L. 324.  >
À Charles Spon,
le 26 août 1653

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le 9e d’août par la voie de M. Guillemin [2] à qui je faisais réponse pour une qu’il m’avait fait l’honneur de m’écrire ; et l’ai prié, quand il voudrait m’écrire, de vous donner sa lettre afin de l’enfermer dans les vôtres. Depuis ce temps-là, je vous dirai que les Hollandais ont derechef eu une rude perte contre les Anglais qui, comme les plus forts, les ruineront à la fin s’ils ne s’accordent. [1][3][4] On parle ici du sacre du roi [5] à Reims, [6] mais que ce ne sera que sur la fin de l’automne, lorsque les troupes seront retirées.

On tenait ici faite la paix de Bordeaux, [7] mais on a renversé celle que M. de Vendôme [8] leur avait accordée : le roi veut que la ville soit démantelée, que deux citadelles y soient bâties, que le parlement soit transféré à Agen, etc. [2]

On écrit ici de Venise [9] que les Vénitiens ont gagné une grande bataille sur les Turcs, près de Rhodes, [10] qu’il y a plusieurs vaisseaux coulés à fonds et plusieurs prisonniers. [3]

Ce 21e d’août. Pour votre lettre que je viens de recevoir, datée du 15e d’août, je vous avertis 1. que je vous en remercie de tout mon cœur ; 2. que par ci-devant, M. Guillemin m’a écrit en beaux termes et avec de beaux compliments qu’il désirait mon amitié, etc. Je lui avais déjà écrit une autrefois, il y a environ deux ans. Il avait ici un ami particulier nommé M. Le Breton [11] qui lui écrivait souvent et avec lequel il conférait de plusieurs choses, mais il n’est plus ici, il est allé à Bordeaux y être médecin et précepteur du duc d’Enghien. [12] Je ne sais pas de présent où ils sont. Peut-être que votre M. Guillemin a quelque dessein de cette nature, dont je ne suis pas éclairci. Quoi qu’il en soit, je ne me hâterai de rien et me tiendrai sur mes gardes, je sais bien qui est le personnage et à qui j’ai affaire. Nervi sunt sapientiæ nihil temere credere : hoc me iamdudum monuit vafer Siculus Epicharmus[4][13][14] Et même, afin qu’il ne s’y trompât point, je lui ai donné avis par ma dernière de ce qu’il savait déjà bien, qui est que je vous écris souvent, que j’ai amitié et commerce particulier avec vous ; et l’ai prié de vous donner ses lettres quand il voudra m’écrire, afin que vous les puissiez enfermer dans votre paquet. Il en fera tout ce qu’il lui plaira, ce commerce des lettres peut être innocent ; autrement non, j’y prendrai bien garde. Surtout, je vous prie quand vous le rencontrerez de lui présenter mes très humbles recommandations ; et c’est de quoi je vous prie. Je ne lui ai rien écrit de MM. Gras, Garnier, Falconet, combien que je ne doute nullement qu’il ne sache très bien que je leur écris quelquefois ; mais il en fera comme il l’entendra. Il me parle d’un livre de Fascino [15] qu’il m’envoie, [5] et d’un certain Bravo [16] qu’il m’enverra. [6] Quand je les aurai reçus, je l’en remercierai et chercherai l’occasion de lui en envoyer d’autres pour récompense, à mesure qu’il s’en pourra présenter de deçà quelques-uns propres à cet effet.

Je vous remercie d’avoir distribué mes lettres du dernier paquet. Je souhaite fort que M. Garnier [17] soit bientôt guéri ; mais pour M. Meyssonnier, [18] je n’aime point à recevoir de ses lettres, ce commerce me déplaît, cet homme n’est non plus raisonnable en ses lettres qu’en ses livres ; je ne lui écrirai plus, j’ai bien trop de quoi mieux employer mon temps ; je pense que cet homme tiendrait à déshonneur d’être plus sage qu’il n’est, il a des pensées extravagantes, desquelles il ne veut point être détrompé. Infelix qui per se nec per alium sapit, sed sinamus hunc hominem suo more modoque suo solemnia insanire : nec enim est mihi tanti[7]

Pour M. Paquet, [19] je crois qu’il est retourné à Lyon ; au moins suis-je bien assuré qu’il m’a dit adieu pour cet effet, il y a longtemps. Quand vous le verrez, je vous supplie de lui faire mes très humbles recommandations. Il m’a bien promis de s’entretenir avec vous de moi quand il sera de retour à Lyon. Il aime pareillement bien M. Falconet, mais il est détrompé de votre M. Guillemin. Je lui ai donné un mémoire de sa maladie et quelque avis pour sa santé. Parlez-lui en quelque mot pour voir s’il vous le montrera, comme je crois qu’il fera car il est fort bon homme et m’a témoigné qu’il faisait grand état de vous.

J’ai reçu votre thèse ostéologique, de laquelle je vous remercie, avec le livre contre les Chananéens [20][21] que j’ai trouvé fort beau ; je m’en vais tâcher par ci-après de le faire imprimer. [8] Pour le Casaubon [22] contre Baronius, [9][23] vous l’aurez par le moyen de la première balle que M. Huguetan [24] enverra à Lyon. Pour M. Rigaud, [25][26] je suis de votre avis : il ne s’y faut plus attendre, cet homme se moque de nous. Gardez bien ce que vous avez entre les mains, ne lui donnez jamais ; mais plutôt, pensez à retirer les cahiers qu’il a vers soi. Quand vous aurez toute la copie, si vous en êtes d’avis, j’en écrirai un mot à M. Julliéron [27] si le jugez à propos ; sinon, vous en traiterez avec tel qu’il vous plaira si vous en avez quelque autre en main. [10]

Je ne me console point de la mort de M. Naudé. [28] Depuis le jour que j’en ai appris la malheureuse nouvelle, je ne dors point et en suis tout troublé. Ce n’est point du tout que j’aie envie de l’aller chercher en l’autre monde (peut-être même que nous ne nous rencontrerions point), mais c’est que je regrette le malheur d’un si homme de bien. J’apprends qu’il y a ici plusieurs savants qui travaillent à faire quelque chose sur sa mort. Je vous prie d’en faire de même en vers ou en prose, il n’importe comment ; on en pourra faire ici quelque recueil, j’y ferai mettre ce que vous m’en aurez envoyé. [11] Le sieur Bourdelot [29] est revenu de Suède et arrivé à Paris, je ne l’ai point encore vu. Il se vante qu’il a rapporté de Suède 50 000 écus, je m’étonne qu’il ne dise 200 000 écus car il est grand hâbleur[12][30] Je voudrais qu’il en eût rapporté un million d’or et que nous tinssions ici M. Naudé en bonne santé. Ô le pauvre ami que je ne reverrai jamais ! maudit soit le voyage qui nous a ravi un tel et si précieux ami.

Vous avez bien fait de chasser votre M. Meyssonnier de votre Collège, [31] il n’est rien tel que de faire justice tant que l’on peut sans s’attendre à autrui.

Le commentaire de Sebizius [32] in Gal. de cur. ratione per sangu. miss. n’est-il point encore arrivé ? [13] La guerre recommence à Bordeaux par la chicane que leur fait le Mazarin : [33] il veut que la ville soit démantelée, que l’on y bâtisse deux citadelles, que le parlement en soit transféré à Agen, etc. [2] Bref, il ne veut rien tenir de ce que M. de Vendôme leur a accordé. Le prince de Condé [34] est devers Guise [35] avec une puissante armée d’Espagnols plus forte que la nôtre. Il n’a encore surpris aucune ville, il a notre armée à ses talons qui l’épie et le suit. [14] Je vis ici cette fille velue l’an 1634, [36] elle peut avoir aujourd’hui environ 33 ans ; [15] je n’aime point à voir ces monstres qui sont horribles. [37]

On parle ici d’un voyage du roi pour le 4e de septembre, premièrement à Compiègne, [38] delà à Soissons [39] et puis à Reims où il sera sacré le 1er jour d’octobre. Après cela, étant de retour à Paris, le roi fera cent chevaliers du Saint-Esprit [40] où seront compris tous les maréchaux de France et les ducs et pairs. [16]

On dit que cet hiver se feront plusieurs noces des nièces mazarines, [41] et même quelques-uns disent (mais à l’oreille et tout bas) qu’il y en a une fort belle que la reine [42] destine pour le roi ; elle est encore en chemin. [17][43] Nous avons tant vu de prodiges depuis quelques années en France que cela se pourra bien encore voir et quoi que l’on en dise, je n’en désespère point. Talium prodigiorum feracissima est ætas nostra[18]

M. Gassendi [44] fait ici imprimer la Vie de Tycho Brahe [45] in‑4o, il y en a quatre feuilles faites, il ajoutera derrière divers traités. [19] On imprime aussi un in‑8o de cicéro de M. Riolan, [46] lequel contiendra trois petits traités : le premier sera de Lacteis thoracicis, le deuxième de Vasis lymphaticis[47][48] le troisième sera Examen Anatomiæ reformatæ Thomæ Bartholini[20] Le premier des trois est contre un livret in‑12 de Bartholin [49] imprimé à Londres sous ce titre. [21] Le deuxième est contre un autre du même auteur, imprimé en Danemark, qu’il a lui-même envoyé à M. Riolan et lui a dédié, tant en louant qu’en le picotant. En voici le titre : Thomæ Bartholini Vasa lymphatica, nuper Hafniæ in animantibus inventa, et hepatis exsequiæ. Hafniæ, sumptibus Georgii Holst, Bibliopolæ, typis Petri Hakii, 1653. Ioanni Riolano, maximo orbis et urbis Parisiensis anatomico S.D. Thomas Bartholinus[22] Il a fait à la fin de ce livre l’Épitaphe du foie qu’il tient comme une partie inutile et superflue dans le corps humain, [50] comme Érasistrate [51] a dit autrefois de la rate, etc. [23][52] Le troisième traité est une revue que M. Riolan a faite de la dernière édition de l’Anatomie de Bartholin où beaucoup de choses lui sont reprochées. [24] Comme ce livre de M. Riolan [53] sera petit, je tâcherai de vous le faire tenir de bonne heure. Nous aurons ici dans un mois en deux volumes in‑fo toutes les œuvres de M. La Mothe Le Vayer [54] corrigées et augmentées, et entre autres de plusieurs belles lettres. [25] M. de Saint-Amant, [55] qui a fait par ci-devant la Rome ridicule, fait imprimer son Moïse qui sera un in‑4o de 40 feuilles. [26] M. l’abbé de Marolles, [56] qui a par ci-devant fait imprimer plusieurs traductions du Nouveau Testament, [57] du Lucain, du Lucrèce, du Virgile, du Juvénal et Perse, de l’Horace, fait aujourd’hui imprimer son Catulle, Tibulle et Properce, in‑8o[27] Un avocat, nommé M. Challine [58] fait pareillement imprimer une autre traduction du Juvénal, mais qui sera toute en vers français. [28] On imprime pareillement quelque chose de feu M. Dupuy, [59] garde de la Bibliothèque du roi, [60] in‑4o, pour la défense des libertés de l’Église gallicane et contre les entreprises des papes sur le royaume de France. [29][61]

Nouvelles sont ici arrivées qu’il y a eu de nouveau un rude combat entre les Anglais et les Hollandais, et que ces derniers y ont perdu la valeur de 60 vaisseaux. C’est ce que portent les lettres de Rouen et de Calais, mais les lettres de Hollande portent que la perte a été égale. L’amiral Tromp [62] y a été tué, au grand regret des Hollandais qui avaient encore grand besoin de lui. Je ne sais ce qui est de la vérité de l’affaire, mais la plupart des amis des Hollandais, qui sont presque tous marchands, croient ici que les Anglais ont gagné la victoire, et ont fort mauvaise opinion pour l’avenir de la fortune et des intérêts des Hollandais, pour lesquels ils ont de la compassion. [30]

Le croirez-vous ? Comme j’écrivais ce dernier mot de la dernière ligne, voilà le jeune Bauhin [63] qui entre céans, [31] lequel est fort en peine d’argent. Il a mandé à son père [64] qu’il veut quitter la guerre et tout ce métier-là, qu’il ne veut être que médecin et plaire en tout et par tout à son père, à la charge qu’il lui enverra de l’argent, etc. Le compagnon, après m’avoir entretenu de pareilles bagatelles, m’a fait la faveur de se retirer et m’a fait plaisir car il vaut mieux être tout seul qu’en telle compagnie : Sic me servavit Apollo[32][65]

Il y a ici un de vos conseillers de Lyon nommé M. Guéton, [66] duquel j’ai vu la femme légèrement indisposée ex intemperie præfervida viscerum[33] pour à laquelle remédier elle prenait de la confection d’hyacinthe [67] dans du bouillon ; ce que je lui ai ôté et défendu à l’avenir, elle n’en prendra plus et melius habet[34] Trois jours après, la sœur du même Guéton, femme de M. Chapuis, [68] m’envoya quérir pour la fièvre qu’elle avait ; [69] elle est aussi remise en meilleur état. Ce M. Chapuis est pareillement un de vos conseillers que j’ai autrefois vu ici. Il est curieux de livres, il m’a parlé de M. Guillemin ; et moi je lui ai parlé de vous et de M. Gras comme de mes meilleurs amis.

Ce 25e d’août. Voilà M. Riolan qui vient de sortir de céans où il a causé quelque temps avec moi après notre consultation faite pour un marchand d’Amiens [70][71] qui avait désiré de le voir. Il était en fort belle humeur, il se porte fort bien. Il dit qu’il a augmenté d’une bonne moitié son traité de Circulatione sanguinis [72] qui est dans l’in‑fo[35] qu’il a envie de le faire réimprimer à part ainsi augmenté. Il en dit autant de Encheiridio Anatomico[73] pour lequel il veut faire une Mantissa[36] laquelle contiendra environ huit feuilles d’impression ; mais il dit qu’il veut écrire contre l’antimoine, [74] et qu’il s’en va en faire un livre en français aussi gros ou environ que sont les Curieuses recherches sur les facultés de médecine de Paris et de Montpellier[37][75][76] in‑8o de même lettre, qu’il a de belles choses à dire là-dessus et qui ne sont pas communes, et qu’il piquera jusqu’au vif tant de gens qui en abusent, dont même il y en a quelques-uns de notre Faculté.

On parle ici de tirer le cardinal de Retz, [77] de prison et de le traduire du Bois de Vincennes [78] ailleurs. [38] Quelques-uns disent à Pierre-Ancise, [39][79] les autres au Havre-de-Grâce, [80] à Sedan, [81] à Amiens, etc. Le vieux archevêque, [82] son oncle, est ici fort malade du calcul dans la vessie. Il a jusqu’ici abhorré la taille, [83] mais propter acerbitatem dolorum[40] et que l’on le presse de souffrir d’être taillé ; on espère qu’il s’y résoudra.

Ce 26e d’août. On disait que le roi devait partir samedi prochain pour son voyage de Compiègne, Soissons et Reims pour le sacre, mais qu’il pourra bien être différé par la nouvelle qui est ici fraîchement arrivée de la maladie du pape, [84] laquelle on dit être si grande qu’on le tient ici pour mort. On dit ensuite que le cardinal Barberini [85] pourra bien être pape, etc. [41]

Je vous supplie de faire quelque chose en l’honneur et pour la mémoire de feu M. Naudé qui a été un fort excellent et honnête homme, et qui a fait tout ce qu’il a pu en sa vie pour se faire aimer des gens lettrés, la plupart desquels il a obligés dans les occasions. Il y en a ici plusieurs qui y travaillent, on en fera un recueil in‑4o[11] Si vous voulez prendre la peine de me l’envoyer, j’en aurai soin. Si vous honorez sa mémoire de votre beau style, vous obligerez tous ses amis qui sont en nombre infini et presque tous les savants de l’Europe. Le P. Fronteau, [86] Angevin, canonicus regularis Sanctæ Genovesæ Paris. [42][87] et chancelier de l’Université, en a fait du latin que voilà que je vous envoie. J’espère que dans le recueil qui s’en fera, il y aura quelque chose de meilleur. Il était né l’an 1600, le 2d de février et est mort le mardi 29e de juillet 1653. Le cardinal Mazarin veut avoir sa bibliothèque, [88][89] laquelle est bonne et fort bien garnie. [43]

Le P. Briet [90] est aux champs où il prend du lait d’ânesse. [91] Le pauvre homme est presque tabide, [92] magnum quid præstabit si hac hyeme proxima, sese a tetra et lethali tabe vindicet[44] On n’imprime rien de lui, mais tout le reste de sa Géographie est tout prêt, principalement son Asie. Les pères de la Société l’ont dispensé de régenter en sa rhétorique l’hiver prochain ; aussi ne s’en pourrait-il acquitter, adeo impar mihi videtur tanto labori[45]

Qui est donc cet Espagnol nommé Bravo duquel m’écrit M. Guillemin ? L’imprime-t-on à Lyon, est-il achevé, est-ce un in‑fo, est-ce pratique ou théorique ? J’ai céans un commentaire sur le Pronostic[93] de ce nom-là. [46] Je vous prie de m’en mander ce que vous en saurez et de retirer des mains de M. Rigaud, le plus tôt que vous pourrez, ce qu’il a de nos cahiers ; et puis après, vous en parlerez, tant en votre nom qu’au mien, à M. Julliéron ou bien à tel qu’il vous plaira. [10] Je vous baise très humblement les mains et suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 26e d’août 1653.

Je vous supplie de faire mes très humbles recommandations à MM. Gras, Guillemin, Falconet et Garnier. [47]


a.

Ms BnF no 9357, fos 123‑124 ; Jestaz no 98 (tome ii, pages 1110‑1118) ; Prévot & Jestaz no 19 (Pléiade, pages 454‑461).

1.

Le dernier engagement naval de la première guerre anglo-hollandaise, connu sous le nom de bataille de Scheveningen ou du Texel, avait eu lieu du 8 au 10 août. La flotte hollandaise était sortie pour lever le blocus anglais établi après la bataille de Gabbard (v. note [37], lettre 318). L’amiral Maarten Tromp (v. note [30], lettre 324) fut tué durant le combat qui se solda par une nouvelle victoire anglaise et par l’ouverture des négociations qui menèrent au traité de Westminster en mai 1654.

2.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 252 vo, Paris, 26 août 1653) :

« Les lettres de Bordeaux du 18 portent que MM. de Vendôme et de Candale y avaient fait arrêter prisonnier, et conduire dans la citadelle de Bourg, le sieur d’Espagnet, conseiller au parlement, à cause d’entretenir encore des intelligences avec Mme la Princesse et les autres du conseil de M. le Prince qui étaient dans l’armée navale d’Espagne, laquelle était toujours au même poste ; et qu’on avait fait sortir de la ville les mal intentionnés au service du roi qui étaient trouvés monter au nombre de 60. L’on a promis aux Bordelais de laisser les fortifications de Bordeaux en l’état qu’elles sont, de faire démolir le fort de César et laisser le reste des choses en l’état qu’elles furent arrêtées par le traité précédent ; mais c’est à condition que le château Trompette sera rétabli, laquelle condition néanmoins ils n’ont pas encore acceptée ; mais comme MM. de Vendôme et de Candale les traitent fort doucement, l’on croit qu’ils accepteront ce parti. »

3.

Les Vénitiens étaient engagés contre les Turcs sur terre en Dalmatie et sur mer à Rhodes, île du Dodécanèse qui marque à l’est la limite entre les mers Égée et Méditerranée.

Semaine après semaine, la Gazette en a donné des nouvelles.

4.

« “ Les nerfs de la sagesse sont de ne rien croire à la légère ”, c’est ce dont le subtil Épicharme de Sicile m’a averti depuis longtemps. »

Ce latin est emprunté à l’Essai sur la candidature (chapitre x) de Quintus Cicéron (vers 102-43 av. J.‑C.), préteur romain, frère cadet de Marcus Tullius (qui lui a écrit trois livres de lettres) :

Non est huius temporis perpetua illa de hoc genere disputatio, quibus rebus benevolus et simulator diiudicari possit ; tantum est huius temporis admonere. Summa tua virtus eosdem homines et simulare tibi se esse amicos et invidere coegit. Quam ob rem Epicharmeion illud teneto, nervos atque artus esse sapientiæ non temere credere […].

[Ce n’est pas le moment de discuter sur la manière de distinguer un véritable ami d’un faux : tout ce qui est en place maintenant doit t’en donner une idée. Ton caractère fougueux a contraint beaucoup de gens à faire semblant d’être tes amis alors qu’en vérité ils sont vraiment jaloux de toi. C’est pourquoi rappelle-toi la phrase d’Épicharme, {a} les nerfs et les membres de la sagesse sont de ne pas croire à la légère  {a} (…)].


  1. Épicharme, philosophe, médecin et poète grec né à Mégara (Sicile, v. seconde notule {b}, note [32] du Faux Patiniana II‑3) ou à Cos en mer Égée (Dodécanèse) vers 525 av. J.‑C., vécut à Syracuse jusqu’à l’âge de 90 ans. Élève de Pythagore, il est considéré comme l’un des inventeurs de la comédie grecque. Seuls des fragments de son œuvre sont parvenus jusqu’à nous.

  2. Mise en en exergue du passage qui a inspiré Guy Patin ; v. note [38] du Borboniana 9 manuscrit pour la reprise de cette citation dans un emblème d’André Alciat (v. note [19], lettre 229) qui pourrait aussi avoir inspiré Patin, en seconde main.

5.

De Fascino libri tres. In quibus omnes Fascini species et causæ optima methodo describunbur, et ex philosophorum ac theologorum sententiis scite et eleganter explicantur ; necnon contra præstigias, imposturas, illusionesque dæmonum, cautiones et amuleta præscribuntur ; ac denique nugæ, quæ de iisdem narrari solent, dilucide confutantur. Leonardo Vairo, ordinis S. Benedicti canonico regulari, auctore. Accessit ad calcem Index locupletissimus.

[Trois livres sur l’Ensorcellement, où sont : décrites suivant la meilleure méthode, et habilement et élégamment expliquées d’après les avis des philosophes et des théologiens, toutes les sortes et causes d’ensorcellement ; tout comme sont indiquées les protections et amulettes {a} contre les sortilèges, les impostures et les dérisions des démons ; et finalement nettement réfutées les niaiseries qu’on a l’habitude de débiter à leur sujet. Par Léonard Vair, {b} chanoine régulier de l’ordre de Saint-Benoît. À la fin est ajouté un très riche index]. {c}


  1. V. note [5], lettre 325.

  2. Léonard Vair (Leonardus Vairus ou Leonardo Vairo, Bénévent vers 1540-Pouzzoles 1603), docteur en théologie et évêque de Pouzzoles (v. note [48] du Faux Patiniana II‑4), a dû sa réputation à ce livre.

  3. Paris, 1583, Nicolas Chesneau, in‑4o de 275 pages ; réédité à Venise, Alde, 1589, et traduit :

    Trois livres des Charmes, Sorcelages ou Enchantements. Esquels {i} toutes les espèces, et causes des Charmes sont méthodiquement décrites, et doctement expliquées selon l’opinion tant des Philosophes que des Théologiens, avec les vrais contrepoisons pour rabattre les impostures et illusions des Démons : et par même moyen les vaines bourdes qu’on met en avant touchant les causes de la puissance des sorcelleries y sont clairement réfutées. Faits en latin par Léonard Vair Espagnol, {ii} Docteur en Théologie : et mis en français, par Julian Baudon, Angevin. Avec une ample table des principales matières. {ii}

    1. Où.

    2. Sic.

    3. Paris, Nicolas Chesneau, 1583, in‑8o de 553 pages.

6.

Gaspar Bravo de Sobremonte Ramirez (Aguilar del Campo, près de Burgos, 1610-1683) était un médecin espagnol qui enseigna la médecine et la chirurgie à l’Université de Valladolid, puis devint médecin de Philippe iv et de Charles ii.

Bravo était comme Guy Patin fort attaché à l’ancienne tradition médicale, hippocrato-galénique. On imprimait alors de lui :

Gasparis Bravo, de Sobremonte Ramirez, Sanctæ Inquisitionis familiaris, et Medici Primarii, in Celeberrima Vallisoletana Academia olim Artium, Cathedræ Chirurgicæ, Methodicæ, Vespertinæ, et Primariæ Hippocratis Moderatoris : nunc Primariæ Avicennæ Possessoris : Resolutiones Medicæ in quatuor partes tributæ : quarum i. Physiologiæ universæ. ii. Pathologiæ. iii. Febrium theoriæ ac curationis. iv. et ultima, Sanguinis missionis, Purgationis ac de Sudore Controversias proponit, excutit ac dirimit. Opus omnibus Medicinæ cultoribus utilissimum : Cum Indicibus necessariis.

[Réfutations médicales de Gaspar Bravo de Sobremonte Ramirez, serviteur et premier médecin de la sainte Inquisition, jadis président des arts, de la chaire chirurgicale, méthodique, vespérale et première d’Hippocrate en la très célèbre Université de Valladolid, maintenant premier professeur de la chaire d’Avicenne. Distribuées en quatre parties elles exposent, examinent et tranchent les controverses : i. de toute la physiologie, ii. de la pathologie, iii. de la théorie et de la guérison des fièvres, iv. et dernière, de la saignée, de la purgation et de la transpiration. Œuvre très utile à tous les adeptes de la médecine ; avec les index nécessaires]. {a}


  1. Lyon, Philippe Borde, Laurent Arnaud et Claude Rigaud, 1654, in‑fo de 594 pages.

7.

« Malheureux qui n’a pas de goût, ni par lui-même ni par autrui ; mais laissons à ce genre d’homme la liberté de son caprice et de sa manière habituelle d’être fou ; et en effet il n’est pas grand’chose pour moi. »

8.

V. note [19], lettre 309, pour l’ouvrage du dénommé François Roure sur les Chananéens dont je n’ai pas trouvé la trace imprimée.

La « thèse ostéologique » (sans doute manuscrite) de Charles Spon est celle que Guy Patin a précédemment appelée « chirurgicale » (lettre du 10 juin 1653). Le seul ouvrage anatomique de Spon qui ait été imprimé ne concerne pas l’étude des os, mais celle des muscles :

Myologia heroico carmine expressa. Item ejusdem Musculorum Microcosmi Origo et Insertio

[Myologie décrite en en vers héroïques. {a} Avec, du même auteur, l’Insertion et l’Origine du microcosme {b} des muscles]. {c}


  1. V. note [5], lettre de Spon, datée du 15 janvier 1658, pour ce style de vers et pour une référence à d’autres poèmes médicaux latins qu’il a écrits.

  2. Merveilleux petit monde : ce second poème (dix pages) est plus anatomique que le premier (trois pages décrivant sommairement la seule fonction des muscles) ; les muscles de tout le corps y sont classés de la tête aux pieds en 37 sections.

  3. Édité par Jacob Spon (v. note [6], lettre 883) et imprimé après la mort de son père dans la Bibliotheca anatomica sive recens in anatomia inventorum… [Bibliothèque anatomique ou des découvertes récemment faites en anatomie…] (Genève, Joannes Anthonius Chouët, 1685, in‑fo), tome second, pages 585‑597).

    Dans ses premiers et derniers vers, Charles Spon (mort en 1684) dédie ses poèmes à son ami M. Bellay (Bellaius, mort la même année), médecin de la princesse des Dombes, la Grande Mademoiselle (v. note [18], lettre 77).

    V. note [4], lettre 376, pour la Myographia de Guillaume Quarré (Paris, 1638) qui a servi de modèle à Spon.


9.

V. note [18], lettre 318.

10.

Suite du feuilleton des Chrestomathies de Caspar Hofmann : v. note [12], lettre 322 ; il se confirmait ici qu’on voulait changer d’imprimeur.

11.

Guy Patin annonçait le recueil qui allait être publié sous le titre de :

V. Cl. Gabrielis Naudæi Tumulus, complectens elogia, epitaphia, carmina, tum Latina, tum Gallica variorum Cl. Virorum, cura et labore R.P. Lud. Iacob Cabillonensis, Ord. Carm. etc. collectus. Huic accessit catalogus omnium operum eiusdem Naudæi.

[Le Tombeau du très brillant M. Gabriel Naudé, {a} contenant des éloges, des épitaphes, des poèmes, tant en latin qu’en français, de divers hommes illustres ; recueilli par les soins du R.P. Louis Jacob, {b} natif de Châlons-en-Champagne, de l’Ordre des carmes, etc. Avec le catalogue de toutes les œuvres du même Naudé]. {c}


  1. Mort le 29 juillet 1653 (v. note [9], lettre 3).

  2. Louis Jacob de Saint-Charles, v. note [5], lettre 108.

  3. Paris, Claude Cramoisy, 1659, in‑4o de 132 pages ; dédié à Jacques Mentel, neveu de Naudé, par André Cramoisyl ; privilège daté du 11 août 1658.

Les signatures médicales qu’on trouve dans ce livre sont celles de :

Il y a aussi, page 102, ce sonnet de Denis Challine (v. infra note [28]) :

À M. Patin,
docteur en médecine de la Faculté de Paris,
sur la mort de M. Naudé

« Sage et docte Patin, je connais ta tristesse,
Et si je la blâmais, je serais criminel ;
Elle est juste et chacun, d’un regret solennel,
Devrait accompagner le regret qui te presse.

Ha ! Naudé ne vit plus, tu le pleures sans cesse,
Lui que tu chérissais d’un amour fraternel,
Et que (si le savant pouvait être éternel)
Les études auraient pour éternelle adresse.

Oui, pleure cet ami si digne de ta foi,
Loin de t’en empêcher je le pleure avec toi,
Les lettres par sa mort font une perte extrême.

Mais j’ai beau dans mes vers me plaindre et le louer,
On ne perd rien en lui qu’on ne trouve en toi-même,
Malgré ta modestie, il le faut avouer. »

12.

L’abbé et médecin Pierre Bourdelot était porteur d’une lettre de Christine de Suède aux doyen et docteurs de la Faculté de médecine de Paris (v. note [6], lettre 321).

13.

V. note [11], lettre 273, pour ce commentaire de Melchior Sebisch « sur le traité de Galien de la raison de soigner par la saignée ».

14.

V. note [2], lettre 323 ; faute de l’appui du chevalier de Guise, Condé échoua devant la ville de Guise et renonça à en tenir le siège.

15.

De 1632 à 1642 s’étaient tenues à Paris, sous l’égide de Théophraste Renaudot, tous les lundis après-midi de 2 à 4 heures, dans la grande salle du Bureau d’adresse, des conférences publiques réunissant savants, érudits, curieux et beaux esprits. Les comptes rendus de ces réunions, d’abord édités hebdomadairement par leur fondateur, comme supplément de sa Gazette, ont été plus tard rassemblés en quatre volumes composés chacun de cent conférences, sous le titre de Centuries des questions traitées aux conférences du Bureau d’adresse. Un 5e volume ne contenant que 51 conférences fut publié en 1655 par Eusèbe Renaudot.

La 11e conférence de la 1re centurie, datée du 31 octobre 1633, est intitulée De la petite Fille velue que l’on voit en cette ville. Il est impossible de connaître ceux qui y disputèrent car, par principe, le nom des intervenants n’était pas indiqué dans les comptes rendus.

La relation commence par ces mots (Théophraste Renaudot. De la petite fille velue et autres conférences du Bureau d’adresse, 1632‑1642 ; choix et présentation par Simone Mauzaric ; Paris, Klincksieck, 2004, pages 68‑74) :

« Le premier dit que cette petite fille allemande native d’Augsbourg, appelée Barbe Ursine (d’un nom et surnom fort accommodant à la chose, si l’un et l’autre n’est inventé à plaisir) n’est pas un monstre, lequel se définit un effet naturel dégénérant de la droite et ordinaire disposition ou perfection essentielle de son espèce ; ce qui n’a pas lieu en ce sujet, qui n’est qu’un effet extraordinaire de la Nature, duquel on peut assigner deux causes […]. »

Simone Mazauric (page xxiii) a rangé Patin parmi les hypothétiques participants à ses savantes conférences du Bureau d’adresse, en dépit de la haine virulente qu’il a plus tard nourrie contre Renaudot. Ce passage de sa correspondance pourrait le suggérer, mais en laissant place au doute.

16.

Les promotions de l’Ordre du Saint-Esprit (v. note [17], lettre 63 ne comptèrent qu’une personne en 1653 (le cardinal Antoine Barberini, 28 avril) et 1654 (Philippe, duc d’Anjou, frère cadet du roi, 8 juin). La suivante, le 31 décembre 1661, éleva huit prélats et 63 chevaliers.

17.

Louis xiv allait avoir 15 ans le 5 septembre 1653.

Les nièces mazarines en âge d’être mariées étaient alors au nombre d’au moins quatre :

La nièce de Mazarin que la reine destinait alors à épouser le roi (âgé de 14 ans) était Hortense Mancini (v. note [10], lettre 354), en chemin pour la France, âgée de 6 ans ; mais ce fut de sa sœur Marie que Louis xiv tomba éperdument amoureux.

18.

« Notre époque est extrêmement féconde en de tels monstres. »

19.

V. note [29], lettre 211.

20.

Ces trois traités de Jean ii Riolan, respectivement intitulés « Vaisseaux lactés [chylifères] du thorax », « Vaisseaux lymphatiques » et « Examen critique de l’anatomie réformée de Thomas Bartholin », forment la 3e série de ses Opuscula nova anatomica (Paris, 1653, v. note [16], lettre 308) ; il s’y ajoute, à la fin la Hepatis funerati et ressuscitati Vindiciæ [Revendication du foie qui a été enterré, mais que voilà ressuscité].

21.

Thèse de Thomas Bartholin sur les lactifères thoraciques (v. note [16], lettre 308).

22.

« Les vaisseaux lymphatiques de Thomas Bartholin, récemment découverts à Copenhague chez les êtres vivants, et l’épitaphe du foie, imprimé à Copenhague en 1653 par Petrus Hakius, aux frais de Georgius Holst. Thomas Bartholin salue Jean Riolan, grand anatomiste de la ville de Paris et de l’univers entier. »

La dédicace de ce traité (v. note [18], lettre 322) à Jean ii Riolan est datée du 1er mai 1653. Non sans une certaine effronterie, Bartholin offre sa découverte à la censure du vieil anatomiste parisien : ayant loué la part que prennent le hasard et l’absence de préjugés dans les découvertes, il met en avant son honnêteté et sa bonne foi, pour achever sur ces mots : pagellas nostras lege cum invidia, sed mihi sine invidia fave [lisez mon livre avec jalousie, mais applaudissez-moi sans jalousie].

23.

V. notes [19] et [20], lettre 322, pour l’Épitaphe du foie.

Érasistrate, médecin grec du iiie s. av. J.‑C., dont Pline a fait, par sa mère, le petit-fils d’Aristote, vivait encore, selon Eusèbe, en 258. Chrysippe, Métrodore et Théophraste furent ses maîtres. Il vécut longtemps à la cour de Seleucus Nicanor, roi de Syrie, et fonda avec Hérophile (v. note [4], lettre latine 330), son émule et rival, la célèbre École d’Alexandrie. Ils eurent pour la première fois l’audace de disséquer des cadavres humains, ce qui permit durant une courte période de recueillir de précieuses observations dont la portée dura jusqu’à la reprise des dissections en Italie à la Renaissance.

Peu s’en fallut qu’Érasistrate ne découvrît la circulation du sang : il défendit l’idée que toutes les artères et veines sont reliées au cœur ; toutefois, il ne put mener son raisonnement au bout car, observant que les artères du cadavre sont vides de sang, il les crut emplies d’un air subtil, d’une espèce d’esprit, le pneuma (ce à quoi se réfère toujours l’étymologie du mot artère, dérivé du grec aêr, l’air qu’on respire). La pénétration de sang dans les artères, dérangeant l’esprit subtil, était pour Érasistrate une cause de maladie, et rendait à ses yeux la saignée dangereuse et inutile. Aucun des ouvrages d’Érasistrate n’est parvenu jusqu’à nous. On doit, pour se faire une idée de son œuvre, se contenter des fragments épars qu’on en trouve dans d’autres auteurs, notamment Galien et Cælius Aurelianus (Jourdan in Panckoucke et Jestaz).

Guy Patin faisait allusion au traité De atra Bile [La Bile noire] (Kühn, volume 5, pages 131‑132) où Galien conteste l’opinion d’Érasistrate : contrairement à Hippocrate, il jugeait la rate inutile ; ce qui revenait à mettre en doute l’existence de la bile noire (fictive atrabile dont la médecine humorale considérait la rate comme le réservoir, v. note [5], lettre 61). V. note [6], lettre latine 120, pour un développement sur cette question qui a fait partie des disputes anatomiques du xviie s.

24.

V. note [16], lettre 308, pour les Animadversiones secundæ de Jean ii Riolan contre la Tertium reformata [Troisième édition révisée] (Leyde, 1651, in‑8o) de l’Anatomia… de Caspar i Bartholin, revue par son fils Thomas (v. note [7], lettre 311).

25.

V. note [29], lettre 282.

26.

Moïse sauvé, idylle héroïque du Sieur de SaintAmant. {a} À la sérénissime reine de Pologne, et de Suède.


  1. V. note [2], lettre 91, pour Marc-Antoine Gérard, sieur de Saint-Amant, et sa Rome ridicule (1643).

  2. Paris, Augustin Courbé 1653, in‑4o de 276 pages, divisé en 12 parties. Saint-Amant tenait cette idylle en vers héroïques (v. note [5], lettre de Charles Spon, datée du 15 janvier 1658) pour son ouvrage le plus achevé ; Nicolas Boileau-Despréaux s’en moqua ouvertement.

L’épître à la princesse Marie, {a} contient une anecdote dont le récit illustre le style d’auteur :

« En effet, Madame, à qui pouvais-je mieux dédier le Moïse sauvé qu’à la princesse dont la seule glorieuse protection le peut sauver encore de tous les outrages de la médisance et de l’envie, qui sont des monstres non moins redoutables que ceux dont il fut attaqué au berceau ? Cette puissante faveur, Madam, ne s’est pas seulement déjà fait voir au salut de l’œuvre, mais au salut de l’ouvrier même, car alors que m’en allant en Pologne, pour rendre mes très humbles et très fidèles devoirs à V.M., {a} et pour lui porter ce que j’avais déjà fait de cette pièce, je fus pris par la garnison de Saint-Omer ; {b} sans doute que si je n’eusse dit aussitôt que j’avais l’honneur d’être un des gentilshommes de sa Chambre, et que je ne me fusse pas comme revêtu de si belles et de si fortes armes, je n’aurais jamaus pu parer ce coup d’infortune ; je courais risque de perdre la vie, et le Moïse sauvé était le Moïse perdu ; mais ceux qui me prirent, quelque farouches et quelque insolents qu’ils fussent, respectèrent en la personne du domestique la grandeur de de sa maîtresse. L’éclat d’un nom si fameux et si considérable leur fit suspendre la foudre qu’ils étaient tout prêts de faire tomber sur moi ; et leurs yeux, le voyant luire comme un bel astre au premier des cahiers de mon ouvrage, en furent tellement éblouis qu’ils n’osèrent plus les regarder, ou ne les regardèrent plus qu’avec la vénération et la révérence que les âmes les plus discrètes et les plus pieuses puissent avoir pour les choses les plus hautes et les plus sacrées. »


  1. Louise-Marie de Gonzague-Mantoue (v. note [11], lettre 18), reine de Pologne (et de Suède, à titre purement honorifique) depuis 1646.

  2. Votre Majesté.

  3. Place forte espagnole d’Artois, v. note [88], lettre 55.

27.

Michel de Marolles, abbé de Villeloin, {a} traducteur prolifique, avait alors notamment publié :

28.

Les Satires de Juvénal en vers français, avec un Discours de la Satire et quelque autre Poésie. Par Me Denis Challine Avocat au Parlement de Paris. {a}


  1. Paris, Edme Pepingué, 1653, in‑12 de 260 pages.

Denis Challine (Chartres 1613- ibid. 1683) était avocat au Parlement de Paris. Sa laborieuse traduction des Satires est précédée d’un discours de 54 pages sur les satiriques anciens, visant les traducteurs qui prenaient trop de liberté avec le texte original (dont Michel de Marolles), et suivie d’une Ode sur la félicité du Parnasse et la difficulté d’y arriver (Michaud). V. supra note [11], pour son sonnet de consolation à Guy Patin sur la mort de Gabriel Naudé.

Son frère aîné, Charles Challine, avocat à Chartres, parle de Denis dans une lettre écrite à Guy Patin, datée du 7 mars 1656.

29.

Commentaire {a} sur le Traité des Libertés de l’Église gallicane de Maître Pierre Pithou {b} Avocat en la Cour de Parlement. Ensemble trois autres Traités. i. De l’origine et du progrès des Interdits Ecclésiastiques. ii. Des Informations de vie et mœurs des nommés aux Évêchés par le Roi. iii. Histoire de l’origine de la Pragmatique Sanction, faite par le Roi Charles vii. l’an 1439 {c} et des Concordats faits l’an 1515. {d}


  1. De Pierre Dupuy, v. note [5], lettre 181.

  2. Traité de Pierre i Pithou, publié en 1594 : v. note [4], lettre 45, qui cite aussi les deux tomes in‑fo que Pierre Dupuy a publiés anonymement sur le même sujet en 1639.

  3. « Sage ordonnance du roi Charles vii faite en 1438 dans une Assemblée de l’Église gallicane tenue à Bourges, qui contient un règlement de la discipline ecclésiastique en conformité des canons du concile de Bâle [1431]. La Pragmatique règle la forme des élections, déclare les collations appartenir aux ordinaires, la prévention réservée au Pape. Elle établit les prébendes théologales et donne le tiers des bénéfices aux gradués. Elle abolit les réservations, annates, déports et autres telles charges. Le Concordat fait entre Léon x et François ier a abrogé la Pragmatique Sanction, que les Italiens ont traitée d’hérétique et de schismatique. […] Ce mot vient de pragmatica, qui signifie “ ordonnance ” en Espagne. Dans le droit on appelle pragmaticum, une loi ou édit de l’empereur. »

  4. Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1652, in‑4o en deux partes de 276 et 180 pages, édité par Jacques Dupuy, frère de Pierre (mort en 1651) ; ouvrage réédité et augmenté (Paris, Jean Musier, 1715), en deux volumes in‑4o : tome i (236 pages), tome ii (612 pages).

30.

Maarten Tromp (Brielle 1597, Hollande méridionale combat de Scheveningen 10 août 1653) avait suivi dès l’âge de 11 ans son père, commandant de frégate qui fut tué à son bord. Fait prisonnier et employé pendant près de trois ans comme mousse, Maarten avait été rendu à sa patrie pour s’élever rapidement : lieutenant de vaisseau en 1622, commandant de frégate deux ans après, lieutenant-amiral en 1637. Chargé du commandement d’une escadre, il avait battu les Espagnols bien supérieurs en force puis les avait écrasés à la bataille des Dunes en 1639. Il vivait comblé d’honneurs quand, en 1652, éclata la première guerre navale anglo-hollandaise dont le dernier combat lui fut fatal (v. note [1], lettre 324).

Journal de la Fronde (volume ii, fo 252 vo, Paris, 26 août 1653) :

« Les Anglais et Hollandais veulent les uns et les autres avoir l’avantage dans leur dernier combat ; mais la vérité est qu’ils se sont fort bien défendus, et les uns et les autres ; et que la perte semblerait assez égale si les derniers n’avaient perdu l’amiral Tromp, étant certain qu’il n’y a point de vaisseaux après tous ceux qui ont été perdus, ayant été brûlés ou coulés à fond, et qu’il y a eu grand nombre de tués ou blessés des deux côtés. »

La bataille de Scheveningen est à considérer comme une victoire tactique des Anglais (nombre de vaisseaux perdus, de morts et prisonniers), mais une victoire stratégique des Hollandais (levée du blocus anglais devant leurs côtes).

31.

Johann Caspar ii Bauhin, fils aîné de Johann Caspar i (v. note [28], lettre 229), menait alors la belle vie en France.

32.

« Ainsi m’a secouru Apollon » (v. note [54], lettre 183).

33.

« d’une intempérie très chaude des viscères ».

Peut-être s’agissait-il de l’épouse de Philippe Guéton, conseiller du roi et de ses finances, dont Colbert se servit pour l’établissement de la Compagnie des Indes, et qui mourut à Ormus dans le Golfe Persique. Guy Patin a plus tard reparlé de Guéton et son beau-frère Chapuis (v. note [20], lettre 485).

34.

« et ne s’en porte que mieux ».

35.

Traité de « La Circulation du sang », contenu dans l’édition in‑fo de l’Anthropographie (1649, v. note [25], lettre 146).

36.

Un supplément ; v. note [8], lettre 307, pour le « manuel anatomique » de Jean ii Riolan.

37.

V. note [19], lettre 252.

38.

Traduire, « en termes du Palais, signifie mener ou renvoyer en une autre juridiction que l’ordinaire » (Furetière).

39.

Prison de Lyon : v. note [52], lettre 156.

40.

« à cause de la cruauté des douleurs ».

41.

Le sacre de Louis xiv eut lieu le 7 juin 1654 et le pape Innocent x mourut le 7 janvier 1655 ; son successeur fut non pas Francesco Barberini, mais Fabio Chigi, sous le nom d’Alexandre vii.

42.

« chanoine régulier de Sainte-Geneviève de Paris ».

On disait réguliers « les chanoines qui vivent en communauté et en religieux, qui ont fait des vœux pour observer quelques règles » (Furetière). Distincts des simples augustins (ermites augustins, v. note [2], lettre 117), les chanoines réguliers de Saint-Augustin dits de Sainte-Geneviève ou génovéfains étaient établis dans cette abbaye de Paris (v. note [35], lettre 287) ; d’autres chanoines augustins occupaient l’abbaye Saint-Victor (v. note [2], lettre 877). Ils suivaient la règle de saint Augustin et appartenaient à la Congrégation de France fondée par le cardinal de La Rochefoucauld dans les années 1620.

Jean Fronteau (Angers 1614-Montargis 17 avril 1662) était entré chez les oratoriens et avait fini brillamment ses études chez les jésuites de La Flèche en 1630, « prince » de l’académie de son collège. En 1630, il avait pris l’habit chez les chanoines réguliers de Saint-Augustin à Angers. En 1635, il était venu à Paris pour devenir génovéfain et enseigner la philosophie en 1637. Ayant pris une grande part à la formation de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, Fronteau était devenu en 1648 chancelier de l’Université de Paris, poste dont il démissionna en 1661. Lors des disputes qui s’élevèrent sur le véritable auteur de l’Imitation de Jésus-Christ, il se prononça vivement en faveur de Thomas à Kempis (v. notes [35], lettre 242, et [29], [30], [31] et [32] du Naudæana 3). Suspect de jansénisme, Fronteau fut exilé en 1661, dans le diocèse d’Angers ; mais dès l’année suivante, ayant accepté de signer le Formulaire du Clergé de France (v. note [9], lettre 733), il put revenir à Paris et fut nommé curé de Sainte-Madeleine de Montargis.

Fronteau possédait neuf langues et avait une grande instruction. Ses principaux ouvrages sont (Dictionnaire de Port-Royal, pages 429‑430) :

Deux pièces du P. Fronteau se trouvent dans le Naudæi Tumulus (1659), aux pages 14‑17 (en prose latine) et 66 (Gabrielis Naudæi fatis functo [Pour la mort de Gabriel Naudé] en vers latins).

43.

V. note [23] du Faux Patiniana II‑1 pour un retour de Guy Patin sur cette vente qui l’attristait profondément.

44.

« il serait étonnant qu’il survive à l’hiver prochain, et se délivre d’un si horrible et mortel tabès [v. note [9], lettre 93]. »

V. notes [6], lettre 148, et [15], lettre 321, pour le P. Philippe Briet, sa Géographie inachevée et sa mauvaise santé (probablement liée à une tuberculose).

45.

« tant il me paraît incapable d’un si grand labeur. »

46.

Ce commentaire sur le Pronostic d’Hippocrate n’était pas de Gaspar Bravo (v. supra note [6]), mais de Juan Bravo (v. note [14], lettre 516).

47.

Post-scriptum écrit dans la marge au recto du premier folio de la lettre.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 26 août 1653

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(Consulté le 25/04/2024)

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