L. 342.  >
À Charles Spon,
le 6 mars 1654

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière, laquelle fut du 13e de février avec une autre pour M. Falconet, je vous dirai que le lundi 23e de février, comme j’étais dans mon étude le matin, je vis entrer un gros homme tout reformé, [1][2] qui me salua de très grande affection. De prime abord, j’eus peine à le remettre, mais tôt après je lui dis, Monsieur, n’êtes-vous pas M. de Sorbière ? [3] et c’était lui. Aussitôt il me fit un nouveau compliment tout plein de charité, de foi et d’espérance chrétienne : comme il s’était fait catholique, [4] qu’il avait des lettres du cardinal Barberin, [5] lesquelles il me voulait montrer ; qu’il avait pensé aller à Rome, mais qu’une affaire l’avait amené à Paris ; qu’il y venait chercher de l’emploi ; qu’il était assuré d’une pension de la libéralité de Messieurs du Clergé ; qu’il eût bien voulu avoir quelque emploi à la cour pour obtenir quelque bénéfice, comme d’être bibliothécaire du cardinal Mazarin [6] si la place de M. Naudé [7] n’était prise. Je lui alléguai qu’il n’y avait rien à gagner chez ce cardinal ; il n’importe, ce dit-il, ce me serait toujours une entrée pour avoir quelque bénéfice, etc. Enfin, après plusieurs discours, étant pressé de sortir, nous nous séparâmes. Entre autres choses, il me dit qu’il avait fait imprimer à Lyon, chez M. Barbier [8] en une feuille, un petit discours politique sur la guerre des Anglais et des Hollandais [9] où il montrait que le dessein des Anglais était de très grande conséquence, etc. Je vous supplie de m’acheter cette feuille, de me l’envoyer dans votre première, et vous m’obligerez fort. [2] Je vois bien qu’il y a bien du changement à son affaire, mais néanmoins je doute s’il a bien fondé sa cuisine, [3] car, combien que le feu de purgatoire [10] soit bien chaud et bien grand, tout saint et sacré qu’il est, néanmoins tous ceux qui s’y chauffent n’en mangent pas les chapons, etc. [4]

Le lundi 23e de février. Mais bonum factum[5] enfin M. le prince de Conti [11] fut hier marié et a l’honneur d’être neveu du cardinal Mazarin, [12] en tant qu’il a épousé la Martinozzi, [13] laquelle est pareillement nièce du sieur Ondedei, [14] qui est un autre Italien depuis peu revêtu de l’évêché de Fréjus, d’autant qu’il vaut 35 000 livres de rente. On demande là-dessus si le prince de Condé [15] reviendra et s’il est content de cette alliance. Je réponds que je le crois ainsi, mais néanmoins, n’étant nullement de la race des prophètes, je ne sais pas ce que ces gens-là deviendront, ni nous-mêmes. Utut sit[6] voilà la faveur, la fortune et la tyrannie fort établies par le moyen de cette alliance avec la Maison royale. Le roi [16] et la reine [17] ont tous deux fait grand honneur à la mariée pour le degré qu’elle tient aujourd’hui parmi les dames du sang royal. On dit que le prince de Conti sera gouverneur de Provence [18] et que le duc de Mercœur [19] aura celui de Champagne, et que le roi ira bientôt à Reims [20] pour y être sacré de l’huile de la sainte ampoule, more maiorum[7][21] Après ce sacre, [22] le roi fera des chevaliers de l’Ordre du Saint-Esprit, [23] du nombre desquels sera le père du Mazarin [24] qui s’en va être nommé duc de Rethélois [25] et aura la qualité d’ambassadeur du roi très-chrétien près de notre Saint-Père le pape. [8][26] On dit aussi que le prince de Conti sera après Pâques envoyé en Catalogne [27] en qualité de vice-roi.

M. Musnier [28] de Gênes [29] m’a mandé qu’il venait d’apprendre de Padoue [30] une funeste nouvelle touchant M. Licetus [31] (et ne dit que cela), je pense que c’est qu’il est mort. Voilà grand dommage, je pense qu’il était un des plus savants hommes de l’Europe en sa sorte. Ainsi tous les savants s’en vont, mais il était bien vieux, Iuvenes mori possunt, senes vivere diu non possunt[9] On dit que le 12e d’avril est marqué pour être le jour du sacre du roi dans Reims.

Ce 26e de février. Et pour réponse à la vôtre du 20e de février, laquelle je viens de recevoir, je vous dirai que j’ai délivré la vôtre à M. Garmers, [32] lequel vous fera réponse. L’auteur des vers latins intitulés Pithœgia est un des nôtres, [10] nommé M. Blondel, [33][34] fort savant en grec et en latin, ennemi juré des charlatans, de l’antimoine [35] et de tous ceux qui en donnent. Il en viendra encore d’autres par ci-après. [11] Je vous remercie du paquet qu’avez envoyé à M. Volckamer, [36] il m’a depuis peu donné avis qu’il avait reçu l’autre, dont je vous remercie. J’ai mis votre émendation, ad ripam Samaræ, dans vos vers pour notre bon ami feu M. Naudé, [12][37] le frère duquel [38] est fort malade depuis trois mois ; [13] quand il sera guéri et qu’il aura achevé avec le cardinal [39][40] (qui leur redemande plusieurs livres de la bibliothèque de M. Naudé, qui ne lui appartiennent pas), [41] on pensera à l’impression de ce recueil où vous ne serez pas oublié. Je vous prie de faire mes recommandations à M. Garnier [42] et de lui dire que je le remercie de toute mon affection de son beau livre ; comme aussi M. Huguetan [43] l’avocat, de sa belle lettre par laquelle il me donne avis de son retour du pays de fourberie ; Italiam intelligo, quæ tot alit monachos, sacrificulos et impostores[14] M. Sanson [44] est véritablement un grand personnage, et surtout en géographie, mais je n’ai encore rien vu de lui que des cartes de géographie, lesquelles il continue tous les jours, et un petit traité nommé Britannia, pour lequel il s’est depuis rétracté, avouant que ce ne pouvait pas être Abbeville, [45] sa ville natale, où est enterré notre pauvre ami feu M. Naudé. Hors de cela, je n’ai rien vu de lui que deux petits traités contre le P. Labbe, [46] jésuite ; néanmoins, je m’en enquerrai plus particulièrement de lui-même en l’allant voir exprès et vous le manderai. [15] Ma prétendue déclaration contre le vin que demande M. Barbier est ma thèse de Sobrietate[47] et rien autre chose ; [16] si vous en avez un exemplaire, je vous prie de lui donner, je vous en renverrai de deçà tant qu’il vous plaira. Je vous remercie de vos beaux vers latins que je n’avais jamais vus. Le bonhomme M. Benoît, [48] médecin de Saumur, [49] m’a autrefois dit, mais il y a plus de 15 ans, que l’an 1664 la papimanie mourrait en France, que nous deviendrions alors tous réformés et que l’Italie serait ravagée flamma et ferro ; [17] que c’était une prophétie d’un conseiller du Parlement de Paris qui était mort il y avait environ 50 ans ; mais j’ai vu et connu que ce bonhomme rêvait souvent en plusieurs autres choses, joint que toutes ces prophéties me sont fort suspectes, de quelque part qu’elles viennent. Le Mazarin [50] a eu quelques attaques de goutte [51] depuis huit jours, qui lui ont fait garder le lit. Il n’y a jamais eu au Parlement de Paris aucun conseiller nommé Chalandeau, [52] si ce n’est quelque seigneurie. [18] On a pris et arrêté un jour pour le sacre du roi qui sera le 12e d’avril, jour de la Quasimodo ; et pour cet effet, le roi et toute la cour sortiront de Paris le lendemain de la grande Pâque. [19] Des sœurs et des nièces de l’Éminence sont ici nouvellement arrivées d’Italie, [20] on dit qu’elles sont déjà toutes retenues en mariage ; et même qu’il y a une de ces nièces, d’une beauté singulière, que l’on espère de faire monter sur le trône, et Divæ Fortunæ beneficio[21][53][54] la faire transformer en Junon, [55] combien qu’elle ne soit que nièce d’un Iupiter miniatus[22][56] ou plutôt, pour parler avec Joseph Scaliger, [57] d’un fungus Vaticanus[23]

Ce 2d de mars. Le roi, le Mazarin, le prince de Conti, qui est le grand favori, avec tous les joueurs de la cour sont allés à Saint-Germain [58] se réjouir pour quatre ou cinq jours. [24] Le comte d’Harcourt [59] a fait son accord avec le roi, il rend Brisach. [60] Le Mazarin est évêque de Metz [61][62] et traite avec le maréchal de Schomberg [63] pour en avoir aussi le gouvernement. [25] M. Huguetan l’avocat m’a mandé qu’on a depuis peu réimprimé à Genève in‑8o les Tragiques de M. d’Aubigné. [26][64] Je vous supplie d’en faire venir à Lyon (s’il ne s’y en trouve déjà) quelques exemplaires pour moi, et tout au moins deux, ou en blanc ou reliés ; et puis après, vous me les enverrez avec quelque autre chose qui se pourra rencontrer, comme le Bravo [65] de M. Garnier, [27] ou autre.

Ce 4e de mars. On vient de pendre à la Croix du Trahoir [66][67] une fille des champs nommée Marie Vauvré, [68] native d’un village près de Pontoise [69] nommé Conflans, [70] laquelle avait aidé, habillée en garçon, à égorger un pauvre conseiller de Rouen nommé M. Le Noble, [71] le mois d’octobre dernier. [28] Le premier assassin, qui menait la troupe, s’est sauvé et n’a pu encore être pris ; si bien que l’on ne sait pas qui a mis ces assassins en besogne. Il y a encore trois femmes prisonnières et deux hommes, mais les preuves manquent contre eux. Je pense qu’on les mettra bientôt hors de prison, n’y ayant que quelques soupçons et conjectures contre toute cette troupe. Il y avait encore un autre assassin, frère de celle laquelle fut hier exécutée ; mais 15 jours après qu’il eut tué ce conseiller, il fut pris près de Meaux [72] pour un autre vol qu’il venait de faire et fut pendu à Meaux par jugement dernier ; [29] de sorte que, comme il n’y est plus, on désespère d’apprendre la vérité entière touchant ceux qui ont fait égorger ce pauvre conseiller.

Hier au matin, M. Des Gorris [73] trouva sa femme morte dans son lit. Elle avait 60 ans, tout l’hiver elle avait été travaillée d’une triple-quarte, [74] pour laquelle chasser elle avait pris du quinquina, [75] dont elle se croyait guérie ; je pense que cette poudre loyolitique lui a abrégé ses jours ex nimio fervore[30]

Le roi d’Angleterre, [76] qui est ici, se va retirer à Heidelberg [77] chez le Palatin [78] son cousin ; et la reine d’Angleterre [79] s’en va en Piémont [80] chez sa sœur. [31][81] On a découvert à Londres une conspiration contre Cromwell, [82] pour laquelle il y en a 30 de remarque arrêtés prisonniers, et entre autres le milord Byron. [32][83] On a donné l’évêché de Fréjus au cardinal Grimaldi [84] et l’archevêché d’Aix au sieur Marchetti, [85] auditeur de Rote, [33][86] lequel céda sa place à Rome au sieur Ondedei qui y résidera et sera secrétaire de l’ambassade de France sous le signor Pietro Mazzarini[8] qui aura la qualité de notre ambassadeur. [34]

On envoie des troupes à Brisach sur l’espérance que, dès qu’ils en approcheront, il y aura tumulte dans la ville et que l’on arrêtera prisonnier le comte d’Harcourt qui est dedans bien empêché de sa personne, le Mazarin ne lui voulant pas tenir l’accord que l’on avait fait avec lui. [35] Nouvelles sont arrivées, mais je doute si elles sont fort certaines, que le roi d’Espagne [87] a fait arrêter prisonnier dans Bruxelles [88] le duc de Lorraine, [89] et qu’on l’a mené prisonnier dans le château d’Anvers ; [36][90] qu’il y avait une conspiration entre le Mazarin et le comte de Bassigny, [91] gouverneur de Saint-Omer, [92] qui nous devait livrer sa ville avec Ypres [93] et qu’en récompense, on lui donnait le gouvernement d’Arras [94] et de tout l’Artois, qu’on le faisait maréchal de France, etc. ; que ce comte est arrêté prisonnier par les Espagnols, qu’il aura la tête tranchée ; [37] que Mme de Chevreuse [95] avait mené cette conspiration, etc. Hier furent arrêtés prisonniers un chanoine de la Sainte-Chapelle [96] et le chirurgien du cardinal de Retz, accusés d’avoir voulu faire quelque chose pour la délivrance de ce cardinal. [38][97] Nous faisons ici de petits banquets tous les jours avec vos bonnes prunes de Brignoles [98] et en buvons à votre santé, comme à celle de mademoiselle votre bonne femme, laquelle j’honore d’autant plus qu’elle me connaît comme si elle m’avait nourri ; au moins se peut-elle assurer que je ne suis guère chargé de superstition [99] ni de scrupules de conscience. Je me recommande à vos bonnes grâces et à M. Falconet, et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 6e de mars 1654.


a.

Ms BnF no 9357, fos 146‑147 ; Reveillé-Parise, no cclvii (tome ii, pages 118‑122) ; Jestaz no 110 (tome ii, pages 1193‑1198).

1.

Reformé : sérieux, cérémonieux.

2.

V. note [14], lettre 345, pour le Discours de Samuel Sorbière sur sa conversion (Lyon et Paris, 1654). Sur la politique anglaise, il avait récemment publié un livre qui ne correspondait pas à la descritption de Guy Patin, mais c’est tout ce que j’ai su trouver :

Les vraies Causes des derniers troubles d’Angleterre. Abrégé d’histoire. Où les Droits du Roi, et ceux du Parlement, et du Peuple, sont naïvement représentés. {a}


  1. Orange, Édouard Raban, 1653, petit in‑fo de 285 pages : épître dédicatoire de Samuel Sorbière datée d’Orange le 1e mars 1653, adressée au comte Frédéric de Dona, gouverneur de la principauté d’Orange. C’est la traduction d’anglais en français d’un traité anonyme de George Bate (1608-1688, médecin de Londres qui soignait alors Cromwell et sa famille) qui avait paru en 1652 et intitulé :

    A Compendious Narrative of the late Troubles in England, or Elenchus Englished. First Written in Latin by an Anonymous, for the Information of Forreners, and now done into English for the Behoof and Pleasure of our Countymen.

    [Une Narration abrégée des derniers troubles d’Angleterre, ou Elenchus mis en anglais. D’abord écrit en latin par un anonyme, pour l’information des étrangers, et maintenant traduit en anglais pour l’intérêt et le plaisir de nos compatriotes].


3.

« Toutes les communautés commencent leur établissement par le bâtiment de la cuisine, c’est-à-dire à avoir un fonds de quoi vivre » (Furetière). La conversion de Samuel Sorbière au catholicisme lui ouvrait la voie à des avantages que son protestantisme lui avait jusqu’alors rendus inaccessibles ; mais pour cela, il lui fallait se refaire une âme en y implantant de nouvelles croyances, et notamment celle du purgatoire.

4.

« On dit d’une terre usurpée par quelqu’un : ce n’est pas celui à qui elle appartient qui en mange les chapons » (Furetière).

Tout ce paragraphe est absent de la lettre cclvii de Reveillé-Parise, mais s’y lit, quelque peu remanié, dans une lettre (lettre 344) à André Falconet, datée du 20 mars 1654 (ccccxviii, tome iii, pages 24‑26), qu’on trouve pareillement, mais à Charles Spon, dans Bulderen (lxxxi, tome i, pages 224‑227).

5.

« c’est bel et bien fait ».

6.

« Quoi qu’il en soit ».

7.

« selon la coutume ancestrale. »

Dictionnaire de Trévoux 

« On appelle la sainte ampoule, certaine petite bouteille venue du ciel, où il y a de l’huile qui sert à sacrer les rois de France, laquelle on garde bien dévotement en l’abbaye de Saint-Rémi de Reims ; sacra ampulla. Hincmar, archevêque de Reims qui vivait du temps de Charles le Chauve, rapporte en la vie de saint Rémi qu’une colombe blanche l’apporta du ciel en son bec lorsque les saintes huiles lui manquaient à cause de la foule qu’il y avait auprès des fonts baptismaux ; qu’elle disparut aussitôt ; que cette huile parfuma toute l’église et que le roi Clovis en fut baptisé. »

8.

Pietro Mazzarini (Palerme 1576-Rome 13 novembre 1654), propriétaire d’un domaine en Sicile (où se trouve une petite ville appelée Mazzarino d’où son père, Giulio, était originaire), était venu s’installer à Rome pour devenir majordome ou intendant chez l’un des princes Colonna ; lequel l’avait marié vers 1600 à l’une de ses filleules, Hortensia Buffalini. Six enfants étaient nés de leur union, dont l’aîné, Giulio, devint notre cardinal Mazarin. Le frère aîné de Pietro, lui aussi prénommé Giulio (v. note [26] du Naudæna 3d), appartenait à la Compagnie de Jésus et eut sans doute une forte influence sur la formation de son neveu. La vie de Pietro Mazzarini est mal connue et a été fort embrouillée par toutes les faussetés calomnieuses qu’en ont colportées les mazarinades. Vers 1630, il aurait été impliqué dans une sombre affaire de meurtre, dont il se tira avec un non-lieu.

Veuf en 1644, Pietro s’était remarié en 1645 avec une princesse Orsini prénommée Porzia, jeune mais ruinée. Il n’y eut pas d’enfants du second lit. Pietro mourut couvert de dettes dans le palais romain que possédait son fils aîné sur le monte Cavallo (Quirinal) (Guth et Goubert). Il ne fut jamais reçu chevalier du Saint-Esprit (v. note [16], lettre 324). La mort l’empêcha de jouir du duché de Rethélois que lui avait réservé son fils et qui échut à Armand-Charles de La Porte de La Meilleraye, futur duc Mazarin par son mariage en 1661 avec Hortense Mancini.

Les mazarinades ont brodé quantité de brocards sur Pietro Mazzarini et sa famille. Gabriel Naudé, qui était plutôt bien renseigné sur le sujet, en a beaucoup parlé (mais peut-être de manière trop apologique) dans son Mascurat (Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin, Paris, 1650, v. note [127], lettre 166), notamment aux pages 11‑52.

9.

« Les jeunes peuvent certes mourir, mais les vieillards ne peuvent vivre longtemps » (v. note [9], lettre 145). Guy Patin conjecturait à tort : Fortunio Liceti (v. note [4], lettre 63) ne mourut que trois ans plus tard, le 17 mai 1657.

10.

Stibii Pithœgia. Antirrheticon in Stibii proxenetas, Aniatros Poëtas [Pithœgie de l’antimoine. Antirrhétique (Contradiction) contre les proxénètes de l’antimoine, poètes ignares] (sans lieu, ni nom, ni date) est un libelle anonyme de 12 pages. Il contient sept pièces en vers latins répondant vertement à celles de divers partisans de l’antimoine :

  1. In Epigramma M. Ioannis de Bourges Doctoris Medici Parisiensis [Contre l’épigramme de M. Jean de Bourges, docteur en médecine de Paris] (page 1) ;

  2. In Epigramma M. Iacobi Thevart Doctoris Medici Parisiensis et Medici regii [Contre l’épigramme de M. Jacques Thévart, docteur en médecine de Paris et médecin du roi] (page 2) ;

  3. In Hexastichon M. Michaëlis Marés Doctoris Medici Parisiensis [Contre les six vers de M. Michel Marés, docteur en médecine de Paris] (pages 2‑3) ;

  4. In Carmen M. Armandi Ioannis de Mauvillain Doctoris Medici Parisiensis [Contre le poème de M. Armand-Jean de Mauvillain, docteur en médecine de Paris] (pages 3‑4) ;

  5. In Epigramma M. Germani Hureau Doctoris Medici Parisiensi contra Orthodoxum [Contre l’épigramme de M. Germain Hureau, docteur en médecine de Paris, contre l’Orthodoxe] (pages 5‑6) ;

  6. In Epigramma N. Mercier Navarrici Litterarum Humaniorum Professoris [Contre l’épigramme de N. Mercier, professeur d’humanités littéraires au Collège de Navarre] (pages 6‑7) ;

  7. In Epigramma Carneau C. Cuculli Celestini Poetæ [Contre l’épigramme de C. Carneau, poète et moine célestin (v. note [46] du Naudæana 3)] (pages 7‑12) ; Étienne Carneau, moine célestin, était l’auteur de La Stimmimachie… (v. note [5] de la lettre de Charles Challine, datée du 7 mars 1656).

La pithœgie (Pithœgia) est le nom de fêtes et de sacrifices qu’on célébrait dans l’Antiquité à Athènes le 11e jour du mois Anthestérion (janvier-février), mais que Guy Patin mettait aux 10 et 11 novembre (v. note [11], lettre 649) ; c’était une partie des fêtes de Bacchus (v. note [23], lettre 260) qui s’appelaient anthestéries en général, et dont les parties se nommaient pithœgie, choæ, chytroï. La pithœgie marquait le jour où on commençait à boire du vin nouveau ; son nom venait de l’ouverture des tonneaux (pithos en grec) (Trévoux).

Jacques Perreau, dans son Rabat-joie de l’Antimoine triomphant (novembre 1654, v. note [3], lettre 380), conclut par ces mots le chapitre qu’il consacre à l’Examen des vers à la louange de l’antimoine triomphant et de l’auteur (1re partie, page 51) :

« Si ces Messieurs ne sont assez satisfaits de ces actions de grâces pour n’être pas assez amples, celles du Stibii Pithœgia ou Antirrheticon in Stibii Proxenetas, Aniatros Poëtas, docte poème qui a couru ces jours passés, suppléera au défaut que je n’ai point voulu ajouter ici, de peur de faire de ce livre un Cento. {a} < Il > suffit que je < le > leur indique afin, s’ils ne l’ont encore lu, de leur en faire venir l’envie et qu’ils en aient le contentement, en attendant que je m’apprêterai à leur faire voir les particularités du prétendu Triomphe de l’Antimoine. »


  1. Centon, pot-pourri.

11.

François Blondel (mort en 1682) avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1632 et en fut élu doyen de 1658 à 1660. D’un tempérament fougueux et quérulent, Blondel a été à Paris l’ennemi le plus obstiné et le plus virulent des antimoniaux, par sa plume (v. ci-dessous) et par ses procès contre la Faculté après la fin de son décanat (évoqués dans la suite de la correspondance). Cet acharnement, en comparaison duquel celui de Guy Patin semble fort pâlot, est même à considérer comme maladif car il a défié toutes les règles du bon sens, et a mené son auteur au ridicule et à l’exclusion. Ennemi implacable de la secte chimique qui commençait à s’élever sur les ruines du galénisme, Blondel s’est prononcé avec une sorte de fureur contre l’introduction de l’antimoine en médecine. Outre ses libelles polémiques et ses thèses, Blondel a édité en 1679, avec Jacques Lemoine, les trois derniers tomes (ix‑xi) des Magni Hippocratis Coi et Claudii Galeni Pergameni universa quæ extant opera [Œuvres complètes du grand Hippocrate de Cos et de Claude Galien de Pergame] de René Chartier (aux frais de Charles du Gard, son gendre).

Blondel était très féru de botanique antique et cultivait un jardin près de la porte Saint-Denis pour y faire des démonstrations aux étudiants (v. note [7] des Actes de 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine, avec un portrait peu flatteur du personnage dressé en 1676 par l’un de ses anciens étudiants, Guillaume Lamy).

La Pithœgia fut la cause d’une floraison de libelles latins pour et contre l’antimoine parus durant le dernier trimestre de 1654 et le premier de 1655, dont les deux principaux champions ont été Jacques Thévart (v. note [23], lettre 146) et François Blondel. En voici treize (principalement trouvées dans un recueil de la BnF, cote 4‑YC‑27) que j’ai recensées sans prétention à l’exhaustivité :

  1. Prolusiones apologeticæ approbatorum stibii, adversus authorem libelli infandi, qui inscribitur Pithœgia,

    [Préludes pour la défense des approbateurs de l’antimoine, contre l’auteur du libelle abominable qui s’intitule Pithœgia] ; {a}

  2. Elenchus errorum insigniorum quos admisere miselli et sine nomine poetæ, qui famoso illo carmine luserunt, cui titulus, Prolusiones apologeticæ approbatorum stibii. Reliquos qui utramque Paginam implere possent, eruditus lector, si talem nauteam ferre valeat, facile notaverit. Φιλομουσος Eleutheropolita Tertianus Recensuit. Barbarismi et Ακυρωσ dicta,

    [Appendice des erreurs remarquables qu’ont admises des poètes misérables et anonymes qui se sont amusés à composer ce fameux poème intitulé Préludes apologétiques des approbateurs de l’antimoine. S’il a la force de supporter un tel purin, un lecteur instruit aura remarqué le reste, qui pourrait remplir ces deux pages. Tertianus Philomousos Éleuthéropolite {b} les a recensées. Barbarismes {c} et solécismes] ; {d}

  3. Apologia approbatorum stibii seu Carmen Elegiacum. Α′μοιβαμον. In quo Veterum et Recentium Medicorum Authoritatibus, Ratione et Experientia probatur Stibium non esse venenum. Authore M. Iacobo Thevart, Doctore Medico Parisiensis, et R.M.,

    [Apologie des approbateurs de l’antimoine, ou chant élégiaque {e} en forme de dialogue. Où l’autorité des médecins anciens et modernes, la raison et l’expérience démontrent que l’antimoine n’est pas un poison. Par M. Jacques Thévart, docteur en médecine de Paris et médecin du roi] ; {f}

  4. Stimmi-machismi Prorrheticum (Id est, Pugnæ Antimonialis Prædictio),

    [Prorrhétique {g} du combattant antimonial (c’est-à-dire la Prédiction du combat antimonial] ; {h}

  5. Iacobo Thevarto Ex Medico Stibicidæ. Αντιδωρον,

    [Antidore. {i} À Jacques Thévart, stibicide, ci-devant médecin] {j} ;

  6. Obtrectatori anonymo falso titulo Orthodoxo, Αντιδωρον Αντιδωρον,

    [Au détracteur caché sous le faux nom d’Orthodoxe, antidote de l’antidore] ; {k}


    1. Paris, Jean Hénault, 1654, in‑4o de 62 pages.

    2. Tertianus l’Amoureux des Muses, qui habite la ville de la Liberté.

    3. V. note [7], lettre latine 112.

    4. Cette première critique page à page est suivie de sept autres intitulées Solœcismorum fœditas, Prosodiæ peccata, Furtiva suis reddenda authoribus, Barbarismi, Ruditas, Prosodiæ vitia, et Plagia [Horreur des solécismes, Erreurs de prosodie, Vols qu’il faut rendre à leurs auteurs, Barbarismes, Impérities, Vices de prosodie, et Plagiats].

      Le tout ne porte aucune indication de lieu ni de date.

    5. Une annotation explique le mot grec Amoïbamon du titre, Id est mutuum carmen et reciprocum, quod est veluti Factum litis et controversiæ inter Medicos de Stibio seu Antimonio [c’est-à-dire chant mutuel et réciproque, qui est comme un factum de la querelle et de la controverse entre les médecins au sujet du stibium ou antimoine].

    6. Paris, Jacques Langlois, 1655, in‑8o de 21 pages. Le titre est suivi d’une citation de Galien (Commentaire sur le 6e livre des Épidémies d’Hippocrate) qui privilégie l’expérience sur la théorie, que chacun peut concevoir à sa guise.

    7. Autre titre des deux Pronostics du corpus hippocratique.

    8. Sans lieu, ni nom, ni date : pièce de dix vers de Jacques Thévart où la querelle de l’antimoine est comparée à celle de la grâce, opposant jésuites et jansénistes ; le pape a invité ces derniers au calme en disant Pax vobis [Paix à vous], mais nul n’est malheureusement en mesure d’apaiser la querelle médicale par de telles paroles.

    9. Dans la liturgie grecque orthodoxe, l’antidore (au lieu du don) est un pain qu’on bénit et qu’on distribue au lieu de l’Eucharistie (le don par excellence) à ceux qui n’ont pas pu communier pour quelque raison particulière.

    10. Sans lieu, ni nom, 1655 ;  ; cet Antidôron est une pièce de 18 vers qui réplique à la comparaison de Thévart en assimilant Jansenius au stibicide (tueur par l’antimoine), que voici traduite du latin :

      « L’un fauche l’espérance de la vie éternelle, l’autre se présente en ennemi de la vie fragile, qu’il tranche en moins d’un jour. L’Église vengeresse condamne les erreurs de l’un, et l’École, les poisons que l’autre mêle au vin. Tu mens donc, le pape n’a pas parlé ainsi et nulle paix ne doit être concédée au troupeau hérétique. »

      la pièce est signée et datée, Orthodoxus canebat, idib. Ianuar. 1655 [L’Orthodoxe (François Blondel) écrivait ces vers le 13 janvier 1655].

    11. Pièce de 40 vers signée et datée : I. Thevart, D. Med. Parisiensis et R.M. Orthodoxus canebat prid. Cal. Februar. 1655 [Jacques Thévart, docteur en médecine de Paris et médecin du roi Orthodoxe, écrivait ces vers le 31 janvier 1655]. Elle poursuit l’analogie janséniste (« Peu m’importe que Jansenius soit hérétique ») et se termine sur ces mots (dans ma traduction) : « Que je sois donc stibicide, les métaux n’ont pas de vie ; mais toi, tu restes homicide de réputation, dénué de jugement et de savoir. »

  7. In Thevartii et Stimmiatrorum Pax vobis,

    [Contre le Pax vobis des stimmiatres {a} et de Thévart] {b} ;

  8. Ad Poetam anonymum aniatrum fictum stibii osorem Παραινεσις,

    [Conseil au poète anonyme, faussement aniatre (ignorant en médecine), qui hait l’antimoine] ; {c}

  9. Iacobo Thevarto ex-medico Parisiensi heterodoxo Epigramma,

    [Épigramme à Jacques Thévart, ci-devant médecin hétérodoxe de Paris] ; {d}

  10. Alethophanis archiatri ad Iacobum Thevartum exmedicum Parisianum et R.M. hoc est reum manifestarium violati sacramenti nec non corruptæ artis, epistola. cui accessit stibii Pithœgia, et pro auctario, Pithœgia vindicata,

    [Lettre de l’archiatre Aléthophane {e} contre Jacques Thévart, ci-devant médecin de Paris et médecin du roi, c’est-à-dire accusé avéré de sacrement violé et aussi d’art corrompu ; à laquelle est ajoutée la Pithœgie de l’antimoine, et en surplus, la Pithœgie vengée] ; {f}

  11. In Iacobi Thevart, medici exorthodoxi et parum nasuti versificatoris, Παραινεσιν carmen,

    [Poème contre la Parénèse {g} de Jacques Thévart, versificateur au nez court {h} et médecin ci-devant orthodoxe] ; {i}

  12. Ad Iacobum Thevart, pacis et veritatis impugnatorem, Doct. Med. Par. et Med. Regii orthodoxi nomine superbientem, Αποσφαιρισις seu pilæ repulsio iisdem versibus leviter immutatis,

    [Renvoi de la balle {j} par les mêmes vers légèrement modifiés, contre Jacques Thévart qui attaque la paix et la vérité, docteur en médecine de Paris et médecin du roi, qui se targue du nom d’orthodoxe] ; {k}

  13. Ad Iacobum Thevartum, qui quarto a festo Paschatis, die, id est, kalendis aprilis, rediit ad Versus Maledicos componendos, epigramma pro επιμετρω.

    [Une épigramme de plus contre Jacques Thévart qui, le quatrième jour après Pâques, c’est-à-dire le 1er avril, a de nouveau composé des vers médisants]. {l}


    1. Médecins antimoniaux.

    2. Pièce de quatre vers latins (que j’ai traduite en français) :

      « Pax vobis, vos poèmes ne chantent que cela, et tu penses qu’il n’y a personne qui soit capable dire à quel point c’est faux. Crois-moi, aux malades que l’antimoine a tués, c’est votre affaire de dire Pax vobis quand on les enterre. »

      Elle est suivie de cette apostille : Hi versus, ut et alii famosi libelli noctu, et λαθραιως evulgati fuere [Ces vers, tout comme d’autres fameux, ont été divulgués nuitamment et secrètement].

    3. Pièce de 20 vers appelant, au nom de la charité chrétienne et du bon sens, à une paix entre les partis antimoniaux ; signée I. Thevart, Doctor Medicus Parisiensis et R.M. Orthodoxus [Jacques Thévart, docteur en médecine de Paris et médecin du roi, orthodoxe].

    4. Pièce de huit vers signée Verius Æquicola, Eleutheropolita Tertianus canebat Idib. Febr. 1655 [écrivait ces vers le 13 février 1655].

    5. François Blondel.

    6. Aleuthesis typis noleriis anno 1655, in‑4o de 34 pages.

    7. Discours moral.

    8. V. note [28], lettre 398.

    9. Sans lieu, ni nom, 1655, in‑4o de 4 pages, signé et daté : Philalethes F. Blondel, Alethophanis Tribulis canebat 3 non. april. 1655 [F. Blondel le philalèthe (ami de la vérité) chantait sur les chausse-trapes d’Aléthophane (Flambeau de la vérité) le 27 avril 1655].

    10. Expression donnée en grec (Aposphaïphisis) et en latin (pilæ repulsio).

    11. Sans lien ni nom, 1655, pièce de 20 vers signée Alethophanis consobrinus [Le cousin d’Aléthophane].

    12. Sans lieu ni nom, 1655 : pièce de dix vers signée Canebat Alethophanis consobrinus, ipsa, qua missa est pila, hora [Le cousin d’Aléthophane les composait à l’heure même où la balle a été envoyée].

12.

Charles Spon avait apporté la correction (émendation), que Guy Patin lui avait suggérée, au premier vers de l’Epicedion (v. note [8], lettre 325) qu’il avait envoyé pour être inséré dans le Gabrielis Naudæi Tumulus… (v. note [11], lettre 324) ; Naudé était mort à Abbeville sur la rive de la Somme [ad ripam Samaræ].

Les quatre Epicedia [Épicèdes, v. note [1], lettre 325] de Guy Patin (pages 57‑58) sont imprimés à la suite du poème de Spon :

Charissimo quondam amico,
litteratorum virorum
Præstantissimo,
Gabrieli Naudæo,
Parisino,
EPICEDIUM
.

Dum tu ab remotis ultimi orbis partibus
Redux amicis, iam fruendus proximis,
Naudæe, quæ sors invidens nostris bonis
Desideratum tandiu te sustulit ?
Potuitne Cimbricum procellis horridum,
Suecumve sævientibus ventis mare
Tanti vereri nomen excellens viri ?
Atqui tueri maxime quem par erat,
Aliisque semper solita adesse, o Gallia,
Medio in sinu mortem oppetit natus tuo,
Quem Apollo, quem Musæ, quem amabant unice
Docti, probique quotquot illum noverant ;
Ignotus at cui ? proh dolor ! pulvis iacet,
Pylios vel annos iure dignus vincere.
At si sepulchro conditur corpusculum,
Nunquam iacebit multa nec virtus viri,
Neque laus ; præalti nulla vires ingenii
Silebit ætas, nulla non dicet plaga
.

[ÉPICÈDE
à Gabriel Naudé, natif de Paris, naguère ami très cher, le plus éminent des hommes de lettres
.

Tandis que tu revenais vers tes amis depuis les parties les plus éloignées des confins du monde, pour jouir des plus proches, quel sort, jaloux de nos biens, t’a enlevé, Naudé, toi dont nous nous languissions depuis si longtemps ? Le renom distingué d’un si grand homme n’est-il pas parvenu à inspirer le respect à la mer des Cimbres hérissée de bourrasques, ou aux vents furieux de la mer des Suédois ? {a} Et pourtant, ô France, ton enfant trouve la mort en ton sein, quand ton devoir suprême était de le protéger, toi qui a toujours eu coutume d’accorder ta protection aux étrangers ; lui qu’Apollon, lui que les Muses, lui que les savants aimaient plus que nul autre, lui que tous les honnêtes gens connaissaient ; mais qui donc ignorait qui il était ? Hélas, quelle douleur ! il gît sous terre, lui qui est justement digne de vaincre les Pyliens ou les siècles. {b} Mais si ce petit corps est enseveli au tombeau, ni sa vertu d’homme, ni son honneur ne resteront dans l’oubli. Nulle époque ne taira les mérites d’un génie aussi supérieur, nulle contrée ne manquera à les reconnaître].


  1. La mer des Cimbres est le sud de la Baltique, la mer des Suédois en est le nord.

  2. Les Pyléens, habitants de Pylos (v. note [13], lettre latine 4), comme Nestor, étaient réputés vivre très longtemps.

ALIUD.
In gratam memoriam suavissimi Amici Gabrielis Naudæi, Parisini, viri literatissimi ac elegantissimi

Naudæi cur morte doles, ceu lumine adempto ?
Fulget, ut in tenebris sidera quæque micant :
Id mirare magis, turbas movisse cadendo,
Qui nivea morum simplicitate fuit :
Nempe illum hinc Virtus sibi vendicat, indéque Musæ,
Hæcque Deo pacis sola reperta via est :
Terra habeat corpus, mentem polus, eius et illæ
Inscribant fastis nomen utrimque suis
.

[UN AUTRE.
En reconnaissante mémoire de Gabriel Naudé, natif de Paris, ami le plus doux, homme le plus lettré et le plus raffiné : Pourquoi pleures-tu la mort de Naudé, comme si la lumière s’était éteinte ? C’est qu’il brille, comme certaines étoiles scintillent dans les ténèbres. Il faut bien s’étonner qu’on se soit remué en foule pour celui qui périssait, quand lui ne l’a été que pour la simplicité éclatante de ses mœurs. La Vertu le réclame donc pour elle et à sa suite, les Muses car c’est la seule route qu’on ait trouvée vers le Dieu de paix. La terre détient son corps, et le ciel son esprit. L’une et l’autre inscriront son nom dans leurs calendriers].

ALIUD.

Urna hæc non hominem tantum capit ; hocce sepulchro
Sancta fides, Virtus, Pieridesque iacent
.

[UN AUTRE.
Cette urne ne peut contenir un si grand homme ; la fidélité inviolable, la Vertu et les Muses gisent dans ce tombeau].

ALIUD.

Quos pallente vides ductos in imagine vultus,
Parva sed eximii sunt simulachra Viri :
Qui dum contendit Musarum extendere regnum,
Ipse cadit, summum præcipitatque diem.
Fama tamen manet, et virtus secura sepulchri,
Imo eius limes nominis, orbis erit
.

[UN AUTRE.
Les traits que tu vois dans la pâle apparence de ce visage ne sont que les chétives ombres d’un homme extraordinaire. C’est celui qui, tandis qu’il s’efforce d’étendre le royaume des Muses, tombe lui-même et précipite son ultime jour. La réputation reste cependant et la vertu du tombeau est paisible, mais au contraire, le renom de celui-là n’aura pour limites que la terre entière].

Guido Patinus, Bellovacus, Doctor Medicus Parisiensis, et Decanus facultatis.

[Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris et doyen de la Faculté].

13.

Gilles Naudé, frère aîné de Gabriel, était conseiller du roi et trésorier (Jestaz).

14.

« je veux dire l’Italie, qui nourrit tant de moines, de prêtres et d’imposteurs. »

15.

Nicolas Sanson (Abbeville 1600-Paris 1667), formé chez les jésuites d’Amiens, s’était ensuite livré à l’étude de la géographie. Il avait entrepris le commerce et fait des pertes d’argent, à la suite desquelles il était venu à Paris et avait publié sa Galliæ antiquæ descriptio geographica [Description géographique de l’ancienne Gaule] (incomplète, 1627, sans lieu ni nom, in‑fo ; complète, Paris, M. Tavernier, 1641, in‑fo). Cet atlas des Gaules, qui eut beaucoup de succès, lui avait mérité la protection du cardinal de Richelieu et procuré les titres de professeur de géographie de Louis xiii puis de Louis xiv, d’ingénieur en Picardie et de géographe du roi. Il fut aussi nommé conseiller d’État, mais il n’en prit pas le titre, dans la crainte, dit-on, que ses enfants ne s’en prévalussent pour se dispenser de continuer l’étude de la géographie (G.D.U. xixe s.).

Guy Patin mentionnait ici sa querelle géographique avec le P. Philippe Labbe {a} :


  1. V. note [11], lettre 133.

  2. Paris, sans nom, 1635, in‑8o de 111 pages.

  3. V. l’article de Bayle sur Abbeville.

  4. Moulins, PierreVernot, 1644, petit in‑fo de 272 pages.

  5. Paris, aux dépens de l’auteur, 1647, in‑12 de 246 pages, pour la première partie ; ibid. et ibid. 1648, in‑12 de 283 pages, pour la seconde

16.

La thèse retentissante de Guy Patin « sur la Sobriété » (1647) contient trois passages condamnant l’abus du vin.

17.

« par le fer et le feu ». Littré DLF cite cette phrase de Guy Patin pour illustrer le mot papimanie.

V. notes [14], lettre 222 pour Jean Benoît, et [18] infra pour Jean Luillier, sieur de Chalandeau, auteur de la prophétie sur la fin du catholicisme en France en 1664.

18.

Guy Patin a été plus disert sur ce visionnaire dénommé Chalandeau à la fin de sa lettre 363 (v. sa note [23]) : « il s’appelait Luilier, sieur de Chalandeau, que sa famille était de Paris, sa seigneurie en Poitou. »

En voilà suffisamment, me semble-t-il, pour identifier Chalandeau à l’un des Jean Luillier que j’ai croisés dans mes lecteures.

19.

En 1654, la grande Pâque (le dimanche de Pâques) fut fêtée le 5 avril, et la Quasimodo (dimanche suivant) le 12. La cour ne partit de Paris pour Reims que le 30 mai et le sacre eut lieu le 7 juin (Levantal).

20.

Après celle de septembre 1648, cette seconde arrivée de parentes mazarines à Paris, en mars 1654, formait un copieux bataillon (Doscot, Mancini, pages 16‑17) :

« commandé par Mmes Matinozzi et Mancini mères elles-mêmes, {a} ce n’était plus un arrivage à demi clandestin. Il comprenait la deuxième fille Martinozzi, Laure, qui avait 13 ans ; deux Mancini, dont Hortense, {b} la plus jolie dit-on, mais qui venait en surnombre. Mazarin avait demandé son aînée Marie Mancini ; {c} Mme Mancini n’aimait pas Marie : d’abord c’était un “ noir petit pruneau ” sans charme, et surtout, M. Mancini, {d} le père, qui jouait volontiers les astrologues et les nécromanciens, {e} comme beaucoup de gens en Italie à cette époque et dans cette famille en particulier, avait lu dans les astres que Marie apporterait beaucoup de maux et de soucis. Au dernier moment, Mme Mancini décida d’emmener les deux filles, le charme de l’une devant compenser la “ noirceur ” de l’autre, pensait-elle. On importait aussi un fils Mancini, Philippe, né en 1641, destiné à compenser la perte du pauvre Michel-Paul, le favori de son oncle et le compagnon de jeux du jeune roi, qui avait été tué en 1652, dès son début dans le métier des armes, au combat du faubourg Saint-Antoine ; Mazarin ne s’en consolait pas. Il ne resta auprès du papa, à Rome, que les cadets Alphonse et Marie-Anne. Ils ne tardèrent pas à rejoindre le gros de la troupe. »


  1. Les sœurs du cardinal Mazarin, Laura Margarita Matinozzi et Geronima Mancini.

  2. 7 ans.

  3. 13 ans, v. infra note [21].

  4. Michele Lorenzo Mancini.

  5. V. note [19] du Naudæana 3.

21.

« et par faveur de la dive Fortune ».

Marie Mancini (Rome 1639-Pise 1706), la plus célèbre des nièces de Mazarin parce qu’elle suscita la première grande passion amoureuse du jeune Louis xiv, était le quatrième enfant (après Laure, Michel-Paul, et Olympe) de Michele Lorenzo Mancini et de Geronima Mazzarina. La République de Gênes avait fourni une magnifique galère dorée pour la traversée de la petite troupe mazarine. On avait séjourné huit mois à Aix pour y apprendre les éléments de la langue française, puis Marie, Hortense et Laure furent amenées à Paris et placées au couvent de la Visitation de la rue Saint-Jacques. Toute dévouée à la reine mère, Mme de Motteville (Mémoires, page 456) a dépeint, sans doute un peu perfidement, la « beauté singulière » de Marie, lors de ses premières apparitions à la cour :

« Elle pouvait espérer d’être de belle taille parce qu’elle était grande pour son âge, et bien droite ; mais elle était si maigre, et ses bras et son col paraissaient si longs et décharnés qu’il était impossible de la pouvoir louer sur cet article. Elle était brune et jaune ; ses yeux, qui étaient grands et noirs, n’ayant point encore de feu, paraissaient rudes ; sa bouche était grande et plate, et hormis les dents, qu’elle avait très belles, on la pouvait dire alors toute laide. »

Louis xiv fit d’abord d’elle une compagne de jeux, comme l’avaient déjà été Laure et Olympe ; mais en juillet 1658, après que la beauté de la jeune fille se fut développée, il s’en éprit sérieusement ; il apprit même l’italien pour lui plaire, lui qui était si rebelle à l’étude et ne songeait qu’aux plaisirs. L’idylle prit tant d’ampleur que l’oncle Mazarin jugea préférable de la rompre en éloignant Marie de Paris en juin 1659, pour la confiner dans un couvent à Brouage, tandis que se déroulaient les négociations qui devaient donner Marie-Thérèse pour femme à Louis xiv. Le 15 avril 1661, Marie épousa le prince Colonna, grand connétable de Naples, futur vice-roi de Naples et d’Aragon, auquel elle apporta en dot 100 000 livres de rente. Après sept heureuses années, le couple se déchira et Marie erra aventureusement par toute l’Europe jusqu’à sa mort (G.D.U. xixe s.).

22.

« Jupiter cramoisi » : v. note [50] de la thèse sur la Sobriété (1647).

Junon (v. note [3], lettre 286), sœur et épouse de Jupiter, chercha par jalousie à le détrôner de l’Olympe.

23.

« champignon du Vatican » (Joseph Scaliger, v. note [10], lettre 53). Les deux dernières phrases de ce paragraphe ont été employées, modifiées dans une fausse lettre à André Falconet (v. supra note [4]).

24.

« On dit figurément qu’un homme est un rude joueur pour dire qu’il est brave, qu’il se bat bien, qu’il est dangereux. On le dit aussi de celui qui blesse les autres en jouant à des jeux de main » (Furetière).

25.

Après l’abdication de Henri de Bourbon en 1652 (v. note [35], lettre 299), le roi avait été nommé Mazarin évêque de Metz le 29 novembre 1653, mais le pape ne lui en accorda jamais les bulles, ce qui le détermina à démissionner en 1658 (Gallia Christiana).

26.

Théodore Agrippa d’Aubigné (château de Saint-Mory près de Pons en Saintonge 1550-Genève 1630) fut un capitaine huguenot aussi intrépide qu’écrivain vigoureux. « Si jamais l’on pouvait en idée personnifier un siècle dans un individu, d’Aubigné serait, à lui seul, le type vivant, l’image abrégée du sien » (Sainte-Beuve).

D’Aubigné a, entre autres ouvrages, publié anonymement les Tragiques, donnés au public par le larcin de Prométhée (Au désert, par L.B.D.D. [Le Bouc du désert ; Genève, Aubert], 1616, in‑4o) ; v. note [16], lettre 210, pour le larcin de Prométhée. Ce sont des satires en vers français sur les événements de son temps, divisées en sept livres intitulés Misères, Princes, Chambre dorée, Feux, Fers, Vengeances, Jugement. Je n’ai pas identifié l’édition genevoise dont parlait ici Guy Patin.

V. note [17] du Borboniana 6 manuscrit pour l’Histoire universelle d’Aubigné (Maillé, 1616).

27.

V. note [6] de la lettre à Charles Spon, datée du 26 août 1653, pour les Resolutiones medicæ [Réfutations médicales] de Gaspar Bravo de Sobremonte Ramirez (Lyon, 1654) ; mais Guy Patin y disait compter sur Pierre Guillemin, et non sur Pierre Garnier, pour obtenir ce livre. Patin a marqué son hésitation car avant d’écrire « Garnier », il a barré « Cha », soit probablement les trois premières lettres du patronyme du libraire lyonnais Jean Champion (v. note [7], lettre 358).

28.

Suite de l’affaire relatée dans la lettre du 30 janvier 1654 à Charles Spon : v. sa note [40].

29.

« On dit dans les présidiaux “ par jugement dernier ” pour dire en dernier ressort et présidialement » : « au présidial, lorsqu’un prévôt des maréchaux a instruit un procés pour un cas royal et prévôtal contre des vagabonds et autres gens jugés de sa compétence, et qu’il le vient juger avec sept conseillers du présidial, alors il juge sans appel, et on dit que la sentence est rendue présidialement et en dernier ressort, ou prévôtalement » (Furetière).

30.

« par un échauffement excessif. » Pour la première fois, Guy Patin appelait ici le quinquina par son vrai nom ; il l’abhorrait et le méprisait autant que les jésuites qui l’avaient apporté d’Amérique du Sud.

La fièvre triple-quarte est une variété de quarte (v. note [39], lettre 99) qui soit présente trois redoublements chaque quatrième jour, soit prend tous les jours comme la quotidienne et la double-tierce, mais elle en diffère par le retour de ses accès, le quatrième répondant au premier, le cinquième au second et le sixième au troisième.

31.

L’électeur palatin, Karl Ludwig von Wittelsbach (v. note [30], lettre 236), était le fils de Ruprecht, neveu de Charles ier, roi d’Angleterre, le père du roi Charles ii, alors en errance dans les cours du continent. Sa mère, Henriette-Marie de France, elle aussi en exil, était la sœur de Christine de France, duchesse de Savoie, toutes deux filles du roi Henri iv.

Heidelberg (Bade-Wurtemberg), sur les rives du Neckar, était la capitale du Palatinat du Rhin où résidait l’électeur palatin. Fondée en 1386. Son Université, toujours en activité, et la plus ancienne d’Allemagne.

32.

« On appelle un homme de remarque celui qui est fort distingué des autres par sa naissance, sa qualité, son courage ou son savoir » (Furetière).

Plant fait état de onze conspirateurs royalistes arrêtés à Londres le 26 février, ce qui compromit sérieusement les négociations en cours avec la France, terre d’asile de Charles ii, prétendant au trône d’Angleterre.

Milord Byron était alors sir Richard (1605-1679), deuxième baron Byron of Rochdale, frère puîné de sir John (mort en 1652 sans descendance), royaliste anglais dont Charles ier avait fondé la baronnie en 1643. Descendant direct de sir Richard, le poète anglais Lord Byron, sir Geoge Gordon Byron (1788-1824), fut le sixième baron de la lignée.

33.

La Rote était la Cour pontificale de justice (Furetière) :

« juridiction de la Cour romaine composée de 12 prélats nationaires {a} d’Italie, France, Espagne et Allemagne, dont chacun {b} a quatre clercs ou notaires sous lui. Ils jugent de toutes les causes bénéficiales et profanes, tant de Rome que des provinces de l’État ecclésiastique en cas d’appel, et de tous les procès des États du pape au-dessus de 500 écus. Ils s’appellent aussi chapelains du pape, ayant succédé aux anciens juges du Sacré Palais qui jugeaient dans sa chapelle. Ce nom de Rote vient, dit-on, de ce que les juges siègent en rond, ou de ce que les plus importantes affaires du monde chrétien roulent devant eux. Du Cange le dérive de rota porphyretica, à cause que le pavé de la chambre était de porphyre et taillé en forme de roue, ce qui a donné lieu à nommer ainsi la juridiction par la même raison qu’on a appelé la Cour de l’Échiquier < celle > de Normandie. Il y a un recueil fameux de leurs jugements, qu’on appelle Décisions de la Rote. Il y a aussi une Rote à Gênes et en quelques autres villes d’Italie. »


  1. Originaires des nations.

  2. Chacun d’eux portait le titre d’auditeur de Rote.

34.

Méprise persistante de Guy Patin pour l’attribution de ces deux évêchés (v. note [22], lettre 338) : Gerolamo Grimaldi eut celui d’Aix ; et celui de Fréjus échut à Giuseppe Zongo Ondedei en octobre 1654, ce qui dut contrarier le projet diplomatique pour lequel on le réservait, à ce qu’en disait ici Patin. Le « sieur Marchetti » n’eut pas d’évêché en France.

35.

Harcourt finit cependant par se rendre devant la pression exercée par les armées de La Ferté-Senneterre. La Gazette se fit largement l’écho des succès et de l’avancée de ce maréchal en Alsace (ordinaire no 36, nouvelles du 9 mars 1654, pages 281‑282, et surtout l’extraordinaire, no 37, pages 286‑296, cité par Jestaz).

36.

Charles iv de Lorraine fut bel et bien arrêté par les Espagnols à Bruxelles le 25 février 1654.

Montglat (Mémoires, page 299) :

« Il y avait longtemps que les Espagnols étaient las de ses façons de faire, qui étaient tout à fait extraordinaires : car quoiqu’il fût à leur service, il voulait agir à sa mode, sans avoir égard aux ordres qui venaient d’Espagne, tellement que son armée lui était plus à charge qu’utile. Dès qu’il n’était pas content d’eux, il feignait de faire son accommodement avec la France et leur donnait toujours de la jalousie de ce côté-là. Mais ce qui acheva de le perdre fut le prince de Condé, avec lequel il ne pouvait s’accorder, tant pour le commandement que pour le rang, qu’ils ne se voulaient pas céder l’un sur l’autre ; et les Espagnols, espérant le rétablissement de leurs affaires par la valeur et conduite du prince, lui sacrifièrent aisément le duc de Lorraine, qu’ils gardèrent quelque temps à Anvers, d’où ils le firent mener à Dunkerque, et l’embarquèrent dans des vaisseaux qui le portèrent en Espagne. » {a}


  1. Nicolas-François de Lorraine (v. note [32], lettre 1023), frère de Charles iv, fut appelé à lui succéder à la tête des troupes lorraines (Jestaz).

37.

Mémoires inédits de P. Lenet par Michaud et Poujoulat (Paris, 1838, page 616) :

« Le comte de Bassigny et l’abbé de Meroy furent arrêtés : il était bruit d’un complot qui allait faire perdre toute la Flandre à Sa Majesté catholique. Lenet était mieux instruit ; mais il n’a laissé sur cette affaire aucun renseignement plus explicite. »

38.

Construite au xiiie s., sur ordre de Louis ix (saint Louis), dans l’enceinte du palais royal (depuis devenu le Palais de justice, autrement appelé la Conciergerie, sous le règne de Charles v), la Sainte-Chapelle de Paris était destinée à abriter la couronne d’épines du Christ, que le saint roi avait acquise à grand frais. Ce sanctuaire était desservi par un chapitre (ou collège) de cinq chanoines (d’abord appelés principaux prêtres puis maîtres chapelains), richement dotés et dirigés par un trésorier (gardien du trésor), curé de la chapelle, assisté par un chantre. Sans parvenir à empêcher la suppression du chapitre en 1797, l’un d’eux a publié une très riche :

Histoire de la Sainte-Chapelle royale du Palais, enrichie de planches ; par M.  Sauveur-Jérôme Morand, chanoine de ladite église, présentée à l’Assemblée nationale, par l’auteur, le 1er juillet 1790. {a}


  1. Paris, Clousier et Prault, 1790, in‑4o de 228 pages, où j’ai puisé mes renseignements sur le chapitre de la Sainte-Chapelle.

Dans ses Mémoires, Retz n’a pas confirmé ce que disait ici Guy Patin ; mais à propos d’ecclésiastiques venus à son aide, on y lit ce sinistre paragraphe (daté de 1653, pages 1109‑1110) :

« Les instances du chapitre de Notre-Dame obligèrent la cour à permettre à un de son Corps d’être auprès de moi, et l’on choisit pour cet emploi un chanoine de la famille de MM. de Bragelongne, qui avait été nourri au collège auprès de moi, et auquel même j’avais donné ma prébende. {a} Il ne trouva pas le secret de se savoir ennuyer, ou plutôt il s’ennuya trop dans la prison, quoiqu’il s’y fût enfermé avec joie pour l’amour de moi. Il y tomba dans une profonde mélancolie. Je m’en aperçus, et je fis ce qui était en moi {b} pour l’en faire sortir ; mais il ne voulut jamais m’écouter sur cela. La fièvre double tierce le saisit, et il se coupa la gorge avec un rasoir au quatrième accès. L’unique honnêteté que l’on eût eue pour moi, dans tout le cours de ma prison, fut que l’on ne me dit le genre de sa mort dans tout le temps que je fus à Vincennes, et je ne l’appris que par M. le premier président de Bellièvre le jour que l’on me tira du donjon de Vincennes pour me transférer à Nantes ; mais le tragique de cette mort fut commenté par mes amis et ne diminua pas la compassion du peuple à mon égard. »


  1. Étienne de Bragelongne (ou Bragelonne) était entré à Vincennes le 25 avril 1653 et y mourut le 30 août suivant. v. note [6] du Borboniana 10 manuscrit pour la définition du mot prébende.

  2. Tout mon possible.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 6 mars 1654

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(Consulté le 20/04/2024)

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