L. 229.  >
À Charles Spon,
le 24 mai 1650

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai le vendredi 6e de mai ma dernière, laquelle en contenait une autre de quatre grandes pages datée du 3e de mai. J’ai adressé ce petit paquet à M. Falconet, [2] en intention que j’ai qu’il vous sera sûrement et fidèlement rendu, quod ardentibus votis exopto[1] Le dimanche 9e de mai, M. Huguetan [3] l’avocat me fit l’honneur de souper céans. Nous y bûmes à votre santé et à celle de Monsieur son frère. C’est un honnête homme et qui sait de fort belles choses. Je vous réitère la prière que je vous ai faite par ci-devant, qui est s’il vous plaît de me faire avoir un Calvinus de M. Morus. [4] Ce n’est qu’un livret de pareille grosseur à celui qu’il a fait de Pace ; [2] si vous n’en trouvez à Lyon, je vous prie de m’en faire venir de Genève. Aujourd’hui 12e de mai, le livre du Ministère du cardinal de Richelieu [5] a été brûlé dans la cour du Palais [6] par la main du bourreau, selon l’arrêt que la Cour en avait donné la semaine passée. [3] Le même jour, il y a eu ici un duel [7] entre le chevalier de Roquelaure [8] et le baron de Précy, [9] de la Maison de Montgomery. Ce dernier a été tué sur la place, les deux seconds se portent bien. [4] Le même jour l’amnistie a été publiée au Parlement touchant le marquis de La Boulaye, [10] Des Coutures, [11] Des Martineaux, [12] Germain l’avocat [13] Joly [14] et autres qui étaient accusés et persécutés par M. le prince de Condé [15] lorsqu’il fut arrêté prisonnier. [5] Le même jour M. d’Émery [16] a reçu Notre Seigneur, l’antimoine [17] ne l’a point sauvé, ad præsepe gemit morbo moriturus inerti[6][18] On dit que les vaisseaux du roi vers Toulon, [19] conduits par les chevaliers Paul [20] et Alméras, [21] ont pris un vaisseau espagnol chargé d’un million que le roi d’Espagne [22] envoyait pour ses affaires en Italie : voilà un accident qui l’incommodera. [7] J’ai ici montré à plusieurs le beau Sennertus [23] relié que vos Messieurs m’ont envoyé. Ils ont envie d’en acheter, mais la somme de 20 livres leur semble exorbitante ; c’est pourquoi je vous prie à votre commodité de leur en dire un mot et de savoir d’eux s’ils n’en veulent rien rabattre. S’il demeure à ce prix de 20 livres, j’ai peur que le débit n’en aille pas si bien. [8] Il y a grosse querelle à Sens [24] entre l’archevêque de Sens [25][26] et les jésuites [27] de la même ville. Il leur a fait défense d’administrer aucun sacrement, il a aussi remué et renouvelé la querelle ancienne de Sens contre l’archevêque de Paris [28] qu’il prétend n’être que son suffragant[9] On dit ici que Mme la Princesse la femme [29] est sortie de Montrond en Berry [30] avec son fils le duc d’Enghien [31] et qu’elle s’en est allée vers Bordeaux [32] où plusieurs malcontents commencent de gronder. Néanmoins, la route qu’elle a prise est incertaine et personne ne le dit encore de deçà[10] Il y a ici déclaration du roi [33] vérifiée en Parlement contre Mme de Longueville, [34] le duc de Bouillon, [35] le maréchal de Turenne [36] et M. de La Rochefoucauld, [37] gouverneur de Poitou. [11] Faites-moi le bien de me mander en quelle année M. de Feynes, [38] professeur de Montpellier, [39] votre auteur, est mort à Montpellier ; je pense qu’il y a bien 50 ans. [12] Je pense que vous vous souvenez bien que par ci-devant je vous ai prié, il y a bientôt deux ans, de prendre chez M. Ravaud, [40] trois exemplaires des Institutions de feu M. Hofmann [41] et de les envoyer à M. Volckamer [42] qui les avait demandés, [13] comme vous avez fait, et les a reçus. Quand il m’a pressé de lui envoyer ce que j’avais déboursé pour lui, je lui ai compté lesdits trois exemplaires (que j’avais d’ailleurs mis sur votre compte). Il m’a tout avoué et a reconnu avoir reçu le tout, mais il m’a averti qu’il vous avait payé lesdits trois exemplaires. Si cela est, comme je le veux bien croire, je vous prie de me le mander afin que j’efface cet article que je pensais vous devoir et que je l’en acquitte. Je le trouve fort bon et fort raisonnable, vous savez bien que les bons comptes font les bons amis. À propos de comptes, les deux semestres de nos Messieurs de Camera comptorum [14] ont été assemblés pour tâcher de servir au président Perrault, [43] qui est dans le Bois de Vincennes [44] avec M. le Prince, et le tirer de là si faire se pouvait en vertu de la déclaration du mois d’octobre de l’an 1648, en lui faisant son procès ; mais leur poursuite en faveur de leur compagnon a été sursise sur ce qu’on leur a donné avis que, s’ils demandaient qu’on mît en liberté ledit Perrault ou qu’on lui fît son procès, qu’on lui ferait aussitôt sur les plaintes que l’on a faites contre lui, et qu’il serait traité comme un tyran qui avait volé la Bourgogne. [15] On dit ici que Mme la Princesse la femme est dans la vicomté de Turenne [45] avec M. de Bouillon, et que le maréchal de Turenne a défait un régiment de cavalerie de 1 000 hommes du colonel Rosen, [46] dont 250 sont demeurés sur la place et 300 sont demeurés prisonniers. [16]

Ce mercredi 18e de mai. Enfin, voilà que je viens de recevoir la vôtre dernière datée du 13e de mai. Je vois bien qu’il y en a une des miennes égarée, qui est celle du 22e de mars, mais je ne sais comment cela s’est fait ; Dieu le sache, peut-être que ceux qui l’ont vous la renverront quelque jour. Je vois bien qu’avez reçu celle de M. Bachelier ; [47] il faut se donner patience de l’autre, qu’elle soit perdue ou non. [17] Il est vrai que je n’ai reçu celle des vôtres qu’aviez donnée à M. Huguetan [48] que trois semaines après. Le plus court à nous tous deux, c’est de les envoyer à la poste, ce que je ferai dorénavant. Notre M. Le Gagneur [49] a perdu son père, a peu de santé, sa femme toujours malade, etc. Bref, il n’est bon à rien, nulli utilis, nequidem sibi ; [18] il est comme les moines ou, que je ne mente, comme les Esséniens [50] d’Alciat, [51] Non se non alios utilitate iuvat[19] M. Des François [52] est ici en affaires. On dit que M. de Saumaise [53] s’en va en Suède et que la reine [54] lui a promis 10 000 écus. Le deuxième tome de Cambrai, c’est de lever le siège de Bellegarde, [55] comme il fit celui de Cambrai [56] l’an passé ; ce qu’il eût fait si Saint-Micaut [57] se fût entendu avec le Mazarin. [20][58] Je voudrais qu’on eût ramassé en un bon volume in‑fo toutes les œuvres de Varandæus, [59] il était bon auteur. Thomas Erastus contra Paracelsum [60][61] serait encore meilleur que tout cela à imprimer si vos imprimeurs [62] sont si affamés de labeur, et qui serait d’heureux débit plus que le Perdulcis[21][63] Feu M. Varanda a été un bel esprit et bien net, je voudrais avoir vu tout ce qui reste de lui. Son traité de Indicationibus est fort bon ; ses harangues faites aux promotions des docteurs me donnent aussi envie de les voir. [22] Pour le Calvinus de M. Morus, je vous en supplie derechef, comme aussi de ce même Morus ce qu’il pourrait avoir fait, n’ayant rien de lui que le de Pace[2] en cas qu’il ait fait autre chose. Pour Calvin, [64] je suis fort bien informé du mérite de son esprit ; il y a longtemps que M. Tarin [65] me l’a hautement loué, je n’avais alors que 20 ans. Scaliger [66] disait que Calvin avait été le plus bel esprit depuis les apôtres. J’ai eu autrefois un régent qui était ravi quand il m’en pouvait parler. Pour Papire Masson, [67] il < en > a écrit la vie à part in‑4o, que j’ai céans et que le frère de l’auteur, [68] qui était un chanoine, m’a donnée l’an 1619 ; mais depuis, comme on imprima ici un Recueil des Éloges de P. Masson, j’obtins, quamquam ægre[23] que cette vie y fût ajoutée sur la fin. Le libraire en avait demandé l’avis aux jésuites qui lui avaient défendu, mais néanmoins il me crut quand je lui dis que cet appendix ferait valoir son livre. C’est un in‑8o divisé en deux parties, lequel je suis tout prêt de vous envoyer si vous ne l’avez. N’oubliez pas de m’en donner avis afin que je le mette dans ce premier paquet, pour lequel je n’attends qu’après le P. Caussin. [24][69] Jamais homme ne fut si savant en histoire ecclésiastique comme Calvin ; à l’âge de 22 ans, il était le plus savant homme de l’Europe. Un jour au doctorat [70] d’un de nos compagnons, où j’étais un des invités in convivio doctorali[25] un de nos vieux docteurs nommé Bazin [71] disait que Calvin avait falsifié toute l’Écriture sainte ; mais je rendis ce bonhomme si ridicule que M. Guénault le jeune, [72] qui était près de moi, me dit que je déclarais trop. [26] Jean de Montluc, évêque de Valence, [73][74][75] disait ordinairement que Calvin avait été le plus grand théologien du monde. [27] Je verrai donc bientôt, à ce que vous m’écrivez, le fils de M. Bauhin, [76] et ce sera de bon cœur ; j’honore fort Monsieur son père. [28][77] M. Garmand [78] chez qui il logera est ici de nos voisins. Tant plus je vois M. Huguetan l’avocat, tant plus je l’admire. Cet homme est un trésor caché, il est très savant et très modeste. Nous avons ici bu deux fois à votre santé. Je vous prie de ne point oublier ni négliger le portrait que vous me promettez de vous-même. Ce n’est point pour moi, c’est pour mes enfants qui vous honoreront comme je fais, s’ils sont sages, et j’y contribuerai ce que je pourrai ; ils sont d’assez bon naturel. Pour moi, je n’en ai pas tant besoin présentement, d’autant que je vous vois d’ici et même, je vous peindrais fort bien tel que vous étiez l’an 1642 [79] si j’étais peintre. [29] Je pense si souvent à vous que je vous vois à toute heure et que je vous représente fort souvent en mon esprit, qui n’est pas fort subtil ; [30] mais aussi ne faut-il pas grande subtilité à être bon et fidèle ami, tel que, Dieu aidant, je vous serai toute ma vie. Je sais bien que j’y suis obligé. Le petit paquet que M. Du Prat [80] m’a commis est en sûreté, je l’enfermerai dans le premier emballage que je ferai faire pour vous, qui sera environ dans un mois si vous n’en êtes autrement pressé. Je souhaite fort de voir ici M. Ravaud [81] en bonne santé ; Dieu l’y veuille bien amener. Le marché de M. de La Chambre [82] était fait plus de six semaines avant que l’on eût ôté les sceaux à M. Séguier [83] son maître ; et n’eût jamais fait ce marché s’il eût pu prévoir ce malheur. [31] Outre le Factum pour les princes, on vend ici un Avis à Messieurs de Beaufort et le coadjuteur, un Avis au peuple de Paris, un autre à Messieurs du Parlement, etc. ; [32] tout cela est apertement pour les trois princes contre le Mazarin. Je suis ravi que M. Garnier [84] se souvienne de moi, je vous supplie très humblement de lui présenter mes très humbles recommandations et que si lui et moi ne sommes de même avis en matière de cardiaques, [33][85] que je ne suis pas moins son serviteur. Vous savez ce que je vous ai mandé par ci-devant en pareil rencontre entre vous et moi :

Diversum sentire duos de rebus iisdem
Incolumi licuit semper amicitia
[34]

J’ai été aujourd’hui au Pays latin, [86] qui est l’Université, par occasion d’une consultation, [87][88] à laquelle j’ai été appelé par un de mes compagnons pour le fils d’un conseiller de Rouen. J’ai passé par la rue Saint-Jacques, [89] tous nos libraires y sont merveilleusement secs et morfondus. La traduction du livre de M. de Saumaise est encore sur la presse, [35] il y en a près de 80 feuilles de faites ; il en reste encore près de 30, mais le reste de la copie ne leur a pas encore été rendu de Hollande. Un de mes amis m’a écrit de Leyde [90] que M. de Saumaise s’apprête pour aller en Suède ; que l’opinion des Hollandais est qu’il y demeurera, sinon, qu’il reviendra en France y finir ses jours, et qu’il ne veut plus demeurer en Hollande qui lui déplaît pour plusieurs raisons. La Suède l’aura tant qu’il plaira à Dieu ; mais s’il n’y demeure, je voudrais qu’il m’eût coûté 100 écus par an et qu’il vînt, bonis suis rebus[36] demeurer à Paris. Les pensions que l’on donne en France ne valent jamais rien qu’un an ou deux, d’autant qu’elles ne sont point assurées ; mais je tiens M. de Saumaise trop habile homme pour se fier à de si chétives promesses, joint qu’on n’en paie du tout aucune d’aujourd’hui. S’il vient à Paris, il faut que ce soit par quelque autre raison et sur d’autres fondements ; joint qu’y ayant à la cour un jésuite pour confesseur du roi, il est assuré qu’il y aura un perpétuel ennemi. La reine [91] a mis garnison dans les hôtels de Condé et de Longueville afin d’empêcher des conventicules et des assemblées nocturnes qui s’y faisaient là-dedans, [37] ut quantum in se erit consulat rebus et securitati sui carissimi Mazarini[38] Il est parti d’ici un gentilhomme des ordinaires du roi, nommé M. de Nully, [92] pour aller porter de la part de la reine un commandement à M. d’Épernon [93] de sortir de Guyenne [94] et de venir à la cour. [39] Je ne sais si ce commandement s’effectuera et s’il n’y aura pas quelque retentum, quelque secret caché du côté du Mazarin, qui tient fort son parti, en intention que le duc de La Valette, [95][96][97] son fils, épousera une des mazarinettes. [40][98][99] Quoi que je vous aie mandé par ci-devant, les trois princes ont été nourris jusqu’ici aux dépens de la reine, d’autant qu’ils ont toujours refusé de se nourrir à leurs propres dépens. La reine leur a fait dire qu’elle ne voulait plus à l’avenir faire cette dépense, qu’ils eussent à donner ordre que ce fût dorénavant à leurs dépens. M. le Prince l’a tout à plat refusé, disant qu’il aimait mieux mourir. La reine sachant cela a répondu qu’il meure donc. Voyez si cette femme ne déteste pas bien ? Si bien que la reine ne les nourrit plus, c’est M. de Bar [100] même, qui est le gouverneur du Bois de Vincennes, qui les nourrit à ses dépens jusqu’à ce que la reine en ait autrement ordonné ou que les princes s’y soient accordés. [41] On dit ici que le maréchal de Turenne a bien de la cavalerie et qu’il grossit fort son armée de plusieurs troupes qui lui viennent d’Allemagne. M. de Vendôme [101] est ici arrivé vendredi au soir, le 20e de mai. On dit qu’il vient remercier la reine de l’Amirauté [102] qu’elle lui a donnée, et en accorder les droits et le revenu avec M. de Beaufort, [103] son fils, qui n’en a point seulement la survivance après Monsieur son père, mais aussi une partie de la charge. L’Assemblée du Clergé [104] s’en va bientôt ici commencer, où seront présidents les deux archevêques d’Embrun [105][106][107][108] et de Reims. [42][109] Une partie du régiment de Persan [110] s’est allée jeter dans Montrond en Berry. [43] Ce sont gens qui courent toute la province et qui ruinent tout, sous ombre qu’ils tiennent le parti de M. le Prince, et qu’ils demandent qu’il soit délivré de la prison et remis en liberté. La reine de Suède a pensé mourir depuis peu pour avoir trop mangé d’huîtres [111] à l’écaille qu’on lui avait apportées d’assez loin et qui n’étaient plus guère bonnes ; [44] il n’y en a point en Suède même, il faut qu’elles viennent de plus loin, qui est un certain petit détroit sur la mer qui lui appartient. Le vieux bonhomme Scipion Dupleix, [112] l’historiographe âgé de 80 ans mais qui se porte fort bien, cruda viro viridisque senectus[45][113] est ici arrivé depuis trois jours. Il vient pour solliciter quelques affaires qu’il a au Conseil et un procès pour son fils, le président de Nérac. [114] Il a aussi un livre à faire imprimer in‑4o, lequel il fera intituler Liberté de la langue française dans la pureté du style, ou Observations sur les Remarques de M. de Vaugelas sur la même langue[46] Ce M. de Vaugelas [115] était un gentilhomme savoyard qui est mort ici depuis deux mois. [47] Il était gouverneur du fils aîné du prince Thomas, [116] il était de l’Académie du cardinal de Richelieu [117] où plusieurs ont travaillé à réformer notre langue française. M. le duc d’Orléans a eu la goutte ; [118] la reine et le Mazarin ont été chez lui au Conseil tandis qu’il a été malade ; maintenant il va au Palais Cardinal. Le Mazarin était d’avis d’emmener le roi et la reine à Bordeaux, afin de se tirer de Paris et de s’éloigner du danger qu’il croit y avoir pour lui en rétablissant M. d’Épernon par l’autorité du roi. Gaston ne l’a jamais voulu permettre et a réfuté toutes les raisons du Mazarin. Maintenant on parle du voyage de Compiègne, [119] lequel n’est pas fort pressé, d’autant que l’Archiduc Léopold [120] n’est guère fort cette année, n’ayant guère d’hommes, en tant qu’il en baille et envoie bonne troupe au maréchal de Turenne ; ni d’argent, celui qu’il pensait recevoir d’Espagne ayant été pris sur mer par nos pirates, [121] dont les Génois sont en état de nous envoyer un ambassadeur pour redemander 200 000 écus qui leur appartiennent ; et les princes d’Italie prêts à se liguer tous et de nous déclarer la guerre afin d’empêcher nos pirateries que nos gens exercent sur la mer, et particulièrement par le moyen de Porto-Longone [122] qu’ils pourront bien se résoudre d’assiéger à communs frais pour empêcher nos conquêtes piratiques vers leurs quartiers. [48] Les Anglais ne veulent répondre qu’avec l’épée à M. de Saumaise [35] et à tous ceux qui écriront contre eux pour avoir fait mourir leur roi ; et ont fait cesser l’édition du livre de Seldenus [123] qui était sur la presse, contenant la réponse à M. de Saumaise. [49] Enfin M. d’Émery est mort le lundi 23e de mai entre quatre et cinq < heures > du matin, tout sec et tout tabide, [124] malgré 30 prises d’antimoine de la meilleure préparation, et de la plus fine : c’est comme parle à la cour inter imperitos, et tanquam asinus inter simias archiatron comes[50][125] Il avoue que les médecins de Paris ont raison quand ils disent que l’antimoine est vénéneux, hormis celui qui est de sa préparation, et qu’il en a un secret infaillible. Le secret sien est de les tuer comme les autres chimistes [126] qui nihil nisi necant[51] Chacun parle ici de la succession à la charge de M. d’Émery et selon l’intérêt qu’il y prétend. Les uns y nomment M. de La Vieuville, [127] qui l’a été autrefois l’an 1623 ; [128] les autres, le président de Maisons, [129] président au mortier, qui a par ci-devant été premier président de la Cour des aides ; [52][130] c’est un dangereux homme s’il y parvient, et qui fera bien crier du monde ; je pense qu’il a les vœux des partisans qui semblent le souhaiter fort. On dit que les troupes du maréchal de Turenne avancent fort du côté de Mézières en Champagne. [53][131] Nous avons ici depuis trois jours perdu encore un de nos compagnons nommé Victor Pallu, [132] âgé de 46 ans. Il était natif de Tours [133] et frère de la femme de M. Bonneau, [134] grand et fameux partisan, à qui le roi doit six millions, mais lui en doit à beaucoup d’autres. M. Pallu n’était point marié ; il était l’an 1641 médecin du comte de Soissons, [135] qui fut tué à Sedan ; [54][136] après la mort de son maître, la dévotion lui monta à la tête, et se mit au rang des jansénistes [137] du Port-Royal, [55][138] à sept lieues d’ici, où il est mort d’une fièvre pourprée. [56][139][140]

Les Suisses [141] demandent de l’argent et que l’on tienne la dernière promesse qu’on leur a faite ; sinon, qu’ils s’en veulent aller et même, ont demandé route, qu’on leur a accordée et promise. [57] Ils sont donc prêts de partir, et néanmoins on croit qu’ils ne partiront point, qu’on les retiendra ; même, il s’en présentera une occasion. Ils disent que si l’on fait surintendant des finances M. de La Vieuville, qu’ils se tiennent à moitié payés, d’autant qu’autrefois étant en cette charge, il les a toujours bien payés. M. le duc d’Orléans demande la charge de connétable. S’il continue de la demander avec quelque empressement, il ne faut point douter qu’il l’aura, d’autant qu’il est en état de tout obtenir pourvu qu’il se garde des embûches, des finesses et des fausses promesses du Mazarin qui a une magie particulière à tromper et à étourdir les princes. Plusieurs vont ici courir à jeter de l’eau bénite sur le corps de M. d’Émery, mais cela se fait sans le regretter. Il y a force drap noir tendu en sa maison, mais on y voit fort peu de gens qui le regrettent. On dit qu’il sera enterré sans cérémonie dans Saint-Eustache, [142] sa paroisse où il était marguillier. [58] Voici quatre vers qu’un de mes amis me vient de donner sur sa mort, peut-être que par ci-après on en fera beaucoup d’autres.

Les plus sages frondeurs en sont à l’alphabet,
Sachant des mazarins l’insolente bravade,
Qui font voir d’Émery en son lit de parade,
Lui qu’on ne devait voir qu’en parade au gibet
[59]

Je vous prie de faire mes très humbles recommandations à MM. Gras et Falconet, Huguetan et Ravaud. Le fils de M. Moreau, [143][144] notre jeune docteur, a été extrêmement malade d’une fièvre continue [145] maligne et pourprée. [56] Il n’a pas encore 24 ans et a été saigné environ 18 fois ; enfin il en est quitte et réchappé. C’eût été un grand dommage pour lui qui est de taille à devenir quelque jour un grand personnage en notre profession et l’honneur de notre École, plus grand et très grand pour M. Moreau son père que cette mort eût extrêmement affligé. Je suis très aise qu’il en soit réchappé, tant pour l’un que pour l’autre. Les soldats ruinent si fort la campagne que tous les peuples s’enfuient, même des villes : Dourdan [146] et Étampes [147] sont toutes désertes. M. le maréchal Du Plessis-Praslin [148] est déclaré lieutenant général du roi pour mener l’armée en Picardie cette année. M. le duc d’Orléans demande aussi le gouvernement du Bois de Vincennes, voulant que les princes dépendent de lui et non pas du Mazarin. L’Assemblée du Clergé commence ici vendredi prochain. On dit que plusieurs seigneurs se joindront à cette Assemblée du Clergé pour demander réformation de l’État et l’assemblée des états généraux. [149] Voilà où nous en sommes : à la veille de beaucoup de malheurs. M. de Vendôme est ici qui refuse le don qu’on veut lui faire de l’Amirauté à cause de trop de restrictions que l’on y ajoute. Enfin je cesse, tant faute de matière que de temps. Je vous baise les mains de tout mon cœur et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce mardi 24e de mai 1650, à neuf heures du soir.


a.

Ms BnF no 9357, fos 94‑95 ; Du Four (édition princeps, 1683), no xxiv (pages 86‑89), et Bulderen, no xxxix (tome i, pages 113‑115), très raccourcie ; Reveillé-Parise, no ccxxvii (tome ii, pages 12‑20) ; Jestaz no 33 (tome i, pages 669‑680).

1.

« ce que je désire avec ardeur. »

2.

V. notes [63], lettre 211, pour le discours d’Alexandre More sur la paix, et [11], lettre 226, pour son discours sur Calvin.

3.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 257‑258, mai 1650) :

« Mercredi 11 au matin, entre dix et onze heures, fut par un greffier de la Cour lu l’arrêt d’icelle contre le livre in‑fo intitulé Le Ministère du cardinal de Richelieu, contenant l’histoire de ce ministère {a} en un continuel éloge dudit cardinal avec réflexions politiques par chapitres à part. On dit que c’est l’ouvrage du P. Charles de Saint-Paul, général jadis des feuillants et depuis, évêque d’Avranches où il est mort. Il était des Vialart de Paris, {b} parent du Chancelier Séguier, lequel il loue et extolle {c} au chapitre de sa promotion, à la dépréciation du garde des sceaux Châteauneuf dont il parle injurieusement, comme aussi fait-il du président Le Coigneux, du maître des comptes Montigot et autres. Il a donc été condamné à être brûlé par les mains du bourreau, ce qui a été exécuté ce jourd’hui, au bas du grand degré, au pied du mai, {d} avec défenses à tous les imprimeurs de l’imprimer sur peine de la vie. »


  1. V. note [24], lettre 220.

  2. V. note [24], lettre 220.

  3. Exalte.

  4. Arbre que les clercs de la basoche (communauté des clercs du Parlement de Paris) plantaient chaque année dans la cour du Palais.

4.

Le nom de Précy s’écrivait aussi Pressy et Presseing.

Journal de la Fronde (volume i, fos 215 ro et 223 vo, mai 1650) :

« Le 10 il y eut un autre duel du marquis de Presseing, Dauphinois, contre M. de La Tour-Roquelaure, {a} où celui-ci fut désarmé après avoir donné un coup d’épée au travers du corps du premier, qui n’en peut pas échapper, au grand avantage de sa sœur unique qui héritera par ce moyen de 40 mille livres de rente. […]

Le marquis de Presseing est mort {b} du coup d’épée qu’il reçut naguère au travers du corps en se battant contre le petit La Tour-Roquelaure. M. de La Tivolière, lieutenant des gardes de la reine, a obtenu la confiscation de son bien, qui est de 40 mille livres, mais pour le conserver à sa sœur ; on parle de la marier avec le comte de Lillebonne, troisième fils du duc d’Elbeuf. » {c}


  1. V. note [36], lettre 152.

  2. Ce 23 mai.

  3. V. note [6], lettre 549.

5.

Journal de la Fronde (volume i, fo 216 ro, 11 mai 1650) :

« Le même jour, la Grand’Chambre, l’Édit et la Tournelle s’étant assemblées, vérifièrent l’amnistie générale {a} de ce qui s’était passé à Paris le 11 décembre lorsque le marquis de La Boulaye voulut faire prendre les armes. » {b}


  1. Le coadjuteur y était aussi inclus.

  2. On amnistiait le complot du 11 décembre 1649 sans en avoir démêlé tous les fils (v. note [2], lettre 216).

6.

« il languit sur la litière où l’attend une mort sans honneur » : ad præsepe gemit leto moriturus inerti (Ovide, Métamorphoses, livre vii, vers 544, à propos d’un coursier généreux qui n’a plus sa noble ardeur).

7.

Guy Patin venait sans doute de lire l’extraordinaire de la Gazette daté du 10 mai 1650 (no 68, pages 605‑610), relatant Le Combat naval donné aux mers du Levant entre l’amiral de France et cinq vaisseaux espagnols.

Le 13 avril, escortant à bord du navire amiral, La Reine (mille tonneaux, 600 hommes d’équipage, 52 pièces de canon), un convoi pour ravitailler Porto Longone (île d’Elbe, vinfra note [48]) assiégée par les Espagnols, le chevalier Paul avait rencontré cinq vaisseaux ennemis qui engagèrent le combat contre lui sans parvenir à l’arraisonner malgré leur supériorité numérique ; pages 608‑609 :

« Et pour ce que la nuit du 13 au 14e finit l’action, afin qu’ils {a} ne doutassent point de la victoire entière que ce chevalier avait remportée sur eux, au lieu que la coutume de la mer est d’ôter aux ennemis la connaissance de la route que l’on veut prendre en éteignant les fanaux, il les redoubla sur son vaisseau afin qu’ils ne pussent s’excuser que sur leur lâcheté ou sur la juste appréhension d’un pareil traitement à celui qu’ils venaient de recevoir s’ils ne continuaient leur combat ; mais les ennemis ayant trouvé si mal leur compte, lui laissèrent continuer sa route et lui donnèrent temps de faire entrer le lendemain 14e à Porto Longone le secours d’hommes, de vivres et de munitions qu’il y avait mené. […] Environ le même temps, le sieur d’Alméras, capitaine d’un des vaisseaux du roi dit Le Dragon, du port de 600 tonneaux, en a pris un autre de la flotte d’Espagne, chargé de munitions pour l’armée navale qui doit aller assiéger la même place de Porto Longone ; sur lequel navire était le trésorier et le contrôleur général de ladite armée avec des dépêches très importantes de la cour de Madrid à Don Juan d’Autriche ; ce qui n’avancera pas la sortie de cette armée et n’aidera pas beaucoup à faire réussir leurs ordres éventés par l’interception de ces lettres. »


  1. Les Espagnols.

La plus grande figure de la Marine royale du xviie s., le chevalier Paul (ou Pol, Jean-Paul de Saumur, Marseille 1597-Toulon 20 décembre 1667) était le fils naturel d’une lavandière qui le mit au monde sur un bateau faisant le trajet de Marseille au château d’If. Il tenait son nom de son parrain (et probable père), Paul Fortia de Pilles, gouverneur de cette île fortifiée. D’autres recherches l’ont dit fils légitime d’un bourgeois catholique dauphinois, Elzias Samuel. À neuf ans, poussé par le goût des aventures, Paul s’était glissé dans un navire en partance ; le capitaine s’était aperçu en pleine mer de sa présence et avait dû le garder. Après avoir navigué pendant plusieurs années, il s’était engagé comme matelot sur une galère de l’Ordre de Malte. Ayant tué en duel un de ses supérieurs, il avait été condamné à mort ; mais la rare intrépidité dont il avait fait preuve en toute occasion lui valut sa grâce, et bientôt il devint capitaine d’un brigantin. Avec ce navire, Paul avait fait la chasse aux galères turques dont il devint la terreur, et il amena à Malte des prises si nombreuses que le grand maître de l’Ordre le nomma frère servant d’armes et chevalier de grâce. Sa renommée était parvenue jusqu’au cardinal de Richelieu qui l’avait appelé en France et nommé capitaine de vaisseau. Par la suite, il était devenu chef d’escadre (1647), lieutenant général et vice-amiral. En avril 1647, il avait combattu pendant cinq jours de suite, avec des forces de beaucoup inférieures, contre une flotte espagnole qu’il eût anéantie si elle n’avait reçu tout à coup six vaisseaux de renfort. Le chevalier avait été anobli en 1649 sous le nom de Jean-Paul de Saumur (Saumeur ou Semeur). En cette année 1650, avec deux vaisseaux, il remportait une victoire complète au large du Cap Corse sur cinq vaisseaux de guerre espagnols. Le grand maître de l’Ordre de Malte l’ayant nommé chevalier de justice en 1651, il lui fit présent d’un navire armé estimé à 400 000 livres. En 1663, le chevalier détruisit un grand nombre de corsaires et fit une campagne aux côtés du duc de Beaufort. Il ne rentra à Toulon qu’en 1667 et reçut alors le commandement général de la marine de cette ville. Il mourut la même année, laissant un nom redouté des ennemis de la France et béni des innombrables chrétiens qui lui devaient leur liberté. Pour parachever sa noble vie d’aventures, le chevalier Paul laissa par son testament tout son bien aux pauvres. (G.D.U. xixe s.).

Guillaume d’Alméras, marquis de Mirevaux, fils d’un conseiller à la Cour des aides de Montpellier, « capitaine entretenu dans la marine » en 1640, avait servi sous les ordres de l’amiral-duc de Brézé. Nommé capitaine de vaisseau en 1645, il avait combattu sur les côtes de Toscane (1646) puis de Naples (1647). En 1650, par brevet du duc de Vendôme il devint chef d’escadre, mais les troubles de la Fronde le ramenèrent sur terre où il combattit comme mestre de camp d’un régiment de cavalerie. Il rejoignit la marine en 1660 pour y reprendre son grade et ses fonctions. Bien que suspect d’avoir été une des créatures de Fouquet, Louis xiv le nomma lieutenant général des armées navales en 1673 (Dictionnaire de biographie française, 1933). Comme l’amiral hollandais Michiel Ruyter (v. note [1], lettre 876), Alméras périt lors du combat naval d’Agosta (près de Syracuse en Sicile), le 22 avril 1676.

8.

Il se confirme ici que Guy Patin vendait clandestinement les Opera de Daniel Sennert qui venaient d’être imprimées à Lyon, sur le dos des libraires parisiens qui en détenaient encore le privilège. (v. note [12], lettre 227).

9.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 259, vendredi 13  mai 1650) :

« Louis-Henri de Gondrin, archevêque de Sens, de la Maison de Gondrin-Montespan, actionne {a} et interdit les jésuites pour avoir, à ce qu’on dit, confessé et communié des paroissiens des églises de Sens en leur église, contre les canons et règlements. Item, {b} voulant convoquer un synode de sa province, y a fait appeler l’évêque de Paris {c} avec les autres qui ont été faits suffragants de lui lorsqu’il fut érigé en archevêché l’an 1623, à savoir Meaux, Chartres, Orléans.

Le même archevêque de Sens renouvelle ses prétentions sur l’archevêché de Paris comme simple évêché ; à raison de quoi, sur requête de M. de Paris, {c} il y a arrêt du Parlement, le 14 mai, signifié à l’hôtel de Sens ce même jour. »


  1. Poursuit en justice.

  2. De plus.

  3. Sic pour archevêque de Paris, titre que portait Jean-François de Gondi (v. note [11], lettre 19).

Journal de la Fronde (volume i, fo 218 ro, 20 mai 1650) :

« M. l’archevêque de Sens ayant à convoquer son assemblée provinciale pour députer à la générale, qui commencera le 25 de ce mois, envoya ces jours passés un mandement aux évêques de Paris, Meaux, Chartres et Orléans de se trouver le 17 en son hôtel de Sens pour assister en ladite assemblée provinciale et y faire la députation, prétendant avoir la juridiction sur eux et que ces quatre diocèses n’ont pu être démembrés du sien ; mais ceux-ci n’ont eu garde de s’y trouver et tinrent le 16 l’assemblée provinciale de l’archevêché de Paris. M. le coadjuteur, en l’absence de Monsieur son oncle, prétendant que M. de Sens n’a pu faire cette convocation, a présenté requête au Parlement sur laquelle il a obtenu arrêt portant défense à M. de Sens de tenir son assemblée provinciale dans l’hôtel de Sens à Paris et lui a fait signifier un autre arrêt qu’il obtint contre lui il y a quatre ans sur ce que M. de Sens, dans la harangue qu’il fit au Parlement après la messe de la Saint-Martin, dit qu’il l’avait célébrée comme Paris étant dépendant de son archevêché ; sur quoi M. le coadjuteur de Paris obtient arrêt sur défaut au Parlement avec condamnation de dépens, lesquels il a fait taxer et payer depuis quelques jours à cet archevêque ; lequel, nonobstant tout cela, n’a pas laissé d’envoyer une seconde fois à M. l’archevêque de Paris, qu’il ne qualifie que d’évêque, et les évêques de Meaux, Chartres et Orléans, en vertu d’un récrit qu’il a obtenu du pape. »

Tout se termina bien (Dubuisson-Aubenay, tome i, pages 289‑290, juillet 1650) :

« Dimanche 10, l’archevêque de Sens, pour le sujet de sa réconciliation avec M. le coadjuteur de Paris, lui donna à dîner et à douze évêques et deux archevêques, présidents en l’Assemblée du Clergé, MM. de Reims et d’Embrun. Ils étaient seize en tout, en table carrée, servie de quatre grands potages, une bisque en bassin au milieu et quatre assiettes creuses entre les quatre plats, pleines de quatre menestres ou petits potages ; au deuxième service, cinq plats de bouilli avec quatre assiettes d’entrée ; au troisième, cinq plats de rôti, douze faisandeaux, autant de dindons et poulets, et huit lapereaux, pour plats, avec quatre assiettes de douze cailleteaux, perdreaux et pigeonneaux ramereaux ; {a} à l’entremets, autant de plats et assiettes de ragoûts et nouveautés ; et aux fruits, tout de même, fruits crus et confits ou en compote. »


  1. Jeunes pigeons ramiers.

Henri-Louis de Pardaillan de Gondrin (château de Gondrin, Gers 1620-abbaye de Chaumes 1674) avait été nommé en 1646 archevêque de Sens, à la mort de son oncle Octave de Bellegarde.

Gallia Christiana (traduit du latin) :

« Il entretint quantité de controverses avec les ordres religieux de son diocèse, principalement les jésuites et les capucins, parce qu’il exigeait d’eux un examen avant d’être autorisés à recevoir la confession {a} et à prêcher l’Évangile. En janvier 1653 il publia divers mandements contre les “ frères ermites de Saint-François, dits capucins ” ; et qui plus est, les 2 et 9 mars 1653, il lança une sentence d’excommunication contre tous les fidèles de son diocèse qui confesseraient leurs péchés aux mêmes capucins. Le 28 janvier de la même année, il avait frappé de la même foudre ceux qui iraient se confesser aux jésuites. »


  1. V. notule {c}, note [54] du Borboniana 5 manuscrit.

Homme de cour, Gondrin entretint de multiples relations galantes, mais fut un fidèle allié du cardinal de Retz, avec une sympathie marquée pour la cause de Port-Royal. Les jésuites le haïssaient comme le montre ce portrait laissé par le P. René Rapin (v. note [8], lettre 825) (in Dictionnaire de Port-Royal, pages 470‑471) :

« Ce fut un des hommes les plus extraordinaires de ce siècle : outre sa vanité naturelle, qui était extrême, il régnait dans tout son caractère un air gascon qu’il avait pris en son pays et dont le commerce de la cour, qui rend les gens sages et honnêtes, n’avait pu le défaire, car il ne faisait rien que par ostentation et pour faire du bruit. Il y avait de l’excès dans ses vertus aussi bien que dans ses vices ; et quoiqu’il fût dans la conduite ordinaire de sa vie fier et rampant, vain et modeste, ce n’était que par orgueil qu’il était humble »

La jeunesse de Louis-Henri de Pardaillan avait été si licencieuse que lorsqu’il se montra dans son diocèse d’une extrême sévérité en matière de mœurs, on put dire de lui, malicieusement, qu’il « faisait pleurer ses péchés aux autres » (Bertière a).

10.

Claire-Clémence, l’épouse du prince de Condé, alors emprisonné à Vincennes, quittait Montrond où le roi envoyait des troupes, en faisant dire qu’elle partait pour le Poitou. Accompagnée d’une petite escorte, elle voyagea en fait vers le Limousin pour rejoindre les ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld à la mi-mai, près de Mauriac, qui l’accompagnèrent à Turenne (Petitfils d, pages 153‑165).

Journal de la Fronde (volume i, fo 218 ro, mai 1650) :

« Le 13 du courant un courrier envoyé de Berry par le comte de Saint-Aignan arriva ici et porta nouvelle que Mme la Princesse était sortie de Montrond avec le petit duc d’Enghien escortée par cent chevaux commandés par le duc de La Rochefoucauld. Ce comte, l’ayant poursuivie à cause qu’elle n’était qu’à sept heures de lui lorsqu’il en apprit la nouvelle, la joignit sur la frontière de Limousin ; mais voyant qu’elle était alors escortée de 300 chevaux qui s’étaient avancés à dix lieues de Montrond, envoyés par le duc de Bouillon, il ne jugea pas à propos de l’attaquer, n’étant pas assez fort pour cela ; et enfin, l’on sut hier au soir [19 mai], par l’arrivée d’un courrier extraordinaire, qu’elle était arrivée à Turenne et que le duc de Bouillon l’était venu recevoir à 20 lieues en deçà avec quantité de noblesse. »

11.

Journal de la Fronde (volume i, fo 219 vo, mai 1650) :

« Le 16, la Grand’Chambre, l’Édit, et la Tournelle vérifièrent la déclaration du roi par laquelle Mme de Longueville, les ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld, et le maréchal de Turenne, avec tous leurs fauteurs et adhérents, sont déclarés criminels de lèse-majesté, tous leurs biens confisqués, et enjoint à toutes personnes de leur courir sus. Il y eut une requête présentée en même temps au nom du duc de Bouillon, par laquelle il demandait à se justifier, après avoir exposé qu’il avait été contraint par la violence de ses ennemis de quitter la cour et se retirer en la vicomté de Turenne où il n’avait rien entrepris contre le service du roi, ayant au contraire fait des protestations de sa fidélité dans les villes où il avait passé. Sur cela, il fut ordonné seulement que la requête serait apportée au roi pour la voir. Messieurs des Enquêtes ont témoigné être très mal satisfaits de ce que ces trois chambres avaient délibéré là-dessus sans eux, et s’assemblèrent hier à la chambre Saint-Louis sans néanmoins y rien résoudre. »

12.

En fait 77 ans, v. note [10], lettre 227.

13.

V. note [12], lettre 92, pour les Institutions de Caspar Hofmann (Lyon, 1645).

14.

« de la Chambre des comptes ».

15.

Dès le 24 janvier 1650, la Cour des comptes avait remontré à la reine, Anne d’Autriche, pour obtenir la libération du président Perrault (v. note [3], lettre 215), mais sans aucun résultat. « Le 11 mai suivant, la Chambre fut encore priée par le prisonnier de réitérer ses remontrances ; mais elle ne voulut par délibérer sur cette requête. Le 15 décembre, nouvelle supplication : la Chambre charge le premier président de mener une députation à la reine, mais celle-ci se fit dire malade et le procureur général ne put obtenir une audience avant le 26 janvier 1651. Cette fois, la reine accueillit favorablement les remontrances ; néanmoins, elle différa encore sa réponse et M. Perrault ne sortit de Vincennes que le 12 février. Le 23, il vint reprendre sa place à la Chambre et remercia ses collègues de leur sollicitude. Durant sa détention, il n’avait cessé d’être compris dans tous les rôles de gages, épices ou vacations » (Boislisle, pages 437‑440).

16.

Reinhold von Rosen (1605-1668), dit le général Rose, gentilhomme de Livonie, « qui avait un régiment et mille chevaux sous le grand Gustave-Adolphe à la bataille de Lützen [6 novembre 1632] » (Saint-Simon, Mémoires, tome ii, page 300), avait ensuite servi sous Erlach, dont il hérita le commandement des Weimariens, indéfectiblement fidèles à la Couronne de France. Il commandait alors pour le roi en Alsace. « Il fut saluer le roi au siège de Dole, l’an 1668. Il était monté sur un cheval âgé de 38 ans qu’il dit au roi lui avoir sauvé la vie à la bataille de Rocroi [19 mai 1643]. Il mourut quelque temps après et laissa une pension à son cheval, avec un pré et la liberté » (Bayle).

Ce que Guy Patin disait ici être une victoire de Turenne dans les Ardennes était une défaite ; Journal de la Fronde (volume i, fo 211 ro et vo, 4 mai 1650) :

« On eut avis de Mouzon que le maréchal de Turenne étant venu attaquer cette place-là avec quelques troupes d’Espagnols qu’il avait du duc de Wittemberg, y donna sept assauts différents et fut toujours repoussé fort rudement, en sorte qu’il fut contraint de se retirer avec perte de deux à trois cents hommes tués sur la place et près de cent prisonniers ; à quoi les lettres de Verdun et Sedan ajoutent que ce maréchal s’est emparé de la citadelle de Stenay par stratagème, ayant fait courir le bruit que le général Rose avait reçu un renfort des troupes qu’on lui avait envoyé, outre la jonction de celles du marquis de La Ferté-Senneterre (qui est arrivé à Paris depuis deux jours) et qu’il venait assiéger Stenay ; ce qui avait donné sujet à Mme de Longueville de demander à M. de Chamilly une retraite dans la citadelle ; ce que celui-ci n’ayant pu refuser à ses larmes, elle obtint ensuite qu’il donnerait aussi retraite à MM. de Turenne et de La Moussaye en cas que la place fût attaquée ; en suite de quoi, ce maréchal fit avancer les troupes espagnoles qu’il avait, lesquelles ayant feint de donner un assaut général à la ville, il mit l’alarme, et en même temps Mme de Longueville se sauva dans la citadelle et y fut suivie par ce maréchal, par le marquis de La Moussaye, Bouteville, et autres de leur suite, qui s’en rendirent les maîtres et changèrent la garnison. »

17.

V. note [1], lettre 223. Guy Patin parlait ici d’une précédente lettre (celle du 1er ou du 10 avril, ou du 3 mai) que son voisin, Michel Bachelier, avait fait parvenir à Charles Spon (après que celle du 22 mars, lettre 222, confiée à la même voie, se fut égarée).

18.

« sans nulle utilité pour quiconque, pas même lui-même ».

19.

« Il n’a d’utilité ni pour lui, ni pour les autres. »

André Alciat (Andrea Alciato, Milan 1492-Pavie 1550) professa le droit avec beaucoup d’éclat à Avignon, à Bourges, à Milan, à Bologne et à Ferrare. L’un des premiers, il chercha à éclairer l’étude du droit au moyen de l’histoire, des langues et de la littérature de l’Antiquité. Ses innovations commencèrent la ruine de l’école des vieux glossateurs et ouvrirent la voie à Jacques i Cujas (G.D.U. xixe s.).

Outre ses ouvrages de droit et d’histoire, Alciat a connu un immense succès avec ses Emblèmes, publiés pour la première fois en 1531 (Augsbourg, H. Steyner, in‑8o) et très souvent réédités et traduits depuis : c’est un recueil de petits poèmes latins illustrés de gravures. J’ai recouru à quatre de ses nombreuses éditions :

La citation de Patin en est extraite pages 88 de l’édition latine (Lyon, 1651) et 93 de l’édition française (Lyon, 1549), mais avec deux images différentes :

Desidia.
Desidet in modio Essæus, speculator et astra,
Subtus et accensam contegit igne facem.
Segnities specie recti, velata cuculo,
Non se, non alios utilitate juvat
.

« L’Oisiveté.
Dessus son muid se sied, l’œuvre laissée
Et lampe ardant dessous, couvre l’Essaée
Paresse en froc, sous couleur de piété,
N’apporte à soi, n’a autres utilités. » {a}

Commentaire :

« Sous couleur de vie contemplative, est cachée oisiveté, éteignant les vertus, et nourrissant les vices. »


  1. Traduction littérale et prosaïque :

    « L’Essénien se repose assis sur un boisseau, contemplant les étoiles. Au-dessous de son siège, il cache une torche allumée. Il ne lui sert à rien, non plus qu’aux autres, de dissimuler sa paresse sous un capuchon, en se donnant l’apparence de l’honnêteté. »

Les Esséniens, préfiguration des moines chrétiens, étaient « une secte de juifs qui faisaient profession de communauté de biens, qui fuyaient toutes sortes de plaisirs, particulièrement le mariage, condamnaient les serments, ne buvaient que de l’eau, n’offraient à Dieu que des choses inanimées et observaient le sabbat si scrupuleusement qu’ils n’auraient pas remué un vase. Philon a distingué deux ordres d’Esséniens : les uns s’attachaient à la pratique et les autres, qu’on nomme Thérapeutes, à la contemplation » (Littré DLF).

20.

J’ai soigneusement vérifié la transcription du manuscrit, mais la phrase demeure incompréhensible, sans doute en raison d’une étourderie de Guy Patin : Cambrai pour Harcourt ; le siège de Cambrai, où le comte d’Harcourt commandait contre les Espagnols, avait eu lieu en juin-juillet 1649 (v. note [6], lettre 186) ; v. note [14], lettre 223, pour Saint-Micaut.

21.

V. note [6], lettre 71, pour « Thomas Éraste contre Paracelse ».

Guy Patin prenait ici l’Universa Medicina… de Barthélemy Pardoux (v. note [49], lettre 166) comme exemple de succès en librairie médicale.

22.

V. note [42], lettre 209, pour le Tractatus de indicationibus curativis [Traité sur les indications curatives] de Jean Varanda (Montpellier, 1620). Les harangues de Varanda ne se trouvent pas dans ses Opera omnia (1658) et je ne les ai pas non plus trouvées imprimées à part.

23.

« non sans quelque peine ».

Bayle, dans son article Calvin (note X), a recouru à ce passage de Guy Patin pour réfuter très énergiquement ce que Varillas (v. note [5], lettre 566) a dit de cette Vie de Jean Calvin publiée à la fin des Elogia de Jean-Papire Masson (v. note [12], lettre 226) :

« Ballesdens {a} a fait imprimer les Éloges de Papyrius Masso et y a inséré une Vie de Calvin {a} parce que, l’ayant trouvée entre les papiers de cet auteur, il s’imagina qu’elle était de lui. Son aveuglement est d’autant moins supportable que la manière dont elle est écrite est tellement différente de celle des autres ouvrages de Masson qu’une médiocre connaissance de la langue latine suffit pour s’en apercevoir d’abord. Mais je ne puis assez m’étonner que le célèbre Sponde, évêque de Pamiers, se soit laissé tromper par Ballesdens, qui croyait que Masson fût l’auteur de cette Vie, et ait mieux déféré au jugement d’autrui qu’au sien propre. J’ai appris de MM. Dupuy qu’elle avait été composée par l’illustre Jacques Gillot, {b} conseiller clerc en la Grand’Chambre du Parlement de Paris qui eut tant de part dans les ouvrages des beaux esprits de son temps, sans y vouloir être nommé ; et certes cette Vie me paraît tout à fait digne d’un si grand homme. Elle est un chef-d’œuvre en son genre ; et si nous en avons de plus longues, nous n’en avons pas de mieux travaillée, ni de plus souvent retouchée […]. »


  1. V. note [11], lettre 52.

  2. V. note [12], lettre 226.

  3. V. note [22] du Borboniana 3 manuscrit.

Le frère cadet de Jean-Papire Masson se nommait Jean-Baptiste ; chanoine et archidiacre de Bayeux, comme son aîné, il le remplaça au poste de référendaire à la chancellerie ; il fut plus tard nommé aumônier du roi et mourut en 1630 à un âge très avancé (Michaud).

24.

V. note [50], lettre 176, pour les Domus Dei… et Regnum Dei… du P. Nicolas Caussin, qu’on achevait alors d’imprimer à Paris chez Jean Du Bray.

25.

« au banquet doctoral » ; v. note [13], lettre 22, pour l’acte de doctorat de la Faculté de médecine de Paris, qui se concluait ordinairement par un festin que le candidat offrait aux docteurs régents qui avaient présidé à l’acte, ou qui étaient de ses parents et amis.

26.

Déclarer est à comprendre comme produire clairement son avis. La transcription de Reveillé-Parise prolonge inexplicablement la phrase par : « et que j’eusse pitié de son âge et de sa faiblesse. »

27.

Une phrase supplémentaire achève ce paragraphe dans Reveillé-Parise : « N’ayez pas peur qu’on en dise autant à Rome. »

Jean i de Montluc (ou Monluc, Condom début du xvie s.-Toulouse 1579), évêque de Valence de 1553 à 1574, était le troisième frère du maréchal Blaise de Montluc (v. note [28], lettre 203).

Brantôme (v. note [3], lettre 820) a laissé de lui ce portrait (Les Vies des grands capitaines français, M. de Montluc ; Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille seigneur de Brantôme, Paris, Vve de J. Renouard, 1864-1882, 11 volumes in‑8o, tome iv, pages 45‑46) :

« Fin, délié, trinquat, {a} rompu et corrompu, autant pour son savoir que pour sa pratique. Il avait été de sa première profession jacobin et la feu reine de Navarre, Marguerite, qui aimait les gens savants et spirituels, le connaissant tel, le défroqua et le mena avec elle à la cour, le fit connaître, le poussa, lui aida, le fit employer en plusieurs ambassades […]. On le tenait luthérien au commencement, et puis calviniste, contre sa profession épiscopale ; mais il s’y comporta modestement, par bonne mine et beau semblant. »


  1. Fourbe.

V. notes [30][36] du Borboniana 9 manuscrit pour un très riche complément d’informations sur Jean i de Montluc, qui exerça une importante influence politique et religieuse sous le règne tourmenté de Charles ix.

28.

Johann Caspar ii Bauhin, fils aîné de Johann Caspar i, né en 1632, n’a pas laissé de trace dans les biographies, mais Guy Patin a de temps à autre parlé de lui dans ses lettres.

Il venait étudier la médecine à Paris sous la gouverne de Patin ; mais ses écarts de conduite allaient bientôt causer de grands soucis, tant à son père qu’à son hôte. Le jeune Bauhin ne devint pas médecin : après s’être fait soldat et couvert de dettes, il se convertit au catholicisme et devint prêtre puis moine (v. note [11], lettre du 26 juillet 1658).

29.

Ce passage établit que Guy Patin et Charles Spon s’étaient rencontrés en 1642 (la deuxième quinzaine de juillet, v. note [32], lettre 240) ; leur correspondance commença le 1er octobre suivant.

30.

« Un esprit subtil est celui qui comprend aisément les choses » (Furetière).

31.

Marin Cureau de La Chambre (v. note [23], lettre 226), médecin du Chancelier Pierre iv Séguier, avait acheté pour 22 000 écus à Claude Seguin sa charge de médecin ordinaire du roi (v. lettre du 3 mai 1650). Fort peu de temps après, la disgrâce du chancelier transformait ce lourd investissement en pure perte : il allait de soit qu’on n’allait plus faire appel à Cureau de La Chambre pour soigner le roi.

32.

V. note [40], lettre 226, pour le Factum pour les princes. L’Avis important et nécessaire à M. de Beaufort et M. le coadjuteur a été écrit par Gondi lui-même, en faveur de M. le Prince. V. note [24], lettre 227, pour l’Avis aux Parisiens, servant de réponse aux impostures du cardinal Mazarin. Je n’ai pas trouvé l’Avis à Messieurs du Parlement.

33.

La dispute thérapeutique entre Pierre Garnier et Guy Patin incluait l’emploi des cardiaques (v. note [12], lettre 210).

34.

« Il est toujours permis, sans nuire à l’amitié, d’être deux à avoir un avis différent sur les mêmes choses » (v. note [3], lettre 172).

35.

V. note [4], lettre 224, pour l’Apologie royale… de Claude i Saumaise, traduction en français de sa Defensio regia…

36.

« pour la bonne marche de ses affaires ».

37.

Conventicule : « assemblée secrète d’une partie des moines d’un couvent. Il s’est tenu un conventicule pour faire une brigue et favoriser l’élection d’un abbé » (Furetière).

Journal de la Fronde (volume i, fo 220 vo, 19 mai 1650) :

« On envoya des gardes dans les hôtels de Condé et d’Enghien, qui s’en emparèrent, aussi bien que de la maison du président Perrault. On dit que c’est pour des assemblées dangereuses que quelques officiers de guerre, amis de la Maison, {a} y faisaient, et qu’on y débitait secrètement tous les libelles qui ont été faits en faveur de M. le Prince depuis sa détention, lesquels avaient été imprimés au voisinage de Chantilly où Mme la Princesse douairière avait fait venir pour cet effet une imprimerie. »


  1. De Condé.

38.

« pour ménager, autant qu’elle pourra, les affaires et la sécurité de son très cher Mazarin. »

39.

Journal de la Fronde (volume i, fo 219 ro) :

« Il s’est fort parlé cette semaine {a} d’un voyage du roi en Guyenne, mais on assure que M. le duc d’Orléans n’y a pas voulu consentir et que depuis deux ou trois jours on le presse d’y aller, mais on ne croit pas qu’il s’y puisse résoudre. L’on envoya hier un courrier à M. d’Épernon, l’on ne sait à quel sujet, quoique le bruit coure que ce soit pour le mander à la cour, et pour apporter le bâton de maréchal de France au marquis de La Force et lui offrir en même temps le commandement de quelques-unes des armées du roi. »


  1. Du 13 au 20 mai 1650.

Les Nully (Neully, Neuilly ou Nuilly), famille noble fondée au xiiie s., avaient pour principal attribut le fief de Neuilly-sur-Marne, situé 15 kilomètres à l’est de Paris (actuel département de Seine-Saint-Denis). Pierre de Nully (mort vers 1680) était probablement le gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi dont parlait ici Guy Patin (Jean-Baptiste-Pierre Jullien de Courcelles, Dictionnaire universel de la noblesse de France, Paris, 1821,volume 4, page 458).

40.

Louis-Charles-Gaston de Nogaret de Foix (1627-Lyon 28 ou 29 janvier 1658), fait comte de Candale en février 1639, puis duc de La Valette (dit de Candale) le 5 novembre 1649, était le fils unique du duc d’Épernon, Bernard de Nogaret de La Valette (v. note [13], lettre 18) alors gouverneur de Guyenne enlisé dans la révolte de Bordeaux, et de Gabrielle-Angélique, fille légitimée de France, marquise de Verneuil. Après avoir été nommé commandant en Guyenne en février 1649, Candale reçut en juin suivant la survivance de la charge, tenue par son père, de colonel général de l’infanterie française. Le 18 du même mois, il avait été un des protagonistes de la « soupe frondée » (v. note [4], lettre 190). Le 1er février 1651, La Valette allait recevoir le gouvernement et la lieutenance générale de la Basse et Haute-Auvergne. En septembre 1652, il devint lieutenant général des armées du roi et partit prendre le commandement des armées de Guyenne après la désertion d’Harcourt. Il dirigea dès lors les opérations militaires dans la province. Ensuite, il servit dans l’armée de Catalogne sous le prince de Conti et le maréchal d’Hocquincourt. Après le départ du prince de Conti, La Valette eut le commandement en chef et s’empara du bourg de Lingoustre (Jestaz et G.D.U. xixe s.).

Contrairement à la volonté de son père, La Valette n’épousa pas Anne-Marie Martinozzi (v. note [4], lettre 326), nièce de Mazarin, et mourut sans alliance ; la mazarinette finit, quant à elle, par épouser le prince de Conti./p>

Retz (Mémoires, page 621) :

« M. le cardinal […] avait une passion effrénée pour l’alliance de M. de Candale, qui n’avait rien de grand que les canons ; {a} et M. de Candale, dont le génie était au-dessous du médiocre, était gouverné par l’abbé d’Estrées, présentement cardinal, {b} qui a été dès son enfance l’esprit du monde le plus visionnaire et le plus inquiet. Tous ces caractères différents faisaient une espèce de galimatias inexplicable dans les affaires de la Guyenne. »


  1. Les canons en dentelle de sa culotte.

  2. César d’Estrées (1628-1714), évêque-duc de Laon en 1655, cardinal en 1672, était fils du maréchal-duc, François-Annibal (v. note [7], lettre 26).

41.

Journal de la Fronde (volume i, fo 223 ro, 27 mai 1650) :

« M. le Prince n’ayant su que depuis quelques jours que c’était à ses dépens qu’il était nourri dans le Bois de Vincennes, envoya aussitôt une lettre au président de Nesmond qui, suivant sa procuration, a l’administration de ses affaires, par laquelle il lui défendit de donner davantage d’argent pour sa nourriture, ajoutant qu’il s’étonnait fort qu’il l’eût fait jusqu’ici sans son ordre ; que le roi, l’ayant fait arrêter prisonnier, le devait nourrir ; et qu’enfin, il était résolu de mourir de faim dans sa prison plutôt que d’y manger son bien. Suivant cet ordre, ce président fut trouver M. Le Tellier et lui déclara qu’il se garderait bien de donner davantage d’argent pour la nourriture de M. le Prince, le priant d’y donner ordre ; dont M. Le Tellier ayant été avertir la reine, elle répondit que si M. le Prince ne voulait pas manger son bien, qu’il fît comme il l’entendrait, et n’en put tirer aucune satisfaction. Ce président fut trouver M. le duc d’Orléans, auquel il fit voir l’ordre qu’il avait reçu de M. le Prince et lui dit que du moins on ne pouvait pas lui refuser son plat comme grand maître de la Maison du roi, ce qui lui a été ainsi accordé par l’entremise de Son Altesse Royale. Les pourvoyeurs de la Maison de Sa Majesté ayant refusé de lui donner ce plat, y ont été contraints par un arrêt du Conseil ; et ce président attend pour cet effet un ordre que M. de Bar doit faire dresser et signer à M. le Prince et à M. Perrault. Cependant, les officiers qui servent Son Altesse ayant été un jour sans avoir de quoi apprêter pour sa bouche, M. de Bar a été contraint de faire venir des viandes à ses dépens, lesquelles lesdits officiers n’ont pas voulu servir à M. le Prince, disant qu’ils ne pouvaient pas lui administrer en l’état qu’il était, ne les ayant point achetées eux-mêmes ; {a} ce qui obligea M. de Bar à frapper assez rudement celui qui portait la parole, quoiqu’il fût officier de la bouche du roi, et à faire servir M. le Prince par d’autres. »


  1. Sans pouvoir garantir qu’elles n’étaient pas empoisonnées.

42.

Embrun, dans le Dauphiné (Hautes-Alpes), à mi-chemin entre Gap et Briançon, évêché depuis le ive s., avait été érigé en archevêché à la fin du viiie s. Rétrogradé en 1790 pour devenir évêché suffragant d’Aix, le siège d’Embrun a été supprimé en 1802.

Georges d’Aubusson de La Feuillade (1609-Metz 1697) avait été abbé de Solignac (Limousin) puis évêque de Gap (1648), avant d’être sacré archevêque d’Embrun le 11 septembre 1649. Après avoir été envoyé en ambassade à Venise (1651), La Feuillade se rendit à Madrid en qualité d’ambassadeur extraordinaire (1661) et convainquit Philippe iv de réparer l’offense faite par Vateville, son agent à Londres, à l’ambassadeur de France, le comte d’Estrades (v. note [2], lettre 702). De retour en France, La Feuillade devint conseiller d’État et évêque de Metz (1668). Il fut un des plus ardents adversaires de Port-Royal. V. note [10], lettre 19, pour Léonor d’Étampes de Valençay, archevêque de Reims depuis la fin de 1641 (v. note [20], lettre 63).

43.

Journal de la Fronde (volume i, fo 219 ro, 14 mai 1650) :

« Le comte de Coligny {a} s’est jeté dans le château de Montrond peu après l’évasion de Mme la Princesse, avec environ 400 hommes qu’il avait ramassés du régiment de Persan, qui n’a pas voulu passer en Catalogne, et du débris de celui de Bains ; à quoi le comte de Saint-Aignan {b} s’étant voulu opposer, y a perdu 30 ou 40 des siens et a été contraint de se retirer. »


  1. Condéen.

  2. Loyal au roi.

Levé en 1640, le régiment de Persan avait constamment servi sous le duc d’Enghien, devenu prince de Condé. Il était placé sous le commandement de François de Vaudetar, marquis de Persan, fils de Henri de Vaudetar, baron de Persan, et de Louise de L’Hospital, sœur du maréchal. L’emprisonnement de M. le Prince avait mené à l’éparpillement du régiment, mais le marquis resta fidèle à la cause de Condé jusqu’à la paix des Pyrénées.

44.

Les huîtres se consommaient vivantes (à l’écaille) ou en ragoût.

45.

« en sa vive et verte vieillesse d’homme » (Virgile, v. note [6], lettre 97).

46.

Liberté de la langue française dans sa pureté. Par Messre Scipion Dupleix, {a} conseiller du roi en ses Conseils d’État et privé, et historiographe de France. {b}


  1. V. note [9], lettre 12.

  2. Paris, Denis Béchet, 1651, in‑4o de 704 pages ; en sous-titre intérieur : et Discussion des remarques du sieur Vaugelas sur la même langue

Guillaume Dupleix, écuyer et seigneur d’Ausoulès, fils de Scipion et de Marie de Bajolles, était conseiller du roi et président au présidial de Nérac (ville située à une vingtaine de kilomètres au nord de Condom) (Hubert Lamant, Armorial général et nobiliaire français, tome xxii, fascicule 1, page 142).

47.

Claude Favre, seigneur de Vaugelas (Meximieux, Ain, 1585– Paris, 26 février 1650), avait fondé en 1606 avec son père et son ami l’archevêque de Genève, François de Sales, l’Académie florimontane d’Annecy. Le duc de Nemours l’avait ensuite amené à Paris et fait entrer dans les salons cultivés du temps, dont celui de Mme de Rambouillet. Entré à l’Académie française dès sa fondation (1634), il se fit connaître pour ses travaux de linguiste (Remarques sur la langue française, 1647) et se vit confier après maints déboires la principale charge du Dictionnaire, mais mourut avant de l’avoir achevé (v. note [3] du Faux Patiniana II‑7). Il laissait également inédite sa traduction de Quinte-Curce sur laquelle il travaillait depuis près de 30 ans (v. note [41], lettre 286).

48.

Porto-Longone (aujourd’hui Porto Azzuro) était une place forte sur la côte est de l’île d’Elbe, alors possession espagnole (royaume de Naples) occupée par les Français depuis 1646 (v. note [9], lettre 135).

Montglat (Mémoires, page 232) :

« La cour de France était si agitée de factions que la reine, pour y mettre ordre, était contrainte d’employer une grande partie de ses troupes à les réprimer ; et l’argent lui manquant pour en lever de nouvelles, elle ne pouvait avoir d’armée considérable en Italie ni en Catalogne. C’est pourquoi les Espagnols voyant qu’ils avaient si beau jeu, résolurent de ne pas perdre une si belle occasion de reprendre Piombino {a} et Porto Longone. Pour ce sujet, le marquis de Caracène, gouverneur de Milan, ne voulut rien entreprendre de son côté et se tint seulement sur la défensive ; mais le comte d’Ognate, vice-roi de Naples, arma puissamment par mer et par terre, et fut assisté des vice-rois de Sicile et de Sardaigne qui lui envoyèrent du secours ; et ayant équipé beaucoup de vaisseaux et de galères, il se rendit à Gaète, {b} attendant don Juan d’Autriche qui était à Messine d’où il devait amener le reste de l’armée navale. Dès que ce prince fut arrivé, le comte de Conversano partit pour investir Piombino ; et don Dioniso Gusman, mestre de camp général, débarqua dans l’île d’Elbe le 27e de mai où le duc de Turis arriva avec les galères et le secours de Milan.

Le jour même, il investit Porto Longone, et le 31e il ouvrit la tranchée. Le premier juin, don Juan et le comte d’Ognate y arrivèrent, lesquels firent dresser deux batteries pour rompre les défenses ; mais dans la terre ferme, le comte de Conversano ayant commencé l’attaque de Piombino dès le 23e de mai, le battit avec douze pièces de canon et continua jusqu’au 17e de juin, qu’il se rendit maître de la ville ; et les Français s’étant retirés dans le château, se rendirent le 20e à discrétion. Aussitôt, le comte de Conversano mena ses troupes dans l’île d’Elbe au siège de Porto Logone où Noaillac se défendait vigoureusement. Il faisait de grandes sorties, disputait son terrain et regardait le travail des Espagnols le plus qu’il pouvait, particulièrement à un ouvrage à couronne où il les arrêta plus de quinze jours. Et pour mieux exprimer la résistance de ce gouverneur, il n’y a qu’à dire que la tranchée fut ouverte le dernier jour de mai et qu’il se défendit jusqu’au dernier jour de juillet ; et que ne voyant aucune espérance de secours et que l’armée espagnole grossissait tous les jours par les renforts qui lui venaient de Naples, de Sicile et de Sardaigne, et par ceux que le pape envoyait sous main, il capitula et obtint quinze jours pour sortir en cas qu’il ne fût pas secouru ; et ce terme étant passé, il remit sa place le 15e d’août à don Juan et fut conduit en sûreté à Toulon avec sa garnison et deux pièces de canon, après avoir tenu, du jour qu’il fut investi, trois mois. »


  1. V. note [2], lettre 234.

  2. Gaeta, port du Latium (Latina), à 170 kilomètres au sud de Rome.

49.

V. note [36], lettre 224, pour John Selden et sa réponse à Saumaise qui ne fut jamais publiée.

50.

« le premier médecin du roi [François Vautier], parmi les ignorants, comme un âne parmi des singes [v. note [11], lettre 122]. »

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 262, mai 1650) :

« Lundi 23, sur les quatre à cinq heures du matin, le sieur d’Émery, surintendant des finances, est mort de sa longue fièvre automnale de l’an 1649 après avoir été saigné soixante fois, et pris du vin d’antimoine ou émétique pour vomitif cinquante fois. On a brûlé un tableau très grand et beau de nudités ayant coûté quarante mille livres et une tapisserie de Jeanne, reine de Navarre, portant une dérision de la messe et des cérémonies de l’Église catholique. On dit que la veuve dudit sieur d’Émery, du nom de Camus, femme dévote, a brûlé plusieurs autres tableaux de nudités qui valaient plus de dix mille francs. »

51.

« qui ne font rien d’autre que tuer. »

52.

V. notes [5], lettre 205, pour le marquis Charles de La Vieuville, et [12], lettre 172, pour René de Longueil, marquis de Maisons.

53.

Mézières se situe à mi-chemin entre Troyes et Auxerre, à la limite actuelle des départements de l’Aube et de l’Yonne.

54.

Victor Pallu, sieur de Ruau en Touraine (Tours 1604-Port-Royal-des-Champs 22 mai 1650), était frère d’Étienne Pallu, président au présidial et maire de Tours, et d’Anne Pallu, épouse du financier tourangeau Thomas Bonneau (v. note [19], lettre 198). Victor avait étudié la médecine à Paris. En 1628, il avait manqué d’être assassiné dans les Écoles par un bachelier de sa licence nommé Martin, que l’on trouva armé d’un poignard sous sa robe ; on ne sait pour quelle querelle ni pour quelle raison ; il paraît que Pallu n’avait pas de tort car la Faculté ne lui fit aucun reproche et chassa des Écoles celui qui méditait d’être agresseur, et elle porta un décret par lequel elle l’excluait pour toujours de ses bancs (Hazon b).

Reçu docteur régent en 1630, Pallu était devenu médecin de Louis de Bourbon, comte de Soissons, qu’il servit jusqu’à sa mort au combat de La Marfée (près de Sedan, le 6 juillet 1641, v. note [1], lettre 110). Revenu à Paris au printemps de 1643, Pallu avait fait la rencontre de l’abbé de Saint-Cyran, juste libéré de son incarcération à Vincennes, qui mourut entre ses bras (11 octobre 1643).

Acquis à la cause janséniste, Pallu s’était rendu quelques jours plus tard à Port-Royal-des-Champs pour y prendre quelques jours de retraite, mais il s’y fit définitivement solitaire, justifiant son retrait du monde par une lettre publique, datée du 1er novembre 1643 : « Quoi que l’on m’objecte maintenant, je maintiens devant Dieu qu’il m’était impossible de penser sérieusement à une affaire si importante, demeurant dans l’embarras de ma vie ordinaire, au milieu de mes connaissances et de mille occasions dont j’ai trop éprouvé le péril » (Dictionnaire de Port-Royal, page 776). Parmi les quelques écrits médicaux sans grand intérêt de Victor Pallu, Guy Patin a un peu plus tard cité son Stadium medicum… (v. note [15], lettre 234).

55.

Devenue foyer du jansénisme (v. note [50], lettre 101), l’abbaye de Port-Royal était un couvent de religieuses bénédictines fondé en 1209 et établi dans la vallée de Chevreuse, non loin de Versailles. Frappée par la grâce en 1608, la jeune coadjutrice de la petite communauté, Jacqueline-Marie Arnauld, future mère Angélique, s’était consacrée avec succès à y rétablir la stricte application de la règle de saint Benoît : ce fut, de 1609 à 1709 « le siècle d’or de Port-Royal ». Sous l’influence de leur maître spirituel, l’abbé de Saint-Cyran, Jean Duvergier de Hauranne (v. note [2], lettre 94), intime ami de Jansenius, les religieuses avaient adhéré au jansénisme.

En 1625, à cause de l’insalubrité de sa maison de Chevreuse, la communauté, élargie à une cinquantaine de sœurs, était venue s’établir à Paris, dans le faubourg Saint-Jacques (actuelle maternité de Port-Royal dans le xive arrondissement), non loin du Val-de-Grâce.

En 1638, des hommes laïques disciples de Saint-Cyran, les solitaires de Port-Royal, avaient commencé à s’établir dans l’ancien couvent de Chevreuse pour l’assainir, le restaurer et y édifier la ferme des Granges ; ce qui permit à une partie des moniales de revenir s’y installer.

Le monastère était dès lors composé de deux maisons : Port-Royal-des-Champs, dans la vallée de Chevreuse (commune de Magny-les-Hameaux), et Port-Royal-de-la-Ville, à Paris. L’ensemble devint le foyer spirituel d’où rayonna le jansénisme (théologie, instruction des enfants dans les Petites Écoles), jusqu’à en devenir le symbole et le synonyme. L’abbaye accompagna le jansénisme dans toutes ses luttes tourmentées. La maison des Champs fut rasée en 1709 sur l’ordre de Louis xiv.

56.

La pourpre (v. note [5], lettre 23) ou fièvre pourprée (ou pétéchiale, v. note [13], lettre 206) est une forme de fièvre continue, généralement maligne, avec apparition d’un purpura, qui est une rupture des capillaires de la peau avec épanchement de sang dans le derme, qui se résorbe progressivement (ce qui provoque une variation de couleur) : « éruptions sur le cuir semblables à des morsures des puces, ou de punaises, ou de grains de mil, ou de petite vérole. Elles sont rouges, citrines, tannées, violettes, azurées, livides ou noires » (Furetière).

La typhoïde (v. note [1], lettre 717) et le typhus (v. note [28], lettre 172) étaient les principales causes de la pourpre qui s’observait aussi dans quelques autres maladies (dont la peste). Une endémie sévissait peut-être alors à Paris car un peu plus loin dans sa lettre Guy Patin signalait un autre cas de fièvre pourprée chez un médecin, Jean-Baptiste Moreau, fils de René.

57.

Route : « ordres qu’on expédie pour la marche d’un régiment » (Furetière).

Journal de la Fronde (volume i, fos 214 vo, 220 ro, 222 ro, 224 vo, mai 1650) :

« Le 9, les ambassadeurs suisses eurent audience de Leurs Majestés qui les reçurent parfaitement bien et leur témoignèrent être très satisfaites des services que leur Nation avait rendus ; après quoi la reine dit qu’ils n’avaient qu’à faire mettre leurs cahiers entre les mains de M. de Brienne pour les rapporter au Conseil et qu’aussitôt après, on leur donnerait une prompte satisfaction. […]

Le 17, les trois jours que M. le cardinal avait demandés aux ambassadeurs suisses pour trouver les moyens de les satisfaire étant expirés, ceux-ci envoyèrent dire qu’ils étaient résolus de partir le 21 pour s’en retourner suivant les ordres qu’ils en ont, et qu’ils le priaient de faire expédier les routes pour faire retirer les troupes suisses, après avoir fait mettre les armes bas ; sur quoi M. Le Tellier les fut trouver (M. le maréchal de Schomberg n’y ayant pas voulu aller) et les pria de la part de la reine de demeurer encore deux jours, savoir jusqu’à demain {a} au soir ; ce qu’ils lui accordèrent après s’être plaints de ce que, pour satisfaire les Allemands, {b} on avait détourné un fonds qui avait été destiné pour eux. […]

L’après-dînée du même jour, 21, M. Le Tellier fut trouver les ambassadeurs des Suisses et leur offrit de la part de la reine 400 mille livres en bonnes assignations et 200 mille livres en pierreries, ce qui n’est que la même offre qui leur fut faite il y a sept ou huit mois ; et quant au surplus, qui se monte à 3 millions 600 mille livres, < il leur offrit > que le roi s’obligerait de le leur payer après la paix faite et cependant, {c} leur en payerait la rente au denier 18 ; {d} dont ces Messieurs témoignant être fort mal satisfaits après les espérances qu’on leur avait données depuis leur arrivée, lui demandèrent des routes pour faire retirer leurs troupes, lui déclarant que s’il leur refusait, ils seraient obligés de les prendre eux-mêmes. Ils ont depuis sollicité M. de Brienne de leur faire donner leur audience de congé, laquelle a été reculée de jour à autre ; mais ils lui ont déclaré que si on ne la leur donnait dans demain, ils partiraient sans attendre davantage ; et lui laissèrent par écrit ce qu’ils avaient à dire en prenant congé. On cherche tous les moyens possibles pour les satisfaire, mais cela est très difficile à cause qu’ils se tiennent fermes à demander un million d’argent comptant et le reste en bonnes assignations. […]

Les Suisses n’ont point entré en garde aujourd’hui {e} devant le Palais-Royal. Leurs ambassadeurs ont eu cette après-dînée leur audience de la reine et pris congé pour partir demain au matin. Sa Majesté leur a témoigné être bien marrie de n’avoir pu les satisfaire et cependant, les a priés de vouloir continuer l’alliance d’entre la France et les 13 cantons » {f}


  1. Le 18 mai.

  2. Les Weimariens.

  3. En attendant.

  4. Avec 5,6 pour cent d’intérêt.

  5. Le 27 mai.

  6. V. note [7], lettre 233, pour l’arrangement qui permit au gouvernement de sortir de ce mauvais pas avec ses Suisses.

58.

Le marguillier était « celui qui a l’administration des affaires temporelles d’une église, d’une paroisse, qui a soin de la fabrique de l’œuvre [revenu affecté à l’entretien d’une église paroissiale, tant pour les réparations que pour la célébration du service] » (Furetière).

59.

« On dit être encore à l’alphabet, pour dire étudier le petit livre qu’on donne aux enfants pour apprendre les lettres » (Furetière). Littré (DLF) a emprunté les trois derniers vers donnés par Guy Patin pour expliquer lit de parade : « lit élevé sur lequel on expose, après leur mort, les personnages de grande distinction. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 mai 1650

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(Consulté le 24/04/2024)

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