L. 297.  >
À Charles Spon,
les 21 et 22 novembre 1652

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai pour ma dernière une lettre de trois grandes pages le 1er jour de novembre ; depuis lequel temps et dès le lendemain, je reçus le petit paquet par ce valet de chambre à qui vous l’aviez délivré, contenant les feuilles qui manquaient au livre du P. Théophile Raynaud, [1][2] dont je vous remercie de toute mon affection. Il y avait une feuille de trop, laquelle je vous renvoie, que vous rendrez s’il vous plaît au libraire de peur qu’il n’en ait besoin. Vous la trouverez dans le livre grec de Usu partium[2][3] qui sera dans le premier paquet que je vous enverrai, qui est tout prêt à partir, mais il n’y a pas encore d’assurance, nemini licet ex urbe egredi[3] La plupart des poulaillers qui amenaient ici du gibier pour la Saint-Martin ont été volés et leurs chevaux emmenés, et plusieurs d’entre eux blessés. [4] Jour avait été pris pour mener le roi [4] au Parlement le jeudi 7e de novembre, pour y faire déclarer criminel de lèse-majesté [5] le prince de Condé, [6] mais les conseillers qui en avaient reçu les billets furent contremandés le lendemain matin, cuius rei vera causa nesctitur[5] Mlle de Chevreuse, [7] âgée de 23 ans (c’est celle qu’avait promis d’épouser le prince de Conti [8] tandis qu’il était en prison dans Le Havre-de-Grâce), [9] est ici morte le quatrième jour d’une fièvre continue, [10] in media eruptione variolarum[6] par le moyen d’une prise de vin émétique [11][12] qui lui fut misérablement donnée par un misérable charlatan de cour, juif et fils de juif, [13] nommé D’Aquin, [7][14][15] qui a servi de garçon apothicaire à la feu reine mère [16] et qui passe à la cour pour un homme qui a des secrets. Voilà de tels médecins qu’il faut en ce pays-là, ut habeant similes labra lactucas[8][17] Le défunt premier médecin Vautier [18] le portait ; celui-ci [19] en fait encore de même, et ainsi quelques courtisans le considèrent, sed pessimo suo fato[9] C’est lui qui traita aussi M. de Chavigny. [20] Ces deux morts si près l’une de l’autre lui ôteront la moitié de son crédit, il ne lairra point d’en avoir quelque reste, et quodammodo regnabit tanquam asinus inter simias[10] c’est-à-dire un ignorant parmi des courtisans.

Enfin, le 8e de novembre, j’ai reçu, comme je passais dans la rue de Saint-Jacques, un paquet de livres qui venait de Lyon par ordre de M. Rigaud, [21] dans lequel j’ai trouvé : les deux exemplaires en blanc de la Couronne des rois d’Arles[11][22] je vous prie de me mander ce qu’ils vous ont coûté ; un livre in‑8o d’un ministre contre un jésuite La Barre [23][24][25] (ce livre ne viendrait-il point de la part de notre ami M. Gras ?) ; [12][26] et un grand in‑fo qui est Herbarium Io. Bauhini[13][27] Pour ce dernier, je pense que c’est M. Rigaud qui me l’envoie ; mais si c’est vous, obligez-moi de me mander ce que vous en avez déboursé pour moi. C’est M. Cramoisy [28] qui m’en a rendu le paquet. Je vous prie de faire mes recommandations à M. Rigaud, duquel j’espère un Opus logicum Christophori Scheibleri, imprimé à Yverdon [29] in‑4o [30] depuis deux ans, [14] et quelques autres livres qu’il m’a promis dès qu’il était ici. [15]

Enfin, je ne suis plus doyen, [31] Dieu merci, mais j’ai eu fort bonne main en sortant, vu que je laisse à ma place un excellent homme que j’ai tiré du fond d’un chapeau, ut fit[16] entre deux autres qui avaient été nommés avec lui. Ce brave homme est M. Courtois, [32] lequel répondit il y a tantôt neuf ans sous moi, Estne totus homo a natura morbus ? [17][33] Il est très savant et très adroit, et Dieu merci, nos affaires sont en très bonnes mains. Il est pareillement votre serviteur et vous a obligation pour un plaisir que vous lui fîtes en votre ville de Lyon il y a environ trois ans. Je vous assure qu’il s’en souvient fort bien et qu’il est tout prêt de vous servir de deçà en récompense, s’il s’en présentait quelque occasion. Il est homme de 35 ans, point marié, fort employé dans la pratique, avec environ 500 écus de rentes en bénéfice. Il est, après M. Piètre, [18][34] un des plus savants hommes de l’École, et même de ceux qui sont dans le meilleur chemin de la plus belle et de la plus pure pratique.

Ce 11e de novembre. Le duc d’Orléans [35] est quelque part en exil, en quelque ville de sa duché. [19] Il a été à Chartres [36] et à Blois, [37] sa femme [38] est ici où elle a accouché depuis deux jours d’une fille ; [39] il y a apparence qu’elle ne causera jamais tant de guerres et de malheurs qu’en ont causé le Mazarin [40] et le prince de Condé. [20][41]

Je suis bien marri qu’il faille que je vous importune derechef touchant ce livre du P. Théophile Raynaud, duquel vous m’avez renvoyé des feuilles qui me manquaient : je vous renvoie la feuille qui a pour signature Y et au lieu d’icelle, je vous requiers pour celle de Z, laquelle doit commencer par le mot veris et avoir au fo, 177. C’est bien du livre in‑4o imprimé à Rome intitulé Corona aurea, mais c’est au traité de derrière intitulé de bicipiti Ecclesia[21] Je vous demande pardon de tant de peines, mais c’est que je ne saurais souffrir un livre imparfait en mon étude. [42] Vous en avez la peine et c’est le libraire qui en est cause, lequel ne devrait jamais avoir envoyé un livre sans le collationner. Je vous prie de tâcher de la recouvrer et de me l’envoyer dans quelque lettre ; s’il ne tient qu’à de l’argent, nous en serons quittes, baillez-en plutôt ce qu’ils vous demanderont.

Et à propos de ce P. Théophile, son traité de bonis et malis libris avance-t-il ? [22] Sera-t-il gros, in‑4o ou in‑8o ? J’avais ouï dire qu’il avait fait une continuation du livre du cardinal Bellarmin, [43] de Scriptoribus ecclesiasticis[23] n’avez-vous rien ouï dire de l’édition de ce dernier ? Je prendrais grand plaisir de voir cette continuation de sa main, il est homme à y réussir, propter variam, multiplicem et pene infinitam lectionem[24]

M. Volckamer [44] m’a fait l’honneur de m’écrire depuis peu, où entre autres choses, il me mande : Brevi prælo subiiciam Disputationes medicas D. Casp. Hofmanni, [45] p.m. nostri quondam amici, in cuius honorem si quid adiicere libuerit, fore nobis credas gratissimum[25] C’est à quoi je ne connais rien, faites-moi la faveur de me mander ce que c’est : ne pensez-vous pas que ce soient des thèses qu’il ait autrefois faites et desquelles on ait fait quelque recueil, qui pourra être bon et profitable à toute la postérité ? De quo si tu aliter sentias, scribe quæso[26] J’ai grand regret qu’il ne s’est expliqué davantage. Quelle opinion en avez-vous, avez-vous ouï parler de quelque autre ouvrage ?

Je me suis aujourd’hui trouvé chez un malade péripneumonique [46] où il y avait un gentilhomme et un chirurgien de la reine d’Angleterre, [47][48] lesquels m’ont parlé de M. Mayerne-Turquet. [49] Ils m’ont dit que le bruit qui avait couru de sa mort était faux et qu’il était en vie, âgé d’environ 80 ans ou plus, et qu’il avait deux filles à marier qui étaient deux partis fort avantageux. [50][51] Je pense vous avoir par ci-devant écrit quelque chose de sa mort, il est donc encore en vie si cette relation d’aujourd’hui est véritable. [27] Il y a environ douze ans qu’il dit à M. Riolan, [52] en Angleterre, que dès qu’il serait mort, on imprimerait de lui deux volumes de consultations qu’il avait toutes prêtes ; [53] là-dessus, M. Riolan dit que s’il y met toutes ses charlataneries, que ces deux livres ne seront guère bons. [28]

Nous avons ici quatre de nos compagnons fort malades et outre ces quatre, M. Moreau [54] le père me semble diminuer extrêmement : il est plus pâle que la mort, habet faciem plane exanguem et cadaverosam ; [29] il ne voit presque plus goutte ; imo quoque vereor ne mens ipsa, aut saltem aliquæ eius facultates, brevi trahantur in consortium tam male affecti corpusculi[30] Malheureuse vieillesse ! tu es une grande dame, mais tu ne viens qu’avec un grand train et plusieurs malheurs, et d’horribles incommodités. Tempus edax rerum, tuque invidiosa vetustas omnia destruitis[31][55] Notre Faculté fera une insigne perte ex tanti viri obitu [32] et < je > souhaite de bon cœur que ce ne soit encore de longtemps.

Le roi avait pris dessein d’aller au Palais le 7e de novembre pour faire déclarer criminel de lèse-majesté le prince de Condé ; [5] ce qu’il n’effectua pas, sur la nouvelle qui arriva que le Mazarin ne pouvait pas être si tôt ici : comme il pensait partir, il avait envoyé 100 chevaux devant pour sonder les chemins, que le prince de Condé découvrit et défit ; à cause de cette défaite, le Mazarin n’a osé entreprendre de passer outre. Et ainsi, ce ne sera qu’après la fête que le roi ira au Parlement faire vérifier cette déclaration contre le prince de Condé, [33] mais ce sera toujours avant que le Mazarin revienne afin qu’on ne dise point que c’est lui qui l’ait fait faire.

Le Theatrum vitæ humanæ de Zwingerus [56][57] continue-t-il de s’avancer ? [34] sera-t-il bientôt fait ? combien y aura-t-il de volumes ? Le livre que m’avez envoyé depuis peu in‑8o fait par deux ministres, l’un de Montélimar et l’autre de Nîmes, [58] contre un jésuite nommé La Barre, [12] est extrêmement beau et bien fait, et de fort agréable lecture. Nous n’avons point parmi nous de moines si savants ni qui écrivent si bien que ces deux hommes ; mais je voudrais bien savoir si ce n’est point à Lyon que ce jésuite La Barre a fait imprimer ses livres ; si vous le savez, je vous prie de m’en donner avis, et même de me les acheter et me les envoyer s’il vous plaît, en cas que vous les trouviez. Il me semble qu’il y a bien ici force objections qu’un jésuite aura bien de la peine à réfuter.

Ce 13e de novembre. Enfin, il faut que je vous fasse part de mon affliction, laquelle est extrême : c’est que nous avons perdu hier à onze heures du soir un de nos compagnons qui était un honnête homme, âgé de 32 ans seulement et bien digne d’une plus longue vie ; c’est le pauvre M. de Montigny, [59] qui répondit sous moi il y a cinq ans, de Sobrietate[35][60] Je l’avais heureusement marié à une riche veuve à laquelle il ne laisse pas d’enfants. Il commençait à être bien employé et était en grande réputation d’un fort savant jeune homme dans notre Compagnie. Il est regretté de tout le monde qui l’a connu. Je pense qu’il n’est mort que d’avoir trop étudié : il avait la poitrine faible, une malheureuse fièvre continue l’a emporté avec une méchante toux et d’horribles convulsions ; il y avait huit bons médecins qui le voyaient deux fois par jour, et d’ordinaire. Si Pergama dextra defendi possent, etiam hac defensa fuissent[36][61] Je suis tout désolé de cette mort, j’y perds un bon et fidèle ami, mais j’en ai encore un autre regret fort sensible pour la perte qu’y fait notre Faculté, cuius erat futurum singulare ornamentum, si adhuc in decennium superstes esse potuisset[37][62]

O mors crudelis, cunctaque invisior umbra,
Debuit hoc saltem non licuisse tibi !
 [38]

Le roi a été ce même jour au Parlement où il a fait vérifier en sa présence la déclaration contre les princes de Condé et de Conti, [63] et Mme de Longueville [64] qui sont déclarés criminels de lèse-majesté. [65] On s’est dépêché de faire cela avant que le Mazarin soit arrivé afin qu’on ne dise point que ce soit lui qui le fasse faire. En même temps, M. le garde des sceaux de Châteauneuf [66] a reçu commandement du roi de sortir de Paris et de se retirer en Berry. [39]

En même temps, il s’est fait à la cour un plaisant mariage : Mme de Beauvais, [67] qui est la première femme de chambre de la reine [68] (qui est celle que la reine appelle ordinairement Catau), avait une belle et jeune fille [69] à marier ; [70] le duc de Richelieu, [71][72] qui est le second d’entre les neveux que le cardinal de Richelieu, son oncle, a laissés à Mme d’Aiguillon [73] afin qu’elle ait soin de leur éducation et qu’elle les fasse élever en grands seigneurs, avec les écus fort immenses qu’il a dérobés avec tant de fourberies et de malheurs à toute la France, est devenu amoureux de cette jeune fille ; la Catau, avec le crédit qu’elle a près de sa maîtresse la reine, a su si bien prendre l’occasion que la noce s’en est faite malgré tout le crédit et tous les écus de Mme d’Aiguillon ; si bien que le mariage est fait et consommé. [40] La tante crie fort et se tempête rudement, mais c’en est fait : voilà la fille de M. de Beauvais, [74] lieutenant du grand prévôt de l’Hôtel, [75] héritière du cardinal de Richelieu. Le premier des neveux [76] s’est marié aussi contre le gré et l’attente de sa tante d’Aiguillon, mais il s’est mieux adressé en prenant la veuve d’un grand seigneur, laquelle est fille de M. du Vigean [77][78] qui est pareillement grand seigneur et fort riche. Et voilà comment se vérifie le proverbe des bonnes gens, que ce qui vient de flûtes s’en va en tambourins[41] Tous ces deux mariages se sont faits et accomplis fort malgré cette mégère de tante, laquelle est la plus avaricieuse femme du monde et d’autant qu’elle n’est riche que des larcins de son défunt oncle qui a été le plus grand et le plus rude tyran de son siècle ; on s’en moque de deçà. [42]

Pour l’épître dédicatoire du Sennertus[79] puisque MM. Ravaud [80] et Huguetan [81] la veulent bien laisser sous mon nom, j’en suis pareillement d’accord et leur en ai obligation. Toute l’épître est si belle et si fleurie que je n’y puis rien trouver à redire, elle sent et témoigne par tout l’affection de celui qui l’a faite, duquel j’ai beaucoup d’autres obligations, desquelles je ne sais quand je m’en pourrai acquitter. Je vous supplie seulement de mettre dans le titre Eruditissimo consultissimoque viro D. Guidoni Patino, Bellovaco, doctori Medico Parisiensi et saluberrimæ Facultatis Decano, Musagetæ ac Mecænati perquam venerando Salutem et Observantiam[43] j’entends Salutem tout du long. Ce n’est pas que les autres mots du titre me déplaisent, ils sont in genere laudatorio[44] et les uns et les autres sont bons ; de sorte qu’en cela rien ne me touche extraordinairement ni particulièrement. C’est assez que vous le veuillez bien comme je vous le propose ; sinon ce sera comme il vous plaira, vous y pourrez changer et ajouter ad libitum[45] Je trouverai le tout très bon quand il viendra de votre part, mais je vous prie que la qualité de doyen y soit exprimée, qui est la plus belle rose de mon chapeau ; et comme je veux achever de la même façon que j’ai commencé, étant fort éloigné de toute ambition, je n’en souhaite jamais d’autre après celle de vos bonnes grâces et d’être votre très humble serviteur. Et si la vraie et parfaite amitié gît dans les trois choses requises par cet ancien, idem velle, idem nolle, idem sentire, ea demum vera amicitia est[46][82] je ferai ce qui me sera possible de mon côté afin qu’elle ne manque ni ne défaille jamais.

Aujourd’hui, mardi 19e de novembre, M. Jost, [83] libraire de la rue Saint-Jacques, [84] m’a envoyé céans un paquet qu’il a trouvé dans ses balles qui venaient de Lyon. Le paquet m’est adressé et trouve dans icelui trois livres desquels M. Ravaud m’a fait par ci-devant mention, savoir Historia Mexicana [85] in‑fo de Rome, le Vite de Pittor di Georgio Vasari [86] et pour le troisième, Consultationum medicinalium opus Iulii Cæs. Bened. a Guelfalione[87] in‑4o[47] Je ne dis rien des deux premiers, dans lesquels néanmoins je trouve quelque chose que je n’entends point, principalement dans les commencements des Vies de peintres ; mais pour le troisième, qui sont des consultations de médecine, [88] il est manifestement imparfait de la moitié d’un alphabet, qui est le deuxième depuis la lettrine Mm exclusivement et que j’ai, jusqu’à la fin de l’alphabet. Je vous prie d’en avertir M. Ravaud, à qui je baise très humblement les mains, et le prier de ma part de me recouvrer les onze feuilles qui manquent en ce livre. [48] Des autres, je n’en dis rien, je lui en tiendrai compte ; peut-être que ces onze feuilles se trouveront en leur magasin au paquet de cet auteur ; et quand vous les aurez, vous m’obligerez de chercher quelque commodité pour me les faire tenir, aussi bien que et avec le nouveau livre du P. Théophile Raynaud de bonis et malis libris s’il est achevé. [49] La liberté étant rétablie sur les chemins, il y aura dorénavant plus de commerce qu’il n’y en a depuis un an et y a apparence que MM. Huguetan ou Rigaud enverront ici à leurs correspondants quelques balles de nouveaux livres.

La reine a aujourd’hui été au couvent des religieuses de Sainte-Élisabeth, laquelle était aussi une reine. [50][89] C’était aujourd’hui la fête, elle a été par tout le monastère et par ce moyen, grande quantité de dames y ont eu libre entrée. Elle y a entendu vêpres et le sermon où un docteur de Sorbonne [90] nommé M. Héron [91] l’a fort apostrophée, [51] lui a fort recommandé la paix et la nécessité d’icelle, s’est plaint à elle que l’amnistie que l’on avait promise à Paris tout entière n’avait point été telle ; que c’était la douceur de la paix qui remettait les esprits en tranquillité, mais que les paroles des rois devaient être saintes et leurs promesses inviolables ; que ces restes de colère entretenaient l’aigreur et l’amertume de plusieurs mécontentements dans l’esprit des sujets, etc. Bref, il a si bien parlé à la reine, si chrétiennement et si charitablement, qu’il en a été loué par tout son auditoire. Sic canis allatrat Lunam, nec Luna movetur[52]

On ne laisse pas d’espérer toujours que le Mazarin reviendra bientôt, j’entends ses créatures et les partisans qui prétendent bien fort de rétablir leurs affaires par son retour. Attendant quoi, on ne laisse pas de vendre et de débiter ici quelques libelles diffamatoires, [92] pour lesquels on a emprisonné par ordonnance du lieutenant civil plusieurs colporteurs, tant hommes que femmes, dont quelques-uns ont eu le fouet publiquement, et même une femme aujourd’hui par plusieurs carrefours de la ville ; [93] il y en a encore plusieurs dans la prison.

Mme la duchesse d’Orléans a été fort malade en sa couche et l’est encore. Trois de nos médecins y ont été appelés qui la traitent, dont M. Riolan en est un. On fait ici pour le recouvrement de sa santé les prières de quarante heures par toutes les paroisses de Paris. [53][94]

Quelles nouvelles avez-vous de Strasbourg, du livre de M. Sebizius [95] de curandi ratione per sanguinis missionem[54] est-il imprimé ? Je vous prie de m’en acheter un dès qu’il y en aura quelques copies à Lyon. M. Rigaud ne fait-il pas commencer l’édition de notre manuscrit de notre bon ami feu M. Hofmann ? [96] Voilà le mauvais temps qui passe et qui ne s’est guère fait sentir du côté de Lyon, je vous prie de l’en faire souvenir et qu’il est désormais grand temps qu’il s’acquitte de la parole qu’il m’a donnée, vu même que le public y a un notable intérêt, aussi bien que la mémoire du défunt auteur. Dès qu’il y aura une feuille de faite, vous m’obligerez de me l’envoyer afin que je voie le commencement de cet ouvrage tant désiré, tant attendu et tant ballotté. [55] L’auteur même vivant n’a point eu le crédit de le faire imprimer à Nuremberg, [97] c’est pourquoi il l’envoya à Francfort ; comme rien n’y avançait, un conseiller de Francfort fit délivrer la copie à un libraire d’Amsterdam [98] nommé Jansson [99] qui, après l’avoir gardée six ans, s’est vu obligé de la rendre, et m’a été presque miraculeusement remise entre les mains ; je n’ai pu, à cause de notre guerre, la faire imprimer à Paris et je ne suis plus qu’en peine si Lyon en aura l’honneur. Hoc opus, hic labor est[56][100][101] Mais enfin me voilà au bout de mon papier, je vous baise les mains et suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très h. et très ob. serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mercredi 21e de novembre 1652. [57]

Monsieur, [102]

Depuis mes quatre grandes pages écrites, en attendant que le courrier parte à son jour, [58] je vous dirai qu’il y a ici plusieurs banqueroutes [103] depuis huit jours et que le mauvais temps se fait sentir aussi bien sur les riches que sur les pauvres. Il est venu nouvelles de Languedoc que M. de Saint-Aunais, [104] gouverneur de Leucate, [105] a pris le parti du roi d’Espagne [106] et qu’il a mis garnison espagnole dans ses places en suite de quelque mécontentement qu’il a eu de ce qu’on ne l’a point fait maréchal de France comme on lui a promis depuis quelques années. Il avait ici trois enfants au collège que l’on a arrêtés et mis en bonne garde. [59] Sainte-Menehould [107] s’est rendue au prince de Condé. [60] On parle ici d’accord avec lui, et que la reine lui a envoyé offrir ce qu’il avait désiré et demandé par ci-devant ; à quoi véritablement il acquiesce, mais qu’il ne peut pas l’accepter sans en avoir averti le roi d’Espagne. Tout cela est bien long, ce sont des ambages et des cérémonies de princes. Interea patitur iustus[61] la Champagne était assez ruinée sans ce nouveau quartier d’hiver que le prince de Condé y est allé faire. Bone Deus ! quantas strages habet bellum[62] Les princes sont bien malheureux de causer tant de désordres.

On dit ici que le prince de Condé a investi Sedan [108] avec 14 000 hommes et qu’il n’en quittera rien qu’il n’ait le Mazarin. Il s’est rendu maître de plusieurs places de là alentour qui facilitent l’affaire, mais je ne tiens pas le Mazarin assez sot pour s’être laissé enfermer, il faut attendre le boiteux. Il court ici un dangereux bruit de la mort de M. Naudé [109] en Suède, quod absit ! [63] Il y a longtemps qu’il est mon bon ami, cette nouvelle m’étonne fort et en aurais très grand regret. J’aimerais mieux qu’il fût mort cent mille moines et cinq cents chimistes, [110] je n’en veux rien croire que d’autres plus certaines nouvelles ne nous soient venues. J’espère que Mlle Caze [111][112] vous rendra la présente, [64] faites-moi la faveur de l’assurer de mon très humble service. Je me recommande à vos bonnes grâces et à ma bonne amie Mlle Spon, laquelle me connaît comme si elle m’avait nourri à ce que dit M. Du Prat, [65][113] et croyez que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 22e de novembre 1652.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fos 50‑52, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Jestaz nos 79‑80 (tome ii, pages 982‑993). note de Charles Spon au revers de l’enveloppe : « 1652./ Paris 22 novemb./ Lyon 28 dud./ Ripost./ Adi 3 xbr. [décembre] ».

1.

V. note [37], lettre 285.

2.

« Sur l’utilité des parties [du corps humain] » de Galien (Περι χρειας των εν του ανθροπου σωματι), v. note [13], lettre 282. Guy Patin aimait trop les livres pour en plier une feuille d’imprimerie jusqu’à la réduire au format d’une lettre ; pour bien la protéger, il l’insérait simplement pliée en deux dans cet in‑fo qu’il s’apprêtait à expédier à Lyon.

3.

« il n’est permis à personne de sortir de la ville. »

4.

Poulailler : « marchand qui mène des volailles au marché » (Furetière).

5.

« sans qu’on n’en sache la véritable raison. »

Journal de la Fronde (volume ii, fo 170 vo, 8 novembre 1652) :

« Le Conseil avait résolu, le 4 du courant, de faire entrer hier au matin le roi au Parlement pour y faire vérifier une déclaration contre M. le Prince et ses adhérents, et quelques autres qu’on ne sait pas encore. On disait même que Sa Majesté voulait faire tirer des registres tout ce que le Parlement a ci-devant fait contre le cardinal Mazarin. Suivant cette résolution, dès le 5 on fit tendre {a} la Grand’Chambre et le 6, les officiers des gardes prirent les clefs de toutes les portes du Palais, les ordres étant donnés pour cet effet ; mais le soir du même jour, 6, le Conseil ayant mis cette affaire en délibération, changea d’avis et la remit après la Saint-Martin. {b} On donne plusieurs raisons de cette remise : la première, qu’on attendait des nouvelles d’une bonne disposition à l’accommodement {c} et l’on a dit même que le président Viole, qui l’alla trouver {d} à cette fin la semaine passée de la part de S.A.R. {e} et avec un passeport de la cour, en était revenu et avait donné bonne espérance, mais ce bruit s’est trouvé faux ; la 2e, que M. le garde des sceaux avait représenté que c’était l’ordre, et contre la coutume, d’assembler le Parlement pendant les vacations et que le Corps n’en étant pas averti, la moitié des conseillers ne s’y serait pas trouvée ; {f} mais la 3e et la meilleure est que le Conseil n’avait pas pris garde, lorsqu’il prit cette résolution, que le temps de 15 jours donné à M. le Prince n’expire qu’aujourd’hui. » {g}


  1. Accrocher des tapisseries décoratives sur les murs.

  2. 11 novembre.

  3. Du prince de Condé.

  4. M. le Prince.

  5. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  6. Les vacances du Parlement se terminaient à la Saint-Martin.

  7. Amnistie de Condé que le Parlement avait étendue à 15 jours le 22 octobre précédent (v. note [34], lettre 294).

6.

« au beau milieu d’une éruption de variole ».

Charlotte-Marie de Lorraine, Mlle de Chevreuse (1625 ou 1627-Paris 7 novembre 1652) était la deuxième fille de Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse (v. note [37], lettre 86), et de son second mari, Claude de Lorraine, duc de Chevreuse (v. note [2], lettre 195). Mlle de Chevreuse avait en effet été pressentie pour devenir l’épouse du prince de Conti, mais le projet n’aboutit pas car la sœur de Conti, Mme de Longueville, son frère, Condé, et la reine, Anne d’Autriche, s’y opposèrent.

Le cardinal de Retz eut Mme et Mlle de Chevreuse, la mère et la fille, pour maîtresses, mais les désordres politiques avaient jeté un froid entre elles et lui à l’automne 1652 (Mémoires, pages 1081‑1082) :

« Mlle de Chevreuse même, par l’ordre de Madame sa mère, si je ne suis fort trompé, me fit des avances pour se raccommoder avec moi. Elle avait les plus beaux yeux du monde, et un air à les tourner qui était admirable et qui lui était particulier. Je m’en aperçus le soir qu’elle arriva à Paris ; mais je dis simplement que je m’en aperçus. J’en usai honnêtement avec la mère, avec la fille et avec Laigues, {a} et rien de plus. […]

Mlle de Chevreuse ne me pardonna pas ma résistance à ses beaux yeux ; […] elle me haïssait autant qu’elle m’avait aimé. Je puis jurer, avec toute sorte de vérité, que je ne lui en avais jamais donné le moindre sujet. La pauvre fille mourut d’une fièvre maligne, qui l’emporta en 24 heures, devant que les médecins se fussent seulement doutés qu’il pût y avoir le moindre péril à sa maladie. Je la vis un moment, avec Madame sa mère qui était au chevet de son lit et qui ne s’attendait à rien moins qu’à la perte qu’elle en fit le lendemain matin à la pointe du jour. »


  1. Le marquis Geofroy de Laigues (v. notule {a}, note [4], lettre 215).

7.

Guy Patin parlait ici des deux fondateurs de la dynastie médicale des D’Aquin (ou Daquin).

8.

« pour que les lèvres aient les laitues qui leur conviennent ».

Érasme (Adages, no 971) a commenté ce proverbe latin :

Similes habent labra lactucas. Ubi similia similibus contingunt veluti præceptori parum docto discipulus indocilis, improbo populo magistratus improbus, contumelioso patrono contumeliosus actor, uxori morosæ maritus morosus, breviter mala malis, digna dignis eveniunt. Natum adagium ab asino carduos pascente. Est autem lactuca herba mollis ac tenera, quæ tamen non admodum sit dissimilis carduo præsertim sylvestri.

[Similes habent labra lactucas. Pour dire que les semblables s’assortissent aux semblables, comme un élève ignorant à un maître peu savant, un magistrat malhonnête à un peuple malhonnête, un procureur querelleur à un avocat querelleur, un mari morose à une épouse morose ; bref, de méchante affaires arrivent aux méchants, et de bonnes aux bons. L’adagevient de l’âne {a} qui mange des chardons. La laitue a une feuille molle et tendre, mais ressemble fort à celle du chardon, notamment celui des forêts].


  1. Dont la gueule est dure et rugueuse.

9.

« mais pour empirer leur sort » ; « celui-ci » désigne Antoine Vallot, successeur de François Vautier dans la charge de premier médecin du roi.

10.

« et il régnera en quelque sorte comme l’âne parmi des singes » (v. note [11], lettre 122). Léon Bouthillier, comte de Chavigny, était mort le 12 octobre précédent (v. note [11], lettre 294).

11.

V. note [9], lettre 273, pour cet ouvrage de Jean-Baptiste Bouis.

12.

Jean-Baptiste de La Barre (Chinon, 1609-Paris, 1680), prédicateur jésuite, avait publié une Déclaration de tous les ministres et anciens de la Religion prétendue réformée de toutes les Églises de France sur la réalité du corps et du sang de Jésus-Christ en l’Eucharistie (Nîmes, J. Plasses, 1649, in‑4o). Guy Patin soupçonnait son ami calviniste lyonnais Henri Gras de lui avoir fait envoyer ce livre car il montrait la Compagnie de Jésus sous son pire jour.

Trois ripostes avaient paru :

13.

Historia plantarum universalis, nova, et absolutissima, cum consensu et dissensu circa eas. Auctoribus Ioh. Bauhino, ill. Cels. Vvirt. archiatro, et Ioh. Henr. Cherlero, philos. et med. doct. Basiliensibus. Quam recensuit et auxit Dominicus Chabræus, med. doct. Genevensis. Iuris vero publici fecit Franciscus Lud. a Graffenried, dominus in Gertzensee etc. Continens descriptionnes stirpium exactas, figuras novas, ex ipso prototypo maxima ex parte depictas : earumdem satum, cultum, mangonia : item vires omnigenas : præparationes, extractiones ac distillationes præcipuas : exoticarum Orientis atque Occidentis, aliarumque ante nostrum seculum incognitarum, supra mille historias novas : synonyma : æquivoca : succedanea : et præcipuarum linguarum appellationes. In primis vero placita veterum Græcorum, Arabum, Latinorum et posterioris seculi scriptorum : interpretationes ac correctiones sententiarum obscurarum et depravatarum. Notantur errores eorum qui de plantis scripserunt : ac continentur plæraque omnia, quæ theologi, iurisconsulti, medici, philosophi, historici, poetæ, grammatici, geoponici, architecti, aliique de plantis promulgarunt. Ut merito omnium herbariorum vicem supplere queat.

[Nouvelle et très complète Histoire générale des plantes, avec les accords et désaccords qui existent à leur sujet. Par Johann Bauhin, illustrissime archiatre du duc de Wurtemberg, {a} et Johann Heinrich Cherler, {b} docteur de philosophie et médecine à Bâle. Dominique Chabrey, {c} docteur en médecine de Genève, l’a revue et augmentée. Franz Ludwig von Graffenried, seigneur de Gersenzee, etc., {d} l’a véritablement donnée au public. Elle contient : les descriptions exactes des plantes, des figures nouvelles, pour la plupart dessinées à partir des spécimens eux-mêmes ; la manière de les semer, de les cultiver et d’en faire commerce ; toutes leurs sortes de vertus ; leurs principales préparations, extractions et distillations ; plus de mille observations nouvelles des plantes exotiques d’Orient et d’Occident, et d’autres qu’on n’a pas connues avant notre temps ; leurs synonymies, homonymies, succédanés et dénominations dans les principales langues ; surtout les préceptes des auteurs grecs, arabes, latins de l’Antiquité et du siècle dernier ; les explications et les corrections des phrases obscures et corrompues. Sont relèvées les erreurs de ceux qui ont écrit sur les plantes, et est recensée la plus grande part de ce que les théologiens, les jurisconsultes, les médecins, les philosophes, les historiens, les poètes, les grammairiens, les agronomes, les architectes et autres ont publié sur les plantes. De sorte que cet herbier peut avec raison se substituer à tous les autres]. {e}


  1. V. note [17], lettre 98.

  2. Né à Bâle vers 1570, mort à Montbéliard en 1609 ou 1610.

  3. V. note [5], lettre latine 418.

  4. Franz Ludwig von Graffenried (1600-1661), bailli d’Yverdon (v. note [11], lettre 279), éditeur de ce grand traité, dépensa, dit-on, 40 000 florins pour le mettre en état de paraître.

  5. Yverdon, typ. Caldoriana, 1650-1651, 3 volumes in‑fo.

Dominique Chabrey consacra une partie de sa vie à surveiller l’édition de cette Historia plantarum, que Johann Bauhin avait rédigée avec l’aide de son gendre et élève, Johann Heinrich Cherler. Chabrey soigna l’impression et fit quelques additions, mais ne rassembla les matériaux de Bauhin et Cherler que d’une manière assez incorrecte. Cependant, l’Histoire générale de plantes, but et résultat de tous les travaux de Bauhin, a remplacé, autant que possible, ce qu’on pouvait espérer de celle de Conrad Gesner (v. note [7], lettre 9). Elle est écrite avec beaucoup de goût et de méthode. On y trouve tout ce qui a été écrit sur les plantes dès la plus haute Antiquité ; les passages des auteurs y sont recueillis avec beaucoup de jugement et les citations ont le mérite de l’exactitude. Ce ne sont d’ailleurs point de simples citations car Bauhin disserte, avec autant de profondeur que de sagacité, sur le degré de confiance qu’on doit, suivant lui, accorder aux assertions de chaque écrivain. Cinq mille plantes y sont décrites et 3 577 dessinées ; dans le nombre, il y en a beaucoup de nouvelles, dont Sprengel a donné la liste (A.‑J.‑L. Jourdan, in Panckoucke).

14.

V. note [12], lettre 279, pour l’« Œuvre logique » de Christoph Scheibler.

15.

Tandis qu’il était à Paris.

16.

« comme on le fait » ; v. le début des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine (1650‑1651), dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris, pour l’élection du doyen et son tirage au sort final dans un chapeau contenant trois noms.

Le décanat de Guy Patin avait, selon la coutume, duré deux ans. Il s’était terminé le samedi 2 novembre avec la désignation de son successeur, Paul Courtois : v. les derniers paragraphes des Décrets et assemblées (1651-1652).

17.

« Par nature, l’homme n’est-il pas tout entier maladie ? » (v. note [4], lettre 98), thèse que Paul Courtois avait soutenue le 17 décembre 1643, sous la présidence de Guy Patin, qui l’avait écrite et en avait tiré un grand renom.

18.

Jean Piètre.

19.

Duché, comme duché-pairie, pouvait être féminin ou masculin.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 172 ro, Paris, 13 novembre 1652) :

« On eut, hier, nouvelles que S.A.R. {a} était arrivé le 9 à Blois, où elle paraissait être assez satisfaite de se voir déchargée de la grande quantité d’affaires qu’elle avait étant ici. »


  1. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

20.

Si Monsieur avait eu, comme il l’espérait tant, un héritier mâle au lieu d’une nouvelle fille, de graves perturbations politiques auraient pu renaître avec un prétendant légitime à la Couronne aussi longtemps que Louis xiv (alors âgé de 14 ans) n’aurait pas eu de fils. V. note [12], lettre 296, pour la naissance de Marie-Anne d’Orléans, Mlle de Chartres.

21.

V. notes [36] et [37], lettre 285. Cette page 177 (seconde partie), toujours manquante dans l’exemplaire de la Corona aurea (Rome, 1647) que Guy Patin avait reçu, porte la signature Z et commence en effet par le mot veris, annoncé, comme c’était la règle, au bas de la page précédente.

22.

V. note [7], lettre 205, pour le traité « des bons et mauvais livres », dont l’autorisation définitive (Consensus) d’imprimer est datée de Lyon, le 27 janvier 1653.

23.

« sur les écrivains ecclésiastiques », v. note [14], lettre 270.

24.

« car son goût est varié, étendu et presque infini. »

25.

« Je ferai bientôt imprimer les Disputations médicales de feu {a} M. Caspar Hofmann, notre ami de naguère ; s’il vous plaît d’y ajouter quelque chose en son honneur, nous vous en saurons profondément gré. » {b}


  1. Piæ memoriæ, « de pieuse mémoire ».

  2. Cette lettre ne figure pas dans notre édition, qui contient 64 lettres de Guy Patin à Johann Georg Volckamer.

26.

« Si vous l’entendez autrement, je vous prie de me l’écrire. »

Guy Patin convenait ne pas comprendre ce dont il s’agissait, mais devinait peut-être juste. Le titre Disputationes medicæ ne figure pas dans la bibliographie de Caspar Hofmann ; il s’agissait vraisemblablement de recueillir des thèses qu’il avait lui-même disputées ou présidées à Altdorf. Laure Jestaz a relevé les titres de quatre d’entre elles :

Patin n’est revenu qu’une fois sur ce recueil, dans sa lettre du 16 janvier 1654 à Johann Georg Volckamer (note sa note [1]).

27.

V. note [28], lettre 287 (lettre à Charles Spon du 28 mai 1652), pour l’annonce prématurée de la mort de sir Théodore Turquet de Mayerne, baron d’Aubonne, qui s’était marié deux fois. Sa première femme, Marguerite de Boetselaer, lui avait donné deux enfants qui étaient morts jeunes. Sa seconde femme, Élisabeth Joachimi, avait eu cinq enfants, deux fils et trois filles, dont deux avaient atteint l’âge adulte : Élisabeth avait épousé à Londres le 23 mars 1652 Pierre de Caumont, marquis de Cugnac (v. note [23], lettre 312), mais elle était morte le 10 juin de la même année ; Adrienne allait épouser le 21 juillet 1659 Armand Nompar de Caumont, marquis de Montpouillon, frère cadet de Pierre.

28.

En 1640, Jean ii Riolan avait vécu en Angleterre auprès de Marie de Médicis qui y était exilée (v. note [7], lettre 51). Les Medicinal counsels or advices [Conseils ou avis médicaux] (Londres, 1667, in‑4o ; traduit en latin, Genève, 1674, in‑12) de Théodore Mayerne-Turquet parurent longtemps après sa mort (1655).

29.

« il a le visage complètement exsangue et cadavéreux ».

30.

« je crains même aussi que son esprit ou, à tout le moins, certaines de ses facultés ne sombrent tout comme ce petit corps si mal en point. »

31.

« Le temps qui dévore sans partage et toi, l’odieuse vieillesse, vous démolissez tout » (Ovide, Métamorphoses, livre xv, vers 234‑235).

32.

« par la mort d’un si grand homme ».

33.

Cette fête était la Saint-Martin, célébrée le 11 novembre, jour où Guy Patin écrivait ce passage.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 170 ro, Paris, 8 novembre 1652) :

« Le retour du cardinal Mazarin est différé parce qu’il ne peut passer, depuis que M. le Prince occupe toute la rivière d’Aisne et lui refuse des passeports. L’appartement qu’on lui a préparé au Louvre est au-dessus de celui du roi, où était celui du maréchal de Villeroy ; mais on l’en a fait sortir pour agrandir et rendre plus commode celui de ce cardinal, et l’on en a donné un moins commode à ce maréchal.

Les lettres de Châlons-sur-Marne, du 5 du courant, portent que Sainte-Ménehould était encore assiégée, et qu’il {a} ne pouvait être secouru parce que les maréchaux de Senneterre et de Turenne ne sont pas assez forts, et que leur armée se tient à couvert, aux environs de Châlons. Ils se sont contentés de jeter du monde dans Vitry {b} et dans Saint-Dizier ; après quoi, le maréchal de Senneterre est allé avec quelques troupes en Lorraine pour tâcher d’y frayer un chemin pour le cardinal Mazarin, dont les gendarmes et chevau-légers qui étaient dans l’armée ont été enlevés, s’en allant au devant de lui ; et l’on tient qu’il ne saurait plus passer s’il ne se hasarde, accompagné seulement de 5 ou 6 personnes, ce qu’il ne fera pas vraisemblablement. »


  1. Mazarin.

  2. Vitry-le-François.

34.

Theodor Zwinger (Bâle 1533-ibid. 1588), helléniste, philosophe et professeur de médecine à Bâle, est l’auteur du :

Theatrum vitæ humanæ, omnium fere eorum, quæ in hominem cadere possunt, bonorum atque malorum exempla historica, ethicæ philosophiæ præceptis accommodata, et in xix. libros digesta, comprehendens : Ut non immerito Historiæ promptuarium, Vitæque humanæ speculum nuncupari possit. A Conrado Lycosthene Rubeaquense, fel. et æt. mem. viro, iampridem inchoatum : nunc vero Theodori Zvinggeri, Philosophi atque Medici Basiliensis opera, studio et labore, eo usque deductum, ut omnium ordinum hominibus ad vitam præclare instituendam, maiorem in modum utile et iucundum sit futurum. Cum gemino indice.

[L’Amphithéâtre de la vie humaine, qui contient les exemples historiques de presque tous les bienfaits et malheurs qui peuvent survenir chez l’homme, arrangés suivant les préceptes de la philosophie éthique et répartis en 19 livres ; de sorte qu’on peut, sans être injuste, l’appeler le magasin de l’histoire et le miroir de la vie humaine. Conrad Lycosthenes, {a} homme d’heureuse et éternelle mémoire, l’a jadis commencé ; mais le voici maintenant achevé grâce aux soins, à l’étude et au travail de Theodor Zwinger, philosophe et médecin de Bâle, de sorte qu’il sera fort utile et agréable aux hommes de toutes catégories pour régler brillamment leur vie. Avec un double index]. {b}


  1. Conrad Lycosthenes (v. note [3], lettre 555) était le beau-père de Zwinger.

  2. Bâle, Ioan. Oporinus, 1565, in‑fo, 1428 pages divisées en 19 livres traitant l’éthique et la médecine.

Jakob Zwinger, fils de Theodor (v. note [44], lettre 1019), en a donné une nouvelle édition corrigée et augmentée en 1610. Laurens Beyerlinck en a donné une édition fort augmentée (Cologne, 1631, v. note [36], lettre 155) qui n’a été réimprimée à Lyon qu’en 1665-1666 (Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud en huit volumes in‑fo).

35.

V. note [6], lettre 143, pour la thèse de Jean de Montigny « sur la Sobriété » (14 mars 1647) que Guy Patin avait présidée et écrite, et qui lui valut une assignation par les apothicaires devant le Parlement.

36.

« Si un bras secourable pouvait défendre Pergame [Troie], le mien aussi l’aurait défendue » (Virgile, Énéide, chant ii, vers 291‑292).

37.

« dont il allait devenir un ornement exceptionnel, s’il avait encore pu vivre encore dix ans. »

38.

« Ô cruelle mort, pour toute ombre plus odieuse, n’aurait-on au moins dû te permettre cela ! » ; Martial (Épigrammes, livre vii, 21, vers 3‑4) :

Heu Nero crudelis, nullaque invisor umbra,
Debuit hoc saltem non lisuisse tibi !

[Ah cruel Néron, pour nulle ombre…]

39.

V. notes [2] et [3], lettre 296, pour le lit de justice du 13 novembre et pour l’éviction de Chavigny.

40.

Méprise de Guy Patin : le second des neveux de la duchesse d’Aiguillon, petits-neveux du cardinal ministre, était non pas le duc, mais le marquis de Richelieu, Jean-Baptiste Amador de Vignerod du Plessis (1632-11 avril 1662), maréchal de camp. Abbé commendataire des abbayes de Marmoutier, de Saint-Benoit-sur-Loire et de Saint-Ouen de Rouen, et prieur de Saint-Martin-des-Champs à Paris (v. note [20] des Affaires de l’Université en 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris), il venait d’abandonner la soutane pour épouser, le 11 novembre 1652, Anne-Jeanne-Baptiste, filleule de la reine et de Gaston d’Orléans, l’une des huit enfants de Mme de Beauvais (v. note [12], lettre 208) et de Pierre de Beauvais, seigneur de Gentilly.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 174 ro, 11 novembre 1652) :

« Le marquis de Richelieu s’étant rendu amoureux de la petite Mlle de Beauvais, l’épousa le même jour clandestinement et coucha la nuit suivante avec elle dans le Palais-Royal, à l’insu de Mme d’Aiguillon, sa tante ; laquelle en ayant eu avis le lendemain, le fut chercher au Palais-Royal et ne l’y ayant pas trouvé, s’en retourna sans voir la reine, et l’a trouvé couché dans le Petit-Luxembourg où il lui confessa qu’il s’était laissé surprendre, mais qu’il y apporterait tel remède qu’elle jugerait à propos. Il lui avoua qu’il avait fait publier un ban à Saint-Sulpice, sa paroisse, et sa prétendue femme un autre, le 10, à Saint-Eustache, sous le nom de Jehan du Plessis sans y ajouter autre chose que la qualité de baron d’une terre que sa mère possède en Bretagne. Enfin, le 13 au matin, il monta à cheval après avoir envoyé M. le grand maître de l’Artillerie {a} à Mme de Beauvais pour lui dire qu’il ne pouvait pas persister dans le dessein de ce mariage, et sa fille savait bien qu’il ne lui avait rien fait ; celle-ci néanmoins soutient le contraire. Cependant, {b} Mme d’Aiguillon ne fait pas semblant de rien, quoiqu’elle soit bien mortifiée ; et la reine a protesté qu’elle ne l’a su qu’après la chose faite. »


  1. Armand-Charles de La Meilleraye.

  2. Néanmoins.

41.

« On dit ce qui vient par la flûte s’en va par le tambourin pour dire que le bien s’en est allé comme il était venu ; ce qui se dit aussi d’un bien mal acquis » (Furetière).

V. note [12], lettre 214, pour le mariage, arrangé par Condé en décembre 1649, du jeune duc de Richelieu, Armand-Jean de Vignerod du Plessis, avec Anne Poussart de Pons de Miossens, fille du baron de Vigean.

42.

L’affaire ne manqua pas d’avoir des suites cocasses.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 178 ro, Paris, 29 novembre 1652) :

« La reine s’est déclarée pour Mme de Beauvais dans l’affaire du mariage de sa fille, ayant pour cet effet envoyé, le 25, à Mme d’Aiguillon M. Le Tellier pour lui dire que si le marquis de Richelieu avait eu dessein de tromper la fille de Mme de Beauvais, que Sa Majesté en imputerait l’injure faite à elle-même et prétendait d’en tirer raison ; mais que s’il avait eu intention de mariage, elle en laisserait faire la justice ; et que néanmoins, elle entendait que Mme d’Aiguillon mît son neveu {a} en liberté. Celle-ci répondit là-dessus que son neveu avait dit au roi qu’il avait eu dessein de se retirer, mais qu’ayant reconnu que si cela était, il serait misérable (voulant dire qu’il ne pourrait pas avoir de conjonction {b} à cause que la mariée a un os dans la matrice qui l’empêche), qu’il avait voulu se servir des lois du royaume ; que son neveu était venu à elle et non pas elle à son neveu ; et qu’il avait pris lui-même la clef des champs et s’était fait maître de sa personne. Cependant, cette cause se doit plaider dans dix ou douze jours, Mme de Beauvais ayant déjà choisi le sieur Pucelle pour son avocat, et Mme d’Aiguillon le sieur Langlois. »


  1. Qu’elle avait enfermé à Rueil.

  2. Consommation du mariage.

Ibid. (fo 187 ro, Paris, 17 décembre 1652) :

« La reine s’est entièrement déclarée pour Mme de Beauvais dans l’affaire du mariage du marquis de Richelieu et Mme d’Aiguillon ne paraît plus à la cour. Le duc de Richelieu, qui est ici depuis 10 ou 12 jours, fait fort sa cour, ayant accepté l’amnistie, pour se prévaloir de cette occasion. Il joue souvent avec le roi et lui a gagné 1 400 pistoles au jeu depuis trois ou quatre jours ; mais l’on a remarqué que Madame sa femme ayant été voir la reine, n’a point eu le tabouret. »

La Beaumelle (Mémoires pour servir à l’histoire de Madame de Maintenon et à celle du siècle passé, Mastricht, Jean-Edme Dufour et Philippe Roux, 1778, tome 2, page 250) :

« Mes neveux, disait Mme d’Aiguillon dans l’amertume de sa douleur, mes neveux vont toujours de mal en pis : l’aîné, la veuve d’un homme que personne ne connaît ; le second, la fille d’une servante de la reine ; j’espère que le troisième épousera la fille du bourreau. C’était bien la peine que mon oncle se damnât ! »

43.

« à Me Guy Patin, natif de Beauvaisis, très savant et avisé docteur en médecine de Paris, et doyen de sa très salubre Faculté, musagète et mécène qui vénère profondément la santé et l’observance des règles » (v. note [38], lettre 224, pour l’épître dédicatoire du Sennertus de 1650).

Un dieu de l’Olympe, Apollon (v. note [8], lettre 997), et un héros, Hercule (v. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1663), partageaient l’épithète de musagète (conducteur des Muses). Dans l’édition des Opera de Daniel Sennert (1654-1656, v. note [33], lettre 285) qui se préparait alors à Lyon, cette dédicace (écrite par Charles Spon, mais signée par Jean-Antoine Huguetan et Marc-Antoine Ravaud) se lit avec simplement un ajout (après Decano) : necnon Rei Anatomicæ, Botanicæ, et Pharmaceuticæ Professori regio [ainsi que professeur royal de matière anatomique, botanique et pharmaceutique] (charge acquise par Guy Patin en octobre 1654).

44.

« dans le style élogieux ».

45.

« autant que vous voudrez. »

46.

« avoir les mêmes désirs, les mêmes répugnances, éprouver les mêmes sentiments, c’est là en somme la véritable amitié » : Nam idem velle atque idem nolle, ea demum firma amicitia est (Salluste, Guerre de Catilina, chapitre xx).

47.

V. notes :

48.

Guy Patin signalait un défaut dans les cahiers non reliés des Consultationum de Giulio Cesare Benedetti (in‑4o, soit huit pages par feuille) que Marc-Antoine Ravaud lui avait expédiés : il y manquait les 88 pages correspondant aux 11 signatures de feuille allant de Nn à Zz (second alphabet). Ni J, assimilée à I, ni V, assimilée à U, ni W, lettre alors inexistante en français, ne faisaient partie de l’alphabet des signatures qui ne comptait donc que 23 lettres, dont M était la 12e, séparant les première et seconde moitiés (de 11 feuilles chacune).

49.

V. note [7], lettre 205, pour le traité du P. Théophile Raynaud « des bons et mauvais livres ».

50.

La sainte reine Élisabeth (1207-1231), fille d’André ii, roi de Hongrie, était devenue veuve du landgrave de Thuringe en 1227. Refusant de se remarier, elle se mit au service des pauvres et prit l’habit du Tiers-Ordre franciscain. Canonisée en 1235, elle est fêtée le 17 novembre. Les filles de sainte Élisabeth formaient alors un quatrième Ordre de saint François. Leur maison parisienne se trouvait en face du Temple (actuelle église Sainte-Élisabeth de Hongrie, à côté du métro Temple dans le iiie arrondissement de Paris).

51.

François Héron (mort en 1682), reçu docteur de Sorbonne en 1635, était prieur commendataire de Notre-Dame du Champ-Arien, aumônier de la reine et prédicateur du roi. Ami de Port-Royal, il soutint Antoine ii Arnauld dans sa querelle avec la Sorbonne (1655-1656), ce qui valut alors à Héron d’être exclu de ses rangs (Dictionnaire de Port-Royal, page 521).

52.

« Ainsi un chien aboie à la Lune, et la Lune ne s’en émeut pas » (v. note [8], lettre 34).

53.

« On appelle des prières de quarante heures des prières publiques et continuelles qu’on fait pendant trois jours devant le Saint-Sacrement pour demander le secours du Ciel en des occasions importantes » (Furetière).

Journal de la Fronde (volume ii, fo 176 ro et vo) :

« De Paris, du 19 novembre 1652. La semaine passée, Des Roches, exempt des gardes de S.A.R., {a} fut envoyé à Blois pour porter nouvelle de la santé de Madame {b} à M. le duc d’Orléans, et lui dit qu’elle était malade à l’extrémité et qu’il n’y avait presque plus d’espérance, dont il fut si touché qu’il en jeta des larmes ; et ce fut sur cet avis qu’il s’approcha d’Orléans pour en savoir des nouvelles tous les jours. Le fils de M. Brunier, son médecin, {c} lui en porta le 16 au matin qui étaient toutes contraires, l’ayant assuré qu’elle n’avait eu qu’un peu de fièvre et qu’elle se portait bien ; ce qui fit croire à Son Altesse Royale que c’était une pièce qu’on lui jouait pour le tirer {d} à Paris et que Des Roches ne lui avait été envoyé que pour ce sujet ; ainsi, elle s’en retourna d’abord {e} à Blois. Néanmoins, ni Brunier, ni Des Roches ne lui avaient dit la vérité de ce qui en était, étant certain que Madame n’a point été à l’extrémité, mais aussi qu’elle n’a point été sans fièvre. […]

Madame a pris ce matin une médecine qui l’a beaucoup soulagée ; et depuis qu’elle l’a rendue, sa fièvre et son oppression d’estomac ont beaucoup diminué. » {f}


  1. Son Altesse Royale, Gaston d’Orléans.

  2. V. note [12], lettre 296, pour l’accouchement de Madame, le 9 novembre précédent.

  3. Abel Brunier, v. note [14], lettre 246.

  4. Faire venir.

  5. Aussitôt.

  6. Madame, la duchesse d’Orléans, était probablement atteinte de fièvre puerpérale, infection (à streptocoques) qui survenait dans les suites de couches et entraînait souvent la mort. Elle en réchappa néanmoins et mourut en 1672.

54.

« sur [le livre de Galien de] la raison de soigner par la saignée » (v. note [11], lettre 273).

55.

Ballotter « se dit quand des joueurs de paume ne font que se renvoyer la balle l’un à l’autre et ne jouent point partie. En ce sens on dit figurément ballotter quelqu’un, pour dire le renvoyer de l’un à l’autre sans vouloir rien conclure en sa faveur » (Furetière).

C’était une nouvelle allusion à l’interminable édition (alors confiée au libraire lyonnais Pierre Rigaud) des Chrestomathies de Caspar Hofmann pour laquelle Guy Patin avait recueilli en 1648 trois traités manuscrits inédits (v. note [1], lettre 274).

56.

« Voilà l’épreuve, voilà la difficulté » (Virgile, Énéide, chant vi, vers 129, et Ovide, L’Art d’aimer, livre i, vers 453).

57.

Lapsus de Guy Patin : le 21 novembre 1652 fut un jeudi. Contenue dans la même enveloppe, la courte lettre qui suit est à tenir pour un post-scriptum de celle-ci.

58.

Le courrier hebdomadaire pour Lyon partait de Paris le vendredi soir ; il arrivait ordinairement à son destinataire le mercredi ou le jeudi suivant.

59.

Banqueroute (Furetière) :

« faillite, fuite, abandonnement de biens que font les banquiers ou négociants publics à leurs créanciers, avec fraude et malice. Beaucoup de marchands s’enrichissent par des banqueroutes frauduleuses, en mettant leurs biens à couvert. La banqueroute est différente de la faillite, parce que la banqueroute est volontaire et frauduleuse, quand le banqueroutier s’enfuit et emporte le plus liquide de ses biens. La faillite est contrainte et nécessaire, et est causée par quelque fortune ou accident ; et l’on tient qu’un homme à fait faillite dès qu’il a manqué à acquitter des lettres de change, ou qu’il y a quelque désordre dans son négoce.
Banqueroute se dit aussi de l’insolvabilité des bourgeois, ou autres personnes qui doivent plus qu’ils n’ont vaillant, et qui ne payent pas leurs dettes.

Banqueroute se dit figurément en choses spirituelles : il a fait banqueroute à l’honneur, au bon sens, à Dieu ; et on le dit encore de ceux qui manquent à exécuter leurs promesses, et à se trouver aux rendez-vous qu’ils ont donnés ; ou de ceux qui se retirent secrètement d’une compagnie, et sans dire adieu.
Ce mot vient de l’italien banca rotta, “ banque rompue ”. »

Henry Bourcier de Barry, sieur de Saint-Aunais, lieutenant général depuis 1649, avait hérité du gouvernement de Leucate (v. note [9], lettre 51), dont bénéficiait sa famille depuis plus d’un siècle. Proscrit une première fois en 1639, il était rentré en grâce à la fin de 1643 et avait été rétabli dans son gouvernement l’année suivante. En novembre 1652, il venait de trahir une nouvelle fois la France contre 40 000 piastres (soit autant d’écus) que lui offrait Philippe iv d’Espagne. Louis xiv entra aussitôt en négociation avec Saint-Aunais qui, en échange de son rétablissement, demandait 200 000 livres payables par les états du Languedoc. Le maréchal de La Mothe-Houdancourt servit ici d’intermédiaire entre le gouvernement et la cour (Jestaz et Adam).

Journal de la Fronde (volume ii, fo 174 vo, 15 novembre 1652) :

« Vous aurez su que Saint-Aunais, gouverneur de Leucate, se déclara il y a cinq ou six mois pour M. le Prince et que depuis, il n’a cessé de faire des courses dans le Roussillon. Ses trois enfants étant ici en pension dans le Collège d’Harcourt, y ont été arrêtés cette après-dînée par ordre du roi. »

Guy Patin a reparlé de Saint-Aunais en 1665 (v. note [5], lettre 817) à l’occasion d’une nouvelle défection en faveur de l’Espagne.

60.

Sainte-Menehould (Marne), sur l’Aisne, ancienne capitale de l’Argonne, se situe à mi-chemin entre Châlons-en-Champagne et Verdun. La place était assiégée par l’armée de Condé depuis le début de novembre.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 176 vo, Paris, 19 novembre 1652) :

« On eut avant-hier ici nouvelles certaines, et dont on a eu depuis la confirmation, que Sainte-Menehould avait capitulé le 13 après un grand effet de deux fourneaux {a} qui firent une brèche de plus de deux toises de large ; et que M. de Sainte-Maure en sortit le 14 au matin avec 200 hommes sous les armes qui furent escortés à Châlons, au lieu desquels M. le Prince y mit les régiments de Condé, d’Enghien, et le comte de Pas pour gouverneur ; ce qui fut confirmé hier au soir par l’arrivé de M. Gidoin, lequel était demeuré à Châlons depuis son départ de Paris avec le président Viole à cause que M. le Prince ne leur avait pas voulu rendre le trompette qu’ils lui avaient envoyé pour lui demander escorte et passeport. Il a rapporté que M. le Prince avait enfin donné congé aux troupes de Son Altesse Royale, lesquelles s’en viennent par Compiègne, mais qu’il avait voulu s’en servir jusqu’après la prise de cette place où il < leur > a fait faire toutes les plus rudes attaques. Elle {b} ne s’est point rendue aux Espagnols, mais seulement à M. le Prince, à condition que la justice y sera exercée au nom du roi, comme à Clermont, {c} sous l’autorité de M. le Prince. Les troupes espagnoles, depuis la prise de Beaumont, ont investi Donchery, proche Sedan, d’où la reine a reçu aujourd’hui une lettre qu’elle a lue tout haut, par laquelle on lui mande que le cardinal Mazarin est dans l’armée du maréchal de Turenne. »


  1. Mines.

  2. Sainte-Menehould.

  3. Clermont-en-Argonne.

61.

« Pendant ce temps, le juste souffre » (v. note [44], lettre 176).

Ambages : « vieux mot qui signifiait autrefois un amas confus et obscur de paroles dont on a de la peine à deviner la signification. Les chimistes ne parlent que par ambages et ne sont point entendus. Ce mot est plus latin que français » (Furetière). Ambages (du latin ambages, détours, sinuosités) nous est resté dans la locution sans ambages : sans détours, sans s’embarrasser de circonlocutions.

62.

« Bon Dieu ! Que la guerre provoque de carnages ! »

63.

« ce dont Dieu le préserve ! » Gabriel Naudé mourut à Abbeville le 29 juillet 1653.

64.

Marie Caze (1601-1677), épouse du financier lyonnais Jean Caze (v. note [24], lettre 277), était sœur de Jean-Antoine ii Huguetan, le libraire de Lyon, et de Jean Huguetan, avocat à Paris.

65.

Ça n’était ni la première, ni la dernière fois que Guy Patin se plaisait innocemment à rêver sur l’admirative tendresse que lui vouait l’épouse de Charles Spon.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, les 21 et 22 novembre 1652

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0297

(Consulté le 19/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.