.

  2. Pubis.

62.

« par apposition de matière ».

63.

An ad extrahendum calculum dissecanda ad pubem vesica ? [Doit-on extraire le calcul en ouvrant la vessie au-dessus du pubis ?] : thèse soutenue par Pierre Le Mercier sous la présidence de Nicolas Piètre le 13 décembre 1635, avec une réponse affirmative.

64.

V. note [57], lettre 99, pour Pierre Richer, docteur régent, que Guy Patin disait ici avoir, en 1636, soigné et remplacé aux actes de la Faculté.

65.

« affaibli et complètement accablé par un abcès purulent et par un flux mésentérique » (v. note [8], lettre 100).

66.

« pour qui un si grand homme était odieux ». Claude Gervais, natif de Paris, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1615, allait mourir le 28 août 1649, âgé de 66 ans (v. note [5], lettre 195).

67.

« un faquin ignorant et illettré, un homme de rien. » Plus haut dans sa lettre, Guy Patin a rangé son collègue Jean Merlet (v. note [39], lettre 101) parmi les médecins dignes de louange pour leur zèle à fustiger les abus des apothicaires parisiens : preuve, s’il en fallait, que notre auteur adorait médire.

68.

« On appelle poil de vache, un rousseau qui est de couleur fort rousse » (Furetière).

« On appelle le Juif errant un fantôme qu’on croit avoir vu d’un juif qui court le monde sans se reposer, en punition de ce que l’on dit qu’il empêcha Jésus-Christ de se reposer lorsqu’il était fatigué de porter sa croix ; et par allusion on le dit des hommes qui sont toujours par voie et par chemin, qu’on ne trouve jamais chez eux » (ibid.). « Fait comme le Juif errant » ne peut ici se comprendre comme « toujours par monts et par vaux », le contexte oriente plutôt vers « laid et mal fagoté ». La légende judéophobe du Juif errant, connu sous les noms d’Ahasvérus puis d’Isaac Laquedem, était déjà fort populaire.

Entre bien d’autres ouvrages, Guy Patin avait pu lire l’anonyme Discours merveilleux d’un juif, lequel depuis le temps de Notre Seigneur Jésus-Christ va errant par tous les quartiers de la terre habitable jusques à la consommation des siècles, lequel a été à présent reconnu en divers endroits de la Bretagne, ce mois de janvier dernier 1620, suivant l’attestation des docteurs de Louvain et de plusieurs autres personnages dignes de foi qui en ont rendu assuré témoignage par écrit, et passé à Nîmes et à Montpellier (Lyon, C. Armand, dit Alphonce, 1620, in‑8o de 15 pages).

69.

Nul ambassadeur de Hollande ne fut en effet massacré à Londres pour venger l’assassinat de Dorislaus à La Haye (v. note [4], lettre 179). Tout y était plutôt calme : la nouvelle république s’installait, et se préparait à investir l’Irlande et l’Écosse, tandis que Charles ii, roi sans couronne, cherchait en vain à obtenir le secours de l’Espagne et de Rome (Plant).

70.

V. notes [35], lettre 176, pour le projet de marier Laure Mancini avec le duc de Mercœur et [24], lettre 177, pour celui de son frère, le duc de Beaufort, avec Lucrezia Barberini.

71.

Le génie d’Hippocrate devait demeurer inaccessible au vulgaire, qui incluait les chirurgiens, ordinairement incapables de lire le latin (et encore moins le grec). Guy Patin n’avait pas l’honnêteté de convenir que, ne sachant que des bribes de grec, il ne connaissait Hippocrate que par les traductions de ses œuvres en latin.

L’Esprit de Guy Patin a repris et un peu étendu de passage (v. note [49] du Faux Patiniana II‑1).

72.

Michel de Marolles, abbé de Villeloin (Genille, Touraine 1600-Paris 1681), avait été nommé dès l’âge de neuf ans abbé de Baugerais en Touraine. Ayant reçu la tonsure en 1610, il était venu faire son éducation à Paris. Entré dans les ordres, il avait refusé l’évêché de Limoges, se vouant tout entier à la culture des lettres et bornant son ambition au bénéfice de Villeloin qui lui valait de cinq à six mille livres de rente. Il séjournait le plus souvent à Paris où il s’était attaché à la famille de Gonzague, devenant l’un des familiers de la princesse Marie, reine de Pologne. Marolles aida aux débuts de Nicolas Boileau-Despréaux et d’Antoine Furetière. Tout en se livrant à ses travaux littéraires, il avait formé à partir de 1644 une riche collection d’estampes que Colbert acheta pour le Cabinet du roi en 1667. Il en commença alors une seconde qui a été dispersée après sa mort (G.D.U. xixe s.).

Dans l’abondante production littéraire de Michel de Marolles, on trouve ses Mémoires (1656 et 1657, v. infra) et de nombreuses traductions des auteurs latins. Guy Patin en citait ici deux :

Dans la Préface de son Virgile, Marolles a voulu justifier sa traduction :

« Quelques-uns ont cru que la prose française ne serait jamais capable de conserver le caractère d’une poésie divine comme est celle de Virgile, où les termes latins, qui font une si grande partie de ses grâces et de sa beauté, sont infiniment au-dessus des nôtres. Il est vrai qu’il ne m’appartient pas de défendre l’opinion contraire par l’exemple de ce que j’ai fait, qui n’est que la copie bien médiocre d’un original très accompli. Mais je pense qu’il faut avoir une meilleure opinion de notre langue, au point que la mettent tous les jours les hommes rares et savants qui l’enrichissent d’une infinité de beaux ouvrages, pour ne rien dire de l’éloquence qui persuade la piété dans les chaires et qui fleurit dans le barreau. J’estime que ceux qui auront entendu les doctes discours qui découlent comme des fleuves d’or de la bouche de M. l’archevêque de Corinthe, coadjuteur de Paris, {a} en jugeront tout autrement. […] Mais pour ce qui touche l’ouvrage que je donne au public, ceux qui n’entendent pas assez le latin, ou qui ne l’entendent point du tout, se pourront assurer, attendant qu’un autre se donne la peine de faire mieux, qu’ils y trouveront le vrai sens de l’auteur que j’ai traduit, auquel je pense n’avoir rien ajouté ni diminué. Et si en cela c’est une faute d’avoir été fort exact, je confesse qu’il ne reste point lieu d’excuse en ma faveur ; car j’ai tâché d’y observer jusques aux moindres figures et sans être barbare en notre langue, j’ai essayé d’y conserver toutes les forces du latin. Je n’ai fait que suivre où {b} la phrase a eu du rapport à notre usage ; mais quand elle lui est contraire, ce qui arrive souvent, il faut inventer et se donner quelquefois bien de la peine pour trouver des expressions équivalentes. En cela principalement, si je ne me trompe, consiste l’art de traduire les grands auteurs ; et je tiens qu’il ne leur faut rien prêter si on ne se veut mettre en hasard de les diminuer ; mais aussi ne leur faut-il rien ôter, de crainte de les anéantir tout à fait. »


  1. Gondi, futur cardinal de Retz.

  2. Quand.

Marolles a parlé des Patin en deux endroits de ses Mémoires.

73.

Jean Berthelin, né vers 1605, avait été reçu maître libraire à Rouen en novembre 1631 et avait repris l’officine de son père Jean Berthelin vers 1642. Élu garde de la Communauté de Rouen en 1655, il se retira des affaires en 1672 (Jestaz). Berthelin voulait alors imprimer une contrefaçon des Opera de Sennert, grillant de vitesse les Lyonnais Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud qui étaient sur le point d’en achever l’édition (v. note [20], lettre 150) ; mais le projet de Rouen avorta.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 18 juin 1649

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(Consulté le 20/04/2024)

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