L. 280.  >
À Charles Spon,
le 30 janvier 1652

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière du mardi 16e de janvier, dans laquelle j’en avais enfermé une autre pour M. Ravaud, [2] je vous dirai que le vendredi 19e de janvier, M. Huguetan [3] l’avocat m’a fait l’honneur de me visiter céans et m’y a amené un honnête homme nommé M. Seignoret [4] qui m’a présenté une lettre de votre part, et comme votre beau-frère ; c’est un brave homme à qui j’ai bien de l’obligation, et à vous aussi de me donner de telles connaissances. Nous nous sommes un peu entretenus ensemble, et ai fort bien goûté et approuvé son esprit ; je vous tiens bien heureux d’avoir des parents si bien faits. [1] Pour réponse à la vôtre, je vous dirai que M. Dupuy [5] qui mourut dernièrement est celui à qui M. Ménage [6] a dédié ses Origines de la langue française ; ledit Ménage s’en va faire imprimer un recueil de vers qu’il a faits par ci-devant en diverses occasions. [2][7] J’apprends que l’on imprime une harangue funèbre en l’honneur de feu M. Dupuy l’aîné. [3] Le jeune Chartier [8][9] ne me fait point peur. Quand il plaira à Dieu que nous pourrons avoir audience, je suis assuré de l’emporter. Le grand Guénault, [10] qui fait semblant de le favoriser un peu et qui néanmoins désapprouve fort son livre, m’a dit que Chartier avait été mal conseillé ; je lui dis que j’étais prêt de gager 1 000 écus que je gagnerais tout du long ; il me dit qu’il n’eût pas voulu y gager 5 sols et qu’il avait trop affaire d’argent : semper avarus eget[4][11] Le jeune Chartier fuit, se doutant bien qu’il sera condamné ; et moi, je n’ai point grand soin de le poursuivre parmi tant de fêtes ni d’assemblées du Parlement, vu qu’il est chassé de nos Écoles et qu’il ne jouit de rien ; [12] et n’en jouira jamais s’il ne se vient soumettre aux lois de notre discipline ; autrement, il ne sera point remis en son ordre dont il est déchu ; le revenu n’en est pas grand, mais il en a grand besoin, il est bien sec et bien mal chaussé. J’ai fait aujourd’hui vos recommandations à notre commun ami M. Moreau, [13] qui vous remercie. Nous étions ensemble en consultation [14][15] pour la femme d’un trésorier de l’Extraordinaire des guerres [16] quæ laborat quartana[5][17] Il dit qu’il tâchera de vous écrire bientôt. Je ne pense point que vous me deviez les 8 livres 5 sols que vous dites pour les trois exemplaires des Institutions de M. Hofmann [18] envoyés à M. Volckamer, [6][19] car comme il les a reçus et vous les a payés, je n’en dois faire aucun compte avec lui ; ce qu’autrement j’eusse fait. J’attends un petit paquet qui me vient de sa part par Hambourg ; [20] quand je l’aurai reçu, je compterai avec lui, il me devra encore de reste. La première fois que M. Du Prat [21] viendra céans, je compterai avec lui de ce que je vous dois en y acquittant les 6 livres que vous me mandez pour les deux livres du P. Théophile Raynaud [22] et la lettre de M. Musnier, [23] dont je vous remercie bien humblement. Je vous prie de dire à M. Rigaud [24] que je lui baise très humblement les mains et que je le supplie d’adjoindre à votre petit paquet le Petrarcha redivivus Tomasini[7][25][26] et les autres livres qu’il m’a promis de Genève et d’Yverdon, [27] dont je vous ai fait mention dans ma dernière. J’ai assurance que dans le manuscrit de Humoribus qui est entre les mains de M. Rigaud, il y a quelque chose d’atroce contre Fernel, [8][28] que je vous prie de voir et d’effacer avant que le compositeur y travaille ; mais de l’effacer simplement afin que je le puisse lire et reconnaître, quand la vieille copie m’aura été rendue, comme ledit M. Rigaud s’y est obligé et me l’a promis. Il s’est trompé lorsqu’il vous a dit que j’étais veuf : j’ai encore ma femme, [29] Dieu merci, et espère de mourir devant elle, comme plus vieux qu’elle de six ans. La cause de la tromperie, c’est qu’il ne l’a point vue céans quand il y est venu cet été ; elle était à notre maison des champs, [30] à quatre petites lieues d’ici, où elle faisait travailler à beaucoup de choses qui avaient besoin de réparation. J’ai acheté cette maison 15 000 livres ou au moins, en ai traité avec mes deux beaux-frères comme d’une pièce de la succession de défunt mon beau-père, [31] lequel mourut il y a un an ; la belle-mère [32] était morte sept mois auparavant. Comme cette maison appartenait à de bonnes gens fort vieux, uterque superabat annum ætatis 80[9] nous y avons trouvé beaucoup de choses à refaire. Il est arrivé que, comme ma femme s’y plaît fort, tant pour le bon air qu’il y a que pour l’abondance du fruit qui y a été l’an passé, elle n’a guère été ici. Et le deuil qu’il m’a vu porter, et que je suis prêt de quitter, ne vient que ex obitu socrus et soceri[10] Notre dite maison est à Cormeilles, une lieue par delà Argenteuil, [33] sur la côte de la montagne qui fait le chemin de Rouen. [11] Mes vignes mêmes vont jusque sur la montagne. Le vin [34] y est fort bon, nous y avons eu sept muids de vin l’an passé, [35] dont j’en ai vendu 100 écus les cinq, pris sur le chantier ; est vinum generosum[12] nous avons gardé les deux autres pour nous. De notre fenêtre je vois 30 lieues de pays. Matthieu de Mourgues, sieur de Saint-Germain, [36] qui a tant écrit contre le cardinal de Richelieu [37] pour la feu reine mère, [13][38] la voudrait bien avoir et m’en a offert 16 000 livres, mais je ne la veux point vendre ; non pas qu’elle me serve, mais à cause de ma femme qui s’y plaît fort et qui prend plaisir d’en avoir soin. Pour moi, je n’ai point loisir d’y aller et même depuis un an, je n’y ai été que trois fois. Mes quatre garçons [39] sont ravis d’y être et d’y chasser, même je leur en ai obtenu une permission. [14] Je pense que vous voilà éclairci de ce que M. Rigaud ne savait point.

Pour les veines lactées [40] de l’anatomie du chien, je ne sais ce que c’est ; [41] mais je sais bien que M. Riolan [42] n’est point de l’avis de ce Pecquet [43][44][45] et qu’il a un traité tout à fait contre lui. [15][46] M. Riolan m’a dit qu’on lui a montré deux petits conduits, mais que ces démonstrateurs ne savent point leur usage ni ce qu’ils montrent, et même qu’ils n’entendent point ce qu’ils disent. [16] M. Gontier [47] a mandé à mon fils aîné [48] qu’il avait eu le bonheur de vous voir à Lyon, il nous écrit assez souvent. On me vient d’apprendre deux choses qu’il faut que je vous communique : la première est que l’on imprime à Orléans [49] le commentaire de Vallesius [50] sur les Épidémies d’Hippocrate ; [17][51][52] et < la seconde > que M. le garde des sceaux, Molé, qui est notre premier président[53] a donné charge à M. Rigault, [54] qui est un des plus savants hommes de l’Europe, doyen des conseillers du parlement à Metz [55] qui est de présent transféré à Toul [56] en Lorraine, [18] d’écrire la vie de feu M. Dupuy l’aîné [57] qui était leur bon ami à tous deux, et même à tout le monde, tant il était honnête homme. Je souhaiterais fort de voir la vie de ce très digne personnage d’une si bonne main. Ce M. Rigault est celui qui nous a par ci-devant donné Phædri fabulas Æsopias[58][59] le Tertullien[60] cum notis, le Saint Cyprien[61] cum notis, un Horace[62] un Juvénal, etc. [19] On nous promet aussi la vie de Tycho Brahe [63] et de Galileo Galilei, [64] faites par M. Gassendi. [20][65] Tout cela sera infailliblement bon, bonne marchandise qui vient de bonnes mains ; et encore meilleur sera l’auteur même lorsqu’il sera arrivé ici et qu’il nous donnera ses traités de physique.

Ce 23e de janvier. On m’a aujourd’hui appris que la reine [66] avait envoyé à M. de Chavigny [67] un commandement d’aller à la cour pour tenir sa place dans le Conseil du roi à Poitiers ; [68] à quoi il n’obéira point, il est ici un des arcs-boutants du Conseil du duc d’Orléans. [21][69] On dit ici que ce prince, qui est naturellement doux et lent, se va remuer tout de bon, qu’il s’en va faire un grand armement et lever beaucoup de monde pour faire une armée de son côté, pour aider à M. le Prince [70] et s’opposer aux entreprises de la reine et du Mazarin, [71] que l’on croit devoir arriver jeudi prochain, 25e de ce mois, à Poitiers. [22] De là vient qu’on dit ici ioculariter [23] que ce jour-là le fort de Sainte-Anne sera ravitaillé, mais c’est une sainte qui n’a point encore fait de miracle et qui ne prend point le chemin d’en faire si tôt ; je crois même qu’elle n’en fera jamais, et principalement en faveur des Parisiens qu’elle a voulu et tâché de faire mourir de faim, et qu’elle hait plus que la peste, combien que l’on n’y haïsse que son Mazarin. M. Riolan a été ici fort incommodé de son asthme [72] depuis un mois à cause des grandes gelées ; il dit que le grand froid le tuera, absit[24] Je le visitai hier, il me montra quantité de petits traités qu’il s’en va faire imprimer in‑4o à cause de quelques figures de vaisseaux en taille de bois qu’il y veut faire mettre. [25]

La vente de la bibliothèque [73][74] continue toujours. Les curieux y courent et n’en achètent guère < de peur > qu’ils n’y soient trompés ; d’autant que les libraires, qui y vont en grande foule pour en acheter, prennent les meilleurs pour eux, par l’intelligence qu’ils ont avec les trois députés qui les vendent ; [26] ils ont fait une cabale de 40 qui en achètent rudement et ont loué une grande salle dans laquelle ils les ont étalés pour les revendre, ce qu’ils font aussi tous les jours près du Palais et où, tous les jours pareillement, grand nombre de curieux se transportent qui en achètent.

Ce 24e de janvier. Le Parlement avait envoyé ses députés à la reine et au roi [75] pour leur faire des remontrances contre le retour du Mazarin. Le chef de la députation était M. le président de Bellièvre [76] accompagné de quelques conseillers, qui y sont allés, y ont été fort patiemment ouïs, et puis renvoyés fort honnêtement et fort civilement, mais sans avoir rien avancé. Lesdits députés par la bouche de leur président ont aujourd’hui rendu compte de leur députation dans la Grand’Chambre, où ils ont fait connaître le crédit que le Mazarin a très grand à Poitiers et dans le Conseil de la reine ; [27] aussi est-ce aujourd’hui que se doivent faire les noces à Poitiers et que ce rouge tyran y arrive.

Aujourd’hui 26e de janvier, j’ai rendu mes comptes à l’École des affaires de notre Faculté, de tout ce qui s’y est passé durant mon premier décanat [77] et de tout l’argent que j’y ai manié tant en recettes qu’en dépenses. On m’a fait la grâce de me croire et de m’allouer tous mes articles de dépenses sans en contrôler aucun ; et m’a été ordonné amplissimum honorarium[28] lequel va à près de 100 écus, et quale nulli cuiquam Decanorum antehac decretum fuit[29] J’ai obligation à notre Compagnie d’avoir eu agréables mes soins et mes travaux, comme aussi de m’en témoigner par sa libéralité une si belle reconnaissance, laquelle même sera très honorable à ma famille et à ma postérité si j’en ai quelque jour dans notre Faculté, comme j’y en ai, Dieu merci, un bon commencement par mon fils aîné, [78] qui y est aimé et qui quelque jour apparemment y aura du crédit, comme j’en ai eu, pour un homme de ma sorte, autant que pas un. Det Dominus meliora, et quod est apud Sallustium, ei benefacere ex consuetudine in naturam vertat : quod equidem cum multo et spero et opto[30][79] Dieu nous fasse la grâce de le voir, et à vous et à moi.

Après que Messieurs les députés eussent rendu compte au Parlement de leur voyage de Poitiers, il se trouva beaucoup de matière sur laquelle il fallait délibérer : cela fut cause que M. le duc d’Orléans fit remettre les avis au lendemain ; si bien qu’hier, toutes les Chambres assemblées, il fut ordonné que sans aucune modification, les arrêts donnés contre le Mazarin, seraient exécutés ; que la requête présentée à la Cour par Messieurs du parlement de Rennes serait entérinée et enregistrée ; [80] que M. le maréchal de La Meilleraye [81] ne pourrait jamais être reçu duc et pair, que premièrement, il n’eût satisfait au parlement de Rennes (contre lequel il a grosse querelle) ; [31] que l’on ne recevra plus dorénavant ni duc et pair, ni maréchal de France, que le Mazarin ne soit hors du royaume ; que l’on fera de nouvelles remontrances au roi, mais par écrit, contre le Mazarin, et qu’elles seront envoyées à tous les parlements du royaume avec prière de se joindre au Parlement de Paris contre le Mazarin, etc. [32] Le comte de Fiesque [82] est ici arrivé de la part du prince de Condé, qui a apporté un accord signé du dit prince, de son frère le prince de Conti [83] et de leur sœur Mme de Longueville. [33][84] Le duc et la duchesse d’Orléans [85] l’ont signé, M. de Nemours [86] et M. de Beaufort. [87] Le coadjuteur [88] ne l’a point signé, le prince de Condé l’ayant ainsi requis pour être son ennemi. [34] Pour M. de Longueville, [89] il ne l’a point encore signé et ne sait-on ce qu’il fera. Il marchande d’avoir Le Havre-de-Grâce. [35][90] Si la reine < le > lui accordait, ou quelque chose de pareil, il pourrait être du côté du Mazarin. Néanmoins, il est fort son ennemi en particulier ; aussi est-il fort mal avec sa femme qui est à Bordeaux avec les deux princes ses frères ; si bien que nondum liquet, et amplius deliberandum censet[36][91] On dit aussi que le duc de Lorraine, [92] frère de Mme la duchesse d’Orléans, sera de la partie et qu’il enverra 6 000 hommes (ou amènera), dont il y a 3 000 chevaux qui sont les meilleures troupes de l’Europe ; et que pour le faire entrer dans ce parti, on lui baille, pour assurance (que la paix ne se fera point sans lui faire rendre son pays de Lorraine), [93] Clermont [94] et Stenay. [95] M. Chabot, duc de Rohan, [96] gouverneur d’Angers, [37][97] est aussi de ce parti et y a fait résoudre la ville d’Angers [98] malgré le présidial, et a surpris les Ponts-de-Cé [99] où il a mis garnison par-dessus M. de Bautru [100] qui en est le gouverneur, et un des plus dangereux mazarins. [38] La nouvelle que ceux de Poitiers ont fait courir de la défaite de M. le Prince est très fausse : il n’y en a point eu, il a fait passer son armée vers la Dordogne et Bordeaux. [39] Il court ici des vers latins contre le Mazarin sous ombre de sa bibliothèque. On ne les fait voir qu’en cachette, je vous en envoie une copie que l’auteur m’a donnée lui-même et qui est ici assez peu connu. Il est mon ami et je le nommerai à mon bon ami de Lyon : c’est M. François Ogier, [101] autrement dit M. Ogier le prédicateur, duquel on imprime ici un tome de sermons en français qui seront fort éloquents ; c’est lui qui fit une si belle harangue funèbre au feu roi Louis xiii[40][102] Je vous le nomme et néanmoins je vous prie de ne le nommer à personne. Si vous vous souvenez du lieu où vous vîtes l’été passé quelques exemplaires de ce livre imprimé à Avignon intitulé la Couronne royale des rois d’Arles, etc., in‑4o[41][103] faites-moi la faveur de m’en acheter deux, en blanc ou reliés, il n’importe ; j’en ai besoin, je vous rendrai l’argent.

Je reçus hier une lettre de M. Ravaud, je l’en remercierai par ci-après. En attendant cette commodité, je le prie de nous faire venir de Milan Consilia medica Septalii [104] (M. Moreau, qui vous baise les mains, en prendra autant pour lui). De plus, je le prie de retenir pour moi Rerum Germanicarum Lotichii[105] les deux volumes, Historia Mexicana[42][106] Benedicti Consilia Medica (habeo eius Epistolas), [43][107] Zacchias de morbis hypochondriorum[44][108][109] Pour Vitæ di Pittori[110] je pense que ce sont des tailles-douces et que cela est trop cher ; faites-moi la faveur de me mander de quel prix est celui-là et s’il n’est point en deux volumes in‑4o[45] Faites-moi aussi la faveur de l’assurer que je suis son très humble serviteur et que je paierai ici le prix des dits livres à qui il me l’ordonnera. Je vous baise les mains de tout mon cœur, et à mademoiselle votre femme, pour être toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 30e de janvier 1652.

Monsieur,

Depuis ma grande lettre écrite, j’apprends que le roi des partisans est ici mort, qui est Montauron, [111] et qu’il a été enterré dans Saint-Gervais comme un prince. [46][112] Avoir été partisan et avoir encore tant de chandelles et tant de torches après sa mort, n’est-ce point se faire canoniser de bonne heure ? Sic itur ad astra[47][113] au dire des moines, [114] pourvu qu’on mette quelque chose en leur besace ; mais il n’importe, à cela près, en fût-il autant arrivé au roi des favoris qui s’est par quelques jours reposé à Loches [115] où il a été saigné deux fois, purgé [116] et baigné. Vous savez bien où va ce mystère, c’est pour le rafraîchir et quo sit valentior[48] et après il s’en ira gai à Poitiers où il sera reçu mystiquement. Quanti complexus, quæ gaudia, quanta futura ! [49][117] Fût-il à tous les diables, le bourreau, ou bien en paradis, si telles gens que lui y vont : sit Divus modo non vivus[50][118][119] On dit que l’abbé Fouquet [120] sera évêque de Poitiers, [51] il est frère de notre procureur général [121] et de l’évêque d’Agde ; [52][122][123][124] que M. l’évêque de Bayeux, [125][126] fils du premier président, [127] garde des sceaux, sera archevêque de Toulouse [128] et que son fils aîné, nommé Champlâtreux, [129] a la survivance de la charge de premier président après son père : [53] voilà la trahison récompensée, Vendidit hic auro patriam, dominumque potentem imposuit[54][130] On dit ici que l’on lève des troupes en Languedoc pour le duc d’Orléans, les régiments qu’il avait devers Montargis [131] marchent, s’en vont à Montrond en Berry [132] pour en chasser le comte de Palluau [133] qui y a mis le blocus. Trois régiments allemands de cavalerie, qui étaient vers Amiens [134] et qui ont quitté le parti du Mazarin, suivent la même route afin de chasser de là le comte de Palluau. Ils ont passé Étampes, [135] on les fait tous passer par Gien [136] afin que cette petite ville sur < la > Loire [137] se souvienne d’avoir laissé passer le Mazarin. On ne sait point encore si le duc de Lorraine se déclarera ; mais au moins, on tient qu’il donnera des troupes à son beau-frère le duc d’Orléans. On en dit autant de M. de Longueville. Le comte d’Harcourt [138] met ses troupes en garnison, comme a fait le prince de Condé, et s’en vient à la cour y voir et saluer le rappelé, fritillum fortunæ, [55] le veau d’or du malheureux siècle auquel Dieu nous a réservés. Vale amicorum mellitissime et suavissime, et me amantem ex animo redama. Tuus aere et libra,

Guido Patinus[56]

De Paris, ce mardi 30e de janvier 1652, à neuf heures du soir.

Je vous adresse un petit mot pour M. Falconet, faites-moi la faveur de lui envoyer et de lui faire part de mes nouvelles tant que vous le jugerez à propos. Je baise les mains à notre bon ami M. Gras et à M. Garnier.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fos 19‑20 et 21 pour le post‑scriptum, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon. » ; Jestaz nos 62 et 63 (tome ii, pages 827‑839). Note de Charles Spon au revers de l’enveloppe : « 1652/ Paris 30 janvier/ Lyon 4 févr./ Risposta/ Adi 15/ mars. »

Le post‑scriptum (dont Jestaz a fait une lettre à part) se retrouve fort tronqué dans la première partie d’une lettre fabriquée dans les vieilles éditions, datée du 30 janvier 1652 : à Spon dans Du Four (édition princeps, 1683), no xxxviii (pages 132‑133), et Bulderen (tome i, no lvi pages 193‑194), mais à André Falconet dans Reveillé‑Parise, no cccciii (tome ii, pages 603‑604) (vlettre précédente, no 279).

1.

Charles Spon était marié depuis 1643 à Marie, fille de Jacques Seignoret (v. note [3], lettre 94). Marie avait trois frères prénommés Pierre, Étienne et Jacques. Probablement s’agissait-il ici d’Étienne Seignoret (né avant 1626, mort en janvier 1658 d’après la lettre de Guy Patin à Spon, datée du 9 avril 1658), marchand à Lyon ; il avait épousé en 1642 Marie Vincent qui était cousine des Huguetan et qui apparaît aussi dans les lettres de Patin à Spon (v. note [18], lettre 396).

2.

Les Ægidii Menagii Miscellanea [Mélanges de Gilles Ménage] (Paris, Augustin Courbé, 1652, in‑4o de 472 pages) contiennent :

V. note [a], lettre 1019, pour les Origines de la langue française de Ménage (1650), dont la longue et savante épître dédicatoire (non datée) est adressée « À Monsieur Du Puy, conseiller du roi en ses conseils ».

3.

V. note [5], lettre 181, pour Pierre, l’aîné des deux frères Dupuy.

Au moins trois harangues funèbres en son honneur ont été imprimées à Paris en 1652 :

4.

« un avare manque toujours de tout » (Horace, Épîtres, livre i, lettre 2, vers 56).

5.

« qui souffrait de fièvre quarte. »

6.

V. note [12], lettre 92, pour les Institutions de Caspar Hofmann (Lyon, 1645).

7.

V. notes [28], lettre 277, pour le « Pétrarque ressuscité de [Giacomo Filippo] Tomasini » et [11], lettre 279, pour Yverdon, qui suit.

8.

« des Humeurs » est l’un des traités manuscrits (qui est resté inédit) de Caspar Hofmann, plusieurs fois mentionnés dans les lettres précédentes (v. note [14], lettre 150) ; v. note [26], lettre 277, pour le mal qu’Hofmann y disait de Jean Fernel et que Guy Patin tenait absolument à censurer.

9.

« les deux avaient passé l’âge de 80 ans ». Catherine Janson étant morte en juillet 1650 ; son mari, Pierre, avait dû mourir en janvier 1651 ; Guy Patin avait parlé pour la dernière fois de lui vivant, mais en piteux état de santé, dans sa lettre à Charles Spon du 26 juillet 1650 (v. note [6], lettre 237).

V. note [9], lettre 10, pour les deux beaux-frères de Guy Patin (le frère et le beau-frère de son épouse Jeanne de Janson).

10.

« du décès de mon beau-père et de ma belle-mère. »

À ce qu’il avait écrit à Charles Spon le 29 mai 1648 (paragraphe en date du 25), Guy Patin attendait un héritage de 60 000 livres (20 000 écus) à la mort de ses beaux-parents.

11.

Le chemin de Rouen ou de Pontoise, partant de Paris (porte Saint-Honoré, aujourd’hui le carrefour des rues Saint-Honoré et Royale, entre la Madeleine et la Concorde), traversait deux fois la Seine, à Asnières et Argenteuil, avant de passer au-dessus de Cormeilles. La montagne est aujourd’hui le Bois de Cormeilles et une des rues qui monte cette colline porte le nom de Guy Patin.

En 1864, dans une lettre adressée au Dr Maximin Legrand, son confrère, Achille Chéreau a narré l’exploration qu’il fit à la recherche de la maison des champs de Guy Patin (L’Union médicale, tome xxiii, no 103, jeudi 1er septembre 1864, pages 401‑405) :

« Plus heureux que vous, mon cher ami, j’ai pu suivre les traces de Guy Patin dans son cher Cormeilles, qu’il aimait tant, dont il célèbre avec tant d’amour le site, l’air pur, les cerises, les fraises et les mûres. […] Dimanche dernier, 31 juillet, je faisais comme vous, mon cher ami, et j’allais à Cormeilles-en-Parisis. Seulement, profitant de vos mécomptes, je laissai de côté les maisons et je m’occupais des gens. Je me suis dit que, malgré les ravages du temps, malgré nos révolutions et les transformations municipales, trois personnages, autrefois fondus en une seule puissance – la paroisse –, maintenant profondément séparés, pourraient venir à mon aide dans mes investigations. J’interrogeai successivement le curé, le maire et le notaire de l’endroit. […] Nous irons, sur l’indication du notaire, frapper à la porte d’une admirable résidence de campagne. Ne craignons rien. Le châtelain est un homme excellent et plein “ d’humour ”, marié à une célèbre artiste du Théâtre-Italien, enlevée à ses nombreux admirateurs, et qui nous recevra avec la courtoisie d’un gentilhomme. Au premier abord, il vous sera bien difficile de reconnaître la maison de campagne de Guy Patin dans cette construction toute moderne qui s’élève au pied de la montagne, dans ces magnifiques parterres, jonchés de fleurs, dans cette pelouse verdoyante qui monte jusqu’au sommet de la colline, et dans ces beaux arbres d’essences diverses et de fraîche importation. […] Mais interrogez l’aimable maître de céans ; il vous dira avec un accent italien : “ C’est bien ici qu’étaient la maison et le jardin de votre célèbre confrère, le doctour Guy Patin, qui était bien meilleur écrivain que bon médecin, car il saignait trop ses pauvres malades. Pour moi, je n’en voudrais pas pour mon doctour… Les voûtes des caves existent encore telles qu’elles étaient au xviie siècle ; seulement, elles ne sont plus sous la maison actuelle qu’on a élevée plus haut, sur le flanc même de la colline ; au sommet, j’ai trouvé les restes du moulin à vent dont le doctour parle dans ses lettres ; une source d’eau minérale que j’ai fait analyser et qu’on a trouvée contenir de la soude et du fer, coule encore au même endroit… Guy Patin en parle dans ses lettres… En faisant réparer un vieux réservoir, j’ai pu recueillir une table de pierre… Tenez, la voici ; examinez avec soin et vous lirez ces mots qui y sont gravés : intus aquæ dulces. {a} D’ailleurs, les cerisiers poussent admirablement ici. En voilà un surtout qui donne d’excellents bigarreaux, etc. Qui sait ? ce sont peut-être les petits neveux de ceux que mangeait Guy Patin, et dont il régalait ses confrères. ” Cette pierre gravée ne vous semble-t-elle pas comme une médaille antique que l’on déterre et qui marque l’âge du lieu où on l’a trouvée ? »


  1. « Au-dedans sont de douces eaux » (Virgile, Énéide, chant i, vers 167).

12.

« c’est un vin de bon cru ».

Chantier « se dit des pièces de bois sur lesquelles on pose les tonneaux de vin, afin qu’ils ne se pourrissent point à terre. Ce marchand a cent muids de vin sur l’étape, qui sont sur le chantier » (Furetière). L’étape est « la place publique où les marchands sont obligés d’apporter leurs marchandises pour être achetées par le peuple. À Paris l’étape est à la Grève devant l’Hôtel de Ville. Les marchands de vin de dehors sont tenus de faire venir leurs vins sur l’étape » (ibid.).

13.

Mathieu de Mourgues, abbé de Saint-Germain avait accompagné et défendu Marie de Médicis dans son exil à Bruxelles (v. note [7], lettre 20).

14.

Guy Patin avait en janvier 1652 cinq fils vivants : Robert avait 22 ans, Charles 17 ans, Pierre 16 ans, et François 13 ans ; Godefroy, 3 ans, n’était pas ici compté par son père, car sans doute encore trop petit homme.

La chasse était un privilège du noble et interdite au roturier. Les ordonnances édictées en 1601 et 1607 avaient confirmé ce principe. Toutefois, par tolérance, pouvaient chasser sur leurs terres les « bourgeois et autres personnes vivant noblement de leurs rentes comme juges, avocats, médecins […], quoique roturiers », praticiens et officiers citadins qui possédaient un bien à la campagne (maison des champs). Il s’agissait d’une interprétation de l’ordonnance de 1601 qui ouvrait à une telle tolérance en ne défendant explicitement la chasse qu’aux « marchands, artisans laboureurs, paysans et autres telles sortes de gens roturiers » (L. Trenard,, Dictionnaire du Grand Siècle). Transcrit dans La maison de Guy Patin, place du Chevalier du Guet, l’inventaire après décès de Robert Patin (établi en 1670) collige les vestiges de quelques instruments de chasse.

15.

De tous les médecins français du xviie s., Jean Pecquet (Dieppe 1622-ibid. 1674) a été le plus digne de mémoire, tant pour son génie inventif que pour sa belle âme.

Il avait d’abord étudié à Dieppe et à Rouen, puis à Paris, de 1641 à 1645. Il s’y était initié à l’anatomie et lié d’amitié avec Pierre de Mersenne (v. note [21], lettre 336) qui l’engagea à voyager en Italie où il put enrichir ses connaissances. En 1648, il s’était installé à Agde sous la protection de l’évêque du lieu, François ii Fouquet (v. sinfra note [52]), frère aîné de Nicolas, le futur surintendant des finances. Le 5 juillet 1651, Pecquet avait pris son inscription en médecine à l’Université de Montpellier, dont il allait devenir docteur le 23 mars 1652, mais il avait déjà établi sa réputation européenne d’anatomiste avec ses fracassantes :

Ioannis Pecqueti Diepæi Experimenta nova anatomica, quibus incognitum hactenus chyli receptaculum, et ab eo per thoracem in ramos usque subclavios vasa lactea deteguntur. Eiusdem Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu. Accedunt clarissimorum virorum perelegantes ad authorem epistolæ.

[Expériences anatomiques nouvelles de Jean Pecquet, natif de Dieppe, où sont découverts le réservoir du chyle, inconnu jusqu’ici, et les vaisseaux lactés qui vont de lui, par ramifications dans le thorax, jusqu’à la veine subclavière. Dissertation anatomique du même auteur sur la circulation du sang et le mouvement du chyle. S’y ajoutent les lettres fort polies écrites à l’auteur par des hommes très éminents]. {a}


  1. Paris, Sébastien Cramoisy, 1651, in‑4o ; 2e édition revue et augmentée en 1654, v. note [4], lettre 360).

Il s’agit incontestablement du plus important ouvrage médical publié par un Français au xviie s. : Pecquet y relatait ses travaux, faits en 1647 (v. note [26], lettre 152) et confirmés par de nombreuses expériences sur les chiens et autres animaux, qui l’avaient mené à la révolutionnaire découverte du canal thoracique et du réservoir du chyle (cisterna chyli, autrement appelée citerne de Pecquet, v. note [23], lettre 152).

La querelle du chyle et de la circulation de la lymphe éclata alors. Elle était intimement mêlée à celle de la circulation du sang. Puisque le chyle était conduit à la veine subclavière où il se mêlait au sang pour se rendre dans le cœur, le foie perdait automatiquement (et à juste titre) sa fonction de sanguification (transformation du chyle en sang, v. note [1], lettre 404). À propos d’un ouvrage attribué à Samuel Sorbière, la lettre de Guy Patin à Charles Spon, datée du 22 mars 1648, a évoqué les prémices de cette vive dispute. Jean ii Riolan, qui se disait le prince des anatomistes, allait prendre résolument la tête des opposants à Pecquet et aux voies du chyle. Patin s’est largement fait l’écho de cette vive dispute dans la suite des lettres, non sans parfois marquer de la bienveillance et même de l’amitié pour la bête noire de son maître Riolan.

Pecquet resta dans le Midi au service de François ii Fouquet et refusa la chaire de chirurgie et de pharmacie que l’Université de Montpellier lui proposa à la mort de Lazare Rivière (1655). En 1656, il revint à Paris pour s’attacher au tout-puissant surintendant des finances, Nicolas Fouquet, qu’il allait entourer de sa fidèle affection après sa disgrâce (1661) et jusqu’à son départ pour Pignerol (1665). Disparu des lettres de Patin en septembre 1661, Pecquet fut admis en 1666 à l’Académie des sciences. Dans la liste alphabétique de ses membres établie par Condorcet, la note qui le concerne salue ses découvertes anatomiques et sa brillante défense de la circulation du sang, et s’achève sur cette remarque sur Pecquet (Œuvres complètes de Condorcet, Brunswick et Paris, 1804, tome premier, pages 156‑157) :

« Il fut aidé dans ses travaux par Gayant et par d’autres anatomistes, et rendit à ses coopérateurs bien au delà de ce qu’il leur devait. Cette générosité est bien remarquable dans une occasion où la simple justice est si rare. […] Un usage excessif de l’eau-de-vie avança ses jours. Il la regardait comme une espèce de remède universel, et ce remède, comme bien d’autres poisons lents, était devenu par l’habitude une boisson nécessaire à son bien-être. »

Le traité de Riolan contre les vaisseaux lactés est dans la troisième série des Opuscula anatomica (v. note [16], lettre 308).

16.

Phrase que Guy Patin a ajoutée dans la marge.

17.

Francisci Vallesii Covarrubiani, Philip. ii Hispaniarum regis archiatri et a cubiculo medici, Commentaria in septem libros Hippocrat. de morbis popularibus, nunc primum in Galliis excusa, multoque quam antea emendatoria, textu Hippocratis ad Græcum exemplar recognito, et innumeris erroribus repurgato, nonnullisque additis scholiis, opera et studio S. Gaudei Aurelii Doct. Med. Monspeliensis et collegio medicorum Aurelianensum aggregati, cum indice rerum et verborum locupletissimo.

[Commentaires de Franciscus Vallesius, natif de Covarrubias, {a} archiatre et médecin particulier de Philippe ii, roi d’Espagne, sur les sept livres des Épidémies d’Hippocrate, imprimés pour la première fois en France, bien plus irréprochables qu’auparavant ; le texte d’Hippocrate a été revu à partir de l’original grec, purgé d’innombrables erreurs, avec quelques annotations ajoutées, par les soins de Samuel Gaude, {b} natif d’Orléans, docteur en médecine de Montpellier et agrégé du Collège des médecins d’Orléans, avec un très riche index des choses et des mots]. {c}


  1. Province de Burgos, v. note [23], lettre 242, pour Francisco Valles, mort en 1592.

  2. Samuel Gaude a aussi publié l’année suivante à Orléans chez l’imprimeur Étienne Potet, traduits en français, les commentaires de Valles sur deux autres ouvrages d’Hippocrate, le Pronostic et le Régime dans les maladies aiguës. Il ne figure pas dans le catalogue des gradués de Montpellier établi par Dulieu.

  3. Orléans, Claudius et Jacobus Borde, 1654, in‑fo de 914 colonnes, v. note [6], lettre 245, pour les précédentes éditions.

18.

V. note [29], lettre 549, pour le transfert de Metz à Toul du parlement de Lorraine.

19.

Phædri… Æsopiarum libri v. Nic. Rigaltius recensuit et notis illustravit.

[Cinq livres de fables ésopiques de Phèdre… que Nicolas Rigault {a} a réunies et enrichies de notes]. {b}


  1. V. note [13], lettre 86.

  2. Paris, Ambroise Drouart, 1600, in‑12 de 168 pages.

Phèdre (Caius Julius Phædrus, vers 10 av. J.‑C.-après 54 apr. J.‑C.), affranchi d’Auguste (Aug. lib.), a enrichi la poésie latine d’un genre nouveau en écrivant 123 fables, toutes imitées d’Ésope (v. note [6], lettre 65), dont certaines contiennent des allusions voilées à la cour impériale ; Pierre i Pithou (v. note [4], lettre 45) en a donné la première édition latine jamais imprimée (Troyes, 1596, v. seconde notule {d}, note [5], lettre latine 294). Phèdre a été l’un des inspirateurs de La Fontaine (G.D.E.L.).

V. note [13], lettre 195, pour le Tertullien et le Saint Cyprien « avec notes » de Rigault. Son Juvénal portait le titre de D. Iunii Iuvenalis Satirarum libri v. Sulpiciæ satira… [Cinq livres des Satires de Decimus Junius Juvenalis. La satire de Sulpicia…] (Paris, R. Estienne, 1616, in‑12), mais je n’ai a pas trouvé trace d’une édition d’Horace à laquelle il ait attaché son nom. V. note [7], lettre 307, pour la Vie de Pierre Dupuy par Rigault, alors en cours d’impression.

20.

V. note [19], lettre 226, pour ces deux vies écrites par Gassendi, dont seule celle de Tycho Brahe a laissé une trace imprimée.

21.

Chavigny, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, avait reçu le 20 janvier une lettre de cachet du roi « avec ordre de s’en aller en cour pour être ministre d’État, comme ci-devant » (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome ii, page 154).

Opposé au coadjuteur, Gondi, Chavigny défendait les intérêts de Condé auprès du duc d’Orléans. Chavigny refusa en effet d’obéir à l’ordre royal.

22.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 16 ro) :

« Le cardinal Mazarin étant parti de Gien, {a} voulut passer à Selles en Berry ; {b} mais le comte de Béthune, qui en est seigneur, l’ayant laissé venir jusque-là, ne l’y voulut pas laisser passer, et il fut contraint de reculer et de prendre un autre chemin. En passant à Romorantin, le peuple y assomma dix ou douze personnes des plus reculées de son arrière-garde. Il arriva le 25 à Loches, où s’étant trouvé mal, il fut saigné ; et aussitôt on lui envoya de la cour le sieur Vautier, premier médecin du roi. Ses troupes sont encore en grande partie vers Gien et plus haut sur la rivière de Loire pour observer la contenance de celles de M. le duc d’Orléans. » {c}


  1. Le 18 janvier.

  2. Selles-sur-Cher, Loir-et-Cher.

  3. Le cardinal arriva à Poitiers le 28 janvier (v. note [7], lettre 282).

23.

« par badinerie ». L’allusion aux liens entre Anne d’Autriche et Mazarin était plus grivoise et irrespectueuse que badine.

24.

« Dieu l’en garde. »

25.

Tailles de bois : « celles dont les planches sont de bois et dont la gravure diffère des autres en ce que, dans celles de cuivre, ce sont les parties enfoncées qui marquent les traits ; et au contraire, ce sont les parties élevées qui les marquent en celles de bois » (Furetière).

26.

Paul Portail, Alexandre Petau et Pierre ii Pithou (v. note [23], lettre 279), tous trois conseillers au Parlement de Paris.

27.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome ii, page 155, janvier 1652) :

« Mercredi matin 24e, le Parlement fut assemblé et les députés retournés de la cour eurent leur audience. Le président de Bellièvre fit le récit de leur voyage et de tout ce qui s’y est passé, avec témoignage d’y avoir été bien traités ; qu’il est vrai que le roi leur dit qu’ils n’auraient pas dû mettre à prix la tête du cardinal Mazarin, ni de qui que ce soit, qu’ils ne lui eussent auparavant fait son procès par bonnes informations, témoignages suffisants et avec toutes les formes ; que Sa Majesté les excusait pourtant en ce qu’ils avaient sans doute cru que ledit cardinal aurait fait ses levées de troupes et son entrée au royaume sans permission ou ordre de Sadite Majesté, laquelle à présent déclarait que tout s’était fait par son ordre. »

28.

« un fort généreux honoraire » (v. note [23], lettre 206).

29.

« et telle somme n’a jamais été précédemment accordée à un doyen. »

V. note [16] des Décrets et assemblées en 1651‑1652 pour le rapport officiel de Guy Patin sur les Comptes de 1650‑1651 dans ses Commentaires de la Faculté de médecine de Paris. Il tirait ici gloire de son honoraire de 100 écus (300 livres), mais en l’exagérant d’un tiers, car il n’avait été que de 200 livres (67 écus).

L’année précédente (30 janvier 1651), après que Patin lui eut succédé, Jean Piètre avait rendu les comptes de sa seconde année de décanat : la Faculté lui avait alloué un honoraire de 150 livres (tome xiii, fo 436 ro, v. note [6] des Décrets et assemblées de 1650‑1651).

30.

« Puisse le Seigneur nous réserver de meilleurs jours et puisse, comme dit Salluste, “ l’habitude de bien faire lui devienne naturelle ” ; ce qu’à l’instar de beaucoup je souhaite et espère » ; Salluste, Guerre de Jugurtha (chapitre lxxxv), discours du consul Marius contre les aristocrates romains :

Illis difficile est in potestatibus temperare, qui per ambitionem sese probos simulavere ; mihi, qui omnem ætatem in optimis artibus egi, bene facere iam ex consuetudine in naturam vertit.

[Pour ceux qui, par ambition, ont fait semblant d’être honnêtes, il est difficile de modérer leurs pouvoirs ; pour moi, qui à tout âge ai progressé dans les meilleurs arts, j’ai toujours eu par nature l’habitude d’aspirer à bien faire].

Guy Patin avouait fièrement que n’étant pas issu d’une famille médicale parisienne, il devait sa bonne fortune à une obstination sans borne ; mais aucun de ses deux fils médecins n’accéda aux honneurs du décanat : Robert, l’aîné, mourut tuberculeux à 41 ans, noyé dans une sordide querelle d’argent avec son père (vComment le mariage et la mort de Robert Patin ont causé la ruine de Guy) ; Charles, le brillant second qui n’avait alors pas encore entamé ses études médicales, dut s’exiler à 35 ans, afin d’échapper à une condamnation aux galères pour offense au sang royal (v. les Déboires de Carolus).

31.

À la mi-décembre 1651, la cour avait envoyé le maréchal de La Meilleraye en Bretagne pour y apaiser les désordres qui agitaient le parlement de Rennes (v. note [3], lettre 272). L’émissaire royal avait été fort mal reçu car il prétendait au titre de duc et pair, qu’il ne reçut qu’en 1663.

Les Bretons en appelèrent à leurs confrères de Paris qui examinèrent leur plainte dans sa séance du 24 janvier (Journal de la Fronde, volume ii, fo 13 ro) :

« L’on fit lecture d’un arrêt du parlement de Bretagne accompagné d’une lettre du même Corps sur le sujet des violences qu’ils prétendaient avoir reçues du maréchal de La Meilleraye ; lequel, de force, a voulu prendre séance dans leur Compagnie en qualité de duc et pair, étant pour cet effet entré dans la Grand’Chambre avec sa compagnie des gardes ; et que ces Messieurs n’ayant pu souffrir cette insolence et s’étant levés, il avait fait loger des troupes dans des maisons de quelques conseillers à la campagne ; sur quoi ces Messieurs avaient donné arrêt par lequel ils demandaient jonction avec le Parlement de Paris pour obliger ce maréchal à leur en faire satisfaction, et qu’il ne puisse être reçu duc et pair qu’il ne l’ait fait auparavant. »

32.

Journal de la Fronde (volume ii, fos 13 vo et 14 ro, 26 janvier 1652) :

« Hier au matin, le Parlement étant assemblé, Son Altesse Royale y exagéra fort sur l’ignorance et la mauvaise conduite du cardinal Mazarin, et remontra que depuis qu’il était entré dans le ministère, il avait fait plus de ducs et pairs et maréchaux de France que les rois n’en avaient fait en deux siècles entiers. Il y eut dix ou douze conseillers qui traversèrent {a} fort les propositions qui s’y firent pour trouver les moyens de chasser ce cardinal, notamment MM. Sevin et Ménardeau ; et le maréchal d’Étampes ayant proposé de donner un arrêt d’union du Parlement avec Son Altesse Royale, ils s’en défendirent si bien, avec beaucoup d’autres, que cet avis n’eut point de suite, non plus que celui de M. de Pontcarré qui allait à faire exécuter le cardinal Mazarin en effigie ; mais cela n’empêcha pas qu’on ne prît des résolutions qui donnèrent assez de satisfaction à Son Altesse Royale. Il fut ordonné qu’il serait fait des remontrances au roi, par écrit seulement, pour le supplier de vouloir renvoyer le cardinal Mazarin hors du royaume ; que cependant les déclarations et arrêts donnés contre lui seraient exécutés, et notamment celui du 29e du passé (cette circonstance y ayant été ajoutée par l’avis de M. de Broussel), et Son Altesse Royale priée de continuer ses soins pour cet effet ; qu’aucun duc et pair ou officier de la Couronne ne pourrait être reçu jusqu’à ce que le cardinal Mazarin soit tout à fait hors du royaume ; qu’on enverrait un courrier au premier président, garde des sceaux de France, pour le prier de faire instance au roi pour la liberté de M. Bitault ; qu’on écrirait à tous les autres parlements pour leur donner avis de cet arrêt et les inviter d’en donner un semblable ; et que le maréchal de La Meilleraye ne pourrait être reçu duc et pair jusqu’à ce qu’il aurait fait satisfaction au parlement de Bretagne. » {b}


  1. Contrèrent.

  2. Voir aussi Retz (Mémoires, pages 919‑921) sur le même sujet.

33.

Charles-Léon, comte de Fiesque (mort à Madrid en 1658), ancien allié des Vendôme dans la cabale des Importants (v. note [15], lettre 93), frondait alors avec ardeur aux côtés de Condé qui l’avait envoyé à Paris pour arranger ses affaires.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 13 vo, Paris, janvier 1652) :

« Le soir du même jour, 24, le comte de Fiesque, qui arriva ici le jour précédent de la part de M. le Prince, ayant témoigné à Son Altesse Royale que ce prince souhaitait fort à s’unir avec elle pour l’expulsion du cardinal Mazarin et pour la paix générale, suivant la proposition qui lui en avait été faite par M. de Fontrailles, Son Altesse Royale signa le traité d’union avec lui et avec le duc de Lorraine, pour lequel Mme d’Orléans {a} le signa aussi, comme en ayant reçu la procuration, et le comte {b} le signa pour M. le Prince, duquel il en avait aussi apporté la procuration. Ils s’obligent par cette union à ne faire point d’accord l’un sans l’autre. » {c}


  1. Sœur de Charles iv de Lorraine et épouse de Gaston d’Orléans.

  2. Fiesque.

  3. Cet accord a été publié : Articles et conditions dont Son Altesse Royale et M. le Prince sont convenus pour l’expulsion du C. Mazarin hors du royaume, en conséquence des déclarations du roi et des arrêts des parlements de France intervenus sur icelles (Paris, 1652, in‑8o de 8 pages).

34.

Voici les propos que le coadjuteur dit avoir tenus et dictés au duc de Damville, premier écuyer du duc d’Orléans (Retz, Mémoires, page 929) :

« avec prière de les faire lire à la reine et à M. le cardinal : “ J’ai promis de ne me point accommoder avec M. le Prince ; j’ai déclaré que je ne pouvais quitter le service de Monsieur et que je ne pouvais, par conséquent, m’empêcher de le servir en tout ce qu’il ferait pour s’opposer au rétablissement de M. le cardinal Mazarin. Voilà ce que j’ai dit à la reine devant Monsieur, voilà ce que j’ai dit à Monsieur devant la reine, et voilà ce que je tiens fidèlement. Le comte de Fiesque assure tous les jours M. de Brissac que M. le Prince me donnera la carte blanche quand il me plaira : ce que je reçois avec tout le respect que je dois, mais sans y faire aucune réponse. Monsieur me commande de lui dire mon sentiment sur ce qu’il peut faire de mieux, supposé {a} la résolution où il est de ne consentir jamais au retour du cardinal, et je crois que je suis obligé, en conscience et en honneur, de lui répondre qu’il lui donnera tout l’avantage si il ne forme un corps de troupes assez considérable pour s’opposer aux siennes et pour faire une diversion de celles avec lesquelles il opprime M. le Prince. Enfin, je vous supplie de dire à la reine que je ne fais que ce que je lui ai toujours dit que je ferais et qu’elle ne peut avoir oublié ce que je lui ai dit tant de fois, qui est qu’il n’y a aucun homme dans le royaume qui soit plus fâché que moi que les choses y soient dans un état qui fasse qu’un sujet puisse et doive même parler ainsi à sa maîtresse. ” »


  1. En supposant.

Condé et le coadjuteur avaient Mazarin pour commun ennemi, mais n’en étaient pas alliés pour autant, car ils rivalisaient dans l’ambition de ravir au cardinal la toute-puissance qu’il exerçait sur le roi et sur sa mère. Le rusé ministre conservait ainsi toutes ses chances de « tirer les marrons du feu avec la patte du chat » (comme on disait alors).

35.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 12 ro, Paris, 26 janvier 1652) :

« M. de Sommery ayant proposé, de la part de M. le duc d’Orléans, à M. le duc de Longueville de s’unir avec lui pour l’expulsion du cardinal Mazarin, il témoigna de n’en être pas fort éloigné à certaines conditions ; pour la division desquelles Son Altesse Royale ayant résolu la semaine passée de traiter avec lui, renvoya à Rouen M. de Sommery, qui y fut accompagné par M. de Gaucourt, comme ayant charge de M. le Prince, et par M. de Saint-Ibar, qui était employé ici pour les affaires de M. de Longueville ; lequel n’ayant pu demeurer d’accord avec eux de ces conditions, ne voulut pas signer le traité d’union ; mais Son Altesse Royale y a envoyé et l’on croit qu’il le signera ; cependant, on assure qu’il a envoyé son secrétaire au cardinal Mazarin pour le complimenter. »

36.

« ça n’est pas encore clair et il croit devoir en délibérer plus avant » : Ego amplius deliberandum censeo (Térence, Phormion, vers 457).

37.

Henri Chabot, seigneur de Sainte-Aulaye (1616-1655), avait épousé en 1645 Marguerite, duchesse de Rohan, seule survivante des neuf enfants du duc Henri de Rohan (v. note [16], lettre 34) et de Marguerite de Béthune, fille de Sully ; ce qui lui avait valu de devenir duc de Rohan en 1648. Rohan-Chabot avait été l’antagoniste du duc de Vendôme pour la présidence des états de Bretagne à Nantes en 1651 (v. note [31], lettre 280). Malgré le soutien du parlement de Rennes, il avait été chassé sur ordre du roi par le maréchal de La Meilleraye, ce qui l’avait fait passer dans le camp de Condé et se retirer dans son gouvernement d’Angers.

38.

Les Ponts-de-Cé (Maine-et-Loire), petite localité sise sur trois îles de la Loire reliées entre elles par des ponts, gardait l’accès à Angers par le sud. Le 7 août 1620, les troupes royales de Louis xiii y avaient mis en fuite celles de sa mère, Marie de Médicis, sans même avoir eu à engager le combat ; cette « drôlerie » fut suivie d’une réconciliation entre la reine mère et son fils.

V. note [15], lettre 198, pour Guillaume i de Bautru qui en était le gouverneur.

39.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 12 vo, janvier 1652) :

« Le 23, au matin, un courrier venu de Poitiers apporta une relation seule de beaucoup d’avantage remporté par le comte d’Harcourt sur M. le Prince, laquelle le maréchal de L’Hospital et M. de Saintot eurent si grand soin de publier dans Paris que cet empressement la rendit d’abord suspecte ; et chacun croit que ce serait leur faire grâce que de croire à la moitié de ce qu’elle contenait, dont la substance était que le comte d’Harcourt ayant attaqué Barbezieux, {a} qui est un lieu ouvert de tous côtés, le marquis de Lévis, qui y était en garnison pour M. le Prince, s’était rendu le lendemain prisonnier de guerre avec 400 fantassins et 50 chevaux ; que ce comte avait défait à Saint-Antoine-d’Artiguelongue {b} cinq régiments de M. le Prince ; que la dame de Jonzac ayant armé les habitants du lieu, avait défait une garnison de 400 hommes que M. le Prince y avait mise, et que le chevalier d’Albret en avait fait de même de celle de Pons et s’était emparé du château ; et qu’enfin, M. le Prince s’était retiré à Bourg sur la Dordogne, d’où l’on attend les nouvelles, afin de pouvoir connaître ce qui en est. »


  1. V. note [3], lettre 374.

  2. Saint-Antoine, Gironde, à 25 kilomètres au nord de Bordeaux.

40.

Actions publiques de M. François Ogier, {a} prêtre et prédicateur. {b}


  1. V. note [5], lettre 217.

  2. Paris, Louis de Villac, 1652, in‑4o de 576 pages : compilation de 15 panégyriques et sermons, donc ceux saint Louis, de saint François-Xavier, des saints martyrs Côme et Damien, de saint Bernard, de saint Paul, de la Sainte vierge, de saint Jean-Baptiste, de saint Nicolas, et les oraisons funèbres de Louis xiii, d’Anne de Caumont, des comtes de Saint-Paul, et un sermon sur la rédemption des captifs.

    S’y ajoute un éloge de 96 pages, à la mémoire de Claude de Mesmes, comte d’Avaux (v. note [33], lettre 79).


41.

V. note [4], lettre 268, pour La royale Couronne des rois d’Arles… (Avignon, 1641).

42.

Ludovici Septalii Mediolanensis Animadversionum et Cautionum Medicarum libri ix. Postremæ huic editioni quartæ accedunt Ioannis Rhodii Analecta et notæ.

[Neuf livres de Remarques et de Mises en garde médicales de Ludovicus Septalius, natif de Milan. {a} Les notes et commentaires de Johannes Rhodius {b} ont été ajoutées à cette dernière et quatrième édition]. {c}


  1. V. note [21], lettre 14, pour une précédente édition à Padoue, 1630, bien moins volumineuse.

  2. V. note [1], lettre 205.

  3. Padoue, Paulus Frambottus, 1652, in‑8o de 608 pages.

V. notes [3], lettre 279, pour les « Histoires allemandes de Johann Peter Lotich », et [6], lettre 279, pour l’Histoire du Mexique de Francisco Hernandez.

43.

« les Conseils médicaux de Benedetti (j’ai ses Lettres) ».

Guy Patin citait ici deux ouvrages de Giulio Cesare Benedetti da Guelfalione, professeur de médecine à Rome où il mourut en 1656 (J. in Panckoucke) :

44.

Paolo Zacchias : De Mali hypochondriaci libri tre [Trois livres sur l’Hypocondrie] (Rome, V. Mascardi, 1651, in‑4o ; première édition ibid., 1639 ; toutes deux en italien) ; la première édition en latin, par Alphonse Kohnn, est plus tardive, De Morbis hypochondriorum (Augsbourg, 1671, in‑8o).

45.

Titre latino-italien approximatif des  :

Le Vite de’ più Eccelenti Pittori, Scultori et Architettori. Di Giorgio Vasari Pittore, et Architetto Aretino. Parte prima et seconda. In questa nuova edizione diligentemente riviste, ricorrette accresciute d’alcuni Ritratti, et arricchite di postille nel margine…

[Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes. Par Giorgio Vasari, peintre et architecte natif d’Arezzo. {a} Première et seconde partie. Nouvelle édition soigneusement revue, corrigée, augmentée de quelques portraits et enrichie de notes marginales…] {b}


  1. Giorgio Vasari, peintre et architecte italien (1511-1574), a fondé l’Académie de dessin de Florence en 1563.

  2. Bologne, héritiers d’Evangelista Dozza, 1647, in‑4o de 432 pages, illustré par les portraits des artistes ; suivi de la troisième partie, publiée la même année en deux volumes ; précédentes éditions à Florence en 1550 et 1568.

46.

Pierre Puget, sieur de Montauron, etc., mécène de Pierre Corneille, avait débuté comme soldat au régiment des gardes. Comme receveur général de Guyenne, il avait ensuite connu une formidable ascension dans le monde de la finance pour devenir l’un des plus riches partisans du royaume. En 1643, son étoile avait commencé à pâlir, l’obligeant à vendre ses opulents domaines. les uns après les autres, tout en demeurant dans les affaires, mais à un bien moindre niveau. Tallemant des Réaux, qui était son gendre, lui a consacré une historiette (tome ii, pages 537‑542).

Catalogue des partisans (page 16) :

« Montauron, qui demeure dans la même rue < Grand Chantier, près les Enfants rouges > et a été le factotum des surintendants et intendants depuis vingt ans, qui lui ont fourni de quoi satisfaire aux dépenses excessives qu’il a faites avec les deniers du roi, à quoi il n’aurait pu subvenir autrement, étant un pauvre soldat de fortune. »

Comme il en est convenu peu après (v. note [1], lettre 282), Guy Patin se trompait en annonçant le décès de Montauron : il mourut en juin 1664 après avoir connu encore bien d’autres revers de fortune ; on l’enterra à Notre-Dame-des-Champs.

Toujours debout, la belle église Saint-Gervais se situe dans le Marais, à l’arrière de l’Hôtel-de-Ville.

47.

« C’est ainsi qu’on monte au firmament [qu’on devient immortel] » (Virgile, Énéide, chant viiii, vers 641).

48.

« et qu’il s’en trouve plus vigoureux ».

V. supra note [22], pour la maladie de Mazarin (« roi des favoris ») à Loches.

49.

« Que d’étreintes, que de réjouissances à venir ! » (Horace, v. note [2], lettre 217).

50.

« qu’il soit donc divin pourvu qu’il ne soit pas vivant » ; Histoire Auguste, {a} paroles de Caracalla dans Antoninus Geta (chapitre ii, § 6‑8, page 433) :

De hoc eodem Severus, gnarus genituræ illius, cuius, ut plerique Afrorum, peritissimus fuit, dixisse fertur : “ Mirum mihi videtur, Iuvenalis amantissime, Geta noster divus futurus, cuius nihil imperiale in genitura video. ” Erat enim Iuvenalis præf. eius prætorii. Nec eum fefellit. Nam Bassianus, cum eum occidisset, ac vereretur tyrannicam ex parricidio notam audiretque posse mitigari facinus, si divinum fratrem appellaret, dixisse fertur : “ Sit divus, dum non sit vivus. ”

[Toujours à propos de lui, on rapporte que Sévère {b} avait dit, en étudiant son horoscope, art où il était très habile, comme beaucoup d’Africains : « Il me paraît étrange, mon très cher Juvenalis, que notre Geta soit destiné à devenir divin, car je ne vois dans son horoscope aucun signe impérial. » Juvénalis était alors son préfet du prétoire. De fait, Sévère ne s’était pas trompé, puisque Bassanius, craignant, après avoir assassiné son frère, que son fratricide n’imprimât sur lui la marque de la tyrannie, et entendant dire qu’il pourrait atténuer son crime s’il lui conférait le titre {c} de divin, se serait écrié : « Qu’il soit divin, pourvu qu’il ne soit pas vivant ! »] {d}


  1. V. note [31], lettre 503.

  2. L’empereur Septime Sévère parle de son fils Geta, qui lui succéda (devint « divin ») en 211, en même temps que son frère Bassianus, surnommé Caracalla, lequel fit assassiner Geta l’année suivante : v. note [11], lettre 697.

  3. Posthume.

  4. Remplacement de dum par modo dans la citation de Guy Patin.

51.

Basile Fouquet (Paris 1622-ibid. 1680), abbé de Barbeau (en 1652, abbaye cistercienne aujourd’hui détruite, qui était située à Fontaine-le-Port, près de Melun), était frère cadet de Nicolas. Après des études chez les jésuites, Basile s’était voué à l’Église, mais n’accéda jamais à la prêtrise. Il avait obtenu fort jeune les bénéfices ecclésiastiques de la trésorerie de Saint-Martin de Tours et une charge de conseiller aumônier du roi. En 1649, Mazarin l’avait employé à négocier la soumission de la duchesse de Chevreuse, puis en avait fait une sorte de chef de ses services secrets pendant le temps de la Fronde. C’est l’abbé Fouquet qui allait soudoyer les émeutiers parisiens œuvrant pour Mazarin après le combat du faubourg Saint-Antoine (2 juillet 1652) ; lui aussi qui allait réussir à éventer le complot de Mme de Châtillon contre le cardinal.

Dans le tome premier de ses Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet, Chéruel a décrit au long ces menées de Basile, en étroite alliance avec son frère Nicolas, alors avocat général du Parlement de Paris, qui ne ménageait aucune peine et ne négligeait aucun subterfuge pour en rallier les conseillers à la cause royale, contre celle des princes frondeurs et du cardinal de Retz. Ce fut le puissant levier qui permit l’ascension de Nicolas à la surintendance des finances en février 1653 (charge qu’il partagea jusqu’en 1659 avec Abel Servien) ; mais l’évêché de Poitiers, que Basile avait espéré pour récompense des services rendus, ne lui revint pas ; le cardinal Antonio Barberini en reçut les bulles papales le 16 août 1652. En compensation, l’abbé Fouquet fut établi conseiller d’État en 1653 et put acquérir, moyennant 400 000 livres, la charge de chancelier des Ordres du roi qu’il conserva jusqu’en 1659. Sa bonne entente avec son frère Nicolas pâlit en 1657 pour aboutir à une querelle publique en janvier 1661. La condamnation du surintendant n’en obligea pas moins Basile à la relégation, d’abord à Tulle puis à Bazas, en 1676 à Mâcon et deux ans plus tard, dans son abbaye de Barbeau (Seine-et-Marne). Malade, il revint à Paris terminer ses jours dans sa maison de la rue des Saints-Pères (Dessert b).

À la fin du livre 1er de son Histoire amoureuse des Gaules, Bussy-Rabutin (v. note [9], lettre 822) a laissé ce portrait de Basile :

« Il avait les yeux bleus et vifs, le nez bien fait, le front grand, le menton plus avancé, la forme du visage plate, les cheveux d’un châtain clair, la taille médiocre et la mine basse ; il avait un air honteux et embarrassé ; il avait la conduite du monde la plus éloignée de sa profession ; il était agissant, ambitieux et fier avec des gens qu’il n’aimait pas, mais le plus chaud et le meilleur ami qui fût jamais. Il s’était embarqué à aimer, plus par gloire que par amour ; mais après, l’amour était demeuré le maître. La première femme qu’il avait aimée était Mme de Chevreuse, de la Maison de Lorraine, dont il avait été fort aimé ; l’autre était Mme de Châtillon qui, dans les faveurs qu’elle lui avait faites, avait plus considéré ses intérêts que ses plaisirs. »

Chéruel (tome i, pages 19‑20) a décrit la situation de l’abbé au début de 1651 :

« Basile Fouquet, que nous voyons paraître ici comme un des principaux agents de Mazarin, avait été destiné à l’état ecclésiastique ; mais il ne fut jamais prêtre, et le titre d’abbé, qui est resté attaché à son nom, indique simplement qu’il avait obtenu des bénéfices d’Église, dont il touchait le revenu, sans remplir aucune fonction sacerdotale. Activité, souplesse d’esprit, fécondité de ressources, intrépidité dans la lutte, zèle et ardeur poussés jusqu’à la témérité, telles furent les qualités que déploya d’abord l’abbé Fouquet. Après la victoire, ses vices apparurent et le rendirent odieux ; ambitieux, avide, insolent, s’abandonnant aux plaisirs avec une scandaleuse effronterie, il provoqua la haine publique et contribua à la chute de son frère. Mais nous ne sommes encore qu’à l’époque où il servit Mazarin avec un zèle ardent et s’en fit un protecteur qui, jusqu’à sa mort, couvrit les vices de l’abbé de sa toute-puissante amitié. »

52.

François ii Fouquet, vicomte de Vaux (1611-1673), frère aîné de Nicolas et Basile Fouquet, avait d’abord été destiné à une carrière parlementaire : conseiller au grand conseil en 1632, puis au Parlement de Paris l’année suivante, en la cinquième Chambre des enquêtes, il avait résigné sa charge en 1636 pour devenir prêtre (mai 1637), laissant à son frère Nicolas le soin de porter le flambeau familial dans les charges d’État.

Bien pourvu en bénéfices ecclésiastiques (prieuré de Cassan, abbayes de Saint-Séver et de Saint-Sens, etc.) et conseiller d’État en 1638, jouissant de l’appui de Richelieu, de Vincent de Paul (v. note [27], lettre 402) et de la Compagnie du Saint-Sacrement (v. note [7], lettre 640), il avait été nommé évêque de Bayonne en 1639, puis d’Agde en octobre 1643. En 1660, après la mort de Claude i de Rebé (v. note [2], lettre 416), il allait être nommé archevêque de Narbonne (Petitfils c et Dessert b).

François Fouquet a servi la médecine en prenant Jean Pecquet sous sa protection (v. supra note [15]).

53.

Édouard Molé de Champlâtreux, fils de Mathieu i Molé, premier président du Parlement de Paris, et de Renée Nicolaï, avait été nommé évêque de Bayeux en 1647, sacré le 14 février 1649. Il était toujours titulaire de ce siège et trésorier de la Sainte-Chapelle de Paris (v. note [38], lettre 342) quand il mourut le 6 avril 1652 (v. note [15], lettre 285) âgé de 43 ans (Gallia Christiana). V. note [8], lettre 214, pour son frère aîné Jean-Édouard Molé de Champlâtreux.

54.

« L’un pour de l’or a vendu sa patrie et lui a imposé un maître puissant » (Virgile, Énéide, chant vi, vers 621‑622). Le premier président et garde des sceaux, Mathieu i Molé, avait abandonné la cause des frondeurs pour celle de Mazarin.

55.

« le cornet à dés de la chance ».

56.

« Adieu à vous, le plus doux et le plus suave des amis, rendez de tout cœur amour pour amour à celui qui vous aime. Vôtre en toute franchise [v. note [27], lettre 172], Guy Patin. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 30 janvier 1652

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(Consulté le 24/04/2024)

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