L. 268.  >
À André Falconet,
le 4 octobre 1651

Monsieur, [a][1]

Voilà le meilleur et le plus intime ami que j’aie de deçà, que je vous adresse, qui est M. Séguy, [2] natif de Villefranche en Rouergue, [1][3] que je connais depuis 16 ans qu’il a toujours ici étudié dans la plus pure médecine. Je suis ravi que, passant par Lyon pour aller faire un tour en son pays, il puisse avoir l’honneur de vous voir et de vous saluer. Ce lui est un grand avantage, en chemin faisant, d’avoir ce bonheur de connaître et de parler à un homme de votre mérite. Je voudrais bien que pareille commodité se présentât pour moi. Quanti complexus, quæ gaudia ! [2][4] mais heu me miserum ! [3][5] J’ai montré à M. Séguy votre livre d’Avignon et le beau passage de la politique des juifs provençaux, laquelle s’y est fort bien pratiquée depuis ce temps-là jusqu’au présent, principalement dans Aix à cause du parlement[6] et dans Marseille [7] à cause du commerce et des marchands forains qui y abordent à toute heure. [4][8][9] Pour M. Séguy, mon bon ami, je vous le recommande très précisément, et de meliore nota ; velim quoque faciat ut intelligas meam commendationem tibi fuisse gratissimam[5] Il est fort honnête homme et fort discret. Excusez tant d’importunité que je vous donne. Je vous baise les mains, et à M. de Label, avec dessein d’être toute ma vie, Monsieur, votre, etc.

De Paris, ce 4e d’octobre 1651.


a.

Bulderen, no lxii (tome i, pages 182‑183) ; Reveillé-Parise, no cccxcix (tome ii, pages 596).

1.

Villefranche-de-Rouergue, au confluent de l’Alzou et de l’Aveyron, 53 kilomètres à l’Ouest de Rodez, était la capitale de la basse Marche de Rouergue. Je n’ai trouvé aucun renseignement supplémentaire sur ce Séguy pour qui Guy Patin écrivait cette courte lettre de recommandation à André Falconet ; il n’était docteur ni de Paris (Baron), ni de Montpellier (Dulieu).

2.

« Que d’embrassades, que de joie ce seraient alors ! » O qui complexus et gaudia quanta fuerunt ! (Horace, v. note [2], lettre 217).

3.

« hélas, malheureux que je suis [de ne pouvoir faire ce voyage] ! »

4.

La royale Couronne des rois d’Arles. Enrichie de l’histoire des empereurs romains, des rois des Goths et des rois de France qui ont résidé dans son enclos, de l’état de sa république, de sa subjection aux comtes de Provence, et du bonheur que ses concitoyens ont d’être retournés sous l’obéissance du roi très-chrétien. Œuvre très curieuse, émaillée des plus belles antiquités qu’on a pu tirer des excellents cabinets de ce temps. Dédiée à Messieurs les consuls et gouverneurs de la ville et cité dudit Arles. Par M. I. Bovis, {a} prêtre. {b}


  1. Jean ou Jean-Baptiste Bovis (ou Bouis) est aussi auteur (à plus grand succès) de :

    La Chaire des Curés. Ou la vraie Méthode de bien annoncer les Fêtes aux Églises Parochiales. {i} Œuvre très utile pour ceux qui sont obligés de faire le Prône, exhorter les Malades, publier les Monitoires, {ii} et fulminer les Excommunications. Augmentée et corrigée en cette quatrième Édition, de plus d’un tiers, par son Auteur. {iii}

    1. Paroissiales.

    2. V. note [17], lettre 398.

    3. Lyon, Benoît Coral, 1649, in‑8o de 470 pages ; plusieurs rééditions ultérieures.
  2. Avignon, Jacques Bramereau, 1641, in‑4o de 565 pages.

Le passage dont parlait Guy Patin se trouve le troisième chapitre de la quatrième partie (pages 474‑475), Charles viii son fils [le fils de Louis xi] conquit Naples et la Sicile ; chassa les juifs d’Arles et de Provence ; et des reliques de saint Antoine :

« Les consuls d’Arles entendaient les plaintes que tous les habitants faisaient contre les perfides juifs qui habitaient dans la ville à cause des usures qu’ils commettaient, car Arles, qui est une ville de ménagerie {a} sujette à la bonne ou mauvaise saison, les juifs se servant de l’occasion, offraient de l’argent à l’usure aux habitants d’Arles, ce qui leur causait le sommeil d’une vaine espérance de pouvoir supporter telle tyrannie ; mais cela était la perte de toutes leurs commodités. Et comme dans Rome les usures furent la cause de sédition, ainsi que l’assure Tacite, aussi dans Arles le peuple s’était si fort ému qu’on eut beaucoup de la peine d’éviter que tous les juifs ne fussent jetés dans le Rhône ; de quoi le roi Charles {b} averti et désirant de capter toujours mieux le cœur des habitants d’Arles, chassa par son édit cette maudite race de la ville et de son terroir, l’an 1493. » {c}


  1. Marché agricole.

  2. Charles viii.

  3. V. note [9], lettre 273, pour la suite.

5.

« et de la meilleure façon ; je voudrais bien qu’il fasse en sorte que vous considériez ma recommandation comme très gratifiante pour vous. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 4 octobre 1651

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0268

(Consulté le 28/03/2024)

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