L. 357.  >
À Charles Spon,
le 27 juin 1654

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le mardi 16e de juin par la voie de M. Falconet, et une autre petite par la voie de ceux qui doivent vous rendre les 35 livres 5 sols pour les livres que vous avez pris la peine de m’acheter, pour lesquels je vous rends très humbles grâces. Dans cette dernière il y avait un sonnet sur le sacre du roi, [2] lequel finit par massacre[1]

Voilà que je viens de recevoir votre quittance des 35 livres, Dieu soit loué de tout. Je ne trouve pas dans le paquet de M. Devenet [3] Vita Lutheri per Cochlæum[4] qui est celle que je demandais, mais bien un petit in‑8o d’un malotru Écossais, qui n’était qu’un fat, nommé Laingæus, [5] que j’avais déjà céans et dont je n’ai que faire. [2] Celle de Cochlæus est bien plus belle et plus fine, c’est lui qui a dit que Luther habebat quædam verba magica[3][6] Je vous prie de l’acheter de lui s’il l’a, j’entends celle de Cochlæus, et vous m’obligerez fort.

On dit que le roi est à Sedan, [7] que Stenay [8] est assiégée et qu’il y a grande apparence que le roi ne reviendra pas sitôt à Paris ; qu’il veut aller à Sedan, à Metz, [9] à Châlons, [10] à Compiègne, [11] à Fontainebleau, [12] auparavant que de revenir à Paris.

Un de mes compagnons du bon parti me vient d’apprendre que l’on fait une Contre-Légende contre les docteurs qui n’ont pas signé l’antimoine [13] et que tous y seront rudement accommodés. [4] Quelque chose qu’ils disent de moi, j’ai délibéré de ne m’en mettre guère en peine, vu que ce ne sont que des satires et des libelles diffamatoires. Il y a tant d’honnêtes gens du même parti qu’il y a de l’honneur et du mérite d’en être, joint que proprium est viri boni persequutionem pati propter iustitiam ; [5][14] à quoi je suis tout accoutumé dès y a longtemps et presque toute ma vie ; et même j’aime mieux être offensé que d’offenser personne : malo enim pati iniurium quam facere[6][15][16] Le livre de M. Merlet [17] est achevé pour la matière, on travaille à la table et aux premières feuilles, où se verront quelques éloges latins faits à l’auteur par quelques-uns des nôtres. [7] Cela va fort lentement, pour la disette des ouvriers dont on manque de deçà en toute sorte d’arts.

Enfin, M. Musnier [18] de Gênes [19] n’est point mort, il m’a écrit. Il y a cinq mois entiers que je n’avais reçu aucune lettre de lui. Il allègue qu’il avait été à la campagne près d’un grand seigneur. Dieu soit loué donc, et son saint nom honoré, de ce que notre ami est encore au nombre des vivants, aussi bien que M. Liceti [20] qui, combien que très vieux et très malade, n’a pas laissé d’en échapper.

Il est mort un des Bartholin [21] en Hollande, qui était savant dans les langues orientales et dans les mathématiques. Thomas Bartholin [22] m’a écrit ex Dania sua et me mande qu’il fait imprimer Historiarum anatomicarum rariorum Centurias duas où il a parlé de moi en vertu de quelques histoires que je lui ai fournies. [8][23]

Il y a bien du bruit à Londres contre Cromwell [24] qui, depuis la conspiration découverte, est rentré dans Londres avec de grandes forces, en a fait tuer beaucoup, et entre autres deux milords, et fait lui-même le procès aux complices de la conspiration comme s’il était lieutenant criminel. [9] Le roi est allé à Rethel, [25] il ira delà à Sedan ; Stenay est assiégée. [10] Enfin, M. Musnier de Gênes m’a écrit, j’ai reçu deux de ses lettres en trois jours. Il y avait cinq mois qu’il ne m’avait point écrit, il allègue pour cause son absence de Gênes et qu’il était près d’un grand seigneur à la campagne. Je m’étonne d’un si long silence de cinq mois, vu que l’on écrit aussi bien à la campagne que dans les villes. [11]

Ce 23e de juin. J’ai ce matin vu M. Gassendi [26] auquel j’ai allégué tout ce que j’avais à lui dire selon que vous m’aviez mandé. Vous direz là-dessus, s’il vous plaît, à M. Barbier [27] que tout le corps de la Philosophie d’Épicure tiendra en trois volumes in‑fo, sans deux tomes de même grosseur de ses Opuscules qu’il veut qu’ils aillent de suite ; qu’il entend que cela soit très correct, de même lettre, même grandeur et même papier que la première impression ; [12] et que, pour commencer, il donnera beaucoup de copie vers la fin de l’an présent. Voilà, ce me semble, la plus grande part de ce que m’aviez enjoint de lui demander. Si M. Barbier en désire savoir autre chose, je vous supplie de l’assurer que je suis à son service. M. Gassendi m’a dit aussi qu’il donnerait bien de la copie dès demain pour travailler, mais qu’il en veut donner pour beaucoup de temps tout d’un coup afin d’avoir par après du loisir d’apprêter tout le reste ; en quoi je trouve qu’il a fort bonne raison. Il se porte assez bien, combien qu’il soit fort délicat. Je lui souhaite longue et heureuse vie.

Un valet d’un apothicaire dans le faubourg Saint-Germain, [28] nommé Arnoulet, [29] a tué son maître âgé de 72 ans et l’a volé ; pensant se sauver, il s’est mis sur le chemin d’Orléans [30] où il a été attrapé dès le lendemain du forfait, et a été emmené ici où il est en prison et où on lui fait son procès. Je ne doute point qu’avant peu de jours on ne lui casse les os bien menu. [31] Il est âgé de 21 ans, il n’était venu à Paris, à ce qu’il dit, que pour faire fortune. Il est natif de Rouergue, d’autres disent de Montpellier. Il a nom Jacques Soulier, [32] il pensait trouver beaucoup d’argent, il n’a pris que 60 écus, n’ayant pu trouver où était le reste. [13]

On dit que la reine de Suède [33] a changé d’avis, qu’elle ne veut plus quitter la royauté et qu’elle est fort irritée contre ceux qui lui ont suggéré un si mauvais conseil. Je lui sais bon gré de bien garder sa place puisqu’elle est si bonne. [14]

M. Merlet me vient de dire qu’il n’y a plus que deux feuilles à imprimer de son livre, [7] lesquelles consistent presque dans le seul éloge que lui fait un de nos collègues nommé M. Blondel [34] et que son imprimeur [35] lui promet dans huit jours ce parachèvement : ne voilà pas une belle diligence de nos gens d’employer une semaine entière à faire des feuilles d’une besogne hâtée comme celle-là ? Et néanmoins il n’y a point d’autres remèdes faute d’ouvriers, il en faut passer par là.

Il y a eu une conspiration dans Stenay que le gouverneur a découverte. Le major qui était dedans avait promis de rendre la place au Mazarin [36] à tel jour. L’affaire étant découverte, le gouverneur l’a fait pendre avec six de ses complices. Néanmoins, on dit que Stenay est assiégée par M. de Fabert, [15][37] gouverneur de Sedan ; que le prince de Condé [38] est à Maubeuge où il ramasse ses troupes pour venir lever ce siège, qui est une chose dont on ne croit point qu’il puisse exécuter ni en venir à bout car on espère que Stenay sera prise dans 15 jours. D’ailleurs, on croit que les Espagnols se défient du prince de Condé depuis que son frère, le prince de Conti, [39] a épousé la nièce du Mazarin [40] et que sur ce soupçon, ils ne lui commettront jamais une grande armée ni affaire de grande importance, ni conséquence.

Le valet apothicaire qui a tué son pauvre maître Arnoulet avait été par son premier juge, bailli de Saint-Germain, condamné à avoir le poing coupé [41] et par après, d’être rompu tout vif devant la porte de son maître. [42] Il fut pris le mercredi, son procès fait le jeudi, sa sentence lui fut prononcée le vendredi matin, le même jour à midi fut transféré à la Conciergerie. [43] Il y avait apparence tout entière que la sentence serait confirmée à la Tournelle. [44] [Le samedi matin, on le trouva mort dans la prison après avoir beaucoup vomi. L’antimoine de Guénault [45] et des Fougerais, [46] de Vallot [47] ni de Rainssant [48] ne saurait être plus dangereux. Je ne sais pas ce qu’on fera de son corps ; peut-être qu’on le traînera à la voirie [49] ou qu’il sera rompu sur l’échafaud, comme il méritait.] Ce bruit a été faux, il est encore en vie, il a demandé son renvoi à la Chambre de l’édit, [50] ce qu’on lui a accordé. [16]

Il est d’ici parti depuis peu un jeune médecin de Dauphiné nommé M. de Lamande [51] qui était un des bons amis de M. Gras, [52] par la voie duquel je lui eusse volontiers écrit, mais je n’étais point averti de son départ. Je vous supplie de lui faire mes très humbles recommandations et de l’assurer que je suis son très humble serviteur. Je vous prie de la même faveur envers MM. Garnier et Falconet, et vous prie de croire que je serai toute ma vie et pareillement à Mlle Spon, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce samedi à midi, 27e de juin 1654.

La tranchée est ouverte devant Stenay, on dit que nous l’aurons dans 15 jours. Je menai hier à deux lieues d’ici en consultation [53][54] notre ami M. Moreau. [55] Nous parlâmes fort de vous, il est plus fort et plus gai qu’il n’était l’hiver passé, c’est le beau temps qui le refait, je souhaiterais que ce fût pour longtemps. Il a de fort beaux desseins, il travaille de présent à la vie de notre bon ami feu M. Naudé, [56] mais le grand froid de l’hiver est fort contraire à son poumon. Je vous prie de faire mes très humbles recommandations à MM. Huguetan et Ravaud, comme aussi à M. Paquet [57] pour lequel j’ai délivré ce matin à un honnête homme le mémoire pour se purger[58] tel qu’il me l’a fait demander. On dit ici que l’on fait commandement au prince de Conti de revenir à Paris et de laisser aller en Catalogne [59] M. de Candale [60] avec M. du Plessis-Bellière. [17][61]


a.

Ms BnF no 9357, fo 155 ; Reveillé-Parise, début de la no cclxiii (tome ii, pages 141‑144), datée du 7 juillet 1654 ; Jestaz no 118 (tome ii, pages 1231‑1235).

1.

Lettre et sonnet ont été perdus.

2.

V. note [25], lettre 348, pour « la Vie de Luther par [Iohannes] Cochlæus », intitulée Commentaria (Mayence, 1549).

L’autre livre que Guy Patin avait reçu est intitulé :

De Vita et moribus Theodori Bezæ, omnium hæreticorum nostri temporis facile principis, et aliorum hæreticorum brevis recitatio. Cui adjectus est libellus, de morte Patris Edmundi Campionis, et aliorum quorumdam Catholicorum, qui in Anglia pro fide Catholica interfecti fuerunt primo die Decembris, Anno Domini 1581. Authore Iacobo Laingæo doctore Sorbonico.

[La Vie de Théodore de Bèze, {a} sans conteste le prince de tous les hérétiques de notre temps, et un bref discours d’autres hérétiques. Avec un petit livre sur la mort du Père Edmond Campion {b} et de quelques autres catholiques, qui ont été mis à mort pour la foi catholique le 1er décembre 1581. Par Jacobus Laingæus, {c}, docteur de Sorbonne]. {d}


  1. V. note [28], lettre 176.

  2. V. notule {f}, note [43], lettre 348.

  3. Jacobus Laingæus (James Laing, 1502-1594) a dédié son livre à Marie Stuart, reine d’Écosse, et s’y dit Scotus, Doctor Theologus Sorbonicus, et Theologiæ professor publicus [Écossais, docteur en théologie de Sorbonne et professeur public de théologie].

  4. Paris, Michael de Roigny, 1585, in‑8o de 144 pages.

Ce livre étrange a en effet de quoi déplaire au lecteur. Il commence hors de propos par un argumentaire anticalviniste en 46 points, qui est ainsi introduit :

Hæc Disputatio habita est Anno Domini 1566. Mense Augusto inter duos Doctores Sorbonicos, et duos Ministros. Quum istos articulos hæreticorum, quos hi in suis scriptis veros esse affirmant, invenirem Gallice scriptos, putabam ere fore multorum Catolicorum, si illos in Latinum sermonem quam brevissime, verissime, atque clarissime transferrem, qui sic ordine sequuntur.

[Cette discussion a eu lieu au moins d’août 1656 entre deux docteurs de Sorbonne et deux ministres réformés. Puisque ces derniers affirment dans leurs écrits que ces articles des hérétiques sont authentiques et que je les ai trouvés écrits en français, je pensais qu’il serait utile {a} à beaucoup de catholiques de les traduire en latin, aussi brièvement, fidèlement et clairement que possible. Les voici esposés dans l’ordre].

La dédicace de la vie de de Bèze énonce clairement que Laingæus n’en est que le traducteur :

Magnis Honorificisque dominis syndicis et iis qui parvo, et magno concilio urbis Genevæ intersunt, salutem, sapientiam et præsentiam spiritus sancti Hieronimus Bolzeus Theologus et medicus, eorumque bonus et syncerus amicus fœlicitatem precatur.

« Aux magnifiques et honorés seigneurs syndics et assistants du petit et grand Conseil de la ville de Genève, désire salut, sapience et assistance du Saint-Esprit, Héronime Hermes Bolsec, {b} théologien en médecin, leur bon et sincère ami. »


  1. Traduction contextuelle de ere fore, dont je n’ai pas débrouillé la syntaxe.

  2. Théologien né à Paris et mort à Lyon en 1585, Bolsec a d’abord été carme puis se convertit à la Religion réformée, mais entra en querelle avec Calvin, puis avec de Bèze ; il revint au catholicisme pour exercer la médecine à Lyon. Son Histoire de la Vie, mœurs, doctrine et déportements de Théodore de Bèze… avait paru à Paris, Guillaume Chaudière, en 1582, in‑4o de 39 pages, ouvrage dont j’ai emprunté la dédicace française.

3.

« Luther employait certains mots magiques. »

À la page 158 de ses Commentaria (1549, v. supra note [2]), Iohannes Cochlæus prête à Érasme cet avis sur Martin Luther : {a}

Videor (inquit) hoc mihi in Lutheri scriptis animadvertisse. Non semper est intentus iis, quæ scribit : Nec id fieri potest, ut hominis animus, perpetuo sit intentus alicui negocio, semper tamen illi currit calamus. Itaque quo crescat volumen, plurima incidunt, quæ nihil aliud quam chartas explent. Nunc repetit plus decies dicta, commutatis tantum verbis : Nunc concionatur, versans in locis communibus : Nunc asseverationius explet chartas : Nunc ineptis salibus et infacetis eximit tempus : Nunc quicquid offertur aut succurit animo, quocunque modo detorquet ad causam suam, ac præter convicia, quibus natura scatet, habet verba quædam veluti magica, quæ non ratione, sed vehementia quadam afficiant lectoris animum, vel imbecillem, vel parum eruditum. In quibus quoniam imaginatio plurimum valet, juxta Physicos, adeo, ut frequenter morbos graveis et mortem pariant : fit, ut quodammodo afflentur spiritu, utinam sancto.

[Dans les textes de Luther (dit-il), {b} il me semble avoir remarqué qu’il n’est pas toujours attentif à ce qu’il écrit ; il est d’ailleurs impossible que l’esprit d’un homme demeure en perpétuel éveil sur un sujet donné en laissant toujours libre cours à sa plume. À mesure que s’entassent les feuilles, saccumulent donc quantité de phrases qui ne servent à rien d’autre qu’à noircir le papier : tantôt il répète ce qu’il a déjà dit plus de dix fois, en se contentant d’en changer les mots ; tantôt il harangue en recourant aux lieux communs ; {c} tantôt il couvre ses pages d’affirmations péremptoires ; tantôt il perd son temps à des plaisanteries stupides et grossières ; tantôt il déforme tout ce qui s’offre ou lui vient à l’esprit, pour le mettre au service de sa cause et, en sus des inectives qui jaillissent naturellement de sa plume, il emploie certains mots qui semblent magiques, {d} dont la véhémence, et non la pertinence, touche un lecteur doté d’une intelligence ou d’un savoir modeste. Le fait est que pour de telles gens l’imagination prime sur tout, fantaisie qui chez les médecins va fréquemment jusqu’à aggraver les maladies et provoquer la mort. {e} Ils paraissent à tout prix vouloir qu’un souffle les inspire, dans l’espoir qu’il soit saint].


  1. Cochlæus dit avoir emprunté au liber Erasmi tertius de libero arbitrio [troisième livre d’Érasme sur le libre arbitre]. Je n’ai pourtant pas trouvé ces propos dans la De Libero Arbitrio διατριβη, sive Collatio, Desiderii Erasmi Roterod. Primum legito, deinde iudicato [Diatribe ou Contribution de Désiré Érasme de Rotterdam sur le libre arbitre. Lis d’abord, puis juge] (Bâle, Ioannes Frobenius, 1524), in‑8o de 95 pages qui n’est divisé ni en livres ni en chapitres. Il me paraît donc raisonnable de tenir ce texte pour apocryphe.

  2. Dit Érasme.

  3. Propos banals (sens moderne), ou citations empruntées à d’autres auteurs (sens classique).

  4. Mise en exergue du passage qui a inspiré Guy Patin, en l’attribuant clairement à Cochlæus (« c’est lui qui a dit ») et non à Érasme. Patin ne connaissait alors ce livre que par ouï-dire, mais je doute qu’il s’y soit laissé prendre quand il l’a eu en mains (le 31 octobre 1654, v. note [2], lettre 378).

  5. Le latin, juxta Physicos, adeo, ut frequenter morbos graveis et mortem pariant, est fautif ; je l’ai quand même traduit comme j’ai pu, mais il me semble être vraiment indigne d’Érasme, et dénoncer la supercherie de Cochlæus (qui écrivait 13 ans après la mort d’Érasme).

4.

V. notes [11], lettre 333, et [55], lettre 348, pour la Légende (1653) ; je n’ai pas trouvé de Contre-Légende des antimoniaux de la Faculté de médecine de Paris contre leurs collègues antistibiaux.

5.

« le propre de l’homme de bien est de subir la persécution en raison d’une juste cause ». Calvin, Institution de la religion chrétienne, a pu ici inspirer Guy Patin :

Persequutionem pati pro iustitia dico, non tantum qui pro Evangelii defensione, sed qui pro quolibet iustitiæ patrocinio laborant.

« J’appelle persécution pour justice, non seulement quand nous souffrons pour défendre l’Évangile, mais aussi pour maintenir toute cause équitable. » {a}


    V. note [3], lettre 475, livre iii, chapitre viii, § 7, De souffrir patiemment la croix, qui est une partie de renoncer à nous-mêmes, Genève, 1562, page 431.

6.

« je préfère en effet subir une injustice que la commettre » ; Socrate, dans le Gorgias de Platon, répondant à la question de Pôlos « Aimerais-tu donc mieux subir une injustice que la commettre ? » :

βουλοιμην μεν αν εγωγε ουδετερα ει δ’ αναγκαιον ειη αδικειν η αδικεισθαι, ελοιμην αν μαλλον αδικεισθαι η αδικειν.

[Je ne voudrais ni l’un ni l’autre ; mais s’il faut absolument commettre une injustice ou la souffrir, j’aimerais mieux la souffrir que la commettre].

Fortes sentences calvinisto-socratiques que, tout comme nous, Charles Spon dut tout de même être un peu estomaqué de lire sous la plume de Guy Patin : Patinus degobillans, comme aurait pu dire Victor Pallu (v. notes [26] et [27], lettre 336).

7.

V. note [3], lettre 346, pour les Remarques… de Jean Merlet contre les antimoniaux (Paris, 1654) et pour l’éloge latin de Guy Patin à l’auteur.

8.

V. note [18], lettre 352, pour les « deux centuries d’observations anatomiques singulières » de Thomas Bartholin qui écrivait à Guy Patin « depuis son Danemark natal ».

Dans son épître Lectori curioso [Au lecteur minutieux], datée d’Amsterdam le 28 décembre 1653, Bartholin salue avec émotion la mémoire de son frère aîné Jacobus Caspar Bartholin, alors décédé depuis peu. Savant orientaliste, il a édité en 1651 deux livres de Cabale {a} de Maajan Habhochama et de Nebhonia Ben Hakana. En 1653, il venait d’être nommé Professor Soranus {b} quand il mourut au cours d’un voyage vers Heidelberg. {c}


  1. V. note [27] du Borboniana 1 manuscrit.

  2. Professeur de l’Académie royale danoise de Sorø, v. 4e notule {b}, note [33], lettre latine 154.

  3. Albertus Thura, Idea historiæ litterariæ Danorum… [Aperçu de l’histoire littéraire des Danois…] (Hambourg, Theodorus Christophorus Felginerus, 1723, pages 208 et 337, § xiii).

Thomas Bartholin a cité Guy Patin quatre fois dans ses deux premières centuries d’observations anatomiques.

  1. L’observation lxiv de la centurie i (pages 98‑100), Vermiculi in cerebro [Vers dans le cerveau], est celle d’une fillette de 12 ans morte à la suite d’un violent mal de tête, chez qui l’autopsie trouva un grand ver dans le cerveau qui resta vivant deux heures après qu’on l’eut extrait :

    Anomali huius abcessus oculatum testem laudo Guidonem Patinum medicum Parisiensem eruditissimum, amicum veteri candore et constantia honorandum, quod ipsum in Exercitationibus meis de Angina Puerorum olim professus sum.

    [Je loue le témoin oculaire de cet abcès singulier, Guy Patin, très savant médecin de Paris, ami qu’on doit honorer pour sa durable franchise et pour sa fermeté, ce que j’ai jadis proclamé dans mes Essais sur l’Angine des enfants]. {a}

  2. L’observation vii de la centurie ii (pages 156‑157), Thoracis hydrops eiusque anatome [Hydropisie du thorax et son autopsie], est celle d’un homme de 57 ans, notaire au Châtelet nommé Thomas Cartier, {b} souffrant de toux et de fièvre traînantes, qui mourut après quatre mois d’asphyxie (grave insuffisance respiratoire) ; l’autopsie trouva la cavité thoracique emplie de dix livres d’une sérosité purulente et fétide, avec les poumons et la rate presque entièrement putréfiés.

    Obiit Parisiis mense Octobri 1646 me præsente, sicut testis mihi est Guido Patinus doctor Parisiensis summæ eruditionis, cui hoc aliisque nominibus plurimum debeo.

    [Il est mort sous mes yeux à Paris au mois d’octobre 1646, comme peut en témoigner pour moi Guy Patin, fort savant docteur de Paris ; ce pourquoi je lui suis fort redevable ainsi qu’à d’autres titres].

  3. L’observation xxix de la centurie ii (pages 190‑191), Viscera corporis inversa [Inversion des viscères du tronc], est le cas de situs inversus recueilli par Pierre Régnier, Medicinæ Doctor et privatus Chirurgiæ Professor [docteur en médecine et professeur privé de chirurgie], à Paris en 1650 sur le corps d’un supplicié : {c} Id ad me perscripsit Guido Patinus decanus saluberrimæ Facultatis med. Parisiensis [C’est Guy Patin, doyen de la très salubre Faculté de médecine de Paris, qui me l’a consigné par écrit].

  4. L’observation xxxix de la centurie ii (pages 202‑203), Pancreas suppuratum [Suppuration pancréatique], est celle que Patin lui avait rapportée dans sa lettre du 28 mars 1652. {d}


    1. Thomæ Bartholini Casp. Fil. de Angina puerorum Campaniæ Siciliæque epidemica Exercitationes. Accedit de Laryngotomia Cl. V. Renati Moreau, Paris. Med. et Profess. Regii, Epistola.

      [Essais de Thomas Bartholin, fils de Caspar, sur l’Angine épidémique des enfants de Campanie et de Sicile. Avec une Lettre sur la Laryngotomie, du très distingué M. Réné Moreau, {i} médecin de Paris et professeur royal]. {ii}

      1. V. notes [14], lettre 301, pour la laryngotomie (ou bronchotomie), et [28], lettre 6, pour René Moreau.

      2. Paris, Olivier de Varennes, 1646, in‑8o de 140 pages. Le viie et dernier essai, de Laryngotomia [sur la Laryngotomie}, dédié à René Moreau, se conclut sur cette phrase (page 123) :

        Vale Galliæ tuæ orbisque ornamentum, ut felicius et literæ valeant et mortales, atque cum Cl. Patino amorem mihi perenna.

        [Belle santé à vous, fierté de la France, pour que les lettres comme les mortels se portent mieux, et faites, ainsi que le très brillant Patin, longtemps durer votre amour pour moi].

    2. La base Notaires de Paris des Archives nationales répertorie Thomas Cartier, qui exerça rue Saint-Germain-l’Auxerrois du 18 avril 1613 au 10 octobre 1645 (étude xiii).

    3. V. note [11], lettre 254.

    4. V. ses note [5] et [6].

9.

L’attentat projeté contre la personne de Cromwell le 23 mai, sur son trajet entre Whitehall et Hampton Court, avait été éventé. Le colonel royaliste John Gerard, principal auteur du complot, fut arrêté huit jours plus tard, ainsi que ses complices (dont le médecin français anabaptiste Théodore Naudin, v. note [13], lettre 353). Gerard fut traduit devant une haute Cour de justice, condamné à mort et exécuté le 20 juillet.

10.

Stenay avait été investie par les troupes royales de Fabert et du maréchal de La Ferté le 19 juin. On travailla aussitôt à la défense de la ville. Dans la nuit du 3 au 4 juillet, la tranchée fut ouverte par les armées du roi, et le 8 juillet les premiers coups de canon tombaient sur la ville. De Mouzon ou Sedan, le roi surveillait les opérations. L’archiduc Léopold et Condé toutefois, conscients de n’être pas assez puissants pour soutenir le siège, n’envoyèrent aucun secours dans la place (Montglat, Mémoires, page 299). Les efforts des deux armées se portèrent bientôt sur un enjeu bien plus important, le siège d’Arras (v. note [8], lettre 359).

Venue de Rethel (v. note [7], lettre 354), la cour s’établit à Sedan du 25 juin au 7 août, avec de fréquentes visites du roi au siège de Stenay (Levantal).

11.

Redite : visiblement, le long silence de son ami Alcide Musnier troublait Guy Patin qui n’y trouvait pas de bonne excuse.

12.

En 1647 et 1649, Guillaume Barbier, libraire de Lyon (v. note [1], lettre 106), avait déjà publié 4 volumes in‑4o de Pierre Gassendi De Vita et moribus Epicuri [Sur la Vie et les règles d’Épicure] (v. notes [1], lettre 147 et [3], lettre 211).

13.

Dans son article intitulé « Molière et les apothicaires » (Revue d’histoire de la pharmacie, 1953, volume 41, no 138, pages 120‑121), Maurice Bouvet a cité ce passage de Guy Patin pour y reconnaître Philippe Arnoulet, né vers 1572 et installé au faubourg Saint-Germain en 1638, qui aurait été apothicaire de Condé et inspirateur de Molière pour ses satires des pharmaciens.

14.

Les remords de Christine ire n’étaient qu’une rumeur, sans conséquence historique visible. Son acte d’abdication avait été lu solennellement le 16 juin, puis le même jour, la couronne était passée de sa tête à celle de son cousin qui prenait le nom de Charles x Gustave, roi des Suédois et des Goths, duc de Finlande (v. note [28], lettre 345).

15.

Le marquis Abraham de Fabert (Metz 1599-Sedan 17 mai 1662) était entré dans la carrière militaire à l’âge de 14 ans grâce à la protection du duc d’Épernon. Cinq ans après, le duc, alors colonel général de l’infanterie, lui avait donné une enseigne dans le régiment de Piémont. Au service du roi pendant toute la période des guerres protestantes puis de la guerre de Trente Ans, Fabert avait gagné tous ses grades à la pointe de l’épée, et assisté à une infinité de sièges et de combats, s’y signalant toujours par des actions d’éclat. Malgré toutes les invitations qu’on lui fit, il évita de s’engager dans les machineries politiques de son époque : il avait été ennemi résolu de Cinq-Mars et, pendant la Fronde, il avait armé les habitants de Sedan pour résister aux tentatives de Turenne. Ces deux occasions lui valurent d’être respectivement nommé gouverneur de Sedan en 1642, puis lieutenant général en 1651. Il reçut le bâton de maréchal de France en 1658.

L’œuvre civile de Fabert, tournée vers la prospérité du peuple, est encore plus admirable que sa carrière militaire exemplaire : dans les années 1630, il avait organisé les forges de Moyeuvre-la-Grande, près de Thionville, pour en faire une industrie prospère employant plus de 500 ouvriers et fournissant un million et demi de livres de fer ; mais la guerre de Trente Ans avait mis fin à cette prospérité industrielle. Fabert établit aussi à Sedan des manufactures tissant des draps fins qui rivalisèrent avec les productions les plus estimées de la Hollande et des Flandres, et restèrent en activité longtemps après sa mort (G.D.U. xixe s.).

16.

Guy Patin a biffé tout le passage entre crochets, et ajouté en marge le rectificatif qui le suit.

La voirie est « une place à la campagne qu’un seigneur qui a le droit de justice et de voirie est obligé de donner au public pour y porter les boues, immondices et vidanges de sa seigneurie. On jette à la voirie les corps de ceux qu’on ne croit pas dignes d’être enterrés en terre sainte, qui n’ont pas voulu recevoir les sacrements de l’Église. Ménage croit que ce mot vient de vulturia [vautours], mais il y a plus d’apparence qu’il vient de voyer, qui doit avoir soin de tenir la voie nette et qui assigne la place où on doit porter les ordures » (Furetière).

La Chambre de l’édit (de Nantes) jugeait en second recours les affaires des réformés.

17.

Jacques Rougé, marquis du Plessis-Bellière (1602-Castellamare, royaume de Naples, 24 novembre 1654) était fils puîné de René de Rougé et de Marguerite de La Court. Colonel en 1628, il s’était signalé au siège de La Rochelle, puis dans la campagne de Flandre où, étant gouverneur de la ville d’Armentières, il avait soutenu un siège opiniâtre. Créé maréchal de camp par brevet du 13 décembre 1646, il fut capitaine général des armées du roi, puis colonel d’un régiment d’infanterie et d’un régiment de cavalerie. Sous la Fronde, il avait pris le parti de la cour, été créé lieutenant général et commandé un corps d’armée à la bataille de Rethel contre Turenne ; il avait ensuite eu à défendre Cognac et l’Angoumois contre le prince de Condé. Lors de la campagne de 1652 contre Bordeaux, il avait aidé le marquis de Montausier à prendre la place de Taillebourg, propriété du prince de Tarente passé à Condé, obtenant du roi la permission de la faire raser.

La Fronde apaisée, Louis xiv envoyait Plessis-Bellière au secours de Barcelone. Dans la campagne de Catalogne, qui fut le dernier grand épisode de la guerre franco-espagnole, il se signala par de nombreuses actions d’éclat. Après la paix des Pyrénées, le duc de Guise, soutenu secrètement par Mazarin, essaya de s’emparer du trône de Naples ; Plessis-Bellière l’accompagna comme lieutenant, mais à peine débarqué à Castellamare, il reçut une blessure grave et mourut quelques jours après. Il avait épousé Suzanne de Bruc, dont il eut deux fils : Pierre, colonel de cavalerie, et François-Henri, maréchal de camp (G.D.U. xixe s et Jestaz).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 27 juin 1654

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(Consulté le 29/03/2024)

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