L. 340.  >
À Charles Spon,
le 20 février 1654

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le vendredi 13e de février. Depuis ce temps-là, j’ai reçu la vôtre, datée du 10e de février, le lundi 16e du même mois, qui est le lundi gras et le festum fatuorum des anciens Pères de l’Église. [1][2] Je rendrai votre lettre à M. Garmers, [3] qui vient céans assez souvent. Mes petits présents ne méritent pas vos actions de grâces, c’est moi qui vous dois de reste en tant de façons : hoc ipsum debeo quod solvo, et quod solvo adhuc debeo[2][4] J’ai céans Observationes Thoneri[5] que j’ai prêté [6] à M. Riolan [7] et où il a trouvé quelque chose de bon pour son dessein. [3] Je suis marri de la nouvelle édition du Van Helmont, [8] mais quoi ! il faut que les fous aient leurs livres aussi bien que les sages. [4] La perte néanmoins de M. de Gonsebac [9] m’afflige bien davantage, je souhaiterais fort qu’il pût recouvrer ses marchandises ou au moins en avoir quelque raison. Pour votre chirurgien Marcel, [10] traducteur du Crollius, [5][11][12] tâchez de savoir de lui ce qu’il sait de cet écrivain chimiste, [13] quel homme c’était. J’ai autrefois appris de lui qu’il ne fut jamais médecin, mais qu’il est mort à Prague l’an 1609. [6][14] Je crois que cet homme ne fut jamais ni médecin, ni sage, ni bon philosophe ; c’était un esprit particulier, mélancolique [15] et ambitieux, qui, malcontent de la science ordinaire des Écoles, voulait en inventer quelque autre plus certaine ; mais il tâchait de voler sans ailes nec habebat idonea adminicula ad tantum negotium[7] cela était bon pour Aristote, [16] Zénon, [17] Épicure, [18] Platon. [8][19] J’ai autrefois ouï dire au bonhomme La Framboisière [20] qu’un Allemand qui avait connu Crollius lui avait dit que cet homme était féru d’une envie de faire deux systèmes de science, l’un de théologie, l’autre de médecine, sans autre autorité que celle de la Bible ; et qu’il était le plus souvent caché dans un grenier parmi des charbons et des fourneaux, sous ombre d’y préparer chimiquement quelques remèdes ; mais qu’il fut soupçonné y faire de la fausse monnaie [21] d’argent et de petit prix, laquelle a assez de cours en quelques endroits d’Allemagne ; ne voilà pas un beau métier pour un réformateur des sciences ? Mais brisons là, voici une autre nouvelle qu’un honnête homme ci-présent me vient d’annoncer, c’est que Balzac [22] est mort, voilà le père de l’éloquence à bas. On a découvert dans Stenay [23] une trahison qui devait remettre la ville au roi ; [24] le prince de Condé [25] en a fait pendre huit ; celui qui était chef de l’entreprise s’est sauvé, sa maison a été brûlée. Le prince Thomas [26] a marié sa fille [27] par procureur à un prince allemand catholique nommé le marquis de Baden. [9][28][29]

Ce même lundi, 16e de février. Le prince de Conti [30] doit arriver à ce soir dans Paris, le Mazarin [31][32][33] lui est allé au-devant à trois lieues d’ici. Il sera fiancé demain et marié jeudi prochain. [10] La paix du prince de Condé n’est ni faite, ni à faire ; et quand même il la voudrait faire, je pense qu’on n’en voudrait point, il faut qu’il y ait toujours quelque chose de reste pour entretenir les malheurs publics. Le roi d’Espagne [34] retire d’auprès du prince de Condé, Fuensaldagne [35] (qui passera par ici en s’en retournant) et lui baille Pigneranda, [36] avec lequel ce prince s’accorde mieux. On dit que les Espagnols font bien plus d’honneur au prince de Condé qu’ils n’ont fait par ci-devant, qui est pour l’engager plus avant dans la guerre pour l’été prochain. Le cardinal de Retz [37] est fort malade dans le Bois de Vincennes, [38] on croit qu’il n’en réchappera point. Il dit qu’il mourra en son péché, que la coadjutorerie de l’archevêché de Paris est son péché, qu’il ne la quittera point et qu’il y mourra. S’il meurt, et le vieux archevêque [39] son oncle, l’archevêché de Paris sera à l’encan et au service de celui qui en donnera le plus. On dit que ce sera l’abbé Fouquet, [40] frère de M. le procureur général qui est aujourd’hui surintendant des finances [41] et bien avant dans les bonnes grâces de l’Éminence, même in proximo gradu Eminentiæ et summæ gratiæ[11] Enfin, l’évêché de Fréjus, de 35 000 livres de rente, a été donné à Ondedei, [42] secrétaire de l’Éminence ; adeo verum illud Salvatoris : Habenti dabitur, et non habenti auferetur ab eo[12][43][44][45]

Le prince de Conti est ici arrivé le lundi gras, mais il n’est point encore marié, on attend le courrier de Rome qui apportera la permission au dit prince de retenir une pension de 50 000 écus sur les bénéfices qu’il quitte en se mariant. On dit que ce prince est fort mal fait et mal bâti, et que son mariage est tout mystique ; le temps nous en découvrira les mystères, il y a quelque chose de pareil dans toutes les affaires d’État de tous les princes de l’Europe aujourd’hui. M. de Balzac est mort le 8e de février.

Le prince de Conti a obtenu une surséance de six mois pour le procès de son frère le prince de Condé, qu’on avait commencé de faire. Plusieurs spéculatifs de deçà espèrent que ce mariage produira enfin l’accord, la paix et le retour du prince de Condé. Cela peut bien arriver ; mais savoir s’il s’y doit fier ? Nulla fides pietasque viris qui aulam sequuntur[13][46]

On dit ici que demain au soir le prince de Conti sera fiancé et le lendemain dimanche, qu’il sera marié ; [10] que dans 15 jours, le roi et toute la cour s’en iront passer quelque temps à Fontainebleau [47] et que delà le roi pourra bien aller jusqu’à Châlons, [48] pour faire passer des troupes jusque dans l’Alsace où l’on veut presser le comte d’Harcourt [49] afin qu’il rentre dans son devoir et remette Brisach [50] en la puissance du roi. Il avait fait son accord avec le maréchal de La Ferté-Senneterre, [51] mais le Mazarin ne l’a pas voulu ratifier à cause de 100 000 écus qu’on lui avait promis. L’on m’a dit aujourd’hui que c’est chose résolue au Conseil que l’on enverra un ambassadeur [52] en Angleterre, qui reconnaîtra la République de M. Olivier Cromwell [53] et que la reine d’Angleterre, [54] comme fille de la Maison, demeurera ici ; mais que le roi d’Angleterre [55] et le duc d’York, [56] son frère, seront envoyés hors de France et qu’ils s’en iront en Danemark, [57] vers le roi qui y est leur parent. [14]

On imprime ici un Lucien [58] en français en deux tomes in‑4o traduit par M. Perrot d’Ablancourt, [15][59] et un tome d’Entretiens curieux entre M. Costar [60] et feu M. de Balzac, qui sera aussi in‑4o[16] M. de Marolles, [61] abbé de Villeloin, grand et fameux traducteur, mais non pourtant fort exact en plusieurs rencontres, m’est venu voir céans depuis huit jours et m’a emprunté quelques livres. L’on imprime de présent son Properce ; par après, il a dessein sur le Martial et puis après sur le Plaute[17][62] duquel il parle avec grande passion, comme d’un des meilleurs livres qui soient au monde ; et je le crois bien, mais c’est en latin, vous n’en doutez point ; mais si vous en doutez, lisez ce qu’en écrit Passerat [63] en diverses harangues latines qui se lisent inter eius Præfationes ; [18] si vous n’avez point ce livre-là qui est in‑8o, je vous l’enverrai. Comme j’eus fait entendre à M. de Marolles que toutes ces nouvelles traductions [64] n’étaient point fort nécessaires et que ce labeur était bien ingrat, tant à lui qu’à tous ceux qui s’en étaient mêlés avant lui, il me répondit assez doucement et gaiement qu’il n’en attendait aucune récompense de personne ; qu’il eût été un grand sot d’attendre quelque chose du public qui a toujours été ingrat vers les honnêtes gens ; que ce qu’il en faisait n’était que pour son divertissement particulier et pour le plaisir qu’il y prenait, etc. ; mais il est bien féru d’une version de Plaute qu’il a dessein de nous donner in‑fo pendant deux ans, ou trois tout au plus. Je viens de recevoir tout présentement une lettre de M. Conringius, [65] professeur de médecine à Helmstedt, [66] laquelle est toute pleine de compliments. [19] Elle est fort bien écrite, aussi bien qu’il est fort habile homme, mais il souhaite une chose des médecins de Paris qu’il aura bien de la peine d’obtenir, qui est que quelqu’un écrive de nos docteurs contre Helmontius comme Erastus [67] a fait contre Paracelse, [20][68] ou M. Moreau [69] ou moi, ou quelque autre. M. Moreau est dorénavant trop vieux nec tale quid ab illo sperandum ; [21] et même s’il en avait le temps, je crois qu’il l’emploierait mieux qu’à cela. Pour moi, je m’en garderai bien, tant à cause du peu de loisir qui me reste, outre que je n’en attends point d’avantage à l’avenir, je vois bien comment vont les affaires, que pour ce que je crois que ce charlatan ne mérite point qu’on lui fasse tant d’honneur. Les gens de bien se donneraient trop de peine de réfuter toutes les impostures de ces canailles de chimistes. Si j’avais du temps de reste, je l’emploierais bien mieux qu’à réfuter tant de mensonges. Je vous recommande la présente pour M. Falconet, avec mes très humbles recommandations, et à nos bons amis MM. Gras et Garnier. Je vous proteste que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 20e de février 1654.

Carissimam tuam uxorem nomine meo et amantissimis verbis salutes velim[22]


a.

Ms BnF no 9357, fo 145 ; Reveillé-Parise, no cclv (tome ii, pages 114‑118) ; Jestaz no 109 (tome ii, pages 1188‑1192).

1.

Le lundi gras est le dernier lundi du carnaval, veille du mardi gras et avant-veille du mercredi des cendres qui marque le commencement du carême (v. note [3], lettre 47).

Guy Patin liait la fête des fous, festum fatuorum, aux « anciens Pères de l’Église » (appellation qui renvoie ordinairement aux premiers siècles de la chrétienté), mais voulait parler des Pères des conciles, selon l’article de Ch. Schmidt dans l’Encyclopédie des sciences religieuses (Paris, 1878, tome v, pages 39‑40) :

« Par ce nom, on désignait des réjouissance qu’au Moyen Âge on accordait aux élèves des écoles ecclésiastiques. Le jour du 6 décembre, ils se choisissaient un évêque, que le 28 du même mois, jour des Innocents, {a} ils conduisaient, revêtu d’habits pontificaux, dans les différentes églises de la ville où se passait la scène ; pendant la procession, ils étaient déguisés, ils chantaient des strophes ; dans la cathédrale, ils célébraient l’office. En beaucoup de localités, cette coutume avait dégénéré en mascarade burlesque. Le premier qui en parle est Jean Beleth, qui a vécu dans la seconde moitié du xiie s. {b} […]. Là on trouve déjà le terme de festum stultorum ou follorum. Les autorités ecclésiastiques s’épuisèrent en vains efforts pour supprimer la coutume ; dès la fin du xiie s., des évêques et des conciles provinciaux la condamnèrent ; en 1210, Innocent iii lui-même voulut qu’elle disparût. Malgré ces interdictions et d’autres plusieurs fois réitérées, elle se maintint partout ; l’Église dut se borner à défendre aux prêtres d’y prendre part. Un curieux rituel de la cérémonie telle qu’elle se faisait dans le diocèse de Viviers, < en > 1369, est publié dans le Glossaire de Du Cange, éd. Henschel, t. iii, p. 959. {c} Le concile de Bâle, dans sa session du 9 juin 1435, fit un canon que nous transcrivons parce qu’il donne l’idée la plus exacte de ce qu’était devenue la fête :

Turpem etiam illum abusum in quibusdam frequentatum ecclesiis, quo certis anni celebritatibus nonnulli cum mitra, baculo ac vestibus pontificalibus more episcoporum benedicunt, alii ut reges ac duces induti, quod festum fatuorum vel innocentum seu puerorum in quibusdam regionibus nuncupatur, alii larvales ac theatrales iocos, alii choreas et tripudia marium ac mulierum facientes, homines ad spectacula et cachinationes movent, alii comessationes et convivia ibidem præparant : hæc sancta synodus detestans statuit et jubet… {d}

Suit l’ordre sévère de faire cesser les désordres. Cependant, comme fête scolaire pour les enfants, l’usage exista çà et là jusqu’au xviiie s. ; à cette époque, on élisait encore à Mayence un évêque des écoliers. Dans les villes protestantes, la coutume fut abolie dès l’introduction de la Réforme. – Du Tilliet, Mémoires pour servir à l’histoire de la fête des fous, Lausanne, 1741, in‑4o. » {e}


  1. V. notes [52][54] du Borboniana I3 manuscrit pour les saints Innocents. Selon Patin, la fête des fous serait devenue une célébration du carnaval (lundi gras).

  2. Du Tilliot (1741, v. infra notule {e}), pages 6‑7 :

    « Beleth docteur de théologie de la Faculté de Paris, qui vivait en 1182, écrit que la fête des sous-diacres et des fous se célébrait par quelques-uns le jour de la Circoncision, {i} par d’autres le jour de l’Épiphanie ou pendant l’Octave. {ii} Il ajoute qu’après la fête de Noël, il se faisait quatre danses dans l’église, savoir des lévites ou diacres, des prêtres, des enfants ou clercs, et des sous-diacres. Il y avait même, selon lui, certaines églises où les évêques et les archevêques jouaient aux dés, à la paume, à la boule et aux autres jeux ; dansaient et sautaient avec leur clergé, dans les monastères, dans les maisons épiscopales, et que ce divertissement s’appelait la liberté de décembre, à l’imitation des anciennes saturnales. » {iii}

    1. Premier jour (calandes) de janvier.

    2. Octave des rois qui du 6 (Épiphanie) au 15 janvier.

    3. Plus loin ce savant livre explique qu’après l’interdiction de la fête des fous, sa célébration s’est déplacée aux jours gras.
  3. Paris, Firmin Didot frères, 1844, au mot Kalendæ (texte latin).

  4. « Il y a aussi cet abus honteux qui est pratiqué dans certaines églises où, lors de célébrations fixes de l’année, des gens portant mitre, crosse et vêtements pontificaux, donnent la bénédiction, et où d’autres se déguisent en rois et en princes ; dans certains pays on les appelle fête des fous, des Innocents ou des enfants, ailleurs, jeux masqués et comiques ; d’autres font danser et baller garçons et filles ; la foule assiste au spectacle en se tordant de rire, et d’aucuns apprêtent festins et débauches. Détestant ces pratiques, le saint synode a décidé et ordonne… »

  5. Sic pour « M. Du Tilliot, gentilhomme ordinaire de Son Altesse Royale Monseigneur le duc de Berry » (Lausanne et Genève, Marc-Michel Bousquet, 1741, in‑4o illustré de 68 pages).

2.

« je dois tout ce que j’acquitte, mais je suis encore en dette de ce que j’acquitte » ; Saint Augustin (Lettres, cxciii, § 2) : {a}

Proinde, domine frater, mutuam tibi caritatem libens reddo, gaudensque recipio : quam recipio, adhuc repeto : quam reddo, adhuc debeo.

[C’est pourquoi, Seigneur mon frère, j’ai plaisir à te rendre les devoirs de la charité et me réjouis de recevoir les tiens : ce que je reçois de toi, je te le réclame encore ; ce que je te rends, je te le dois encore].


  1. Écrite en 418 à son vénérable seigneur, et cher et saint frère Célestin son collègue dans le diaconat.

3.

Augustini Thoneri D. Collegii Medici inclytæ Imperialis reip. Ulm, Directoris, ac Senioris, et Gymnasii Scholarchæ, Observationum medicinalium, haud trivialium, Libri Quatuor. In quibus variæ morborum, interiores et exteriores corporis humani partes, obsidentium, Historiæ, cum eorum causis concomitantibus, sympromatis, et prospero Medendis successu, proponuntur, ubi complures singulares Casus, et qui alibi haud obvii, in occursorum venturi, cognitu dignissimi. Hisce adjuncti sunt Consultationum, cum diversarum regionum medicis habitarum, et Epistolarum de variis rebus Medico-Philosophicis, disserentium, Libri Duo : Indubium Philiatris haud fore inacceptos.

[Quatre livres d’observations médicales, loin d’être triviales, par Augustinus Thonerus, {a} doyen du Collège médical de l’illustre république impériale d’Ulm, directeur et ancien, et scolarque du gymnasium. Où sont présentées les diverses histoires des maladies qui attaquent les parties internes et externes du corps humain, avec leurs causes, leurs symptômes et la manière de les soigner avec heureux succès, et où on rencontrera quantité de cas singuliers, jamais vus ailleurs et parfaitement dignes d’être connus. On y a ajouté deux livres de Consultations tenues avec des médecins de divers pays, et de Lettres dissertant sur divers sujets médico-philosophiques. Les philiatres ne les refuseront certainement pas]. {b}


  1. Augustin Thoner (1567-1655) était grand admirateur de Galien, ennemi de la saignée et partisan de la polypharmacie.

  2. Ulm, Johannes Gerlinus, 1649, in‑4o de 368 pages.

Guy Patin pouvait faire allusion à l’observation vi du livre iii (pages 159‑160), intitulée Colica emetico sublata [Colique aggravée par l’émétique], avec cette mise en garde :

Sed cum vomitiva astantibus terrorem incutiant, et medicum etiam, præsertim a Natura anxium ac sollicitum, formidolosum reddant, proin rarior illorum usus, ut medici cautiores, malint ægros de vita, quam ipsi de sua fama et existimatione, (si quid sinistri eveniat) periclitari.

[Mais on emploie plus que rarement les vomitifs car ils frappent de terreur ceux qui assistent le patient, et intimident même le médecin, surtout s’il est d’un naturel anxieux et craintif ; de sorte que les médecins plus prudents préfèrent mettre en péril la vie du malade que risquer leurs honneur et réputation propres (si quelque événement fâcheux survenait)].

4.

Ortus medicinæ. Id est, Initia Physicæ inaudita. Progressus medicinæ novus, in morborum ultionem, ad vitam longam. Authore Ioan. Baptista Van Helmont, Toparcha in Merode, Royenborch, Oostrocht, Pellines, etc. Edente Authoris Filio, Francisco Mercurio Van Helmont, cum eius Præfatione ex Belgico translata. Editio quarta, in qua præter quædam auth. fragmenta, adiecti fuerunt indices tractatuum de Lithiasi, Febr., Humoribus et Peste qui in aliis desiderabantur.

[Naissance de la médecine, c’est-à-dire les débuts inouïs de l’histoire naturelle, le nouveau progrès de la médecine, contre la punition des maladies pour une longue vie. Ppar Jan Baptist Van Helmont, {a} seigneur de Merode, Royenborch, Oorschot, Pellines, etc. Mis au jour par Franciscus Mercurius Van Helmont, {b} fils de l’auteur, avec sa préface, traduite du flamand. Quatrième édition où, outre certains fragments de l’auteur, on a ajouté les index des traités sur la lithiase, sur les fièvres, sur les humeurs et sur la peste qui manquaient dans les autres éditions]. {c}


  1. V. note [11], lettre 121.

  2. V. note [4], lettre 731.

  3. Lyon, Jean-Baptiste Devenet, 1655, in‑fo v. note [11], lettre 121 pour la première édition latine (Amsterdam, 1648, avec le portrait de l’auteur et de son fils), et sa notule {d} pour la traduction française (Lyon, 1671).

    La dernière édition alors disponible était intitulée Otus Medicinæ… Editio nova, cumque locupletiori Rerum et verborum Indice, pro illa Venetiis nuper excusa, multam partem adauctior reddita et exornatior [Naissance de la médecine… Nouvelle édition avec un plus riche index des sujets et des mots, embellie et augmenté de plusieurs parties par comparaison avec celle qu’on a récemment imprimée à Venise (1651, in‑fo)] (Amsterdam, Louis Elsevier, 1652, in‑4o).


5.
Royale Chimie de Crollius. {a} Traduite en français par I. Marcel de Boulène. {b}


  1. V. note [9], lettre 181, pour la Basilica chymica… d’Oswald Crollius (Francfort, 1609).

  2. Paris, Mathurin Hénault, 1633, in‑8o.

    Guy Patin abrégeait en Marcel le patronyme du traducteur, qui figure en entier dans le titre de la précédente édition (Lyon, Pierre Drobet, 1624,, in‑8o) : […] Traduite en français par I. Marcel de Boulène ; Jean Marcel de Boulenc (ou Boulène) était chirurgien à Lyon.


Ce livre est composée de trois parties :

Guy Patin n’a jamais parlé des signatures car elles se rattachaient à l’astrologie et à l’alchimie, soit ce qu’il détestait le plus en médecine. Le lecteur intéressé pourra se référer au savant et distrayant article que Viret a consacré au sujet. {a} Héritées du zodiaque et des horoscopes qui fondent leurs présages sur l’empreinte que les astres ont laissée sur le corps humain à la naissance, les signatures ont été reprises par Paracelse, dans son art cabalistique (ars signata). Ce sont les forces que les puissances célestes ont imprimées sur les êtres vivants terrestres, animaux et végétaux, et qui établissent leurs pouvoirs occultes. Dans sa forme la plus simple, cette théorie, fondée sur les ressemblances, attribue des propriétés aphrodisiaques aux fleurs d’orchidées (dont le nom vient d’orkhis, testicule en grec), des vertus cérébrales aux cerneaux de noix (ce qui se passe d’explication pour quiconque en a jamais regardé un et pensé à une cervelle), des qualités magiques à la mandragore, {b} etc. Cela s’étendait à bien d’autres fantaisies, comme la couleur des plantes : les rouges étaient bonnes pour pour le sang, les jaunes pour la bile, les blanches pour la pituite, les noires pour l’atrabile.

« Tout cela, conclut Viret, peut être fort intéressant encore pour d’honnêtes gens, avec les amulettes, {c} le magnétisme animal, le mot abracadabra {d} ou les abraxas, les talismans, les phylactères, les agnus ; tout cela peut revenir de mode ; car pourquoi désespérer, comme le font certaines personnes qui se plaignent de l’incrédulité, du Siècle des lumières et de la philosophie ? N’a-t-on pas vu le Bas-Empire et ses superstitions, son ignorance, succéder aux âges les plus brillants de l’ancienne Rome ? Il y a voie à tout, et la décadence de la barbarie est à nos portes. »


  1. In Panckoucke, 1821, volume 51, pages 264 et suivantes.

  2. V. note [85], lettre latine 351.

  3. V. note [5], lettre 325, pour les remèdes préservatifs qu’on appelait amulettes.

  4. Abracadabra est l’un des plus célèbres mots du vocabulaire cabalistique, que le Dictionnaire de Trévoux a ainsi défini :

    « Terme barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture : c’est dans la 192e lettre à M. Costar, {i} qu’il lui propose, en riant, cette recette pour la fièvre. […]

    Abracadabra était une inscription qui servait de caractère pour guérir plusieurs maladies et chasser les démons. L’auteur de ce caractère superstitieux vivait sous l’empereur Hadrien. {ii} Il reconnaissait pour dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendaient plusieurs autres dieux, et sept anges qui présidaient aux sept cieux. Il leur attribuait 365 vertus, autant que de jours en l’an et débitait d’autres pareilles rêveries. Saint Jérôme, dans son commentaire sur le chap. 3. du prophète Amos, écrit que le dieu Αβρακς est le même que les payens adoraient sous le nom Mitra ; et l’on trouve aussi des pierres gravées, où la figure d’un lion couronné de rayons a pour inscription Μιθραc ou Μιθρας. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étaient les gnostiques, les basilidiens et les carpocratiens qui faisaient graver ces pierres, qui avaient des figures fort singulières, et qui représentaient quelquefois des Anubis, des têtes de lions, de dragons, etc. […]

    Le mot qu’on a écrit ici Abracax doit être écrit en caractères grecs, Αβραξας, parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé parlaient la langue grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365 si on l’écrit en latin. {iii} Cette faute, qui est dans la plupart des livres, vient de ce que la lettre grecque sigma [ς] a la figure d’un C latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en latin, il faut écrire Abrasax, et en lettres crecques courantes, ou ordinaires, αβρακαξ. Au reste, Baronius a eu raison de soutenir dans l’Appendix de son second tome des Annales Ecclésiastiques {iv} qu’il falloit lire Αβρασαξ, & non pas Αβραξας. Car dans tous les Pères grecs qui en parlent, c’est-à-dire saint Épiphane, Théodoret, saint Jean Damascène, on lit Αβρασαξ. Il n’y a que dans les < Pères > latins qu’on trouve Abraxas, et Abraxan à l’accusatif. Il est vrai que dans saint Irénée on lit Αβραξας ; mais nous n’avons qu’en latin le chapitre où il en parle, et si Αβραξας y est écrit en grec, c’est aux copistes latins ou aux éditeurs qu’il faut l’attribuer. Or il est très facile qu’on ait transporté le ξ et le σ . Il paraît même, surtout par saint Jérôme, que c’est l’usage qui avait fait la transposition. Pour les pierres, je n’en ai point vu qui eussent Αβραξας. S’il en est, comme on le dit, je ne doute point que ce ne soit ou un mauvais usage que l’ignorance avait introduit, ou une faute de graveur. C’est ainsi que l’on trouve Μιθραξ au lieu de Μιθρας. » {v}

    1. V. notes [9], lettre 210, pour Vincent ii Voiture, et [5], lettre 323, pour l’abbé Pierre Costar.

    2. Au iie s., v. note [40], lettre 99.

    3. En additionnant les valeurs données aux lettres grecques dans la numérologie pythagoricienne : α (1) + β (2) + ρ (100) + α (1) + ξ (60) + α (1) + σ (200) = 365.

    4. Le cardinal Cesare Baronio, v. note [6], lettre 119.

    5. « On fait venir ce mot de l’hébreu ab, père, ruah, esprit, et dabar, parole. D’après cette étymologie, il désignerait la Trinité » (Littré DLF).

      Sans s’embarrasser de tous ces beaux arguments philologiques, Alexandrian dit : « On a pris pour une absurdité ne voulant rien dire, le mot abracadabra inscrit sur tant de talismans du Moyen Âge : c’était simplement une contraction d’Abrecq ad hâbrâ (“ Envoie ta foudre jusqu’à la mort ”), formule sacrée d’éviction des ennemis. »


6.

Prague (République tchèque) était la capitale du royaume de Bohême, alors rattaché à la couronne des Habsbourg.

7.

« et il n’avait pas les talents requis pour une si grande ambition ».

8.

Zénon de Cition (sur l’île de Chypre) est le philosophe grec du iveiiie s. qui fonda le stoïcisme. Il enseignait la vertu et l’austérité sous un portique (stoa) d’Athènes.

9.

Ferdinand Maximilien, marquis et prince de Baden (ou Bade, 1625-1669) était le fils aîné de Guillaume, margrave de Bade-Bade. Saint-Simon (Mémoires, tome ii, page 853) dit qu’« il ne fit jamais parler de lui », et qu’« il mourut d’un coup de fusil qui lui cassa le bras comme il s’appuyait dessus » (v. note [32] de l’Autobiographie de Charles Patin).

Ferdinand Maximilien épousait le 15 février, par procuration, Louise-Chrétienne de Savoie-Carignan (1627-1689), fille aînée du prince Thomas de Savoie-Carignan. Le couple n’eut qu’un enfant, Louis, margrave de Bade-Bade (1655-1707).

10.

Les fiançailles et le mariage du prince de Conti avec Anne-Marie Martinozzi eurent lieu les 21 et 22 février (v. note [27], lettre 338), et non les 17 (« demain ») et 19 (« jeudi prochain »). Guy Patin a rectifié les dates un peu plus loin dans sa lettre.

11.

« extrêmement proche de l’Éminence et de son immense protection. » L’abbé Basile Fouquet ne devint jamais archevêque, ni même évêque.

12.

« ainsi se vérifie cette parole du Sauveur : “ On donnera à celui qui a, et on enlèvera à celui qui n’a pas ” » ; paroles du Christ qu’on trouve dans trois évangiles :

13.

« Il n’y a nulle foi ni piété chez les hommes qui suivent la cour », Lucain, La Pharsale (livre x, vers 407) :

Nulla fides pietasque viris qui castra secuntur.

[Il n’y a nulle foi ni piété chez les hommes qui suivent les armées].

Au début de la proposition, « mais » est à prendre pour « quant à ».

14.

Antoine de Bordeaux (v. note [2], lettre 314) était chargé depuis novembre 1652 de représenter les intérêts diplomatiques de la France à Londres.

Au début de janvier 1654, Mazarin y avait spécialement envoyé le baron Jean-Charles de Baas pour l’aider dans ses négociations visant à reconnaître et s’allier le protectorat nouvellement instauré en Grande-Bretagne (v. note [38], lettre 337). En préambule à toutes ces négociations, le départ des deux princes anglais pour le Danemark, Charles ii et le duc d’York, était une marque de bonne volonté française à l’égard de la république britannique.

Le 10 mars, Antoine de Bordeaux annonça à Londres la reconnaissance du Protectorat par la France (Plant). L’intervention de Baas dans ces délicates affaires fut pourtant calamiteuse : non seulement il exigea sottement de ne pas avoir à se découvrir devant le Lord Protector, mais il trempa apparemment dans une conjuration royaliste visant Cromwell. L’importun fut renvoyé à Paris en juillet, ce qui compromit gravement les chances d’accommodement entre les deux pays et aida l’Espagne à obtenir une alliance britannique. Baas n’en resta pas moins en faveur : on lui confia d’autres missions diplomatiques et militaires, et il acheva sa carrière comme gouverneur général des Antilles de 1667 à 1677.

15.

V. note [42], lettre 286, pour le Lucien, de la traduction de N. Perrot Sr d’Ablancourt (Paris, 1654).

16.

Ces Entretiens curieux sont les Entretiens de Monsieur de Voiture et de Monsieur Costar, {a} échange de lettres et de billets érudits entre Vincent Voiture ii et l’abbé Pierre Costar, mais aussi Jean-Louis Guez de Balzac et quelques autres.

Tallemant des Réaux s’est moqué des querelles qui opposaient tous ces beaux esprits, disant dans son historiette sur Costar (tome ii, pages 292‑301) :

« La Défense de Voiture {b} est, sans comparaison, la meilleure chose qu’il ait faite et qu’il fera. […] Costar veut tout défendre et prend le style sérieux de Voiture pour le style sublime. Cependant la pièce est fort agréable en ce qu’elle berne Balzac d’un bout à l’autre, qui était un des hommes du monde qui avait donné autant de prise sur lui ; ce n’est pas que ce ne soit une infamie à Costar d’avoir bafoué un homme qu’il avait baisé au cul […]. Costar voyant le succès qu’avait eu ce livre, en donna un second qu’il appela les Entretiens de M. de Voiture et de M. Costar ; il y a furieusement de latin {c} et bien des bévues, car il prend souvent marte pour renard, et ma foi, cela n’est bon que pour faire mieux entendre les lettres que Voiture lui a écrites. Il fait là-dedans le docteur, et il se trouve que Voiture entend tout autrement bien les auteurs que lui et se moque de lui en plus d’un endroit, sans qu’il s’en aperçoive ou qu’il en ose rien témoigner. »


  1. Paris, Augustin Courbé, 1654, in‑4o de 567 pages, privilège du roi daté du 7 mars 1654 et achevé d’imprimer pour la première fois le 16 mai.

  2. V. note [5], lettre 323.

  3. Et de grec.

17.

Michel de Marolles, abbé de Villeloin (M.D.M.A.D.V.) : {a}

18.

« parmi ses Préfaces » (v. note [7], lettre 33).

19.

Helmstedt est une ville de Basse-Saxe, qui était alors le siège d’une Université réputée qui portait le nom d’Academia Julia, en souvenir du duc Jules de Brunswick-Lunebourg (1528-1589) qui l’avait fondée en 1576.

Hermann Conring (Conringius) en était alors le professeur le plus réputé ; outre la philosophie naturelle et la rhétorique depuis 1632, il y enseignait la médecine depuis 1636 et les sciences politiques depuis 1650.

20.

V. note [12], lettre 140, pour le livre d’Éraste contre Pracelse.

21.

« et il n’y aurait rien de tel à espérer de lui ».

22.

« Je voudrais que vous saluiez votre très chère épouse en mon nom et dans les termes les plus affectionnés. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 février 1654

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(Consulté le 20/04/2024)

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