L. 260.  >
À Jean-Baptiste de Salins,
le 28 mars 1651

À Monsieur M. de Salins le jeune, docteur en médecine à Beaune.

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie de l’enquête qu’avez faite touchant Feyneus [2] et ai grand regret que je n’en puis rien apprendre. [1] Ceux de Montpellier [3] mêmes sont aujourd’hui si ignorants et incerti rerum suarum [2] qu’ils n’en savent rien. Son livre n’est point tant mauvais, il est de genere bonorum [3] et passe de quelque chose le meilleur de ceux du commun. Il est vrai qu’il y a trop de fatras et de bagatelles pharmaceutiques, mais c’est le vice du pays et morbus sæculi in quo vixit : πολυφαρμακια morbus est quo laborant potissimum Monspelienses[4] Tout le pays d’Ousias [4] en est entiché (in re verissima liceat mihi uti verbo emphatico) licet multitudo remediorum sit filia et fœtus ignorantiæ[5] Vous êtes bon et sage de vous-même pour vous préserver et garder de telles embûches, outre que vous avez bon conseil en votre famille.

Pour le doute que vous me proposez de Galien, [5] je vous avertis de deux choses : 1. que tout ce traité-là n’est ni ne peut être de lui ; 2. que Galien n’a jamais su (voici un grand mot, ne le dites point à votre curé) ni entendu la nature des médicaments purgatifs[6] Stultissima est et ineptissima divisio medicamentorum purgantium in cholagoga, phlegmagoga, et melanagoga. Quidquid enim pollicetur, totum esse falsum : medicamento non elective trahenti, sed per irritationem commoto et concitato cedit humor sequari natura sua, et paratus ad excretionem ; sic prima proderit alvi recrementa, qua primas vias et intestinorum ductum obturabant ; postea serosi humores effluunt, et qua data porta ruunt ; tandem crassi, viscidi et viscerum ductibus, vel pancreati aut mesenterio impacti humores crassi et mucosi educuntur : et hoc est quod vulgo dicitur des glaires : [7] fatere tamen in toto illo negotio intricatissimo et dificillimo remanere αρρητον τι, et primo intuitu inexplicabile[6] Mais si vous daignez prendre garde à l’opération des dits purgatifs, ou en vous-même, en vous purgeant quelquefois comme vous devez faire, debet enim vir bonus et bonam valetudinem tueri, et intemeratam famam servare (O formose puer, nimium ne crede colori, etc. Speciosa sanitas est suspecta : qui sunt bene colorati debent habere suspecta sua bona)[7][8][9] ou en vos malades lorsque vous les purgerez, comperies esse verissima quæcumque nuper attuli[8] Si bien que omne medicamentum purgans dividi debet in ea quæ vel crassas humores, vel serosas et aquas educunt. In primo genere repono senam, rheum, aloem, syr. de rosis solutivum, si vetus fuerit, imo et agaricum, qui tamen apud nos raro usurpatur, et re vera parum frequenter debet in usum deduci. In secundo repono mel aerium, syr. de rosis solut. recentem, et florib. mali persicæ, scammonium, gummi gutta : ab hoc excludo colocynthidem et stibium, qui sunt mihi venena, nec unquam tibi usurpando, si sapias[9][10][11][12][13][14][15][16][17][18][19] Et voilà une partie de ce qu’en ont pensé de grands hommes, et entre autres feu MM. Simon [20] et Nicolas [21] Piètre, vere heroes ambo, et plane Incomparabiles ; viri mihi felicissimæ memoriæ, et quorum manibus bene precor, ob accurate et generose navatam operam in artis nostræ difficultatibus enodandis, et solvendis controversiis[10] Au reste, pour en savoir davantage, lisez ce qu’en a écrit Gulielmus Puteanus, in libello de medicamentis purgantibus, et Thomas Erastus in libro de occultis pharmacorum potestatibus[11][22][23] qui est in‑4o[24][25]

Au reste, le passage que vous m’alléguez en ce prétendu livre de Galien est vrai, selon l’opinion et les principes du dit Galien. En voici le sens qui se pratique encore tous les jours par ceux qui aliter sentiunt quam Galenus, in ipso negotio : [12] il ne faut point mêler ensemble deux médicaments de différente nature si vous n’en avez quelque indication particulière, comme la rhubarbe, [26] quod lentissime agit[13] avec la scammonée, quod citissime egreditur ; [14] ou ne faut point mêler deux médicaments dont l’un, selon leurs principes, purge la bile [27] et l’autre la pituite, [15][28] s’il n’y a dans le corps ces deux humeurs toutes prêtes à purger ; autrement, vous tourmentez en vain un pauvre malade.

Il y a dans le Guainerius [29] quelque chose de bon, [16] mais je pense que vous ferez encore mieux de lire Houllier [30] en sa Pratique, cum commentariis L. Dureti[17][31] La plupart des flux de ventre [32] se font d’impuretés de la première région [33] cum excessu caloris et intemperie viscerum[18] Il faut premièrement saigner [34] puis purger doucement cum leviter adstringentibus[19][35] ou au moins sans irriter. Vomitus vomitum curat, diarrhea diarrheam[20][36] Pourvu que l’on veuille se servir de ces remèdes généraux à propos, on en viendra à bout. Ayez soin de votre santé, trempez fort votre vin ; [37] ut sis nocte levis, sit tibi cœna brevis ; [21][38][39] étudiez tous les jours trois ou quatre heures, principalement ad auroram[22] et faites votre profit de ce vers en l’appliquant sur vous et à votre profit : [40]

Est Veneri Bacchus, Venus est inimica Minervæ[23][41][42]

Excusez si je suis trop hardi et prenez en bonne part nos petits avis : hoc expressit amor in te meus[24]

Nous faisons toujours ici la garde des portes ; [25][43] nos trois princes [44][45][46] sont en très bonne intelligence avec M. le duc d’Orléans ; [47] le Mazarin [48] est devers Sedan, [49] fort empêché de sa personne et ne sachant où aller ni à qui se commettre. Vix habet unde suum paupertas pascat amorem (per paupertatem, amicorum penuriam in hoc homine intelligo)[26][50] Le pauvre diable commence à sentir sa misère et à voir la faute qu’il a faite de ne point faire provision d’amis. Il est mort depuis peu à La Rochelle [51] un médecin, fort habile homme et un des plus savants de France, nommé M. Chanet. [52] Ne priez point Dieu pour lui, il était huguenot ; [53] mais fort mon ami, aussi bien que M. Rivet [54] qui est mort aussi, en Hollande, âgé de 80 ans, qui avait été professeur du défunt prince d’Orange, [55] le dernier mort. [27] Il est aussi mort à Rouen un ancien médecin nommé M. de Lampérière, [56] licencié de notre Compagnie il y a 55 ans, il a laissé 25 000 livres de rente[28] M. le duc d’Orléans et les autres princes ont accordé avec la reine, [57] que l’Assemblée du Clergé [58] finira, [29] que les députés de la noblesse ne s’assembleront plus ; mais en récompense, que l’on tiendra les états généraux [59] de tout le royaume le 8e de septembre prochain. L’on dit que ce sera à Tours, [60] je pense que c’est à cause que la reine hait Paris ; je crois pourtant qu’à la fin ce sera ici, en cas que le roi, [61] qui alors sera majeur, veuille bien souffrir cette grande assemblée. Je ne puis vous mander autre chose pour le présent. Je vous baise les mains, et à mademoiselle votre femme (aux bonnes grâces de laquelle je vous prie de me mettre), à monsieur votre père [62] et à monsieur votre beau-père, M. Brunet. [30][63] Je vous prie de les assurer de mon très humble service et je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 28e de mars 1651.

On dit que dorénavant les princes s’en vont travailler à faire chasser du Conseil du roi les âmes mazarines et qui y maintiennent encore les intérêts de ce malheureux ministre, tels que sont Le Tellier, [64] Servien, [65] Lionne, [66] et autres.


a.

Ms BnF no 9357, fo 111 ; Chéreau no i (11‑12) ; seule lettre qui nous soit restée de Guy Patin à Jean‑Baptiste ii de Salins, fils de Jean‑Baptiste i et frère aîné de Hugues ii (v. notice biographique des de Salins et note [30], lettre 260).

1.

Ne parvenant pas à obtenir de ses autres correspondants les renseignements qu’il souhaitait sur la date et le lieu de la mort de François Feynes, auteur de la Medicina practica rééditée à Lyon en 1650 par les soins de René Moreau (v. note [12], lettre 252), Guy Patin s’était adressé en vain à Jean-Baptiste de Salins, son ancien étudiant, qui n’en savait pas plus là-dessus que Charles Spon (en dépit de sa lettre à Siméon Courtaud, v. note [11], lettre 235) et André Falconet.

2.

« et imprécis sur leurs propres affaires ».

3.

« de la catégorie des bons ».

4.

« et le mal du siècle où il a vécu : la polypharmacie [polupharmakia] est la maladie dont ceux de Montpellier souffrent plus que tout. »

5.

« (qu’il me soit permis d’insister sur cette profonde vérité) bien que “ la multitude des médicaments soit la fille et l’embryon de l’ignorance ” [Francis Bacon, v. note [23], lettre 601]. »

Pour railler le Midi, le pays d’Ousias rappelle celui d’Adieusias, {a} mais on en trouve une explication différente sous la plume du citoyen Chantreau, « envoyé en commission secrète en 1792, par le ministère des Affaires étrangères, pour visiter les frontières de l’Espagne et s’assurer des dispositions des Catalans sur notre Révolution » : {b}

« Ce qui m’a beaucoup amusé, ce qui a provoqué le rire de nos Français, qui rient de si bon cœur, ce sont les pages des Ousias et leur costume. On donne le titre d’Ousia en Espagne à la noblesse du second rang, c’est-à-dire à tous ceux qui ne sont pas grands d’Espagne ou n’en ont point les prérogatives, et il n’y a point de gentillâtre qui ne prétende à l’Ousia. Le titre est commun au mari et à la femme ; toute dame ainsi titrée ou qui prétend l’être se fait précéder, quand elle sort à pied, par un personnage grotesque qu’elle appelle son page, […]. » {c}


  1. V. note [2], lettre 397.

  2. Lettres écrites de Barcelone à un zélateur de la liberté qui voyage en Allemagne ; Ouvrage dans lequel on donne des détails, 1o. sur l’état dans lequel se trouvaient les frontières d’Espagne en 1792, sur le cordon qu’on y a formé et les préparatifs de guerre qu’on prétend y avoir été faits ; 2o. sur les Émigrés dans ce pays, sur l’accueil qu’il y reçoivent et leurs menées, avec plusieurs anecdotes à ce sujet. Auxquels on a joint quelques réflexions et des détails philosophiques sur les mœurs, usages et opinions des Espagnols, etc. etc. (Paris, Buisson, 1792, in‑8o, pages 180‑181).

  3. Suit la description du pitoyable page.

6.

« La division des médicaments purgatifs en cholagogues, phlegmagogues et mélanagogues {a} est tout à fait insensée et inepte. Quoi que cela promette en effet, c’est complètement faux : l’humeur va à obéir {b} à sa propre nature et se prépare à l’excrétion, non pas en étant tirée par un médicament, mais en ayant été mise en mouvement et emportée par une irritation ; ainsi elle poussera les premiers résidus du ventre qui bouchaient les premiers passages et le canal des intestins ; après quoi, les humeurs séreuses s’écoulent et se ruent par l’issue qui leur est offerte ; tandis que sont rejetées les humeurs épaisses et visqueuses qui sont expulsées par les conduits des viscères, et celles épaisses et muqueuses qui le sont ou par le pancréas, ou par le mésentère ; et c’est là ce qu’on appelle vulgairement des glaires ; avouez cependant qu’en toute cette affaire, extrêmement embrouillée et difficile, demeure quelque chose d’ineffable et qu’on ne peut expliquer de prime abord. »


  1. Médicaments qui purgent respectivement la bile, la pituite et l’atrabile ; v. note [9] de la lettre de Caspar Hofmann, datée du printemps 1646.

  2. Avec sequari pour sequi.

Le passage où Galien commente la distinction des purgatifs entre eux selon l’humeur qu’ils drainent principalement se trouve au chapitre i de son traité De purgantium medicamentorum Facultate [Faculté des médicaments purgatifs] (Kühn, volume 11, pages 325‑326) : il réfute l’idée qu’existe un médicament purgatif universel, considérant que cette qualité appartient à la seule saignée par phlébotomie.

7.

« un homme de bien doit en effet et garder une bonne santé, et se ménager une réputation sans tache (“ Ô bel enfant, ne compte pas trop sur la couleur, etc. ” Une santé éclatante est suspecte : chez ceux qui ont bon teint, il faut tenir ces bonnes apparences pour suspectes) ».

Le début de la parenthèse est un vers de Virgile (Bucoliques, églogue ii, vers 17) ; la fin est un adage de Celse (De la Médecine, livre ii, chapitre 2) :

Ergo si plenior aliquis et speciosior et coloratior factus est, suspecta habere bona sua debet.

[Quand donc quelqu’un a pris plus d’embonpoint, meilleure allure et teint plus coloré, il faut tenir ces bonnes apparences pour suspectes]. {a}


  1. Car elles annoncent une dégradation de la santé.

Guy Patin a ajouté sa parenthèse dans la marge. An speciosa sanitas suspecta ? [Une bonne santé éclatante est-elle suspecte ?] est le titre d’une thèse quodlibétaire disputée par Rémy Levesque le 18 décembre 1625 (président François Boujonnier, conclusion affirmative).

8.

« vous découvrirez que tout ce que je viens de vous rapporter est parfaitement vrai. »

9.

« tout médicament purgatif doit être séparé en ceux qui expulsent les humeurs épaisses, et ceux qui expulsent les humeurs séreuses et les eaux. Dans la première classe je range le séné, la rhubarbe, l’aloès, le sirop solutif [laxatif] de roses, s’il est vieux, mais non pas l’agaric, qui est rarement utilisé chez nous et qu’on doit à vrai dire employer peu fréquemment. Dans le second genre, je classe la manne, le sirop solutif de roses, s’il est récent, le sirop solutif de fleurs de pêcher, la scammonée, la gomme-gutte ; j’en exclus la coloquinte et l’antimoine qui sont pour moi des poisons et que vous ne devez jamais utiliser si vous êtes sage. »

La coloquinte est une plante cucurbitacée dont l’étymologie grecque rappelle la principale propriété : koilia, ventre, et kinein, remuer ; sa pulpe est un violent drastique, même à très petite dose ; à dose plus forte, c’est un poison âcre (Nysten).

Gomme-gutte : « gomme-résine qui, formant avec l’eau une émulsion d’un beau jaune, sert à l’aquarelle. La gomme-gutte est aussi un purgatif drastique » (Littré DLF).

10.

« véritablement héros tous deux, et tout bonnement incomparables : deux hommes qui sont pour moi de la plus heureuse mémoire et dont j’honore bien les mânes pour avoir soigneusement et noblement œuvré à dénouer des difficultés, et dissiper les controverses de notre art. »

11.

« Guillaume Dupuis dans son petit livre sur les médicaments purgatifs [v. note [52], lettre 104] et Thomas Éraste dans son livre sur les pouvoirs occultes des médicaments [v. note [11], lettre 140] ».

12.

« qui sont d’un autre avis que Galien sur cette matière-même. »

13.

« qui agit très lentement ».

14.

« qui passe très vite ».

15.

Avec le sang et les deux biles (jaune et noire), la pituite, ou flegme, assimilée à l’eau, était l’une des quatre humeurs fondamentales du corps. {a} Supposée venue du cerveau, {b} la pituite s’écoulait principalement dans les voies aériennes, provoquant écoulements nasaux et obstructions des bronches ; mais l’imagination fertile des médecins la voyait bien ailleurs dans le corps, la distinguant en salée, vitrée, gypseuse, etc. ; allant même jusqu’à faire de la lymphe une forme de pituite.

L’Encyclopédie a voulu mettre fin aux longs discours :

« Toute humeur amassée dans quelque partie, qui y circule lentement, et qui est d’une couleur pâle, opaque, ou transparente sans force, devenue liquide par un excès de chaleur, et par les fonctions vitales dont le ralentissement lui a donné naissance, incapable d’acquérir de la concrescibilité {c} à l’approche du feu, s’appelle pituite. »


  1. V. note [4], lettre de Jean de Nully, datée du 21 janvier 1656.

  2. Et plus exactement de l’hypophyse, glande placée à la base du cerveau, qu’on appelait naguère la glande pituitaire.

  3. De se solidifier.

« Les corps pituiteux sont froids et mols. L’humeur pituiteuse cause les rhumes. Les pituiteux sont sérieux et propres à l’étude, comme les bilieux à la guerre » (Furetière).

16.

Antonio Guainerio, professeur de l’Université de Pavie, mort en 1440, a laissé une Pratique :

Practica celeberrimi Viri Antonii Guainerii Sapientis medicinæ doctoris clarissimi cum additionibus Ioannis Falconis in Montepellusiano regentis quæ post tractatum de catarro sitæ sunt et omnia opera. De ægritudinibus capitis. De pleuresi. De passionibus stomachi. De fluxibus. De ægritudinis matricis. De ægritudinibus iuncturarum. De calculosa passione. De peste. De venenis. De febribus. De balneis. Antidotarium. Rhazei de Pestilentia.

[Pratique du très célèbre Antonius Guainerius, très brillant docteur de sage médecine, avec les additions de Jean Faucon, {a} régent à Montpellier, qui sont placées après le traité sur le catarrhe et toutes les œuvres : Maladies de la tête ; Pleurésie ; Douleurs d’estomac ; Flux ; Maladies de la matrice ; Maladies des jointures ; Douleur lithiasique ; Peste ; Poisons ; Fièvres, Bains ; Antidotaire ; Pestilence de Rhazès]. {b}


  1. V. note [57], lettre 104.

  2. Lyon, Constantin Fradin, 1517, in‑8o de 294 feuillets.

17.

« avec les commentaires de Louis Duret » (v. note [9], lettre 131).

18.

« avec excès de chaleur et intempérie des viscères. » La première des trois régions du corps était la tête (v. note [8], lettre 172).

19.

« avec des astringents [v. note [30], lettre 222] légers ».

20.

« le vomissement guérit le vomissement, et la diarrhée guérit la diarrhée. » Cet axiome (Vomitu vomitus curatur) vient d’Hippocrate (Des Lieux dans l’homme, § 42 ; Littré Hip, volume 6>, page 337) :

« La fièvre est supprimée par ce qui l’a produit, et produite par ce qui la supprime. Autre exemple : si, à un homme qui vomit, on donne à boire de l’eau en abondance, on le débarrasse, avec le vomissement, de ce qui le fait vomir ; de la sorte, vomir enlève le vomissement [μεν δια το εμεειν ο εμετος παυεται]. Mais si on l’arrête directement, c’est qu’on fera passer par le bas une partie de ce qui, étant dans le corps, cause le vomissement. Ainsi, de deux façons contraires, la santé se rétablit. Et s’il en était de même dans tous les cas, la chose serait entendue, et l’on traiterait tantôt par les contraires suivant la nature et l’origine de la maladie, tantôt par les semblables suivant encore la nature et l’origine de la maladie. »

C’est le principe douteux des similia similibus curantur [on guérit les semblables par les semblables] qui fonda, dit-on, l’homéopathie, en s’opposant au principe des contraria contrariis curantur [on guérit les contraires par les contraires] (allopathie).

21.

« Pour être léger la nuit, que ton souper soit bref » : précepte de l’École de Salerne, v. note [88] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.

22.

« au lever du jour ».

23.

« Bacchus et ennemi de Vénus, et Vénus, ennemie de Minerve. » Guy Patin a plus loin attribué ce vers à Guillaume Du Val (v. note [19], lettre 401).

V. note [13], lettre 6, pour Minerve, déesse de la sagesse, et notule {a}, note [2], lettre latine 365, pour Vénus, déesse de l’amour.

Bacchus est le dieu romain (Dionysos des Grecs) qui naquit de la cuisse de Jupiter : il était le fruit de ses amours avec Sémélé ; mal conseillée par la jalouse Junon, Sémélé, enceinte, pria son amant de venir la voir « dans tout l’appareil de sa gloire. Jupiter résista longtemps, céda enfin aux sollicitations de celle qu’il aimait, et reparut bientôt au milieu des foudres et des éclairs. Le palais s’embrasa et Sémélé, victime de son indiscrétion, périt au milieu des flammes. Jupiter en fit retirer Bacchus par Vulcain. Macris, fille d’Aristée reçut l’enfant dans ses bras et le donna à son père, qui le mit dans sa cuisse, où il le fit coudre par Sabazins, et où il le garda le reste des neuf mois » (Fr. Noël). Établi en Égypte, Bacchus enseigna l’agriculture aux mortels, planta la vigne et fut adoré comme le dieu du raisin et du vin.

24.

« ça n’a été que l’expression de mon affection pour vous. »

25.

V. note [3], lettre 259, pour la garde des portes de Paris en vue d’empêcher la reine et le roi d’en sortir. Les membres de la Faculté étant exemptés de cette astreinte, le Nous qu’employait Guy Patin s’appliquait donc ici en général aux habitants de Paris.

26.

« La pauvreté peine à nourrir l’amour {a} (par pauvreté, j’entends le manque d’amis dont souffre cet homme). » {b}


  1. Ovide, Les Remèdes à l’amour, vers 749, avec Non [La pauvreté ne nourrit pas…] au lieu de Vix [La pauvreté peine à nourrir…].

  2. La parenthèse est un ajout de Guy Patin dans la marge.

27.

V. notes [2], lettre 86, pour Pierre Chanet, [25], lettre 79, pour André Rivet et [7], lettre 250, pour la mort de Guillaume ii de Nassau, prince d’Orange.

28.

Jean de Lampérière, natif de Vernon en Normandie (Eure), avait été reçu licencié de la Faculté de médecine de Paris en 1598 sans y avoir poursuivi jusqu’au doctorat (Baron). Installé à Rouen, il avait publié un :

Traité de la peste, de ses causes et de sa cure. Avec les moyens de s’en préserver et ses controverses sur ce sujet. Divisé en deux parties… {a}

Son confrère David Jouyse l’avait blâmé dans son :

Examen du livre de Lampérière sur le sujet de la Ppeste. Avec un bref et fidèle discours de la Préservation et Cure de la Maladie, suivi d’un avertissement adressé à Lampérière. Ouvrage autant enrichi de la Sagesse des Cabalistes et Philosophes Hermétiques, que de la doctrine reçue au Lycée. Auquel Lampérière est invité de répondre, ou obligé d’avouer que osn livre est suffisamment convaincu d’erreur. Par Davis Juyse Docteur en Médecine, et ci-devant employé à la cure des maladies de Contagion en la ville de Rouen. {b}

À quoi Lampérière avait riposté par :

L’Ombre de Nécrophore vivant, chartier de l’hôtel-Dieu. {c} Au sieur Jouyse, médecin déserteur de la Peste. Sur la Sagesse de sa Cabale, et autres Grippes de son Examen.


  1. Rouen, David du petit Val, 1620, in‑8o de 421 pages.

  2. Rouen, David Geuffroy, 1622, in‑8o de 325 pages.

  3. Le prélude intitulé L’Ombre au Lecteur explique ce titre :

    « Je t’arrête (Lecteur) à l’entrée de ce discours pour te dire que je viens exprès du séjour des ombres, pour le service de la vérité […]. »

    Le Nécrophore (porteur de mort) désigne Jouyse, que l’Ombre dit être décédé depuis la parution de son livre.

  4. Rouen, David Ferrant, 1622, in‑8o de 295 pages, avec en sous-titre, cette sentence d’Hésiode :

    Tandem sua Pœna nocentem
    Consequitur : Passusque sapit tum denique stultus
    .

    [Le châtiment finit par rattraper le malfaisant ; et quand il la subie, voilà le fou qui devient sage].

    1. Malo accepto stultus sapit [Le mal qu’on lui inflige assagit le fou] est l’adage no 31 d’Érasme.

29.

Le 18 mars, la reine avait envoyé dire au Clergé de mettre fin à son Assemblée. Le 20 (Journal de la Fronde, volume i, fo 395 ro) :

« le Clergé s’assembla pour délibérer sur la réponse qu’il ferait à la reine […] ; mais il n’y eut rien de résolu parce que des 15 provinces, il y en eut sept qui étaient d’avis de continuer l’Assemblée et sept autres de la finir, suivant le désir de la reine ; et la 15e fut caduque. {a} Ils furent partagés de même si on insisterait à demander les états généraux devant la majorité du roi, ou non. »


  1. S’abstint.

30.

Ce détail identifie le destinataire de la lettre comme étant Jean-Baptiste de Salins, fils aîné de Hugues i, car son frère puîné, Hugues ii, s’est marié en 1654-1655 avec une nommée Marguerite Bonamour (v. note [16], lettre 401). En outre, Hugues ii, alors âgé de 18 ans, n’était pas encore médecin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Jean-Baptiste de Salins, le 28 mars 1651

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(Consulté le 19/04/2024)

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