L. 349.  >
À Charles Spon,
le 19 mai 1654

< Monsieur, > [a][1]

M. Sorbière [2] m’est venu voir, qui m’a appris que depuis trois jours il avait reçu des lettres de Leyde [3] par lesquelles il apprenait que trois hommes de grande réputation pour la doctrine y étaient morts depuis peu, savoir MM. Triglandius [4] pour la théologie, Adamus Stevartus [5] pour la philosophie et Zuerius Boxhornius [6] pour les belles-lettres[1] Il a mauvaise opinion de Cromwell [7] pour la France, et que cet homme est fort à craindre pour ses desseins tyranniques, que l’on ne s’en garde pas assez ; qu’il voudrait bien avoir avis de quelque bon bénéfice vacant, bon prieuré ou de quelque petite abbaye, tandis que le Mazarin [8] est en faveur et lui en crédit ; qu’il a grande peur qu’il n’arrive du changement avant que d’être rempli ; [2] qu’il a une mauvaise opinion de la fortune du Mazarin et qu’il ne croit pas qu’elle dure encore longtemps ; que sa santé commence à s’affaiblir et qu’il ne peut pas monter à cheval à toute heure pour suivre le roi partout, etc. ; que les ministres ont grand tort de cacher au peuple la vérité comme ils font, etc. Qu’en dites-vous ? Ne vous semble-t-il pas bien converti ? Au moins la plupart de ceux qui se convertissent parlent comme lui, mais il y a une pension au bout qui les pousse et les anime. [9]

Le roi [10] est allé aujourd’hui à Fontainebleau [11] avec la reine [12] et toute la cour pour revenir dans huit jours. Le curé de Saint-Paul [13] avait été exilé pour donner contentement aux pères de la Société, et bientôt après il fut rappelé. Tandis qu’il était en exil, on afficha à la porte de l’église de Saint-Paul [14] un papier contenant ces mots : Louis xiv, roi de France et de Navarre, archevêque de Paris et curé de Saint-Paul[3]

Pour le médecin qui fait des notes sur le Van Helmont, [15] j’ai ouï dire à M. Henri qu’il est de Padoue, [16] et non de Paris [17] comme vous dites. S’il est de Paris, quod non ausim affirmare[4] ce sont justement l’un des deux que vous m’écrivez, ou Des Gorris [18] qui est plus savant qu’eux, mais guère plus sage, et charlatan infatué de chimie [19] et de secrets autant que fut jamais Paracelse. [20] M. Sorbière est gras et gros, à la chasse d’une abbaye, mais je ne sais quand elle viendra.

Je suis bien aise qu’ayez remporté la victoire par-dessus votre charlatan, [21] cette race de vipères se fourre partout, genus hominum quod semper vetabitur, et semper retinebitur[5][22] Je ne connais point ici de charlatan Nardoin, mais bien Naudin, [23] apothicaire du faubourg Saint-Germain, [24] qui est un faux teston [25] et un dangereux pendard[6] M. Riolan méprise fort Pecquet [26] et ne le craint point. Pour le livre de Jo. Eus. Nierembergius de Miris et miraculosis naturis in Europa, etc.[27][28] je ne l’ai jamais vu, mais je vous prie de me l’acheter. [7] Vous pouvez croire que ce n’est point pour les miracles qu’il prêche car je n’en crois aucun s’ils ne sont dans Aristote [29] ou dans Galien, [30] mais c’est afin d’avoir tout ce qu’il a fait. Pour l’Anti-Démon de Mâcon[8][31][32][33] je l’ai céans il y a plus de trois mois, outre que M. Gras [34] m’en a envoyé un par M. Fourmy. [35] Tout cela est bien étrange, mais je ne pense pas qu’il soit vrai. Et miranda canunt sed non credenda poetæ (per poetas intelligo concionatores omes, cuiuscumque generis fuerint ministros, loyolitas, monachos, etc.)[9][36] Je n’ai jamais vu ni ouï parler d’oiseaux sans os. On confond ici les ortolans [37] avec les becfigues ; [10][38] ainsi je n’en sais rien de nouveau, mais je pense que ces petits oiseaux sont plus gros et mieux nourris en Languedoc et en Provence qu’en pays de deçà.

Si les médecins de Montpellier [39] sont mal payés de leurs gages, ils se récompenseront à donner des licences [40] à ceux qui les en prieront, modo fiat nummis præsentibus[11] C’est un abus dont je m’étonne, mais que je ne puis empêcher. Interea patitur iustus[12] On ne fait pas mieux autre part : chacun tire à ses fins et à ce diable d’argent. J’enrage de voir tant de jeunes gens qui se targuent de leurs bulles apostoliques, [41] et qui se disent docteurs en médecine de telle et telle Faculté, qui vix medicinam a primo limine salutaverunt[13] Il y en a même qui ne savent rien du tout et qui ne sauront jamais rien.

Le gazetier d’Angleterre a impudemment mis dans la Gazette [42] que le cardinal Mazarin faisait emplir le Bois de Vincennes [43] de toutes sortes de bêtes afin d’y loger le roi par ci-après. Il est vrai que l’on y bâtit et l’on y peuple le parc afin que le roi puisse aller à la chasse. [14]

On s’en va ici imprimer in‑fo un fort beau livre, lequel a été examiné et passé par l’étamine de MM. Chapelain [44] et Conrart, [15][45] et autres habiles de l’Académie : c’est la Vie de M. d’Épernon [46] faite par M. Girard, [47] jadis son secrétaire. [16] L’on m’a dit que cette vie contiendra l’histoire de près de cent ans, qu’elle sera fort belle et très curieuse ; mais pour le certain on n’y dira point tout.

L’histoire de la vision de ce M. Chalandeau [48] m’est tout à fait inconnue et n’en ai jamais ouï parler, mais bien seulement ai-je ouï dire à M. Benoît [49] de Saumur, [50] il y a plus de 15 ans (qui déjà se sentait bien fort de la vieillesse), qu’il devait y avoir en France un grand changement de religion l’an 1664 ; que l’Italie serait alors ruinée flamma et ferro ; [17] que la messe serait abolie et que nous irions tous au prêche. Il n’y a plus que dix ans à attendre cette belle prophétie qu’il disait avoir été faite par un ancien conseiller de la Cour, cuius nomen mihi excidit[18] et qu’il vivait du temps de Henri ii[51] sed non ego credulus illis nugis[19] Je sais bien que generatio præterit et generatio revertitur[20][52] Il pourra y avoir du changement dans le gouvernement politique de l’Europe, il y a assez grand nombre de méchants qui méritent punition ; mais le modus quo tanta mirabilia contingent [21] n’est connu qu’aux prophètes, desquels la famille est éteinte et la race morte il y a plus de deux mille ans car M. Casaubon [53] prétend, in suis Exercitationibus ad Annales C. Baronii, qu’il n’y en eut aucun trois siècles entiers avant la venue du Messie. [22][54] Je vous prie de dire et de lire tout ce que ci-dessus à M. Gras et de l’assurer que je serai toute ma vie son très humble serviteur. Novi hominem et quanti sit ponderis apprime intelligo ; [23] aussi ne le mets-je pas à tous les jours comme les autres. [24]

Nouvelles sont venues de Rome que le signor Pietro Mazzarini, [55] père du cardinal, notre grand et premier ministre, y est mort âgé de 83 ans. [25] Si son fils doit autant vivre, il a beau de faire gambades, [26] il est encore bien loin du but. Nonobstant l’amnistie du comte d’Harcourt, [56] vérifiée en Parlement, il n’a pas laissé de s’accorder avec l’empereur [57] et de se dire, comme il a fait par son traité, landgrave d’Alsace.

L’antimoine, [58] duquel on ne parle plus guère ici qu’avec détestation, reçut hier un vilain coup de pied chez un conseiller de la Cour nommé M. de Villemontée, [59] dont la fille mourut âgée de 14 ans ex duplici stibii dosi porrecta, a reverendis viris magistris nostris, turpissimis pharmacopœorum mancipiis, de Bourges [60] et Rainssant, [61] quibus tale facinus est familiare : [27] l’un est gendre d’apothicaire, l’autre est fort leur serviteur ; tous deux fort affamés d’écus et qui ont bonne envie d’en avoir.

Le roi, la reine, le Mazarin et toute la cour sont arrivés le mercredi 13e de mai de leur voyage de Fontainebleau. Le gouverneur de Guise, [62] nommé Bridieu, [28][63] a donné avis à la cour que 12 000 Anglais ont dessein de passer vers Calais et de se joindre au prince de Condé ; [64] et néanmoins, nonobstant toutes ces menaces, on ne laisse pas de danser ici des ballets et on n’y parle que de réjouissances.

M. Gras m’a depuis envoyé par M. Fourmy un petit livret fort curieux intitulé Histoire naturelle, ou relation du vent particulier de la ville de Nyons en Dauphiné, dit le vent Saint-Césaré d’Arles et le Pontias, imprimé à Orange [65] l’an 1647. [29][66][67][68] Dans l’inventaire des auteurs dont il s’est servi, page 12, il cite M. le président de Boissieu [69] dans les Quatre merveilles du Dauphiné[30][70] Je voudrais bien savoir si ce livret a été imprimé et en ce cas, en avoir un, s’il vous plaît. J’ai connu à Paris cet auteur, qui est un galant homme (il est gendre de M. Déageant [71] qui fit tuer le marquis d’Ancre [72] par l’avis qu’il donna à M. de Luynes [73] qu’il fallait faire ainsi). [31] Il est premier président de la Chambre des comptes de Grenoble. C’est lui qui a commenté Ovidius in Ibin, in‑4o à Lyon, [32][74] et qui a envie de faire imprimer plusieurs autres livrets et traités qui regardent l’histoire. Si ce livre que je souhaite a été imprimé, ç’aura été à Grenoble ou à Lyon. L’auteur, qui est un excellent homme, m’en a autrefois parlé me visitant céans. Entre autres merveilles du Dauphiné, il y en a une fontaine qui brûle, de laquelle M. Tardin, [75] médecin de Tournon, [76] a fait un livre. [33] Ce M. de Boissieu était aussi un des bons et particuliers amis de feu M. Naudé, quo etiam nomine mihi est carissimus[34]

Ce matin, commandement a été fait aux officiers qui sont en quartier qu’ils eussent à se tenir prêts pour partir le lundi, lendemain de la Pentecôte, [77] pour aller au voyage du sacre [78] qui se fait à Reims [79] lundi, lendemain de la Trinité, [35] sauf à changer s’il survient quelque empêchement ou affaire pressée ; car on dit ensuite, tout au moins, si le sacre ne se fait, que le roi ira à Compiègne [80] pour y voir passer ses troupes ; qu’il ira jusqu’à l’armée et puis après, qu’il reviendra se renfermer dans le Bois de Vincennes où il y a des cerfs, des biches, des sangliers, des chevreuils et toute autre sorte d’animaux qui peuvent servir à la chasse, [36] au divertissement ou au plaisir du roi. Un bruit sourd continue que le Mazarin [81] a une pierre [82] dans la vessie qui sola sectione detrahitur[37] Ainsi la taille [83] sera nécessaire à celui qui a si bien taillé [84] le peuple.

Qu’est devenu notre Provençal chimiste M. Arnaud [85] qui était arrêté à Turin [86] dans les prisons de l’Inquisition ? [87] En est-il sorti ses braies nettes ? [38] On dit qu’il a été arrêté au Conseil que M. de Bordeaux, [88] maître des requêtes, sera chargé de demander à Cromwell qu’il ait à se déclarer à la paix ou à la guerre et que l’on ne veut plus traîner dans le doute ; qu’il se déclare s’il veut. J’ai ouï dire quatre vers latins à un honnête homme, que l’on dit avoir été envoyés d’Angleterre. [39] Je vous baise les mains et serai de toute mon affection toujours, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

< De Paris, ce 19e de mai 1654. >


a.

Lettre reconstruite avec les fragments non manuscrits de deux lettres à Charles Spon qu’on trouve dans Reveillé-Parise : fin de la précédente lettre (no cclx, ii, pages 131‑134), datée du 1er mai 1654, et début de la lettre suivante (no cclxi, ii, pages 134‑136), datée du 26 mai. Jestaz (no 114, ii, pages 1219‑1221) n’en a repris que la seconde partie. Comme le manuscrit de la lettre suivante à Spon évoque une précédente envoyée le 19 mai, cette date a été retenue pour la présente, mais date et contenu n’en sont que probables.

1.

Jacob Trigland (1583-1654) théologien calviniste de Leyde, avait été l’un des contradicteurs de René Descartes.

Adamus Stevartus, professeur de théologie à Leyde, figure parmi les correspondants de Guy Patin.

V. note [20], lettre de Samuel Sorbière, datée du début 1651, pour Marck Zuerius Boxhorn.

2.

Avant que d’être pourvu.

3.

L’archevêque de Paris, le cardinal de Retz, et Nicolas Mazure, curé de Saint-Paul (v. note [1], lettre 348), avaient été tous deux bannis sur ordre royal.

4.

« ce que je n’oserais affirmer ».

Le commentateur de Van Helmont était Otto Tachen, professeur de Padoue : v. note [17], lettre 352.

5.

« le genre d’hommes qui, toujours proscrit, se maintiendra toujours » (Tacite, v. note [10], lettre 184).

6.

Littré DLF cite ce passage de Guy Patin pour définir faux teston comme signifiant « personne à qui on ne peut se fier » (v. note [25], lettre Boroboniana 2 manuscrit).

Pierre Naudin était maître apothicaire de Paris et valet de chambre du roi ; sans qu’on en connaisse le motif, il fut brièvement embastillé en avril 1660 (Roger Goulard, Apothicaires embastillés, Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine, 1930, no 24, page 398). En juin 1654, Patin a parlé de son fils, Théodore Naudin, qui se disait médecin de Montpellier (non répertorié dans la liste de Dulieu) et qui prit part à une tentative de complot contre Cromwell (v. note [13], lettre 353).

Michel de Marolles, abbé de Villeloin a parlé de Naudin dans ses Mémoires {a} (année 1635, pages 102‑104) :

« Je pensais jouir en ce lieu-là {b} paisiblement de ce bon voisinage ; mais Dieu voulut que je me trouvasse frappé d’une maladie qui me priva de toute sorte de conversation, excepté de deux amis, l’un ecclésiastique et bon théologien, appelé Louis Masson, et l’autre, avocat, homme d’honneur et de grande vertu, appelé Claude Bonnet, de Chatillon-sur-l’Indre, qui me voyait tous les jours, outre M. Hastier, prêtre de la paroisse, mon confesseur, et les sieurs Guénault et de Saint-Jacques, médecins de la Faculté de Paris, qui me traitèrent et me tirèrent enfin du péril où m’avait mis la petite vérole, accompagnée d’une grosse fièvre et d’une étrange douleur de tête, qui les obligea de me saigner jusqu’à huit fois. Mon chirurgien s’appelait Alot, et mon apothicaire, qui fut très fidèle dans l’administration de ses drogues, avait nom Naudin.

Cependant, Dieu me fit la grâce que je ne perdis point le jugement et que je me résolus sans regret à la mort, me soumettant franchement à tout ce qu’il plairait à Dieu d’ordonner de moi. […]

Une des choses qui me consola autant de mourir, dans la créance que tout le monde en avait, fut la laideur de mon visage, que j’aperçus dans un miroir, en l’état que j’étais alors ; car sans mentir, il me sembla si difforme que je priai ceux qui étaient autour de moi de ne s’en pas effrayer, de peur que cela même ne leur donnât envie de me quitter ; mais ils se trouvèrent tous plus affectionnés que je ne l’eusse osé espérer. Un jeune cousin, du même nom que ma mère, que j’avais auprès de moi, lequel je faisais instruire aux études, n’en eut point de peur ; et personne n’en fut frappé qu’un de mes petits laquais, qui en mourut, en le renvoyant au pays, comme on le crut hors de péril.

Enfin, au bout de quinze jours, il plut à Dieu de me rendre la santé. » {c}


  1. Édition de Paris, 1656, v. notule {a}, note [26], lettre 989.

  2. Rue du Colombier dans le faubourg Saint-Germain à Paris.

  3. Alors âgé de 35 ans, Marolles mourut en 1681.

7.

Aux 16 livres de l’Historia Naturæ… de Juan Eusebio Nieremberg {a} étaient ajoutés ses deux livres De miris et miraculosis Naturis in Europa libri duo… {b} Guy Patin se méprenait curieusement en disant ne les avoir jamais vus car il en avait déjà cité un passage sur la poule miraculeuse de saint Ignace dans sa lettre à Charles Spon du 9 mai 1643.


  1. « Histoire de la Nature… » (Anvers, 1635) : v. notes [13] et [14], lettre 81.

  2. « Deux livres sur les Natures merveilleuses et miraculeuses en Europe… »

8.
Démonologie ou Traité des Démons et Sorciers : de leur puissance et impuissance : Par Fr. Perreaud. {a} Ensemble L’Antidémon de Mâcon, ou histoire particulière et très véritable de ce qu’un démon a fait et dit à Mâcon, ou Histoire véritable de ce qu’un Démon a fait et dit, il y a quelques années, dans la maison du Sr Perreaud à Mâcon. {b}


  1. François Perreaud ou Perrault (Buxy 1572 ou Gex 1577-Gex 1657), « ministre du Saint Évangile à Thoiry au bailliage de Gex » (dans l’actuel département de l’Ain), après avoir desservi plusieurs Églises calvinistes de Bourgogne.

  2. Genève, Pierre Aubert, 1653, in‑8o de 78 pages ; traduit en néerlandais et en anglais.

9.

«“ Les poètes chantent des choses qui émerveillent, mais qu’on ne peut croire ” [Dionysius Cato, Distiques moraux, livre iii, 18] (par poètes, j’entends tous les harangueurs démagogues, genre dont auront toujours été les ministres, loyolites, moines, etc.). »

10.

Il n’existe pas d’oiseaux invertébrés, et Guy Patin ne dit pas pourquoi il en venait à cette question après avoir parlé de sorcellerie à Charles Spon ; Furetière :

11.

« pourvu que ça se fasse contre argent comptant ».

12.

« Pendant ce temps, le juste souffre » (v. note [44], lettre 176).

13.

« pour n’avoir qu’à peine salué la médecine depuis sa première marche. »

14.

Rien de tel ne se lit dans les dépêches d’Angleterre publiées dans la Gazette en avril et mai 1654.

15.

Jean Chapelain (Johannes Capellanus), poète français (1595-1674), était fort influent membre de l’Académie française depuis sa création en 1634 ; ses grandes prétentions littéraires et sa médiocre production lui valurent d’être une des cibles favorites de Nicolas Boileau-Despréaux dans ses Satires.

Valentin Conrart (1603-1675), premier secrétaire perpétuel de l’Académie, ami et compagnon de satire de Chapelain, a laissé des Mémoires qui n’ont été publiés qu’au xixe s.

16.

Guillaume Girard (mort en 1663) fut grand archidiacre d’Angoulême et secrétaire du duc d’Épernon (Jean-Louis de Nogaret de La Valette, v. note [12], lettre 76), dont il a écrit une Histoire de la vie du duc d’Épernon divisée en trois parties (Paris, Augustin Courbé, 1655, in‑4o de 614 pages ; plusieurs rééditions).

17.

« par le fer et le feu ».

18.

« dont le nom m’a échappé » : v. notes [14], lettre 222, pour Jean Benoît, médecin de Saumur, et [18], lettre 342, pour Jean Luillier sieur de Chalandeau, conseiller au Parlement de Paris au xvie s., dont Guy Patin s’est plus tard rappelé le nom (v. note [23], lettre 4 août 1654).

Sa « vision » était proche du rappel des juifs, qui annonce leur conversion universelle au christianisme (ici restreint au protestantisme) : v. note [1], lettre 65, pour un sommaire du livre qu’Isaac de La Peyrère avait consacré à la question en 1643.

19.

« mais je ne crois pas à ces sornettes » (v. note [4], lettre 19).

20.

L’Ecclésiaste (1:4‑5) :

Generatio præterit et generatio advenit, terra vero in æternum stat, oritur sol et occidit, et ad locum revertitur ubique renascens.

[Un âge va, un âge vient, et la terre tient toujours. Le Soleil se lève et le Soleil se couche, et il retourne à l’endroit où il renaît].

21.

« la manière dont tant de merveilles arrivent ».

22.

Pour la cohérence du texte, j’ai ici corrigé en « deux mille ans » les « trois cents ans » de l’édition Reveillé-Parise.

V. note [18], lettre 318, pour Isaac Casaubon « dans ses Essais contre les Annales de Baronius » (Londres, 1614).

23.

« Je connais l’homme et entends par-dessus tout combien grande est sa valeur ».

24.

« Il ne faut pas mettre ses amis à tous les jours, pour dire s’en servir à toutes occasions, les importuner trop souvent » (Furetière).

Le premier fragment (omis par Jestaz dans sa lettre no 114), que Reveillé-Parise a repris dans sa lettre datée du 1er mai 1654 (no cclx), s’achève ici, et commence le second fragment, repris dans la lettre datée du 26 mai.

25.

Pietro Mazzarino (v. note [8], lettre 342), père du cardinal, n’allait mourir à Rome que le 14 novembre 1654 ; né, selon Guth, en 1576, il n’avait pas atteint les 80 ans. Guy Patin a répété cette fausse nouvelle (sans doute liée à la fort mauvaise santé de Mazzarino) dans sa lettre suivante à André Falconet, mais l’a corrigée (sans reconnaitre son erreur) dans sa lettre lettre à Charles Spon du 15 décembre 1654.

26.

Gambade : « saut ou posture qui se fait dans l’ardeur de la jeunesse par gaieté et emportement » (Furetière). Littré DLF cite ce passage de Guy Patin pour définir faire gambades : « se réjouir, s’en donner. »

27.

« terrassée avec une double dose d’antimoine par nos vénérables maîtres hommes, esclaves les plus ignobles des pharmaciens, [Jean i] de Bourges et [Sébastien] Rainssant, pour qui semblable meurtre est coutumier ».

Popoff (no 2473) ne nomme pas cette malheureuse fille de François de Villemontée (v. note [8], lettre 301).

28.

V. note [1], lettre 236, pour le marquis Louis de Bridieu, vaillant défenseur de la place de Guise en 1650.

29.

Histoire naturelle, ou Relation exacte du Vent particulier de la ville de Nyons en Dauphiné, dit le Vent de S. Césarée d’Arles, {a} et vulgairement le Pontias : en laquelle sont insérées plusieurs Remarques curieuses de la Géographie et de l’Histoire Ecclésiastique, Civile et Naturelle ; et notamment diverses Merveilles de certains Vents Topiques et Régionaux ci-devant inconnues. Par Gabriel Boule {b} Marseillais, Conseiller et Historiographe du Roi. {c}


  1. Saint Césarée ou Césaire d’Arles, natif de Chalon-sur-Saône, moine du Lérins, fut archevêque d’Arles de 502 à sa mort, en 542. Son miracle nyonsais est relaté à la fin de la présente note.

  2. V. note [31], lettre 248.

  3. Orange, Édouard Raban, 1647, in‑8o de 159 pages.

Le Pontias est un vent particulier à la ville de Nyons (aux confins des départements de la Drôme et du Vaucluse) : ce serait le vent de Pontias (Pontiacus, surnom de la ville de Nyons à cause du pont, dit romain, qui y enjambe l’Eygues). Une croyance populaire veut qu’il soit issu d’un vaste trou naturel ouvert dans la partie la plus élevée du Devez, montagne située au nord de la ville. Suivant les saisons, il est fort ou faible : l’hiver, il souffle violemment, chaque jour de neuf heures du soir à neuf ou dix heures du matin jusqu’à 12 ou 16 kilomètres au-dessous de Nyons, quelquefois même il suit la rivière d’Eygues jusqu’au Rhône ; en été, c’est de trois ou quatre heures du matin à huit heures seulement qu’il se fait sentir et il ne parcourt pas plus de 4 kilomètres ; il arrive même, quand le temps est beau, qu’il ne souffle pas du tout. Il est excessivement froid, et c’est à lui que la ville doit sa température exceptionnelle et la salubrité de son air. Lorsqu’il arrive que le Pontias ne souffle pas, comme dans les années 1639 et 1640, c’est l’annonce presque certaine d’une peste. On prétend que les oliviers qui sont exposés au souffle du Pontias rendent une huile d’une qualité supérieure (G.D.U. xixe s.).

Sur le lien légendaire entre le Pontias et saint Césarée, Gabriel Boule traduit un fragment d’une chronique latine médiévale d’« un certain Gervasius de Tillibery » {a} (page 110‑111) :

« Dans le royaume d’Arles et en l’évêché de Vaison, il y a un certain lieu appelé Nyons. Il est situé dans une vallée environné tout partout de montages ; dans laquelle comme il n’était entré le moindre vent du monde jusques au temps de Charlemagne, elle avait toujours été stérile, et destituée de toutes les commodités servant à l’usage des hommes. Saint Césarée, archevêque d’Arles, très saint personnage et illustre en miracles, ayant reconnu cette infécondité, fut jusques à la mer que est au-dessous de sa ville, et ayant rempli un gant de vent marin, il le resserra. Étant après allé en cette vallée qui avait été jusques à ce temps-là infertile, il jeta, au nom du Christ, son gant plein de vent contre un rocher, avec injonction de venter perpétuellement. Soudain, s’étant fait un trou au rocher, il n’a laissé depuis de souffler toujours par cette fente qui avait reçu ce vent que le vulgaire appelle Pontias, comme ayant été transporté de Ponto, “ de la mer ”, {b} par une vertu divine. Or ce vent, quelque impétueux qu’il soit, ne passe point au delà des barrières d’une eau qui court au-dessous de la ville, et rend fructifiant et salubre tout partout où il souffle ; et passant au devant du lieu, il y fait sentir une froideur glaciale, sans approcher néanmoins ceux qui sont hors de ses barrières, comme si on lui avait fait des défenses de les outrepasser. »


  1. Gervais de Tillbury, juriste et homme politique impérial natif d’Angleterre, a écrit, en 1212, des Otia imperialia [Divertissements impériaux] à l’intention de son maître, l’empereur germanique Otton iv de Brunswick ; il y parle d’Arles et de la Provence.

  2. Dérivé du grec pontos, pontus est un synonyme latin de mare, « la mer ». Le mot a donné son nom au Pont-Euxin (mer Noire). Le pont, dit romain, de Nyons n’a été construit qu’au xive s., soit bien après le miracle de Césarée. Le nom latin de Nyons est Noiomagus.

30.

Denys Salvaing de Boissieu (Dionysius Salvagnius Boessius ; Vienne, Dauphiné 1600-1683), après avoir obtenu le grade de docteur à l’Université de Valence, avait voulu suivre la carrière militaire et était devenu capitaine ; puis il était entré dans la magistrature et avait obtenu la charge de lieutenant général du bailliage de Grenoble. Employé auprès du duc de Créqui à Rome en 1633, Boissieu avait rempli plus tard la fonction d’ambassadeur à Venise et été nommé conseiller d’État à son retour. Enfin, il avait succédé à son père comme président de la Chambre des comptes du Dauphiné.

Guy Patin citait ici les Dionysii Salvagnii Equitis, sacri Consistorii Consiliarii, Sylvæ quatuor, de totidem Delphinatus miraculis [Quatre silves (v. note [40], lettre Borboniana 6 manuscrit) du chevalier Denys Salvaing, conseiller du consistoire sacré, sur autant de merveilles du Dauphiné] (Grenoble, Édouard Raban, 1638, in‑4o de 64 pages) :

  1. De Turre alexipharmaco (vulgo sine veneno) [La Tour alexipharmaque (communément dite sans venin)] – tour carrée d’un château en ruines proche de Grenoble, au confluent du Drac et de l’Isère, où guérissaient ceux qui avaient été piqués par un animal venimeux ;

  2. De Fonte ardenti [La Fontaine ardente] – v. infra note [33] ;

  3. De Monte inaccesso [La Montagne inaccessible] – mont des Alpes, haut de 2 000 mètres, isolé et escarpé de tous côtés, qui porte le nom d’Aiguille-fort, dont la première ascension recensée eut lieu en 1492 ;

  4. De Tinis sive cupis Sassenagiis [Les Vases ou cuves de Sassenage] – cavités creusées dans le rocher qui une fois chaque année, le 3e dimanche après Pâques, se remplissent de plus ou moins d’eau, d’où l’on tire un présage sur l’abondance des récoltes.

Ce livre a été réédité en 1656 augmenté de trois autres silves : v. note [6], lettre 539.

31.

Guischard Déageant (ou Deshagens, mais transcrit en Dangeau par les précédents éditeurs), natif de Saint-Marcellin en Dauphiné (1574-1639), devint secrétaire d’Arnauld d’Andilly (v. note [4], lettre 845), qui le recommanda au duc de Luynes, dont il gagna la faveur. Déageant s’occupa d’intrigues de cour, comme l’éviction et de l’assassinat du marquis d’Ancre (Concini, v. note [8], lettre 89), puis de la conversion des protestants. Il jouit ensuite quelque temps d’un certain crédit près de Richelieu, devint même secrétaire d’État, mais tomba en disgrâce par suite de ses intrigues, fut jeté à la Bastille et enfin exilé dans le Dauphiné, après son élargissement, où il devint premier président de la Chambre des comptes. Ses Mémoires contenant plusieurs choses remarquables arrivées depuis les dernières années de Henri iv jusques au ministère du cardinal Richelieu, écrits pour se regagner la faveur du cardinal, ont été publiés en 1668 par son petit-fils. Denys Salvaing avait épousé sa fille, Élisabeth Déageant.

Alfred de Vigny a fait de Déageant un rôle de sa Maréchale d’Ancre (1831) :

« L’Histoire dit qu’il trompait le roi, la reine mère et la maréchale par de fausses confidences. Magistrat, courtisan à la figure pâle, au sourire continuel, à l’œil fixe. Il marche en saluant et salue presque en rampant. Il ne regarde jamais en face et prend de grands airs quand il est le plus fort. »

32.

V. notule {a}, note [51] du Borboniana 7 manuscrit, pour l’édition et les commentaires latins de Denys Salvaing de Boissieu (Lyon, 1633) sur les invectives d’Ovide in Ibin [contre Ibis].

33.

Histoire naturelle de la Fontaine qui brûle près de Grenoble. Avec la recherche de ses causes, et principes, et ample traité des feux souterrains. Par M. Jean Tardin, {a} Docteur en Médecine. {b}


  1. Jean Tardin, sans doute docteur de la Faculté de médecine de Valence, a pratiqué à Tournon-sur-Rhône (v. note [3], lettre 184), où il existe encore de nos jours une allée dédiée à sa mémoire. Il a publié deux autres dissertations médicales (Éloy).

  2. Tournon, Guillaume Linocier, 1618, in‑12 de 380 pages.

    Tardin donnait une nature volcanique au phénomène en le liant au « feu souterrain ». Dû à une issue naturelle de méthane, il étonne toujours les voyageurs, sur le territoire de la commune du Gua, dans le massif du Vercors.


34.

« dont le nom m’est encore extrêmement cher. »

35.

La Pentecôte de 1654 fut fêtée le 24 mai et la Trinité, le dimanche suivant, 31 mai.

36.

Il m’a semblé raisonnable de transformer en chevreuils les chameaux qu’on trouve dans la transcription de Reveillé-Parise.

37.

« qui ne pourra être extraite que par la taille de la vessie. »

38.

Les braies sont le « linge qui couvre les parties honteuses, comme caleçons, bas de chemises. […] On dit communément qu’un homme s’est tiré d’une affaire braies nettes quand il en est sorti heureusement, quoique sa personne ou ses biens courussent fortune » (Furetière). V. note [3], lettre 243, pour E.R. Arnaud, médecin chimiste de Montpellier.

39.

V. note [1], lettre 351.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 19 mai 1654

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(Consulté le 20/04/2024)

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