L. 219.  >
À Charles Spon,
le 1er mars 1650

Monsieur, [a][1]

Ce 9e de février. Je vous dirai pour nouvelles de deçà que depuis ma dernière, laquelle fut du 4e de février, j’ai ce jourd’hui, 9e du même, reçu le livre de M. de Saumaise [2] pour le feu roi d’Angleterre qui mourut il y a justement un an. Il est in‑fo avec ce titre, Defensio regia pro Carolo 1 ad Serenissimum magnæ Britanniæ Regem Carolum 2 filium natu maiorem, heredem et successorem legitimum[1][3] avec les armes du roi d’Angleterre et au bas : Sumptibus regiis Anno 1649[2] Le livre est fort bien imprimé de belle lettre, tout l’ouvrage est de 338 pages. Il y en a aussi une édition in‑12 de petite lettre, dont un Hollandais qui est ici a recouvré un exemplaire sur lequel il en fait faire une édition in‑4o, laquelle sera achevée dans 15 jours à ce qu’il m’a dit. J’ai ici un petit paquet pour vous envoyer, mais je ne le ferai partir que lorsque j’y aurai mis ce livre nouveau pour vous.

Pour les Mémoires de M. de Sully [4] dont je vous avais ci-devant écrit, [3] je vous donne avis que je ne vous les enverrai point de cette édition de Rouen. J’en avais acheté un pour moi dont je me suis défait sur ce que j’ai appris que cette édition était châtrée en plusieurs endroits, et particulièrement sur la naissance de feu M. le Prince, [5] père de notre bourreau de Paris, qui a, Dieu merci, aujourd’hui un pourpoint de pierre. [4] Ces vilains imprimeurs [6] de Rouen ont pris 200 écus que ce prince de Condé [7] donna l’an passé afin qu’on en ôtât et retranchât tout ce qu’il y avait contre sa famille et sa généalogie. [8] C’est M. Riolan [9] qui m’en a le premier donné l’avis, et puis je l’ai reconnu moi-même par la conférence que j’en ai faite avec la première édition. [5] Maintenant que le prince de Condé est prisonnier, il y a ici deux libraires du Palais qui ont dessein d’en faire une nouvelle édition qui ne soit point châtrée et d’y ajouter encore un tome manuscrit du même auteur, qu’il ne put faire imprimer ayant été prévenu de la mort, que l’on leur offre moyennant quelque petite somme d’argent. Et ce sera alors que nous en parlerons.

Le roi [10] et la reine [11] sont arrivés à Rouen le samedi 5e de février à cinq heures du soir, où ils ont été reçus avec une joie très grande de tous les habitants. [6] Notre Cour de Parlement a donné arrêt contre MM. de Bouillon [12] et le maréchal de Turenne, [13] frères, le maréchal de Brézé [14] et le prince de Marcillac, [15][16] s’ils ne se mettent en leur devoir dans 15 jours. [7] Le même jour, on a fait ici courir le bruit que ledit maréchal de Brézé se mourait, s’il n’était mort ; et néanmoins, je ne vois personne qui assure seulement du lieu où il est. D’autant qu’il y a quelque peu de peste dans Rouen, [17][18] le roi s’en est retiré et s’est logé à une lieue près de la ville en un beau logis qui appartient à un président des comptes de Rouen. [8] Le petit duc de Richelieu [19] se fait fort prier de venir trouver le roi à Rouen. Il envoie faire des protestations de service et de fidélité au roi, et promet de bien conserver sa place, mais il ne tient point sa parole de venir, comme il a promis, et comme en a mainte fois reçu le commandement. [9] J’ai peur qu’à la fin ce petit-neveu du cardinal de Richelieu (qui en a tant autrefois perdu d’autres) ne se perde lui-même et qu’enfin il ne soit en quelque façon attrapé comme on a fait au prince de Condé. Le maréchal de Turenne amasse des troupes tant qu’il peut et en a en divers endroits. On dit même que l’Archiduc Léopold [20] lui donne 4 000 hommes pour trois mois ; et néanmoins, quelque effort qu’il fasse, nihil præstabit[10] à ce que dit M. Moreau [21] avec lequel j’ai consulté [22][23] ce matin pour un péripneumonique. [11][24] Nouvelles sont ici venues que le lieutenant de roi qui est à Damvillers, [25] en Luxembourg, [26] a empêché que le gouverneur, que M. le prince de Conti [27] y avait mis, n’ait fait prendre à la ville le parti du maréchal de Turenne. Il a fait là-dedans crier Vive le roi ! et toute la ville est en obéissance. Il y en a même eu quelques-uns de tués de ceux qui voulaient être contre le roi et tenir pour M. de Turenne. [12]

Enfin, on a mis en vente ces Mémoires historiques du cardinal de Richelieu [28] dont je vous ai ci-devant parlé, que l’on dit être venus du P. Joseph, [29] capucin[30] Ledit cardinal est au-devant du livre tout de son long, habillé en prêtre avec son collier de l’Ordre du Saint-Esprit, [31] tenant d’une main un globe couronné, et de l’autre une chaîne, laquelle tient attachés un lion et un aigle ; et voici ce que porte le titre en grosses lettres : Histoire du ministère d’Armand Jean du Plessis, cardinal duc de Richelieu, sous le règne de Louis le Juste, 13e du nom, roi de France et de Navarre. Avec des réflexions politiques et diverses lettres contenant les négociations des affaires de Piémont et de Montferrat, 1649. Le tout ne va que depuis 1624 jusqu’à la fin de 1633 ; et sur la fin, il y a un petit traité de 70 pages intitulé Affaires d’Italie de l’année 1639 passées entre Mme la duchesse et princes de la Maison de Savoie, contenant plusieurs lettres et négociations pour les affaires de Piémont et de Montferrat[13][32] C’est un volume in‑fo d’environ 250 feuilles divisé en quatre parties que les libraires veulent vendre 15 livres en blanc, qui est une grande cherté. On m’en a promis un ; si l’on ne me le donne, j’attendrai la deuxième édition, laquelle pourra être meilleure.

M. de Vendôme [33] a le gouvernement de Bourgogne par commission, où il est allé ; et M. le comte de Saint-Aignan [34] est allé en celui de Berry. M. le maréchal du Hallier, [35] qui est gouverneur de Paris, a aussi celui de Champagne, mais il n’y est pas encore allé. [14]

Ce 12e de février. Hier mourut ici âgé de 83 ans le plus ancien apothicaire de Paris, nommé M. De Vouges, [36] qui a en sa vie gagné plus de 50 000 écus à vendre la gelée [37] au peuple de Paris lorsqu’il était à son aise et avant qu’il fût réduit à la gueuserie, comme il est. Il est riche de 400 000 livres si on compte ce qu’il a donné à ses trois filles en mariage ; mais tous tant qu’ils sont ne gagnent plus rien aujourd’hui. Sa femme, laquelle mourut il y a sept ans, était fille de M. Guillemeau, [15][38][39] chirurgien du roi, et par conséquent sœur de M. Guillemeau, [40] notre compagnon qui a présidé l’an 1648 à la grande thèse du fils de M. Moreau ; [41][42] lequel me disait, ces fêtes de Noël dernier, qu’il s’en allait la faire réimprimer augmentée de plusieurs Observations pour achever de peindre les apothicaires, [16] qu’il hait autant que la peste et qui sont ici gueux comme peintres ou comme rats d’église. [17]

Nous avons ici nouvelles que M. de Marsin [43] a enfin été arrêté en Catalogne. [44] On a mis aussi prisonnier dans la Bastille [45] M. de Paris, [46] qui est celui que l’on avait envoyé au maréchal de Turenne. On ne croit point que l’un ni l‘autre soient criminels, mais que l’on les arrête seulement de peur qu’ils ne fassent mal ou qu’ils ne remuent quelque chose mal à propos. [18] Le comte de La Rochefoucauld, [47] gouverneur de Poitou, est mort. Son fils le prince de Marcillac y est couru, qui était quelque part en Normandie. Il a passé ici pour cet effet depuis peu incognito ; mais à cause de la déclaration vérifiée en Parlement contre lui, il a envoyé en cour un gentilhomme traiter pour lui, pour obtenir permission de ne point venir à la cour, tant à cause de la mort de son père et du gouvernement de Poitou dont il a la survivance, que pour la maladie de sa mère, [48] que l’on dit être mortelle. Son frère le chevalier de La Rochefoucauld, [49] est aussi arrêté prisonnier où il était lieutenant, dans Damvillers ; [19] mais M. le comte de Roucy, [50] beau-frère de MM. de Bouillon et de Turenne, est à la cour qui traite pour eux. On dit néanmoins que le maréchal de Turenne traite aussi avec l’Archiduc Léopold qui lui promet secours notable s’il veut tout de bon entreprendre quelque chose contre nous ; on dit qu’il a 2 000 hommes de pied et 2 000 chevaux qu’un duc de Wurtemberg [51] lui a amenés. Les troupes de l’Archiduc Léopold avancent de deçà, sont entrées en Picardie, dans le Boulonnais [52] et devers Ardres. [20][53] Ceux de Dieppe [54] n’ayant pas voulu soutenir la rébellion de Mme de Longueville, [55] elle a quitté la ville et s’est retirée en une des maisons de son mari, nommée Tancarville en Basse-Normandie ; [21][56] quelques-uns ont dit qu’elle s’était embarquée sur mer au Tréport, [57] et qu’elle avait passé en Flandres [58] ou Hollande ; [22] et que, comme on la plaignait de tant de peines, la reine dit qu’elle avait quant et elle le prince de Marcillac pour se consoler ensemble ; quem aiunt esse unum ex illius subactoribus[23]

M. de La Ferté-Senneterre [59] s’est rendu maître de Clermont en Lorraine [60] et a empêché que cette ville n’ait pris le parti du maréchal de Turenne. [24] On dit que tout est apaisé en Normandie hormis la difficulté qui reste pour Le Havre, [61] le petit duc de Richelieu ayant été mandé à la cour plusieurs fois sans y vouloir venir. On veut qu’il vienne et qu’il donne sa démission du dit gouvernement que l’on ne veut pas confier à sa jeunesse. [9]

C’est chose certaine que Mme de Longueville est sortie du royaume et qu’elle a passé en Flandres avec deux gentilshommes nommés Saint-Jean et Saint-Romain. [62] Elle pensa mourir sur la mer du vomissement qu’elle eut dans le vaisseau. Les dernières nouvelles que l’on a eues sont datées de Saint-Omer. [25][63] Enfin, le maréchal de Brézé est mort à Saumur, [64] qui était son gouvernement, qui sera donné, ce dit-on, à M. de Servien, [65] qui est animal Mazarinum[26] en récompense des bons avis qu’il a donnés d’arrêter M. le prince de Condé et ses deux associés. On dit que la reine a tiré M. et Mme de Richelieu du Havre-de-Grâce, en intention de le donner à son cher ami Mazarin [66] qui y eût mis pour lieutenant le baron de Palluau, [67] qui a perdu Courtray et Ypres ; mais M. le duc d’Orléans [68] l’ayant su, y a envoyé exprès et l’a empêché, de sorte qu’on le rend à Mme d’Aiguillon. [69] Il y a encore du bruit à Bordeaux [70] contre M. d’Épernon [71] qui empêche l’exécution de la paix. Il y en a aussi au parlement de Toulouse [72] qui a donné un arrêt de défense de lever rien sur certains villages de Languedoc où il a passé de la soldatesque. Le Conseil a cassé cet arrêt, le parlement le veut maintenir, d’autant que par l’accord que l’on fit avec eux l’an passé on leur avait promis qu’ils seraient exempts du passage des soldats. Un maître de requêtes, intendant de justice en Limousin, nommé M. Foullé, [73] est assiégé dans Tulle [74] en Limousin par des seigneurs et les communes du pays afin qu’il rende un seigneur qu’il a fait mettre prisonnier ; et ont envoyé dire à la cour qu’ils tueront cet intendant si on ne le retire et révoque de la province du Limousin. [27]

Le jeune roi d’Angleterre, Charles ii[75][76] quitte les îles de Guernesey, [28][77] où il est depuis quelque temps, et s’en vient en France s’aboucher avec la reine sa mère [78] à Pontoise, [79] pour delà s’en aller à Breda [80] en Hollande (avec l’assurance que les Hollandais lui donnent de sa personne) pour y traiter avec les Écossais qui veulent faire quelque nouvel effort en sa faveur contre les Anglais. [29] Le vendredi 18e de février fut ici reçu conseiller de la Cour le fils aîné [81] de feu M. le président Barillon, [82] homme d’honneur et de courage, lequel mourut à Pignerol [83] l’an 1645, faute de bon appareil, où il avait été envoyé par le Mazarin en exil. [30] En suite de la réception du fils de M. Barillon, un conseiller de Rouen natif de Lyon, nommé M. Pellot, [84] se présenta aussi pour être reçu ; à quoi l’on fit sur-le-champ opposition à cause qu’il est gendre de partisan, nommé M. Le Camus, [85] et beau-frère de M. d’Émery, [86] surintendant des finances, en tant qu’ils ont épousé les deux sœurs. [31] Le refus du Parlement est fondé sur un arrêté en la Chambre de Saint-Louis [87] de l’an 1648, de ne plus recevoir aucun parent de partisan. [32] Je ne sais quels efforts pourra faire ce M. Pellot contre le Parlement, mais je pense que les frondeurs se soutiendront bien, vu qu’ils sont de beaucoup les plus forts. Le Mazarin est toujours ici haï autant que jamais, si bien que l’emprisonnement du prince de Condé ne lui a fait aucun ami et a augmenté le nombre de ses ennemis. Les amis du prince de Condé ont fait une réponse, que l’on dit être fort bonne, à la lettre du roi sur la détention des princes de Condé, de Conti et duc de Longueville ; elle est imprimée, mais elle est si rare qu’elle ne se voit pas encore. [33] Le roi et la reine sont de retour de Rouen et sont arrivés à Paris le mardi 22e de février au soir. Le mercredi 23e, est ici parti du matin M. le comte de Roucy pour aller vers M. le maréchal de Turenne, son beau-frère, de la part de la reine, pour tâcher d’y ménager quelque accommodement auparavant que le mal soit devenu plus grand. Les Écossais se mettent en état d’aider au jeune roi d’Angleterre, auquel on fait pareillement espérer du secours de la reine de Suède [88] et du roi du Danemark, [89] qui est son parent. [34] Mme la Princesse la jeune [90] est allée à Saumur recueillir la succession du feu maréchal de Brézé son père. [35] Le jour que la reine partit d’ici pour aller en Normandie, elle commanda d’envoyer à MM. de Beaufort [91] et le coadjuteur, [92] de sa part, en don qu’elle leur faisait, chacun 100 000 livres. M. de Beaufort prit le tout, pour s’en servir. Le coadjuteur le refusa, disant qu’en l’état où étaient les affaires du roi, il en avait besoin ailleurs, et qu’il suppliait la reine de lui garder sa bonne volonté pour quelque autre occasion. On a voulu gagner ces deux hommes par ce présent, d’autant que le ministre et tout le Conseil de la reine savent bien que ces deux personnages sont le corps et l’âme de la Fronde et qu’ils pourraient faire remuer tout Paris tandis que la reine < et le roi > seraient en Normandie. [36] Ils voient tous deux et très souvent M. le duc d’Orléans ; on croit ici que c’est par leur conseil qu’il a écrit à la reine étant à Rouen qu’il ne voulait point qu’elle donnât le gouvernement du Havre au Mazarin ; ce qu’elle eût fait autrement, vu qu’il était déjà tout prêt d’en aller prendre possession. Comme la reine dînait à Saint-Germain-en-Laye [93] le 22e de février (qui fut le même jour qu’elle vint coucher avec le roi à Paris), on lui vint dire que l’on avait vu Mme de Longueville s’embarquer près de Dieppe et s’enfuir en Hollande ; combien que l’on lui eût fait croire qu’elle y était déjà plusieurs jours auparavant, tandis qu’elle était cachée dans quelque château en Normandie. Il est mort depuis peu un président du parlement de Rouen [94] nommé de Criqueville ; [95] faute d’avoir pauleté, [37] son office a été perdu ; la reine en a fait présent au Mazarin qui l’a revendu, et en a tiré 40 000 écus qu’il a mis dans son gousset. Voyez si cette femme sait faire des libéralités à propos et en temps fort opportun : elle donne alors qu’elle aurait besoin qu’on lui en prêtât de tous côtés, mais l’amour est aveugle. Le corps du maréchal de Brézé a été ouvert, [96] on lui a trouvé une quarte d’eau in cavitate thoracis[38] de la graisse au cœur et un rein ulcéré. En suite d’une fièvre continue [97] qui l’a rôti, il relevait de maladie et pensait se mieux porter. Il avait bien soupé, il lui prit un frisson qui fut si fort et si violent qu’il l’abattit ; il voulut se confesser et ne put ; il indiqua seulement où était un papier qui contenait sa confession, [98] qu’il donna à un récollet[99] là présent, qui, l’ayant lu, lui donna son absolution (il est de ces moines [100] comme des vautours, lesquels ne manquent jamais de se trouver où il y a des cadavres et des charognes : Si cui caligant oculi, Circumstant ripam lectuli, Monachi, dæmon, angeli ; Hi, vel ille morituri Animam sunt habituri, Illi bonis petituri). [39] Ainsi est mort en quatre heures le beau-frère du cardinal de Richelieu et le beau-père du prince de Condé, tous trois bonnes chenilles. [40] Le peuple d’Anjou qui a été tyranniquement traité de ce maréchal ne le regrettera nullement. Sa fille, Mme la princesse de Condé, est allée en Anjou y recueillir la succession de son père. M. le Prince ne boit < ni > ne mange dans le Bois de Vincennes [101] qu’il n’en fasse goûter ou faire l’essai à celui qui en a la principale garde, savoir M. de Bar. [41][102] Il lui a dit aussi qu’il savait bien que la reine, le roi et le Mazarin étaient allés en Normandie donner ordre aux affaires de la province, et qu’il savait bien que le maréchal de Turenne était à Stenay [103] où il assemblait des troupes pour le faire sortir du Bois de Vincennes. [42] Ce M. de Bar, fort étonné d’où il avait pu apprendre ces nouvelles, a cru que le prêtre qui dit la messe aux prisonniers lui avait fait entendre cela en latin, sous ombre de dire l’épître ou l’évangile de la messe ; pour à quoi remédier, il a mandé à la reine et au Mazarin qu’on lui envoyât un prêtre qui n’entendît ni ne sût parler latin. Ce prince est en danger, et je doute même si le machiavélisme [104] de la cour et du ministre présent le lairra vivre longtemps là-dedans. Un certain pape [105] écrivit à Charles duc d’Anjou [106] et roi de Naples, [107] qui tenait prisonnier Conradin [108] de Souabe, Mors Conradini vita Caroli ; [43] et aujourd’hui nous pouvons dire Mors Ludovici salus Mazarini[44] car je pense qu’il vaudrait mieux que le Mazarin se jetât dans la mer que de voir jamais en vie ce prince de Condé en liberté. Unde fit ut metuam illi (nec tamen mihi metuo) a fungis, quos Nero vocabat cibum Deorum : [45] il croît dans le Bois de Vincennes de certains champignons [109] dont < on > a fait autrefois manger au duc de Puylaurens, [110] à M. le grand prieur de Vendôme, [111] oncle de M. de Beaufort, et à M. le maréchal d’Ornano. [46][112] Peut-être qu’il s’en trouvera bien encore quelque race là même pour faire vérifier le dire de ceux qui maintiennent qu’il n’y a État en Europe où l’on machiavélise plus qu’en France. On nous menace ici de quelque autre bruit, dont en voici une cause ou un prétexte, à ce que j’apprends : c’est que lorsque l’affaire fut arrêtée au Conseil d’en haut [113] d’arrêter M. le Prince et qu’elle était toute prête à exécuter, on la communiqua à MM. de Beaufort et le coadjuteur, contre lesquels il s’était déclaré et même plaint au Parlement ; ces Messieurs y consentirent fort volontiers, comme à la perte de leur ennemi, mais ils mirent à leur marché que la reine se servirait dorénavant en qualité de ministre d’État de M. le garde des sceaux de Châteauneuf ; [114] ce qui leur fut promis, d’autant qu’on avait affaire d’eux et de leur crédit pour empêcher que Paris ne se remuât de l’emprisonnement de ces trois princes tout à la fois. Aujourd’hui ces Messieurs demandent l’effet de la promesse qu’on leur a faite ; mais ne doutez point que le Mazarin ne fasse tout ce qu’il pourra pour l’empêcher, vu que s’il ne l’empêche, l’autre ne manquera jamais de le perdre lorsqu’il en aura le crédit ; à quoi ils sont aidés de plusieurs de la cour, et entre autres de Mme de Chevreuse, [115] qui travaillent tous ensemble à gagner le duc d’Orléans, sans le concours duquel ils ne sont pas assez forts. [47] Mme de Longueville est arrivée à Bruxelles [116] où l’on doit faire un beau bal le dimanche gras, [48] dont elle est priée. Les amis de M. le Prince ont fait imprimer une réponse à la lettre que la reine avait envoyée sur sa détention, au Parlement. Elle est longue et pas trop bien faite, à ce qu’en disent ceux qui l’ont vue, mal imprimée et mal correcte ; c’est qu’elle a été imprimée en cachette. Elle est encore fort rare, on ne l’envoie que par paquets dans de certaines maisons. Quand elle sera devenue plus commune, on pourra en faire une seconde édition plus belle et plus correcte. [33] Ceux de Bordeaux, malcontents de ce que la paix qu’on leur a donnée ne s’exécute point, ont député de nouveau leur avocat général pour venir faire leurs plaintes au Conseil, avec charge, s’ils n’obtiennent ce qu’ils demandent, de faire de telles et telles protestations, et de s’en retourner. [49] On parle ici d’un voyage du roi en Champagne pour aller au-devant du maréchal de Turenne, duquel le parti est tout formé et ne sera pas si faible que les mazarins pensent : il y a un colonel qui lui fournit 4 000 Allemands et l’envie de piller ne manquera pas d’y en faire aller beaucoup d’autres.

Ce 26e de février. Enfin, je suis tout réjoui des bonnes nouvelles que je viens d’apprendre de votre bonne disposition par la vôtre datée du 22e du présent mois. Dieu soit loué, qui me conserve un si bon et si fidèle ami. Je vous remercie de l’avis que m’avez donné de Seb. Aquilanus. [50][117] Je me tiens fort informé touchant ce fait, j’en ai divers autres témoignages de différents auteurs, que Zacutus [118] n’a point sus, et suis tout persuadé que ce mal est ancien par divers témoignages que je produirai en temps et lieu. S’il vous en vient encore d’autres, vous m’obligerez de m’en faire part. Je pense que la vraie opinion est celle de feu M. Simon Piètre, [119] qui cum esset vir immortali vita dignissimus[51] mourut l’an 1618 âgé de 55 ans. Il disait que la vérole [120] était un ancien mal qui avait été connu des Anciens, mais qui depuis avait été confondu avec la ladrerie, [121] usque ad tempora expeditionis Neapolitanæ Caroli 8[52] J’espère que votre ville de Lyon ne pâtira rien des troubles du maréchal de Turenne et que la guerre n’ira point de ce côté-là. Je n’ai rien vu ni lu qui vaille de ces libelles sur l’emprisonnement des princes et ne m’y amuse en aucune façon. Je crois pourtant qu’on n’en fera guère ici davantage, vu que le Parlement en a donné un arrêt de défense, à l’exécution duquel on tient la main ; [53] autrement, on aurait eu de la peine de réprimer tant de malheureux petits écrivains qui s’entendent avec la gueuserie des colporteurs pour piquer la curiosité des sots, du leurre de quelque prétendue nouveauté. Je suis bien aise de l’impression du livre de M. Meyssonnier, [122][123] encore plus de l’Histoire de Bresse ; [124] mais surtout, je suis ravi de la Pratique de M. de Feynes, [125] duquel j’ai fort bonne opinion, à votre récit. [54] Pour le Sennertus[126] je suis fort aise qu’il soit achevé ; mais je pense qu’il n’est point besoin que ces Messieurs se hâtent de m’en envoyer, si ce n’est qu’ils aient quelque bonne commodité hors des atteintes et des griffes du syndic des libraires, afin qu’ils ne le puissent faire saisir ni arrêter en vertu de ce qui leur reste de leur privilège ; [55] ce que je dis d’autant que je serais très marri qu’il arrivât quelque malheur en ma considération à ces Messieurs, à la bonté desquels je me tiens très humblement obligé pour l’honneur qu’ils me font de leur amitié ; en récompense de quoi, [je ne manquerai jamais] [56] de bonne volonté de leur rendre quelque bon service. Mais tandis que nous sommes sur ce point, faites-moi la faveur de m’indiquer et de me faire connaître comment il faut que je me gouverne envers eux pour leur témoigner le ressentiment que j’ai de l’honneur qu’ils me font par une si belle dédicace. [57] Je sais bien que c’est à vous que j’en ai la première et principale obligation, et c’est un fait que je mets à part ; mais pour eux, vous m’obligerez bien fort de me donner avis comment vous voulez que je me gouverne avec eux et en quelle sorte il faut que je leur dise grand merci. J’en attendrai votre bon avis charitablement, que je vous prie de ne me point dénier. Si vous étiez en peine pour quelque affaire semblable, je vous jure que je vous donnerais très librement mon avis. Dites-moi donc là-dessus quelque chose à la première que me ferez faveur de m’écrire.

Pour l’épître que m’en avez faite, je n’en doute point et m’en rapporte bien à vous. Si vous m’avez comparé à Sennertus même, c’est le moyen de faire bien voir de belles antithèses d’un homme qui a tant écrit, contre un autre qui n’a encore rien fait, faute de capacité. Je ne ressemble à Sennert qu’en une chose, c’est que j’aurais volontiers et naturellement un très grand désir de profiter au public et de le servir comme il a fait, mais idem velle non est idem posse[58] Quoi qu’il en soit, je vous remercie très affectueusement de tout ce que vous y avez dit et mis en ma faveur, avec bonne intention de vous le rendre quand il s’en pourra présenter quelque occasion. Pour l’estime de l’auteur, il est vrai qu’elle est grande et non sans raison, il la mérite puisqu’il a consacré toute sa vie à faire un si grand et si bel ouvrage. Les deux frères Piètre, Simon et Nicolas, [127] ont été réellement et véritablement deux hommes tout à fait incomparables, mais je les estimerais tous deux tout autrement que je ne fais s’ils avaient eu soin d’enseigner leur postérité par tant de bonnes choses qu’ils ont sues en notre métier, supra vulgus medicorum[59] Vous m’obligerez aussi de me mander s’il y a deux sortes de papier au Sennertus, j’entends s’il y en a de papier fin et de papier commun. S’il y en a de papier fin, j’en veux avoir un pour moi ; pour le papier commun, faites-moi le bien de me mander à quel prix tout l’œuvre est taxé à Lyon et combien il coûtera pris sur le lieu, sauf à en faire payer le port par ceux qui en désireront avoir ; et cela me servira à me passer du ministère de nos libraires et me délivrera de leur tyrannie quand je voudrai en faire avoir à quelqu’un des provinces de deçà qui en désireront, et qui sans doute m’y emploieront. [60] Il est vrai que M. Harvæus [128][129] a fait un petit livret qu’il a dédié et envoyé à M. Riolan, que l’on a réimprimé de deçà. [61] Il y en a un pour vous dans le petit paquet, ce n’est qu’un petit in‑12. Pour ce paquet-là, je ne vous puis encore dire quand il partira ; mais tout au pis aller, voici le beau temps qui vient. Pour la thèse [130] soutenue en nos Écoles, An puerperæ febricitanti, una fluentibus lochiis, saphena potius quam basilica secanda ? [62][131][132][133] il y en a une dans le paquet avec quelques autres. Elle ne vaut rien, elle n’a eu l’approbation de personne de deçà, vu que tous tant que nous sommes, et superi et inferi, et les grands et les petits, nous pratiquons tout le contraire en saignant hardiment du bras, [134] sans aucun accident ; et que la plupart des femmes mêmes, si nous voulions ressaigner du pied en quittant ou négligeant le bras, se moqueraient de nous. On saigne du pied ne videatur omissum sive neglectum præsidium ; sed totus ordo curationis reponitur in basilicarum sectione, per quam solam tuto citoque plethora exhauritur, et febris iugulatur[63] Le président est un jeune veau [135] et nouveau docteur, tout étourdi et fils d’un barbier, [136] qui n’est point seulement ignorant et glorieux, mais fort impertinent. [64] Il s’est imaginé qu’il ferait un grand dépit à notre doyen M. Piètre [137] s’il faisait cette thèse contre celle que feu Monsieur son père fit soutenir il y a environ 22 ans, lorsqu’il présida à M. Brayer. [138] Le doyen, qui le pouvait empêcher tam facile quam vulpes pirum comest[65][139][140] fit tout le contraire et lui permit ; mais il y fut rudement étrillé. Le doyen même y disputa à son rang et le traita rudement, jusque-là même que le répondant [141] en eut si fort peur qu’il en tomba en faiblesse et sortit de l’École pour prendre l’air durant une heure entière, qu’un de ses compagnons répondit pour lui. Pour la thèse de feu M. Nic. Piètre, vous la trouverez parmi celles que je vous envoyai in‑4o il y a environ deux ans. Si vous prenez la peine de la lire, je pense que vous la trouverez belle ; au moins elle passe ici pour telle. Je fais et observe tout ce qu’elle enseigne en ce cas-là, nec unquam pænituit ; [66] je saigne du pied pro forma[67] mais je m’arrête au bras et tous nos compagnons font de même. L’an passé une certaine folle femme voulait m’en empêcher et s’opposer à mon dessein, mais je la fis taire en la menaçant et lui dis si nettement qu’il fallait qu’elle se tût où j’étais, que je lui fis peur. Le lendemain matin, elle m’en vint faire des excuses et m’avoua que toutes ses objections lui avaient été soufflées par la belle-mère quæ erat mulier cervicosa et imperitissima[68] Je vous remercie pour le fait de M. Barancy ; [142] je suis son très humble serviteur, et à M. Gras pareillement, auxquels tous deux je baise très humblement les mains.

On dit ici pour nouvelle fort dangereuse, comme de fait elle serait si elle est vraie, que M. le maréchal de Turenne a épousé la fille d’Erlach, [143] qu’il a prise avec le gouvernement de Brisach, [144] laquelle ville il tiendra au lieu de Sedan [145] qu’il a jusqu’ici redemandée ; et de plus, il tirera de ces quartiers-là du secours contre nous. Même l’on dit que Mme la landgrave de Hesse [146] lui donne toutes ses troupes, que Lamboy [147] lui amène 4 000 hommes et qu’il y en a encore 9 000 en Allemagne qui s’offrent de le venir servir s’il veut leur donner de l’argent. [69] À cause de quoi l’on fait état que le roi et la reine partiront d’ici vers le 8e de mars pour s’en aller en Champagne y donner ordre et y amasser des troupes ; [70] mais pour bien faire tout ce qu’il faudrait en cette affaire, il faut de l’argent, dont M. d’Émery ne peut guère fournir, faute de crédit qui est accouché. On gronde fort ici contre le Mazarin, contre lequel on dit que les grands frondeurs redoublent leurs efforts. Ces gens-là sont MM. de Beaufort, le coadjuteur et Mme de Chevreuse, avec les affectionnés du parti qui sont du Parlement. La reine et le Mazarin font tout ce qu’ils peuvent envers M. le duc d’Orléans afin qu’il fasse revenir La Rivière ; [148] mais lui n’en veut point, disant que s’il le reprend, Mme la duchesse, sa femme, [149] et sa fille [150] l’avaient menacé de quitter sa maison et de n’y point revenir si cet homme y rentrait. La bonne ou mauvaise fortune dépend dorénavant toute de M. le duc d’Orléans pour le Mazarin, qui est en grand danger de sa personne si ce prince lui manque. [71] On dit même qu’il a déjà par trois fois délibéré de se sauver. Enfin le malheureux qu’il est, avec tous les maux qu’il a causés à la France, tient le loup par les oreilles et ne sait où donner de la tête pour être en assurance. [72] Ce sera un reproche éternel en notre histoire, et une grande infamie pour la reine, d’avoir plutôt souffert que tout le royaume de son fils fût en un tel désordre qu’il est aujourd’hui, que de chasser ce fripon et ce larron en Italie, ou plutôt de lui faire faire son procès au Parlement. Ha, que je donnerais volontiers 3 pistoles pour le voir passer sur le pont de Notre-Dame [151][152] avec un docteur de Sorbonne [153] et le bourreau de Paris, dans un tombereau ! [73] Je pense qu’il n’y a bon Français en France qui ne voulût avoir donné de bon argent et avoir vu l’accomplissement de cette injustice, afin d’apprendre aux étrangers à ne plus venir ici nous dérober et enlever nos finances, comme a fait en son temps le maréchal d’Ancre [154] et puis ensuite, ce faquin de Mazarin qui, pour se maintenir à la cour et près de la reine, cause tous ces désordres. Le seul siège de Paris méritait que ce mâtin fût accablé de la haine publique (sans mettre en compte toutes les voleries qu’il a faites et d’autres énormes méchancetés qui sont bien étranges) d’avoir voulu affamer une ville en laquelle sont enfermées 700 000 âmes, toutes innocentes (hormis celles des partisans et des mazarins), pour venger la passion de ce pendard de tyran qui avait été empêché de traiter deux de nos conseillers, comme il avait fait trois ans auparavant le président Barillon, à Pignerol. [155] Plût à Dieu que Paris se souvînt toujours des barricades de 1648 [156] et de la généreuse résolution par laquelle la reine se vit obligée et contrainte de rendre les deux prisonniers. [74] Cela empêcherait à l’avenir que les favoris n’entreprendraient pas si aisément la ruine des gens de bien par leur tyrannie, et afin de voler impunément comme c’est leur dessein.

Je me souviens de vous avoir par ci-devant parlé d’une histoire du P. Joseph qu’on imprimait ; [13] enfin elle est en lumière, c’est un volume in‑fo distingué en quatre parties, qui parle en divers petits chapitres de plusieurs choses qui se sont passées en France depuis l’an 1624 jusqu’environ 1635 ; mais le tout n’en vaut rien, ce n’est qu’une flatterie perpétuelle et une prétendue apologie de toute la tyrannie du cardinal de Richelieu. On m’a dit que ce n’est point le P. Joseph qui en est l’auteur, mais un certain vieux homme nommé M. de Guron, [157] que ce cardinal avait employé à Casal [158] et aux affaires d’Italie, qui n’a écrit cela que pour flatter ce malheureux tyran afin d’obtenir quelque évêché pour son fils, qui n’en a point eu et qui est aujourd’hui l’abbé de Guron, [159] docteur de Sorbonne. [75][160] On espère ici que l’accord se fera avec le maréchal de Turenne qui n’a point Brisach, la nouvelle en est fausse. M. le chancelier [161] a été ici fort malade de deux érysipèles, [162] il se porte mieux. On dit que c’est la peur qu’il a eue qu’on ne lui ôtât les sceaux, pour les rendre à M. de Châteauneuf, qui l’a fait malade. [76] Enfin, manum de tabula[77] je vous baise les mains et suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce mardi 1er jour de mars 1650.


a.

Ms BnF no 9357, fos 77‑79 ; Jestaz no 27 (tome i, pages 603‑620).

1.

« Défense royale pour Charles ier adressée à Charles ii, roi sérénissime de Grande-Bretagne, fils aîné, héritier et successeur légitime » (v. note [52], lettre 176). Proclamé roi en Écosse dès 1651, Charles ii ne fut assis sur le trône de Londres qu’en 1660.

2.

« Aux frais du roi, l’an 1649. »

3.

V. note [4], lettre 208.

4.

« On dit qu’on a donné un pourpoint de pierre à quelqu’un pour dire qu’on l’a mis en prison » (Furetière).

5.

Conférence : « action par laquelle on met des choses les unes en présence des autres pour voir le rapport qu’elles ont ensemble. Il se dit particulièrement en matière de littérature » (Furetière).

6.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 221, février 1650) :

« Jeudi 10, lettres de Rouen, confirmatives de la reddition du Pont-de-l’Arche au roi moyennant vingt (trente selon aucuns) mille livres rendues à Chambroy, pour autant qu’il en avait payé, pour M. de Longueville, au précédent gouverneur, Beaumont. Les honneurs, réceptions, harangues à Leurs Majestés par le parlement et quod notandum, {a} à Son Éminence, par les députés du parlement et des autres cours et corps de la ville »


  1. « ce qui est à remarquer ».

7.

Depuis le règne de François ier, les aînés de la Maison de La Rochefoucauld avaient tous pris le titre de prince de Marcillac (ou Marsillac, terre située en Angoumois), mais il n’avait aucune commune mesure avec celui de prince du sang attribué aux seuls parents du roi descendant légitimement et en ligne masculine de Hugues Capet ; soit en 1650, Gaston d’Orléans, frère de Louis xiii, Philippe d’Anjou, frère de Louis xiv, et les princes de Condé et de Conti (descendants de Louis, premier prince de Condé, oncle de Henri iv).

Ledit prince était alors François vi de La Rochefoucauld (Paris 1613-ibid. 1680), l’un des plus solides piliers du parti condéen. À la mort de son père, François v, le 8 février 1650, François vi avait abandonné son titre de prince de Marcillac pour devenir duc de La Rochefoucauld. On l’avait marié en 1628 à Andrée de Vivonne qui allait lui donner huit enfants. Mestre de camp du régiment d’Auvergne à 16 ans, il avait combattu en Italie (1630) puis était revenu à la cour où ses intrigues suscitèrent le scandale et le firent éloigner par Richelieu. Après un emprisonnement suivi d’un exil de deux années dans sa terre de Verteuil (1637), Marcillac s’était trouvé mêlé, mais d’assez loin, à la conspiration de Cinq-Mars. Il était revenu en grâce à la mort de Richelieu (1642) et avait été nommé gouverneur du Poitou en 1646.

Alors amant de la duchesse de Longueville (et père de son dernier fils, Charles Paris, v. note [68], lettre 166) et l’un des généraux frondeurs qui avaient défendu Paris pendant le siège de 1649, Marcillac restait ennemi juré de Mazarin et avait rallié le parti des princes emprisonnés. Il en subissait, comme les autres, les dures conséquences. Voici ce qu’en a dit Retz dans ses Mémoires (pages 613-614) :

« M. de Bouillon, qui s’était fort attaché à M. le Prince depuis la paix, alla en diligence à Turenne. {a} M. de Turenne, qui avait pris la même conduite depuis son retour en France, se jeta à Stenay, bonne place que M. le Prince avait confiée à La Moussaye. M. de La Rochefoucauld, qui était encore en ce temps-là le prince de Marcillac, s’en alla chez lui en Poitou ; {b} et le maréchal de Brézé, beau-père de M. le Prince, gagna Saumur dont il était gouverneur. L’on publia et l’on enregistra au Parlement {c} une déclaration contre eux, par laquelle il leur fut ordonné de se rendre dans quinze jours auprès de la personne du roi, à faute de quoi ils étaient dès à présent déclarés perturbateurs du repos public et criminels de lèse-majesté. »


  1. En Corrèze (v. note [7], lettre 223).

  2. Après avoir accompagné Mme de Longueville à Dieppe.

  3. Le 5 février.

Le duc de La Rochefoucauld est resté célèbre pour ses Mémoires (1662) et plus encore, pour ses Maximes (1665).

8.

La Gazette n’en a pas fait état, disant que durant tout son séjour à Rouen (5‑20 février) le roi logea à l’abbaye de Saint-Ouen, au centre de la ville (Levantal).

9.

Journal de la Fronde (volume i, fo 170 vo, février 1650) :

« La cour a eu grand peine à obliger M. de Richelieu à venir à Rouen trouver Leurs Majestés. L’abbé son frère était allé et venu deux ou trois fois de Rouen au Havre inutilement, pour le persuader d’obéir à la lettre de cachet qu’il lui avait apportée, par laquelle Sa Majesté lui ordonnait de venir en tel état {a} qu’il fût, à peine d’être déclaré criminel de lèse-majesté ; mais enfin M. le cardinal, après s’être rendu caution auprès de la reine de la fidélité de ce duc, afin que cependant l’autorité du roi fût mise à couvert, lui envoya l’abbé Euzenat qui était autrefois intendant de la Maison de Mme d’Aiguillon {b} et qui l’est à présent de celle de Son Éminence. Cet abbé étant arrivé au Havre et voyant qu’il n’y avait pas moyen d’obliger ce duc à venir à la cour, à moins d’y faire consentir sa femme {c} qui l’en empêchait, prévoyant la rupture de son mariage, lui donna parole de la part de la reine et de M. le cardinal que son mariage serait confirmé et qu’elle aurait le tabouret au cercle de Sa Majesté ; après quoi ce duc partit du Havre avec l’abbé Euzenat et arriva le soir du 13 à Rouen où il salua Leurs Majestés le lendemain au matin. Cependant sa femme demeura dans Le Havre afin de tirer assurance de la parole qu’on lui avait donnée de la confirmation de son mariage avant que sortir de là. L’arrivée de ce duc réjouissait toute la cour, laquelle n’était plus retenue à Rouen que par l’importance de cette affaire. Le 15, l’abbé de Richelieu retourna au Havre avec des ordres fort précis de la reine et même du duc de Richelieu à Madame sa femme de venir, à quoi elle se vit obligée d’obéir et arriva à Rouen le 16 à huit heures du soir. À même temps, elle fut présentée à la reine par la comtesse de Brienne et l’on remarqua que, faisant son compliment, elle dit qu’elle était venue assurer Sa Majesté de sa fidélité et affection à son service, dont M. et Mme de Brienne seraient ses cautions. Sa Majesté la reçut fort bien et lui dit qu’elle avait toujours fait grande estime d’elle ; mais afin de n’être pas obligée de lui donner le tabouret comme on lui avait promis, la reine lui parla debout tant qu’elle fut dans sa chambre ; et quoique l’on lui ait fait espérer la confirmation de son mariage, néanmoins on croit qu’il sera rompu. Quant au gouvernement du Havre, l’on a promis à Mme d’Aiguillon de le lui conserver et cependant, on y laisse le lieutenant qu’elle avait, nommé Sainte-More. »


  1. De santé.

  2. Tante du duc de Richelieu.

  3. Anne de Pons, v. note [12], lettre 214.

10.

« rien ne se fera ».

11.

La Péripneumonie était « une inflammation [v. note [6], lettre latine 412] du poumon avec fièvre aiguë et difficulté de respirer. Quand l’inflammation vient d’un phlegmon, on crache du sang tout pur. Quand elle est érésipélateuse, le crachat est jaune et n’est guère teint de rouge. En celle-ci la poitrine n’est pas si serrée, mais la fièvre est beaucoup plus ardente. La péripneumonie est plus dangereuse que douloureuse » (Furetière). On dit à présent pneumonie (infection pulmonaire aiguë).

12.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 220‑221, mardi 8 février 1650) :

« Avis que le lieutenant au gouvernement de Damvillers {a} (Bescherelle, ou La Bescherelle, qui pourtant n’était pas dans la place pour lors), s’étant rendu le plus fort avec toute la faveur de la garnison, a mis dehors le chevalier de La Rochefoucauld {b} qui y était de la part du prince de Conti. L’abbé Fouquet est à Tugny, dès le 3 février, chez le marquis de Mouy, ayant été pour cette affaire, trois ou quatre nuits précédentes, vers Damvillers. Après cet exploit, le maréchal de Turenne, qui n’en savait encore rien, voulut, avec troupes, entrer à Damvillers, et en fut exclu et repoussé à coups de canon. »


  1. Près de Verdun, dans la Meuse.

  2. Charles-Hilaire de La Rochefoucauld, frère cadet du duc.

Journal de la Fronde (volume i, fo 170 ro, 14 février 1650) :

« Le même jour M. de Vandy, {a} gouverneur de Jametz, partit de Rouen pour aller à Damvillers y porter 12 mille écus à la garnison, en considération du service qu’elle a rendu au roi en lui conservant cette place. Il y a apporté aussi des lettres de noblesse pour les sergents et caporaux qui la firent révolter contre le chevalier de La Rochefoucauld ; et parce que cette soldatesque avait demandé à la reine qu’on lui permît de choisir un gouverneur, Sa Majesté lui a donné le choix de M. de Vandy ou de M. de La Bécherelle, qui était autrefois lieutenant de cette place, auquel le gouvernement de Jametz est promis en cas que cette garnison choisisse M. de Vandy. »


  1. V. note [3], lettre 234.

13.

V. notes [24], lettre 220, pour l’Histoire du ministère de Richelieu, et [10], lettre 45, pour les affaires de Savoie en 1639, traitées dans l’appendice sur la duchesse de Savoie, Christine de France.

14.

On distribuait « par commission » (c’est-à-dire temporairement, par opposition à « par office ») les gouvernements de Condé (Bourgogne et Bresse, Berry, depuis décembre 1646) et Conti (Champagne et Brie, depuis avril 1649). V. note [8], lettre 218, pour l’entrée de César Monsieur à Dijon le 16 février. Le gouvernement de Bourgogne et Bresse échut à Bernard de Nogaret, duc d’Épernon.

François Honorat de Beauvillier, comte puis duc de Saint-Aignan (1610-1687) avait été nommé le 1er janvier 1650 premier gentilhomme de la Chambre du roi « en année » (c’est-à-dire pour toute l’année, sans partage de quartier avec un autre officier). Complice des amours du roi avec Mlle de La Vallière (v. note [12], lettre 735), Louis xiv le nomma gouverneur de Touraine en avril 1661. Saint-Aignan joua un rôle actif dans l’arrestation de Nicolas Fouquet à Nantes en septembre 1661 (Petitfils c). En 1663, il fut reçu duc et pair, et membre de l’Académie française.

Le maréchal de L’Hospital, François du Hallier (v. note [7], lettre 83), gouverneur de Paris depuis 1649, avait déjà gouverné en Champagne (1643-1644).

15.

Jacques Guillemeau (Orléans 1550-Paris 1609, 1613 selon Guy Patin), père de Charles (v. note [5], lettre 3), avait épousé, vers 1580 Marguerite Malartin, dont Guy Patin a signalé le décès, à l’âge de 91 ans, dans sa lettre à Charles Spon du 20 mars 1649 (v. sa note [156]).

Chirurgien ordinaire des rois Charles ix Henri iii, et Henri iv (vLes deux Vies latines de Jean Héoard, premier médecin de Louis xiii), Jacques Guillemeau était disciple d’Ambroise Paré, {a} dont il a traduit les Œuvres du français en latin :

Opera Ambrosii Parei Regis Primarii et Parisiensis Chirurgi. A Docto viro plerisque locis recognita : Et Latinitate donata, Iacobi Guillemeau, Regii et Parisiensis Chirurgi labore et diligentia. Ad Clarissimum virum Marcum Mironem Regis Archiatrum dignissimum.

[Œuvres d’Ambroise Paré, premier chirurgien du roi et chirurgien de Paris. Révisées en de nombreux endroits par un docte personnage {b} et traduites en latin par le labeur et la diligence de Jacques Guillemeau, chirurgien de Paris et du roi. Dédiées au très illustre M. Marc Miron, {c} très honoré archiatre du roi]. {d}


  1. Mort en 1590 et ignorant le latin, v. note [15], lettre 7.

  2. Rien ne permet d’affirmer, comme faisait Guy Patin, que Jean Haultin (Altinus, v. note [19], lettre 181) fut le doctus vir qui a aidé Guillemeau dans son travail. Son nom apparaît seulement en trois endroits de l’ouvrage :

    • De Curatione flatuosi et aquosi tumoris [Sur la guérison d’une tumeur venteuse et aqueuse] (pages 216 ;

    • Apologismus primus, quo sclopis illisa vulnera ambustionis opinione liberantur [Premier argumentaire, sur l’opinion que les blessures infligées par les arquebuses sont exemptes de brûlure] (page 333) ;

    • De renuntiationibus, et Cadaverum Embammatibus, Tractatus [Traité sur les rapports et les moyens d’embaumer les cadavres] (page 879).

  3. Premier médecin de Henri iii, v. note [6], lettre 550.

  4. Paris, Jacobus Du-puys, 1582, in‑fo de 884 pages illustré avec portait de Paré.

    Le sommaire de cette édition couvre toutes les œuvres chirurgicales de Paré avec quelques traités médicaux (goutte, peste, maladies vénériennes, épruption infantiles), mais sans celui, volumineux et douteux, qui traite des fièvres (v. note [16], lettre 7).


Éminent praticien de son art, Guillemeau a laissé plusieurs ouvrages novateurs, dont une liste est disponible dans la Bibliothèque numérique Medica. Elles ont été réunies dans :

Les Œuvres de chirurgie de Jacques Guillemeau, chirurgien ordinaire du roi, et juré à Paris. Divisées en treize livres. Avec les portraits et figures anatomiques de toutes les parties du corps humain. Et des instruments nécessaires au chirurgien. Dernière édition. {a}


  1. Paris, Nicolas Buon, 1602, in‑4o de 407 pages, dédié Au Roi (Henri iv), le 1er octobre 1598 ; plusieurs rééditions ultérieures.

16.

« Voilà pour l’achever de peindre, c’est-à-dire, pour achever de le ruiner » (Furetière).

V. note [2], lettre 158, pour la thèse de Charles Guillemeau sur la Méthode d’Hippocrate (Paris, 1648, traduite en français et augmentée de onze observations écrites avec Guy Patin), violente attaque contre les Arabes, les chimistes et les apothicaires que Jean-Baptiste Moreau avait disputée le 2 avril 1648. Ce projet de nouvelle édition n’a, semble-t-il, pas abouti (v. note [7] des 11 observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires).

17.

« On dit proverbialement gueux comme un peintre, mais ce proverbe est devenu faux en ces derniers jours où la peinture a été cultivée et anoblie. […] Il est gueux comme un rat d’église, c’est-à-dire, il est si pauvre qu’il n’a pas de quoi manger » (Furetière).

18.

V. notes [16] et [21], lettre 216, pour l’arrestation de Marsin et pour Jacques-Auguste de Paris.

19.

François v, d’abord comte de La Rochefoucauld (1588-8 février 1650), maréchal de camp et lieutenant général en Poitou, avait été fait duc et pair en 1622. Il avait épousé en 1611 Gabrielle, fille de Charles seigneur de Liancourt, morte en 1672. V. supra notes [7], pour leur fils aîné François vi, prince de Marcillac, et [9], pour les mésaventures de son jeune frère, Charles-Hilaire (chevalier de Malte, 1628-1651), à Damvillers.

20.

Le Boulonnais est la région de Boulogne, port et évêché français appartenant alors à la Picardie (aujourd’hui Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais).

Ardres, ville forte de Picardie à 24 kilomètres au nord-est de Saint-Omer, avait été en 1520 le site de la fameuse entrevue de François ier et de Henri viii, connue sous le nom de Camp du drap d’or.

L’archiduc Léopold dirigeait les troupes espagnoles de Flandre, principalement composées de soldats allemands, placés « sous le commandement d’un cadet de Wurtemberg, qui était nommément à la solde du roi catholique » (Retz, Mémoires, page 917) ; il s’agissait d’Ulrich de Wurtemberg-Neufchâtel (ou Wirtemberg, 1617-1671).

Journal de la Fronde (volume i, fo 169 vo) :

« Le 14 au matin, deux courriers arrivèrent au palais d’Orléans presque en même temps. […] L’autre, qui était envoyé par M. de Mazan, lieutenant de roi qui commande dans la ville de Mouzon, apporta une lettre de ce lieutenant à Son Altesse Royale, par laquelle il lui mandait qu’il avait avis certain que le maréchal de Turenne, qui n’attendait que la jonction du duc de Wurtemberg avec 1 500 hommes pour venir assiéger cette place, de laquelle le comte de Grandpré, {a} qui en est gouverneur, en est sorti, n’ayant pu obliger les habitants ni la garnison de suivre le parti de M. le Prince, et était allé trouver le maréchal de Turenne avec qui on assure qu’il s’est accommodé, en sorte qu’ils ont résolu ensemble de l’assiéger. C’est pourquoi ce lieutenant suppliait Son Altesse Royale de lui procurer un prompt secours, disant qu’il ne pouvait résister, la place n’étant pas forte et ne pouvant bien se fier aux officiers de ce comte qui sont en garnison. Depuis il n’est point venu de nouvelles que cette place ait été assiégée, mais on eut avis hier, de Sedan, du 14, que ce maréchal avait surpris d’assaut la petite ville de Beaumont proche Mouzon, dont le siège sera facilité par ce moyen, et qu’il attendait encore à cette fin la jonction des troupes du duc de Wurtemberg et celles qui se sont ramassées en Bourgogne ; après quoi il espérait d’avoir plus de 6 000 hommes. Cependant, il n’a d’autres places que Stenay. »


  1. V. note [26], lettre 216.

21.

Tancarville (Seine-Maritime), sur la rive droite de la Seine, à une quinzaine de kilomètres du Havre, était défendue par un château fort. C’était un ancien comté rattaché au duché de Longueville.

22.

Le Tréport (Seine-Maritime) est un port de la Manche, à l’embouchure de la Bresle, une trentaine de kilomètres au nord-est de Dieppe.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 222‑223, février 1650) :

« Vendredi 11. […] la duchesse de Longueville ayant en vain, à cause du vent contraire, tenté de s’en aller par mer en Hollande, s’est résolue, voyant les habitants de Dieppe déterminés à recevoir le roi dans leur ville, de monter à cheval le matin de ce jour-là, {a} Saint-Ibar {b} et autres trois ou quatre avec elle. On dit qu’elle s’en va droit à Neufchâtel en Suisse, en la principauté du duc son mari qui y est traité d’altesse, et que les clefs de la ville et château de Dieppe ont été portées au roi. […]
Dimanche 13, […] Mme de Longueville est venue de Dieppe à Tancarville-sur-Seine où elle s’est embarquée pour aller en Hollande. »


  1. Le 9 février.

  2. V. note [4], lettre 307.

Le Journal de la Fronde (volume i, fo 174 vo) est plus circonspect :

« Mme de Longueville étant sortie de Dieppe a demeuré en Normandie pendant huit jours incognito en divers endroits, sans qu’on ait pu découvrir où elle était, quelque diligence qu’aient pu faire les deux compagnies de chevau-légers que la reine avait envoyées pour la chercher dans le lieu où on la croyait ; après quoi elle s’est embarquée à la rade du Havre de Grâce. L’on ne sait encore où elle est allée. »

23.

« on le dit être un de ses gitons. » La liaison entre le prince de Marcillac, désormais duc de La Rochefoucauld, et Mme de Longueville était de notoriété publique.

24.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 224, février 1650) :

« Lundi 14 […]. Avis à Paris que la garnison de Clermont-en-Argonne {a} avait fait de même que celle de Damvillers, s’étant saisie de son gouverneur et officiers ; et que le sieur de La Ferté-Senneterre, gouverneur de Nancy, jadis gouverneur dudit Clermont, avait été appelé, introduit et rendu maître dans la place. […]

Mardi 15 […]. Bruit que le nommé Beaujeu {b} conduisant des gens de guerre de Bourgogne en Champagne et vers Stenay, comme pour le maréchal de Turenne, avait été pris prisonnier par le sieur de La Ferté-Senneterre. »


  1. Clermont-en-Argonne : place forte tenue par le duc de Lorraine, 25 kilomètres à l’ouest de Verdun.

  2. V. note [4], lettre 363.

Journal de la Fronde (volume i, fo 169 vo) :

« Le 14 au matin deux courriers arrivèrent au palais d’Orléans presque en même temps. Le premier, qui était envoyé par le marquis de La Ferté-Senneterre, rapporta que ce marquis avait surpris la ville de Clermont, qui était, comme vous savez, à M. le Prince depuis qu’il en fit récompenser {a} ce marquis à qui elle appartenait auparavant, et qui en toucha 50 mille écus d’argent comptant. Cette entreprise lui réussit par le moyen du capitaine Des Portes avec qui il avait intelligence à cause qu’il était dans la même charge lorsque ce marquis en était gouverneur. Celui-ci donna à ce capitaine 20 mille écus au moyen desquels il gagna quelques-uns des officiers qui firent révolter la garnison et ouvrirent les portes à ce marquis ; lequel, en s’en retournant, défit deux compagnies du régiment des gardes et une de chevau-légers de MM. les prince de Condé et de Conti, et fit prisonnier le sieur de Beaujeu et quelques officiers qui les commandaient. Le marquis de La Moussaye qui était dans cette place, ayant pressenti cette surprise, se sauva de bonne heure dans Stenay. Ce courrier ajouta à cela que le général Rose approchait avec son corps d’armée et que les troupes allemandes le devaient joindre. »


  1. Dédommager.

25.

Mme de Motteville (Mémoires, page 337) a raconté la fuite de Mme de Longueville : après plusieurs tentatives manquées d’embarquement clandestin, ayant à ses trousses les agents de la reine et du cardinal,

« elle envoya au Havre, où elle gagna le capitaine d’un vaisseau anglais. Elle y fut reçue sous le nom d’un gentilhomme qui s’était battu en duel ; et cet homme, ayant été bien payé, ne s’en informa pas davantage et la vint trouver à quelque petit port particulier. Ce vaisseau la passa en Hollande où elle fut visitée du prince d’Orange, de la princesse royale, sa femme, et de la princesse, sa belle-mère, puis elle s’en alla à Stenay. »

Ce périple pouvait difficilement avoir fait passer la duchesse par Saint-Omer. Saint-Jean n’a pas été identifié ; Melchior Harold, baron de Saint-Romain, était un homme de Condé.

26.

« créature mazarine ».

27.

Tulle (Corrèze) en Limousin, à 90 kilomètres au sud de Limoges, était le siège d’un présidial, d’un bailliage et d’un évêché suffragant de Bourges.

Étienne Foullé, sieur de Prunevaux (vers 1600-Rennes 1673) avait été reçu conseiller au Parlement de Paris (1632), puis maître des requêtes (1636). Il était alors intendant de justice en Limousin. Il devint intendant des finances en 1650 (Popoff, no 1238).

Journal de la Fronde (volume i, fo 173 vo, 19 février 1650) :

« Le même jour, on eut nouvelle de Bordeaux du 14 que le duc de Bouillon, étant arrivé quelques jours auparavant à Turenne, {a} avait eu conférence particulière avec le marquis de La Force dans le château de Lanquais en Périgord, situé sur la rivière de Dordogne ; ce qui faisait soupçonner de quelque grand dessein, d’autant plus que le marquis de Théobon faisait quelque levée sous main {b} en Périgord et qu’on croyait qu’il serait lieutenant de ce duc ; mais depuis on a eu avis du contraire par les lettres du 17, ce duc ayant fait une déclaration par devant le lieutenant de la ville de Tulle par laquelle il promet de ne prendre aucun intérêt dans l’affaire de Messieurs les princes et de ne faire aucune chose contre le service du roi ; laquelle déclaration il a envoyée ici pour être enregistrée au greffe du Parlement, où le prince de Marcillac en a envoyé autant, afin de ne point encourir les peines portées par la dernière déclaration du roi. Par les mêmes lettres du 17, on a su que Messieurs {c} de Bordeaux ont fait partir leurs députés pour venir faire des remontrances contre le duc d’Épernon sur l’inexécution de la paix. L’on avait eu avis de Limoges la semaine passée que M. Foullé, intendant des finances qui lève les tailles à main armée dans le Limousin, ayant pris prisonnier un gentilhomme fort accrédité dans cette province-là, qui l’avait voulu empêcher de lever la taille de cette façon en quelques endroits, les amis de ce gentilhomme s’étant assemblés en grand nombre, y ayant ramassé près de quatre mille paysans, avaient assiégé cet intendant dans la ville de Tulle ; mais depuis, on a eu nouvelle que cette rumeur s’était apaisée et qu’il avait rendu le prisonnier. »


  1. V. note [7], lettre 223.

  2. Subrepticement.

  3. Du parlement.

28.

Par les îles de Guernesey, on entend Guernesey elle-même et plusieurs petites îles environnantes (Sercq, Aurigny, Herm, etc.).

29.

Breda, ville du Brabant hollandais au confluent de deux rivières, l’Aa et la Mark, était proche de la frontière entre les Provinces-Unies et les Pays-Bas espagnols. La royauté de Charles ii n’avait alors été reconnue qu’en Écosse, sous conditions de signer le Covenant et de soutenir la cause des presbytériens (calvinistes). Les royalistes anglais modérés étaient opposés à cette alliance ; mais Charles ne parvint pas à obtenir l’aide des autres souverains d’Europe et dut se résoudre à l’alliance écossaise. Des négociations furent ouvertes en ce sens, qui aboutirent à la signature du traité de Breda, le 11 mai 1650, avec engagement pour Charles d’accepter les demandes écossaises (Plant).

30.

« Appareil, en termes de chirurgie, se dit de la première application d’un remède sur une plaie qu’on panse » (Furetière). « On dit proverbialement faute de bon appareil ou autrement pour dire faute d’avoir apporté les soins nécessaires, ou par quelque autre cause que ce soit » (Académie).

Jean-Jacques Barillon, président au Parlement (v. note [24], lettre 39), était mort en août 1645, peu après son emprisonnement à Pignerol sur l’ordre de Mazarin. Son fils aîné, Paul Barillon, marquis d’Amoncourt et de Brange, était reçu conseiller au Parlement de Paris le 18 février 1650 en la première des Enquêtes. Il devint maître des requêtes en 1657 (Popoff, no 505).

31.

Nicolas Le Camus (1567-1648) conseiller secrétaire du roi, Maison et Couronne de France (1619), conseiller d’État (1620), avait eu de sa femme, Marie Colbert (morte en 1642), une fille prénommée Marie qui avait épousé en 1616 Michel i Particelli d’Émery, futur surintendant des finances.

Claude Le Camus (morte en juillet 1668), quatrième fille de Nicolas Le Camus, avait épousé de son côté Claude Pellot (Lyon 1619-Paris 1683), seigneur du Port-Davis, avait été reçu conseiller au parlement de Rouen en 1641). Après son échec au Parlement de Paris, il devint maître des requêtes (1654) et enfin, premier président (1670) au parlement de Rouen (Popoff, no 1954).

32.

Émanation de l’arrêt d’union entre les cours souveraines (13 mai 1648), la Chambre Saint-Louis (du nom de la chambre du Palais où elle se réunissait) était composée de 32 membres : 14 conseillers du Parlement, et six émanant de la Cour des aides, de la Chambre des comptes et du Grand Conseil. Cassé par un arrêt du Conseil d’État du roi, le 10 juin, l’arrêt d’union avait été confirmé par le Parlement le 15 juin. La Chambre Saint-Louis avait siégé sans discontinuer du 30 juin au 9 juillet pour dresser une liste de 27 propositions visant à briser l’absolutisme royal, dont plusieurs s’attaquaient aux partisans et financiers « pour soulager le peuple ». Le lit de justice du 31 juillet 1649 avait temporairement enregistré toutes ces propositions.

Guy Patin faisait ici allusion à la 16e des 27 propositions de la Chambre Saint-Louis, arrêtée lors de la séance du 6 juillet (Nouveau journal contenant tout ce qui s’est fait et passé aux assemblées des Compagnies souveraines du Parlement de Paris, aux années 1648 et 1649 jusques à présent. Revu, corrigé et augmenté de tout ce qui a été omis aux précédentes impressions, insérés en leurs jours et dates des mois ; Paris, Mathieu Colombel et Jérémie Bouillerot, 1649, in‑4o, page 12) :

« Afin que la justice soit administrée avec l’honneur et intégrité requise : qu’à l’avenir il ne pourra être reçu dans les cours souveraines aucuns traitants, partisans, leurs cautions, associés et intéressés avec eux, ni leurs enfants et gendres, encore qu’ils eussent été reçus auparavant en autres cours souveraines, sans qu’aucun en puisse être dispensé. »

33.

V. note [6], lettre 218, pour la Réponse écrite au Parlement… qui ripostait à la Lettre du roi sur la détention des princes…

34.

La dynastie d’Oldenbourg régnait sur le Danemark et la Norvège.

Frédéric iii (1609-9 février 1670) avait succédé en février 1648 à son père, Christian iv (1577-1648). Anne de Danemark, sœur de Christian iv, avait épousé en 1589 celui qui devint en 1603 le roi Jacques ier d’Angleterre. Frédéric iii était donc cousin germain de Charles ier d’Angleterre, décapité en janvier 1649, fils de Jacques ier et père de Charles ii, le « jeune roi d’Angleterre » qui entrait alors en guerre contre Cromwell pour recouvrer son trône (v. supra note [29]). Quelques événements marquants du règne de Frédéric iii, dont sa dure guerre contre Charles x Gustave de Suède (1657-1660), sont relatés dans la suite des lettres. La rivalité héréditaire entre les couronnes du Danemark et de Suède rendait peu probable leur union au secours de Charles ii.

35.

Depuis le 21 janvier, la princesse de Condé, Claire-Clémence de Maillé (v. note [63], lettre 101), son fils, le duc d’Enghien, et sa belle-mère, la princesse douairière, étaient assignées à résidence au château de Chantilly.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 225‑226, février 1650) :

« Vendredi 18 […]. Nouvelles assurées que le maréchal de Brézé est mort à Saumur, dont on dit que le gouvernement est donné à M. de La Roche-Servien ; et que Mme la princesse de Condé, sa fille, a envoyé à la cour demander permission d’aller audit lieu de Saumur et sur les terres qui lui sont échues par ce décès, pour y donner ordre. »

Guy Patin dut être trompé par un faux bruit car nul autre narrateur de ce temps n’a confirmé ce voyage de Mme la Princesse à Saumur : elle demanda à la reine la permission de se rendre aux funérailles de son père, mais n’en reçut aucune réponse ; elle ne put qu’envoyer un intendant contrôler les inventaires et récupérer les reliques de saint Sébastien conservées dans la chapelle du château de Milly, ainsi que trois grandes croix et quelques bijoux de sa mère qui lui étaient chers (Petitfils d, page 126).

36.

Le pluriel, « seraient », impose d’ajouter « et le roi ».

37.

Pauleter voulait dire payer la paulette pour garantir l’hérédité d’une charge. Tanneguy de Launoy, sieur de Criqueville, originaire de Caen, avait été reçu en 1632 président à mortier au parlement de Rouen. Favorable à la Fronde, il avait fait voter l’union avec le Parlement de Paris en 1649 et soutenu les intérêts du duc de Longueville à l’heure des négociations de Rueil, comme chef de la députation normande vers la cour (Jestaz).

38.

« dans la cavité thoracique ».

Une quarte valait 2 pintes, soit près de 2 litres. L’association d’une fièvre continue, d’une pleurésie séreuse abondante, de « graisse au cœur » (peut-être une péricardite chronique) et d’une ulcération du rein pouvait correspondre à une tuberculose disséminée.

39.

« Si celui dont les yeux se brouillent voit Satan, moines, anges s’assembler autour de son lit, alors ce diable ou les autres s’apprêtent à habiter l’âme du moribond et à s’accaparer ses biens. » Ces six vers sont extrait de la Jésuitographie (v. note [6], lettre 40), avec Monachi à la place de Iesuitæ.

40.

« On dit figurément d’une personne maligne qui fait du mal sans y être excitée, que c’est une méchante chenille » (Furetière).

41.

Guy de Bar (1605-1695) capitaine aux gardes, commandait alors la garnison du château de Vincennes. Lieutenant général en 1652, il reçut le gouvernement de Doullens, puis d’Amiens (1653).

42.

Aumale (Histoire des princes de Condé, tome vi, pages 29‑34) :

« Le “ pain du roi ” fut refusé aux prisonniers. Un arrêt du Conseil ayant prescrit aux intendants des princes de pourvoir à la dépense de leurs maîtres, le président Ferrand, que Condé avait commis à l’administration de ses affaires, refusa de se prêter à l’exécution de cet arrêt ; ses meubles furent saisis comme l’étaient déjà ceux de son mandant. D’autre part, l’entrée du château restant interdite aux serviteurs des princes et ceux-ci ne voulant pas toucher aux viandes préparées dans la cuisine de leur geôlier, il fallut envoyer des officiers du roi qui souvent refusaient le service, faute d’argent ; de là quiproquo, colère du gouverneur, coups de bâton ; les prisonniers n’en étaient pas moins fort irrégulièrement servis et nourris. […]

Malgré la surveillance, les prisonniers n’étaient pas sans communication avec l’extérieur. D’abord les médecins : on n’avait pu refuser à Conti des soins indispensables ; un jeune praticien nommé Dupré s’établit en permanence au château ; les visites du vieux médecin Guénault et du chirurgien Dalencé furent autorisées. On fit passer à Condé un bâton d’encre de Chine et de petits tuyaux de plume qu’il accrochait au col de sa chemise ; les livres qu’on lui envoyait étaient des in‑folios en grand papier ; il déchirait les marges, mouillait le bâton avec de la salive et parvenait à écrire des billets. Il n’était pas moins habile, la nuit, à se servir de ces in‑folios, à manœuvrer sa bougie, son rideau et sa couverture pour lire, sous les yeux des gardiens, les avis qu’on lui faisait parvenir. »

43.

« La mort pour Conradin, c’est la vie pour Charles. »

Conradin (Wolfstein, Bavière 1252-Naples 1268) ou Conrad v de Hohenstaufen (1251-1268), le dernier des Hohenstaufen, était fils de Conrad iv de Hohenstaufen et d’Élisabeth de Bavière, et petit-fils de l’empereur Frédéric ii ; Conradin a aussi porté les noms de Conrad ii, roi de Sicile (1254-1258), et Conrad iii, roi titulaire de Jérusalem (1254-1268). Resté maître du duché patrimonial de Souabe, il descendit en Italie à la mort de son demi-frère Manfred, entra à Rome (1268) et entreprit la reconquête de l’Italie du Sud ; vaincu la même année à Tagliacozzo par Charles d’Anjou, il fut décapité à Naples.

Charles ier, prince capétien (1226-1285), comte d’Anjou, du Maine, de Provence et de Forcalquier (1246-1285), roi de Sicile (1266-1285), était le 10e fils de Louis viii, roi de France, et de Blanche de Castille. Vita Conradini, mors Caroli ; mors Conradini, vita Caroli [La vie pour Conradin, c’est la mort pour Charles ; la mort pour Conradin, c’est la vie pour Charles] sont les paroles attribuées au pape Clément iv (v. note [1], lettre 301) pour justifier l’exécution de Conradin, qu’il avait excommunié en 1265 (Michaud).

44.

« La mort pour [le prince] Louis [ii de Condé], c’est le salut pour Mazarin ».

45.

« D’où vient que je craigne pour lui (mais pourtant pas pour moi) les champignons, que Néron appelait le mets des dieux [v. note [6], lettre 215] ».

46.

Antoine de L’Âge de Puylaurens, duc d’Aiguillon, en 1635 (v. notes [14], lettre 18, et [4], lettre 20), le maréchal Jean-Baptiste d’Ornano, en 1626 (v. note [8], lettre 96), et Alexandre de Vendôme, grand prieur de l’Ordre de Malte, frère de César Monsieur, en 1629, étaient morts tous trois dans les geôles du château de Vincennes.

47.

V. note [4], lettre 216, pour l’accommodement entre les frondeurs et la cour avant l’arrestation des princes (mais dans ses Mémoires, le coadjuteur, n’a pas dit avoir inclus dans le marché la restitution des sceaux à Châteauneuf).

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 229‑230, 1er mars 1650) :

« Grand soupçon parmi les bons courtisans que hier, dernier février, les visites que le cardinal fit au duc de Beaufort et coadjuteur furent sur le sujet qu’eux, par l’entremise de la duchesse de Chevreuse, insistent à ce que les sceaux soient rendus à M. de Châteauneuf et que cela fut arrêté entre eux de la sorte. »

48.

Le dimanche gras est celui qui précède le mercredi des cendres, début du carême catholique (v. note [10] du Naudæana 3).

49.

Journal de la Fronde (volume i, fo 177 vo, 26 février 1650) :

« Les députés de Bordeaux sont attendus ici pour faire leurs remontrances contre M. d’Épernon sur l’inexécution de la paix. Le Conseil a cassé l’ordonnance que M. d’Épernon a faite pour l’imposition de 200 mille livres qu’il voulait lever dans son gouvernement pour se rembourser des frais qu’il a faits à la guerre de Bordeaux. »

50.

En avril 1497, Sebastianus Aquilanus, (Sebastiano Foroli dit Sebastiano dall’Aquila ou Aquilano ; Aquila, Frioul vers 1440-vers 1510) avait été l’un des protagonistes de la Dispute de Ferrare sur l’origine et le traitement de la syphilis, défendant l’idée que la maladie devait être assimilée à l’éléphantiasis décrit par Galien et pouvait être traitée par le mercure. Il publia ses idées en 1509 dans un traité De Morbo Gallico [Le Mal français].

51.

« qui, bien qu’il fût tout à fait digne de l’immortalité ».

52.

« jusqu’aux temps de l’expédition napolitaine de Charles viii » : campagne d’Italie, en 1495, qui coïncida avec l’éclosion de la grande épidémie syphilitique européenne. On discute encore pour savoir s’il s’agissait d’une vieille maladie qui reprenait vigueur (l’opinion de Guy Patin, de Simon ii Piètre et d’Aquilanus), ou d’une maladie nouvelle, importée d’Amérique par les marins de Christophe Colomb (v. note [41] de Guy Patin éditeur des Opera omnia d’André Du Laurens en 1628). La confusion qu’il y eut longtemps entre les atteintes cutanées de la lèpre (ladrerie) et de la vérole (syphilis) était un argument des partisans de la première option.

V. note [20], lettre 211, pour le point de vue catégorique de Jean de Renou (repris par Patin en 1628) sur l’arrivée de la syphilis en Europe en 1493 (au retour de Colomb).

53.

Tenir la main, faire exécuter : « la Cour enjoint aux juges inférieurs de tenir la main à l’exécution de ses règlements » (Furetière).

54.

La Magie naturelle divisée en quatre Livres, par Jean-Baptiste Porta, {a} contenant les Secrets, et Miracles de Nature ; et nouvellement l’Introduction à la belle Magie, par Lazare Meyssonnier, médecin du roi. Avec les Tables nécessaires. {b}


  1. Giambattista della Porta (v. note [36] du Naudæana 4) est auteur d’un Traité de la Magie naturelle en 20 livres.

  2. Lyon, veuve de G. Valfray, 1650, in‑12 de 406 pages ; l’Introduction à la belle Magie de Meyssonnier
  3. est un supplément de 25 pages.

V. notes [7], lettre 214, pour l’Histoire de Bresse de Samuel Guichenon, et [12], lettre 252, pour la Pratique de François Feynes (ouvrages qui ont tous eux été publiés à Lyon en 1650).

55.

Le Privilège du roi des Opera de Daniel Sennert rééditées à Lyon en 1650 (3 volumes in‑fo, v. note [20], lettre 150) est daté du 29 novembre 1647, registré le même jour au greffe des expéditions de la Chancellerie de France :

« Notre cher et bien-amé Pierre Ravaud, marchand libraire de notre ville de Lyon, nous a très humblement fait remontrer qu’ayant ci-devant fait recueil en divers temps de toutes œuvres de Daniel Sennertus, très fameux et renommé médecin, dont il recouvrait les copies avec des grands soins et frais pour en faire un corps et ouvrage complet, il aurait été frustré des fruits de son labeur par l’adresse {a} de quelques libraires de notre ville de Paris qui auraient obtenu de nous, le 17e jour de mai de l’an 1641, sous le nom de Michel Soly, privilège de l’impression desdites Œuvres pour le temps et espace de dix années, sur le point que l’exposant {b} était prêt de le demander. Mais comme lesdits libraires ont ramassé confusément et sans ordre les pièces et traités dudit Sennertus, mis en lumière avec beaucoup de fautes, et la plupart mutilés imparfaits, ils les auraient imprimés de même, et n’y ayant pas mis plusieurs autres traités < et > pièces que ledit exposant a recouvrées avec des grands frais et dépens, et avec l’aide de plusieurs doctes personnages ; ce qui a mû ledit exposant de recourir à nous pour nous supplier très humblement lui vouloir accorder de nos lettres la permission d’imprimer lesdites Œuvres augmentées et corrigées, pour les débiter seulement après que le temps porté par lesdites lettres du privilège accordé auxdits libraires de Paris sera expiré. À ces causes, désirant favorablement traiter ledit exposant, lui donner le moyen de se récompenser de ses frais et peines, et que le public ne soit privé de l’utilité et avantage qu’il peut recevoir de l’édition desdites Œuvres, ainsi corrigée et augmentée, Nous lui avons permis et permettons par ces présentes d’imprimer et faire imprimer les Œuvres dudit Sennertus pour les vendre et débiter seulement après que le temps du privilège accordé auxdits libraires de notre ville de Paris sera expiré, et ce en tous lieux et endroits de notre royaume en autant de fois et en tels volumes, caractères et marges qu’il voudra, durant le temps et espace de dix ans, à commencer du jour que le privilège desdits libraires sera fini et que lesdites Œuvres seront achevées d’imprimer, faisant pendant ledit temps très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, de les faire imprimer, vendre ni débiter en aucun lieu de notre royaume, pays, terres et seigneuries de notre obéissance, sous quelque prétexte et manière que ce soit, ni même les abrégés que l’on en pourrait faire, ou traductions en autres langues, sans le gré et consentement dudit exposant, à peine de six mille livres d’amende, un tiers à nous, un tiers à l’Hôtel-Dieu de notre ville de Paris et l’autre tiers à l’exposant ; confiscation des exemplaires contrefaits et de tous dépens, dommages et intérêts. Défendons sous les mêmes peines à tous les marchands libraires, tant forains {c} que de nos sujets, que si quelques étrangers imprimaient ledit livre d’en amener en ce royaume ni d’en vendre et débiter en quelque façon que ce soit. À condition toutefois que ledit exposant mettra en notre Bibliothèque publique deux exemplaires dudit livre, et un en celle de notre très cher et féal chevalier chancelier de France, le sieur Séguier, à peine de nullité des présentes ; du contenu desquelles Nous voulons et vous mandons que vous fassiez jouir et user ledit Ravaud et ceux qui auront droit de lui, sans souffrir qu’il lui soit donné aucun empêchement. » {d}


  1. La requête.

  2. Le demandeur, Pierre Ravaud.

  3. Étrangers.

  4. Suit cette précision : « Et ledit Pierre Ravaud a donné le susdit privilège à son fils Marc-Antoine Ravaud, qui est en compagnie avec Jean-Antoine Huguetan. »

L’achevé d’imprimer est daté du 7 février 1650, soit plus d’un an avant l’expiration du privilège accordé pour dix ans aux libraires de Paris le 17 mai 1641. L’infraction était donc flagrante, mais les Lyonnais voulaient sans doute que les Parisiens s’en rendissent compte le plus tard possible.

56.

Restitution plausible d’une lacune (bas de page endommagé).

57.

L’épître dédicatoire des deux imprimeurs lyonnais (« ces Messieurs », Jean-Antoine Huguetan et Marc-Antoine Ravaud) est adressée à Guy Patin qui avait assuré l’édition parisienne des Opera de Daniel Sennert en 1641 (v. note [12], lettre 44) ; elle s’achevait par un poème de Charles Spon à la gloire de Patin (v. note [38], lettre 224). Ce livre à grand succès allait être réédité trois fois du vivant de Patin chez les mêmes libraires lyonnais : en 1654 et 1656 (v. note [33], lettre 285), puis en 1666 et 1676 (v. notes [3], lettre 819, et [6], lettre 827).

58.

« avoir mêmes désirs n’est pas avoir mêmes capacités » ; construction rappelant Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître xx, § 2) :

Quid est sapientia ? Semper idem velle et idem nolle vera amiticia est.

[Qu’est-ce que la sagesse ? Persévérer sans relâche dans les mêmes désirs et dans les mêmes refus].

L’épître du Sennertus (v. note [38], lettre 224) se complaît en effet à comparer Guy Patin à Daniel Sennert :

Enimvero et Tu, et Ille Musas elegantiores a teneris oculitus deperistis, ipsarum cultores miro favore prosecuti semper fuistis. Et cum mutas ad artes agitandas animos appulissetis, vere in ipsis Roscii (quod dicitur) exstistis, vosque Philiatricæ pubi duces ac mystagogos ad Medicinæ penetralia inspectanda comiter præbuistis in prædoctis Academiis, Tu quidem Leucetica, Ille vero Leucorea : multas interim offucias, quibus ars misere deformabatur, auditores dedocendo, ipsosque viva voce, scriptis eruditissimis, exemplo denique proprio ad Veritatis amorem incendendo ac manuducendo. Quis iam memoret utriusque vestrum in medendo, ægrisque innumeris opitulando solertiam ac felicitatem nulli secundam ? prætereaque incredibilem animi candorem, singularem vitæ morumque integritatem, conversationis Sirenas non minus utiles quam iucundas, stupendam philomathiam, aut potius μουσοληψιαν, indeque natam bibliomaniam illam nunquam satis laudandam, qua perciti Bibliothecas vobis comparastis omni genere Codicum tam excusorum quam calamo exaratorum instructissimas ? etc.

[C’est un fait que, dès l’âge le plus tendre, vous et lui avez aimé les très délicates Muses comme la prunelle de vos yeux ; vous avez toujours accompagné leurs adorateurs d’une admirable faveur. Et comme vous avez poussé les esprits à s’occuper des arts muets, {a} vous vous y êtes montrés (à ce qu’on dit) deux Roscius ; {b} et en maîtres et guides, vous avez incité les jeunes philiatres à examiner avec ardeur les mystères de la médecine dans les savantes facultés, vous à Paris et lui à Wittemberg ; en faisant oublier aux étudiants beaucoup de tromperies qui défigurent misérablement l’art, et en les enflammant pour l’amour de la vérité et en les y menant par la main, tant de vive voix que par de fort savants écrits ou par votre propre exemple. Qui oublierait jamais l’adresse et le bonheur à nuls autres pareils que tous deux avez mis à soigner et secourir des malades sans nombre ? et surtout votre incroyable candeur d’âme, la singulière intégrité de votre vie et de vos mœurs, les charmes de votre fréquentation, non moins utiles que plaisants, votre merveilleux amour des sciences, ou plutôt votre possession des muses ; et enfin votre bibliomanie innée, que jamais on ne louera assez et qui vous a conduits à vous procurer les bibliothèques les mieux pourvues en livres de toute sorte, tant imprimés que manuscrits ? etc.].


  1. Étude silencieuse, fondée sur la lecture et l’écriture.

  2. V. note [132], lettre 166.

59.

« par-delà le commun des médecins. » Guy Patin reprochait aux Piètre de n’avoir pas laissé de livre qui contînt et transmît leur talent médical.

60.

Le goût marqué de Guy Patin pour l’exercice clandestin de la librairie lui a valu, avec son fils Charles, de graves déboires vers la fin des années 1660.

61.

Réédition des Exercitationes duæ anatomicæ… [Deus Essais anatomiques…] de William Harvey contre Jean ii Riolan (Rotterdam, 1649, v. note [1], lettre latine 45).

62.

« La saignée de la saphène {a} est-elle meilleure que celle de la basilique {b} pour la fièvre puerpérale, ainsi que pour l’évacuation des lochies ? » {c}.


  1. À la cheville, v. note [22], lettre 544.

  2. Au bras, v. note [3], lettre 144.

  3. Thèse numérisée sur Medica.

    Sa dernière phrase met en avant les avantages débattus (v. note [3], lettre latine 102) de la saignée saphène :

    Neque vero saphena priuatas tantum sedes, sed et publicas consequenter exhaurit : hoc docet Stymargi famula Idumæa, cuius corpus universum cum tremores occupassent, propter reflua partus purgamenta, illam, secta ad malleolum vena, sanauit diuinus Senex : illa est insuper non soli utero, sed et coxendixi, ischiadi, vesicæ et renibus leuandis peridonea.

    [En vérité, la saphène ne draine pas seulement les parties intimes, mais aussi les parties communes. C’est ce qu’enseigne la servante de Stymargès, qui était native d’Idumée : {i} des tremblements lui agitaient tout le corps, en raison des vidanges de son accouchement ; le divin Vieillard la guérit après l’avoir saignée à la cheville. {ii} Outre l’utérus, cette veine est parfaitement adaptée au soulagement de la sciatique, de la hanche, de la vessie et des reins].

    1. L’Idumée est une ancienne région de la Palestine (actuel Israël).

    2. Hippocrate, Épidémies, livre ii, fin de la quatrième section (Littré Hip, volume 5, page 127, § 5).

Cette thèse quodlibétaire (conclusion affirmative) avait été soutenue le 3 février 1650 par Michel Langlois (v. note [3], lettre 569) sous la présidence d’Armand-Jean de Mauvillain (v. note [16], lettre 336), dont c’était la première présidence (Baron) et dont Guy Patin se faisait déjà un ennemi.

Thomas Corneille a soigneusement défini les lochies :

« Grand flux de sang qui arrive aux femmes aprés l’accouchement, les lochies sont appelées par quelques-uns le sang des couches ou les vidanges de la matrice. Ce sang n’est pas pur, et on voit sortir avec lui au bout de trois jours une gelée séreuse qui rend le sang aqueux, {a} et semblable à des lavures grasses de chair. {b} Dans la suite il n’y a qu’une matiere visqueuse et une espèce de mucilage {c} qui sort avec peu ou point de sang. Les lochies consistent en ces trois liqueurs, savoir en sang pur, qui coule ordinairement pendant trois jours avec abondance ; en lavures de chair, qui selon les circonstances coulent quatre jours ou environ ; et le mucilage en dure cinq, six ou sept. La suppression des lochies est fort dangereuse et cause quelquefois l’apoplexie, et on a même l’exemple d’une accouchée que la purgation insuffisante de ses lochies fit tomber en frénésie ; mais si cette suppression est à craindre, le flux immoderé des lochies l’est encore plus. Il arrive souvent aprés les môles {d} ou le fœtus mort, et particulièrement dans les avortements et dans les accouchemens avant le terme, ou même dans le temps légitime, quand l’arrière-faix {e} est trop fortement attaché à la matrice. Les causes de cet excès sont tantôt le sang trop abondant ramassé pendant la grossesse dans les jeunes femmes d’un grand embonpoint, tantôt le sang trop séreux, aqueux et fluide, et tantôst les remèdes spiritueux et salins donnés pour avancer l’accouchement un peu difficile. Ces remèdes, étant agités et fermentant ensuite avec le sang, le font sortir avec plus d’impétuosité et d’abondance. Le mot de lochies est grec, ta lokhia. » {f}


  1. Qui empêche le sang de coaguler.

  2. Lavure : eau qui a servi à laver la vaisselle.

  3. Gelée visqueuse.

  4. V. note [21], lettre 419.

  5. V. note [2], lettre de François Rassyne, datée du 27 décembre 1656.

  6. Lochiaen latin, Λοχεια en grec, est une épithète de Diane (Artémis, v. notule {a}, note [16] du Borboniana 5 manuscrit), déesse qui présidait à l’accouchement.

63.

« pour sembler n’avoir omis ou négligé aucun recours, mais la saignée des veines basiliques fonde tout le succès de la guérison parce qu’elle permet seule d’évacuer la pléthore et d’abattre la fièvre vite et sans danger. »

64.

V. note [6], lettre 822, pour Jean de Mauvillain, chirurgien de Paris, père d’Armand-Jean.

65.

« aussi facilement que le renard mange une poire » : Tam facile vinces quam pirum volpes comest [Tu vaincras aussi facilement que le renard mange une poire] (Plaute, Mostellaria [La Comédie du fantôme] vers 549). Quam facile vulpes pirum comest est un adage commenté par Érasme (no 2470) :

De re factu proclivi quod nihil negotii sit vulpi dentatissimæ, pirum edere.

[Se dit d’une chose facile à faire, parce que, pour un renard qui a de très grandes dents, manger une poire est une affaire de rien].

En 1628, sous la présidence de Nicolas Piètre, frère de Simon ii, le Grand Piètre, et père de Jean (doyen de la Faculté de médecine depuis novembre 1648), Nicolas Brayer avait disputé affirmativement sur la question An febre continua incipiente, una erumpentibus stata periodo menstruis, basilica potius quam saphena secanda ? [La saignée de la saphène est-elle meilleure que celle de la basilique pour la fièvre continue débutante ainsi que pour les règles surabondantes à période fixe (ménorrhagies) ?] (affirmative).

V. note [6], lettre 822, pour le chirurgien juré Jean de Mauvillain, père d’Armand-Jean.

66.

« sans avoir jamais eu à m’en repentir ».

67.

« pour la forme », c’est-à-dire pour me conformer à l’usage.

68.

« qui était une femme obstinée et tout à fait ignorante. »

69.

Journal de la Fronde (volume i, fo 179 ro, 2 mars 1650) :

« Du côté de Stenay il y a nouvelle que le maréchal de Turenne y est le maître, soit qu’il ait surpris le marquis de La Moussaye ou que celui-ci y ait consenti ; et qu’il a traité avec l’archiduc Léopold auquel il s’oblige de lui donner cette ville-là, et celui-ci lui doit fournir deux mille chevaux et quatre mille fantassins, dont on assure qu’il en est déjà arrivé 1 500 dans Stenay ; et que ce maréchal a reçu d’un gentilhomme envoyé par Mme de Longueville, qui s’est abouchée avec l’archiduc Léopold en passant à Bruxelles, des lettres de change pour un million de livres. ».

Le mariage de Turenne avec une des trois filles du feu maréchal d’Erlach, le chef des Weimariens, n’était qu’un faux bruit.

70.

Journal de la Fronde (volume i, fo 181 ro, mars 1650) :

« Le 5 du courant Leurs Majestés partirent d’ici pour le voyage de Bourgogne et furent coucher à Melun où elles demeurèrent toute la journée du 6, auquel jour M. le cardinal partit d’ici pour les aller trouver et amena ses nièces, accompagné de 60 ou 80 chevaux. L’on remarqua que lorsqu’il passait dans le faubourg Saint-Victor le peuple lui fit quelques huées avec des imprécations, dont néanmoins il ne fit pas semblant de s’émouvoir. Une heure devant son départ, M. de Boissy, gouverneur du Pont-Dormy en Picardie, eut des grosses paroles avec lui sur ce que lui ayant demandé le gouvernement de Salses, {a} celui-ci ayant toujours fait espérer et même promis cinq ou six jours auparavant de lui en faire donner les expéditions devant le départ de la cour, Boissy se présentant à ce cardinal à son départ ; il {b} le voulut payer de paroles à son ordinaire, sur quoi il {c} se mit en colère et lui déclara qu’il ne serait jamais son serviteur et ne le verrait jamais, qu’au contraire il allait offrir ses services à ses ennemis contre lui. Aussitôt après le départ de Leurs Majestés un capitaine du régiment des gardes fut posté devant le palais d’Orléans pour y garder Son Altesse Royale en l’absence du roi, et huit compagnies sont demeurées ici pour cet effet suivant le désir de Sadite Altesse qui a résolu avoir cette marque de grandeur. Mademoiselle est demeurée ici avec Madame.

Le bruit court qu’au retour du voyage de Bourgogne, le roi doit passer à Reims pour y être sacré et que cela se fera sans aucune cérémonie. »


  1. V. note [10], lettre 48.

  2. Mazarin.

  3. Boissy.

71.

Tandis que les partisans des princes emprisonnés préparaient une nouvelle guerre civile dans les Ardennes, en Bourgogne et bientôt en Guyenne, il était vital pour Mazarin de se maintenir dans les bonnes grâces de la vieille Fronde parisienne et du duc d’Orléans, dont l’influence modératrice sur les différents partis du royaume n’était pas à négliger.

Journal de la Fronde (volume i, fo 177 ro et vo, février 1650) :

« Le 26, M. le cardinal visita M. le duc d’Orléans et Madame, {a} et les remercia de l’honneur qu’ils avaient fait à ses nièces de les souffrir dans leur palais. Cette visite fait croire qu’il n’y avait plus de froideur entre eux. Son Éminence sortant, rencontra le duc de Candale dans la cour de ce palais et s’entretint longtemps avec lui en particulier, comme firent peu après MM. de Beaufort et Broussel avec Son Altesse Royale. […]

Le même jour, {b} M. le cardinal fit quatre visites qui ont été fort remarquées : la première à M. de Beaufort, la deuxième à M. le coadjuteur, la troisième à Mme de Montbazon et la quatrième à Mme de Chevreuse, ce qui a donné belle matière de parler. La reine et Son Éminence parlèrent ces jours passés à Son Altesse Royale du rétablissement de M. l’abbé de La Rivière, mais elle jeta fort long cette proposition ; et ainsi, on se trouve bien empêché de faire consentir Sadite Altesse aux choses qu’on voudrait tirer d’elle. Elle est résolue de n’avoir plus de favori particulier et de faire tout elle-même. Pour cet effet, l’on a remarqué qu’elle se fit apporter ces jours passés l’état de sa Maison, qu’elle garde, et se fait rendre compte de toutes ses affaires jusqu’à disposer elle-même par ses mains de l’argent de ses menus plaisirs. Cet abbé est toujours dans sa maison de Petit-Bourg. »


  1. La duchesse, son épouse.

  2. 28 février.

Avec l’éviction de l’abbé de La Rivière (v. note [5], lettre 216), qu’il avait tenu par la promesse d’un chapeau de cardinal, Mazarin avait perdu un précieux agent d’influence et de renseignement auprès de Monsieur. Mlle de Montpensier, fille aînée de Monsieur, n’a pas caché son animosité et celle de Madame, sa belle-mère, contre La Rivière (Mémoires, première partie, volume 1, chapitre vii, pages 242‑243) :

« Un jour devant son départ, il m’envoya prier de parler en sa faveur ; je lui mandai qu’il n’avait pas assez bien vécu avec moi pour le faire ; que je me contenterais de ne pas insulter à un malheureux. Madame, qui ne l’aimait point, n’en usa pas de même, car elle le poussa vertement. »

72.

« On dit qu’un homme tient le loup par les oreilles, pour dire qu’une affaire qu’il croit tenir en son pouvoir lui échappera » (Furetière) : « Je tiens, comme on dit, le loup par les oreilles [auribus lupum teneo], également en peine de lâcher ou de retenir » (Térence, Phormion, acte iii, scène ii, vers 506).

Érasme a commenté cet adage (no 425) :

Dicitur in eos, qui ejusmodi negotio involuntur, quod neque relinquere sit integrum neque tolerari possit. Videtur ab eventu quopiam natum ut alia pleraque. Aut inde certe, quod ut lepus auribus, quippe prælongis commodissime tenetur, ita lupus quod aures habet pro corpore breviores, teneri iis non potest neque rursum citra summum periculum e manibus dimitti belua tam mordax.

[Se dit de ceux qui sont empêtrés dans une affaire où ils ne peuvent ni lâcher prise ni en supporter tout le poids. Comme quantité d’autres, cet adage semble venir de quelque événement particulier, comme du fait que, s’il est certainement très facile de tenir un lièvre par les oreilles, car il les a fort longues, il est au contraire impossible d’en faire autant d’un loup, qui les a fort courtes en proportion de son corps : nul ne peut, sans immense péril, laisser une bête si féroce lui échapper des mains].

73.

Le pont Notre-Dame réunit toujours l’île de la Cité à la rive droite de la Seine, entre le Châtelet et l’Hôtel-de-Ville. Pour un condamné à mort, le pont Notre-Dame était un passage obligé pour aller de Notre-Dame (où il faisait amende honorable) à la Grève (où il était exécuté). V. note [18] du Faux Patiniana II‑1, pour quelques détails sur sa construction.

74.

Retour vindicatif de Guy Patin sur l’arrestation du conseiller Broussel et du président de Blancmesnil qui provoqua les barricades d’août 1648 (v. note [7], lettre 160), levées dès que la reine régente eut prudemment décidé de leur rendre la liberté.

V. note [30], Lettre 219, pour la mort du président Barillon à Pignerol en 1645.

75.

L’auteur véritable des mémoires du P. Joseph (v. note [3], lettre 208) était Charles Vialart (comme Guy Patin allait le dire dans sa lettre suivante), et non pas M. de Guron.

Jean de Rechignevoisin, sieur de Guron (1575-1635), avait fidèlement servi Henri iv aux armées avant d’être nommé en 1616 gouverneur des ville et château de Marans (Maine-et-Loire), puis conseiller du roi en ses Conseils d’État et privé en 1621. Devenu maréchal de camp (1627), Richelieu l’avait envoyé à Turin (1629) pour les affaires du Montferrat, en suite de quoi il partit combattre devant Casal assiégée, dont il empêcha la prise tandis que Louis xiii était occupé au siège de La Rochelle (1628). Après avoir été ambassadeur en Angleterre, Guron avait été nommé introducteur des ambassades en 1633.

Son fils Louis (Guron près de Poitiers 1616 ou 1617-1693), licencié en Sorbonne (1642), avait été ordonné prêtre en 1644. Il soutint activement Mazarin et la reine pendant la Fronde et fut fait conseiller d’État en 1650 avec la charge de surveiller les agissements des frondeurs en Guyenne, Aunis et Saintonge. Il fut nommé évêque et vicomte de Tulle en 1653. En 1658, il fut l’un de ceux qui obtinrent la censure de l’Apologie des casuistes (v. note [9], lettre 527). Il quitta Tulle en 1671 pour l’évêché de Comminges en Gascogne.

76.

V. note [14], lettre 220.

77.

« [je lève] la main du tableau » : « je pose ma plume » (v. note [10], lettre 93).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 1er mars 1650

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(Consulté le 20/04/2024)

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