L. 398.  >
À Charles Spon,
le 9 avril 1655

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai le jour du vendredi saint, 26e de mars, une grande lettre de quatre pages avec du latin contre l’antimoine ; [2] par ci-après, il en viendra d’autre. Ce dernier vient d’un médecin de Bayeux qui a autrefois été l’écolier de M. Merlet. [1][3]

Ce jour de Pâques. J’ai vu ce matin le roi, [4] la reine [5] et M. le duc d’Anjou [6] à Saint-Germain<-l’Auxerrois >, [7] notre paroisse. Il y avait grande piaffe d’officiers du Louvre, c’est le roi qui y a rendu le pain bénit. [2][8] Son Éminence [9] y a en même temps entendu la messe dans la chapelle de Rostain, [3][10] et l’ai vu sortir en bonne conche. [4] Dieu sait combien il y a de mérite d’avoir vu toutes ces grandeurs de la terre, aussi en suis-je tout glorieux.

Ce 30e de mars. Je viens d’apprendre que Guénault [11] brigue la place de premier médecin chez le duc [12] et la duchesse [13] d’Orléans. Le bonhomme Brunier [14] vit encore, mais il n’en peut plus. Je pense que Guénault s’est résolu à cela, voyant que sa drogue était ici merveilleusement décriée, et qu’il était fort déchu dans le public et chez ses compagnons. Votre apostat des Fougerais [15] l’avait briguée ; [5] mais l’autre l’aura plutôt, il est de meilleure mise, il n’est pas boiteux des deux côtés comme des Fougerais. Guénault ne quitterait point Paris s’il y trouvait son compte, mais c’est qu’il enrage ici de n’y guère gagner car cet homme n’a tout son cœur qu’à de l’argent ; et puis il n’a presque plus personne ici de sa famille, il en a tué la plupart avec son antimoine, [16] neveu, femme, fille et deux gendres ; le reste gît en deux veuves et force petits-enfants. [6] Il a du crédit chez le duc d’Orléans à cause de la duchesse qui l’aime, et Paris ne fera point grande perte quand ce dangereux homme s’en ira à Blois [17] y épandre son antimoine. [7]

Ce 1erd’avril. Voilà M. Duhan [18] le libraire qui vient de sortir de céans. Nous avons parlé ensemble de vous et de plusieurs petits livres à imprimer. Il est bon enfant et je crois qu’il a meilleure conscience que la plupart de nos libraires de deçà qui ne sont que nebulones perditissimi et lucriones putidissimi[8]

Enfin, est-ce tout de bon que M. Borde [19] de Lyon fait imprimer à Genève le grand Hippocrate de Foesius ? [20][21] Cette pharmacopée de Schröderus, [22] est-elle de beaucoup augmentée ? Si cette augmentation ne rend le livre de beaucoup meilleur qu’il n’était aux autres éditions, ce ne sera pas grand’chose, nec erat tanti ut iterum prelo subiiceretur[9] Il n’est que trop de livres de cette nature et rarement servent-ils à autre chose qu’à faire des empiriques, [23] des charlatans ou souffleurs ignorants. Bon Dieu, que l’on emploie au monde mal à propos du papier !

On dit ici que le prince de Conti [24] s’en va commander l’armée du roi en Catalogne [25] et que M. de Candale [26] sera son lieutenant général, et que l’on envoie au duc de Modène [27] 8 000 hommes afin qu’il puisse résister aux Espagnols qui lui veulent du mal pour avoir pris notre parti. [10]

On commence ici à vendre et à faire trafic des charges de la Maison de la reine future. Notre maître Béda dit des Fougerais a offert 10 000 écus de la charge de son premier médecin. Il s’est vanté à quelqu’un qu’il a parole de l’être et qu’il est assuré de la bonne volonté de Son Éminence en son endroit. [11]

Je vis hier ici un honnête homme de Tours [28] nommé M. Colin, [29] banquier de Lyon qui est logé en ce voisinage. C’était < pour > sa sœur qu’il a amenée de Tours, laquelle n’était point fort malade. Je lui parlai de vous et de votre mérite, il me dit qu’il vous connaissait bien et que, puisque vous étiez si fort mon ami, qu’il vous rendrait visite à Lyon. J’ai achevé de traiter un autre Lyonnais nommé M. Feste, [30] qui est marchand, aux bonnes grâces duquel je suis bien avant ; c’est un homme délicat et fort mélancolique [31] qui m’a promis de vous voir aussi quand il sera retourné à Lyon.

Le P. Adam [32] jésuite prêcha ici le jour de Pâques dernier si malheureusement, en présence du roi et de la reine, qu’il en a été bafoué et blâmé par toute la ville pour ses infâmes flatteries et ineptes comparaisons ; même les jésuites l’ont désavoué. [12]

Les cardinaux ne se peuvent accorder à faire un pape, je voudrais qu’ils n’en pussent faire de 30 ans. [33] En attendant, voilà deux cardinaux qui sont morts, savoir le cardinal Carafe et Ceva, [13][34][35] mais ces morts n’avancent rien.

MM. Huguetan [36] et Ravaud [37] m’écrivaient il y a quelque temps que leur Sennertus [38] s’en allait achever et que je leur mandasse si je voulais y changer quelque chose de l’épître. L’épître me plaît fort, venant de vous, et la trouve belle et bonne, sauf d’y changer ce qu’il vous plaira si vous en avez envie ; mais pour le titre, je vous prie de ne pas oublier d’y mettre, comme je vous ai supplié par ci-devant, et saluberrimæ Facultatis Decano, atque rei Anatomicæ, Botanicæ et Pharmaceuticæ Professori regio[14] Cette dernière qualité mérite d’y être ajoutée puisque Dieu l’a voulu ainsi, et le bonhomme M. Riolan. [39]

Notre bonhomme Riolan vivote, [40] mais il est souvent attaqué de fluxions, de douleurs, de fièvres ou de gouttes. Je sais bien que l’été lui est une saison favorable, aussi bien qu’à tous les vieillards asthmatiques comme lui, [41] mais l’automne et l’hiver suivant, en récompense, me font peur et crois avoir juste raison d’appréhender pour lui, d’autant que je le vois dans un grand penchant de ses forces ; joint que son second fils, [42][43] qu’il tient prisonnier et qui ne prend pas le chemin de s’amender, lui fait merveilleusement de la peine ; et je ne doute point que cette affliction ne lui cause enfin la mort, laquelle ne viendra jamais qu’elle ne nous prive de plusieurs bonnes choses dont il a le dessein dans l’esprit.

Et à propos, quelles nouvelles avez-vous de M. Courtaud, [44] doyen de Montpellier : [45] écrit-il contre M. Guillemeau, [46] nous donnera-t-il la vie de son oncle, feu M. Héroard, [47] comme il a fait espérer ? J’ai bien envie de voir cela. M. Guillemeau dit qu’il a de belles réponses à leur faire là-dessus et que, s’il ne sait bien la vie de son oncle, qu’il la lui apprendra.

M. Huguetan [48] l’avocat est-il à Genève, est-il marié, d’où vient cela, demeurera-t-il là ou bien viendra-t-il demeurer à Lyon ? [15][49]

Ce 6e d’avril. Je viens de délivrer pour vous être rendue une petite lettre de recommandation à un jeune homme fort sage nommé M. Foreau [50] natif du Vendômois, écolier en médecine, qui s’en va un peu s’égayer et voyager en Languedoc et en Provence. C’est un jeune homme fort sage et fort honnête, il dit qu’il prendra ses degrés à Aix [51] ou à Avignon [52] afin d’épargner quelque chose pour son voyage et ne pas demeurer longtemps à Montpellier.

Ce 7e d’avril. Dieu soit loué que soyez en bonne santé, comme j’apprends par la vôtre que je viens de recevoir, datée du 1er d’avril. Le jeune Sanche [53] est encore ici, c’est un grand garçon bilieux [54] et par delà, qui a l’esprit fort présent [16] et qui se promet de faire merveilles à Montpellier, quand il sera reçu professeur, pour l’honneur de la médecine. Dieu lui en fasse la grâce, mais je ne crois pas tout ce qu’il dit. [55]

Les antimoniaux n’ont pu rien découvrir touchant l’auteur du Pithœgia et en sont fort moqués, tant de leurs menaces que de leurs monitoires [56] qu’ils ont fait jeter par les paroisses. [17][57] La confusion est dans le parti tout entièrement, ils n’osent plus donner d’antimoine ni en dire du bien comme ils faisaient par ci-devant et n’ont personne pour écrire contre M. Perreau. [58] Eusèbe R. < Renaudot > est fort mal sain, souvent réduit à garder le lit et malcontent de Guénault depuis qu’il a mangé sa part de la fricassée de poulets chez Guénault qui était alors son ami. [59]

L’apothicaire de Troyes [60] a été condamné d’être pendu, l’affaire en est au Parlement, il s’appelle Clément. [18][61] Il y a bien du soupçon et pareillement des oppositions aussi, c’est ce qui fait traîner l’affaire ; la moitié de la ville de Troyes s’y trouve intéressée ou engagée à cause des alliances.

La lettre de M. de Sorbière [62] vient de Gênes. [63] Cet homme veut voir Rome et le nouveau pape, c’est pour nous montrer qu’il a bien changé de poil et qu’il n’est pas bon huguenot ; [64] aussi peut-être n’est-il guère bon romaniste puisque tout ce changement ne s’est fait que pour une pension, en attendant quelque petite abbaye, laquelle n’est pas encore venue. [65]

Ce M. Le Long était un médecin de Provins [66] qui ne travaillait guère de son métier, combien qu’il eût fort bon appétit. Il mourut jeune et laissa sa petite maison fort incommodée. J’avais ici mis en condition un sien fils qui n’y put durer. [19][67]

Je vous procurerai et vous enverrai ce catalogue des œuvres de Cardan [68] qui sont ici manuscrites chez M. Billaine, [20][69] et vous dirai aussi, pour donner avis à M. Huguetan sur le dessein qu’il peut avoir eu d’imprimer les œuvres de Cardan, qu’il y a environ 25 ans qu’un libraire de Genève eut ce même dessein, à cause de quoi il fut dressé un catalogue de toutes les œuvres de cet auteur qui a été imprimé in‑fo et que feu M. Naudé [70] m’a autrefois montré, lequel aimait cet auteur d’une affection très particulière. Je n’en dis rien davantage, croyant que M. Huguetan a changé de volonté. Puisque vous n’avez plus le Vita Cardani que je vous avais envoyé, je vous en promets un autre. [21] Ces libraires sont merveilleusement adroits à tirer des livres de ceux qui en ont : voilà comment M. Ravaud me tira il y a cinq ans mon Lexicon etymologicum philologicum Martinii [71] que je ne lui donnai jamais qu’afin qu’il l’imprimât et que le public en pût recevoir quelque utilité. Faites-moi la faveur, puisque nous en sommes là-dessus, de lui présenter mes très humbles recommandations et que je le prie de se souvenir de sa promesse qu’il m’a faite de m’en donner un autre ; [72] j’entends le Lexicon etymologicum Martinii réimprimé tout de nouveau à Francfort, [73] qui est un très bon et très utile livre pour un homme d’étude. Bene sit authori tam eruditi et tam fructuosi operis[22] je voudrais que le livre fût très commun.

M. Guillemeau m’est aujourd’hui venu voir pour me parler d’un mariage pour mon fils aîné. [74] En moins d’un quart d’heure, nous avons tout fait et défait : je l’ai remercié de la peine qu’il en avait prise et lui ai fait connaître que je connaissais fort bien ces gens-là, qu’ils n’étaient nullement mon fait, etc. ; il s’est fort rendu à mes raisons, etc. Enfin, il est tout prêt et résolu de faire imprimer un troisième livre contre le sieur Courtaud, lequel sera suivi d’un quatrième, sans y comprendre ce qu’il répondra à ce que son ennemi fera de nouveau ; et m’a dit (tant il est irrité) qu’il y aura encore autre chose et qu’il n’en demeurera point là. Je ne sais si ce ne seraient point des coups de bâton pour Courtaud par quelque soldat de la citadelle de Montpellier ; ce qui serait, ce me semble, à craindre vu que M. Guillemeau a beaucoup d’amis et les mains bien longues. Enfin, il est fort piqué au jeu et ne peut entendre aucune remontrance. Fertur equis auriga, neque au dit currus habenas[23][75] J’ai même regret de le voir tant animé pour des injures, lesquelles je méprise fort et que je considère d’un visage gai, tout autrement que lui. Je ne prends aucune part à telles injures de tripières, je les laisse à Courtaud et à son mauvais génie fort médisant et fort ignorant. Il n’y a personne qui ne se soit ici moqué de lui.

Je vous prie d’assurer M. Barbier [76] que je le servirai où je pourrai, mais qu’au fait de M. Gassendi, [77] il n’y a rien de pressé, de prêt ni d’assuré : il m’a dit depuis six jours qu’il lui faut encore un an pour achever d’apprêter les deux premiers tomes de sa copie, dont il y en aura huit en tout.

Nous ne voyons point M. Le Gagneur, [78] je ne sais ce qu’il fait. Guénault l’avait mis près du prince de Conti, [79] où il n’a guère gagné : le voilà bien récompensé d’avoir signé l’antimoine [80] (que c’est un bon remède, quand il est bien préparé et bien donné) ; [24] il eût mieux valu pour lui de ne bouger d’ici. S’il songe à aller chercher de la pratique à Tours, c’est signe qu’il n’a guère d’attache ni à Paris, ni avec son prince de Conti, avec lequel il n’y a rien à gagner, non plus qu’avec le prince de Condé, [81] son frère, où mourut l’an passé le pauvre Dupré [82] qui en a laissé sa maison ruinée, et où se morfond de présent un autre fou malheureux nommé Le Breton, [83] qui pensait avoir trouvé la pie au nid de quitter Paris et être près d’un prince. Longe a principibus salus[25] au diable le meilleur !

Ce 8e d’avril. Voici que je viens de recevoir de Genève une lettre de M. Huguetan l’aîné, laquelle il m’a écrite le lendemain de ses noces. Il est fort content, à ce qu’il me mande, d’avoir fait ce marché et j’en suis fort content aussi puisqu’il veut bien ainsi. [15]

M. Riolan me vient de dire que son méchant fils, tout prisonnier qu’il est, ne veut point se reconnaître ; qu’il ne veut renoncer à ses amours ni quitter cette femme, dont il a fait casser le mariage par arrêt solennel ; et j’en suis tant plus marri que cela afflige fort ce bonhomme. J’ai peur que cela ne nous l’emporte et ne nous prive de plusieurs bonnes choses qu’il a à nous donner. Il dit que s’il ne peut convertir son fils, qu’il le déshéritera et puis l’enverra quelque part en l’Amérique [84] afin qu’il y meure et qu’il ne le voie jamais. Ce bonhomme est tout outré de ce malheur de sa famille et je trouve que ce n’est point sans raison.

Le roi, la reine et Son Éminence, cum aliis paucissimis[26] sont dans le Bois de Vincennes [85] pour huit jours, après lesquels on parle d’un voyage de Fontainebleau, [86] ou de Chantilly. [87] On attend des nouvelles du ravitaillement du Quesnoy, [88] pour lequel effet on a envoyé sept ou huit mille hommes du côté de deçà et des garnisons qui étaient dans les villes de Picardie ; mais de savoir si le prince de Condé les lairra en approcher, ænigma est[27] Les nôtres ont du canon, qui est une marque que l’on s’y veut frotter tout de bon.

Nous n’avons rien de nouveau ni de certain d’Angleterre, mais il y a grande apparence que Cromwell [89] se soutiendra jusqu’au bout puisqu’il a si heureusement résisté jusqu’à présent à tant de conspirations et d’entreprises, tant contre sa personne que contre la place qu’il tient dans Londres.

On imprime ici des vers latins qui sont excellents contre l’antimoine [90] et un des nôtres, nommé Thévart, [91] qui s’était mêlé d’écrire quelque chose en faveur de ceux qui l’avaient approuvé. C’est celui-là même contre lequel est faite la préface de l’Alethophanes, il s’est fourré dans la mêlée de cette querelle en pensant faire plaisir à Guénault, duquel il espérait de la pratique ; en récompense de la pratique qu’il n’a pas eue, le voilà bien accommodé. Quand l’impression en sera achevée, je vous en enverrai pour vous et pour nos amis par quelque voie extraordinaire. Ce Thévart est un vilain camus, c’est pourquoi il est appelé dans le titre versificator parum nasutus[28]

On nous menace ici d’un nouveau livre intitulé Appendix ad Lenonem Guillemeum, etc.[29] à la fin duquel il y aura une chanson ajoutée. Ce n’est pas moyen d’apaiser la querelle, mais plutôt d’irriter les esprits de plus en plus.

Il y a dans Rouen un médecin nommé M. Le Noble [92] qui s’exerce fort aux dissections anatomiques[93] et qui en a fait plusieurs sur hommes et femmes depuis quelques années. Inquisivit ex eiusmodi cadaverum præsentia in novas opiniones Pecqueti et Bartolini, curiosa manu ac eruditis oculis[30] Il est tout à fait contre ces deux Messieurs susnommés et tient hardiment le parti et l’opinion de M. Riolan ; touchant quoi, il lui en a écrit une belle lettre en latin, laquelle même il parle de faire imprimer. Ce sera pour donner de la besogne à M. Pecquet, [94][95][96][97] qui n’a pas encore été si avant en ses expériences sur telle diversité de corps humains.

Notre maître Akakia, [98] par ci-devant professeur du roi à la place de M. Seguin, [99] n’osant entreprendre de faire des leçons publiques, après avoir occupé cette chaire plusieurs années sans en faire, enfin l’a quittée et a mis en sa place M. Denyau, [100] lequel fera demain sa harangue d’entrée ; si bien que voilà un nouveau compagnon que j’ai.

Vale et iterum vale. Totus ex animo tuus[31]

G.P.

De Paris, ce vendredi 9e d’avril 1655.


a.

Ms BnF no 9357, fos 166‑167 ; Reveillé-Parise, no cclxviii (tome ii, pages 163‑168).

1.

Dans sa lettre du 26 mars précédent (paragraphe daté du 23) Guy Patin avait écrit à Charles Spon que Jean Merlet faisait « imprimer ici quelque chose contre l’antimoine, que les médecins de Normandie lui ont envoyé après avoir lu son livre » (Remarques sur le livre de l’antimoine de Me Eusèbe Renaudot…, Paris, 1654, v. note [3], lettre 346) : v. note [54], lettre 420, pour le Parænesis ad medicos antimoniales… [Conseil aux médecins antimoniaux…], paru en 1655, mais je n’ai pas identifié le médecin de Bayeux qui aurait contribué à ce libelle de Merlet.

2.

Piaffe : « démarche fière qui marque de la vanité ou de la magnificence » (Furetière).

Le pain bénit est un pain qu’on offre à l’église pour le faire bénir par le prêtre, puis le couper en morceaux (chanteaux) avant de le partager entre les fidèles et le manger avec dévotion. Rendre le pain bénit, c’est donner à l’église le pain qui doit être bénit et aller présenter ce pain à l’offrande.

3.

V. note [4], lettre 589, pour le marquis Charles de Rostain et son fils François, comte de Bury. Loret a chanté cette chapelle des Rostain (Muse historique, livre i, lettre xxxii, 25 décembre 1650, pages 71‑72 vers 127‑152) :

« Mouchas, belle comme le jour,
Approuve, ce dit-on, l’amour
D’un poursuivant noble et fidèle
Dont le cœur est charmé par elle :
C’est le sieur comte de Bury,
Homme aussi rond et bien nourri
Qu’il en soit ou qu’il en paroisse {a}
Dans Saint-Germain votre paroisse ;
C’est le fils de Monsieur Rostain,
Qui dans le même Saint-Germain
A fait rajuster de plus belle
Son héréditaire chapelle,
Et pour mieux montrer aujourd’hui
Qu’elle est absolument à lui,
On voit, entre autres braveries,
Plus de six fois ses armoiries ;
Et, de plus, on y voit encore
Signé Rostain en lettres d’or.
Or laissons là Rostain le père,
De peur de le mettre en colère,
Et pour son fils, sieur de Bury,
Dieu veuille qu’il soit bon mari,
Car, puisque la fille susdite
A beauté, douceur et mérite,
Je serais fâché tout de bon
Que son mari ne fût pas bon. »


  1. Ancienne orthographe et prononciation de « paraisse ».

4.

Conche : « vieux mot qui signifiait autrefois la bonne ou mauvaise fortune de quelqu’un. J’ai vu autrefois ce gentilhomme en bonne conche, il avait grand équipage ; maintenant il est en fort mauvaise conche, il n’a pas un habit, un valet » (Furetière).

5.

V. note [27], lettre 155, pour la conversion d’Élie Béda des Fougerais, du calvinisme au catholicisme.

6.

V. note [15], lettre 391, pour les crimes antimoniaux et familiaux allégués à François Guénault, dont la liste s’allongeait encore ici sous la plume vindicative de Guy Patin.

7.

Gaston d’Orléans, frère cadet du feu roi Louis xiii, et sa famille demeuraient en exil en leur château de Blois depuis la fin de la Fronde.

8.

« de fort dépravés fripons et de fort puants rapaces. »

9.

« et il n’y avait pas de quoi le remettre sous la presse. »

V. notes [36], lettre 395, pour la Pharmacopée de Schroderus (Johann Schröder), et [41], lettre 396, pour l’Hippocrate de Foesius (Anuce Foës).

10.

François ier d’Este (Modène 1610-Santhià, Piémont 14 octobre 1658), fils aîné d’Alphonse iii (1591-1644) et d’Isabelle de Savoie, était devenu duc de Modène et Reggio quand son père avait abdiqué en 1629.

En 1631, François avait épousé Marie Farnèse (morte en couches, en 1646), fille d’Édouard ier, duc de Parme (v. note [6], lettre 27). En 1635, il avait reçu de l’empereur Ferdinand et du roi d’Espagne l’investiture de la principauté de Correggio qu’il avait achetée aux Espagnols pour 230 000 florins d’or. En 1636, s’étant ligué avec eux, il était entré sur les terres du duc de Parme (Odoard Farnèse, son beau-frère). D’abord il avait été battu, mais un renfort espagnol considérable lui avait permis de prendre diverses places dans le Parmesan et d’obliger les Français à se retirer de Parme. En 1647, mécontent de la cour d’Espagne qui persévérait à refuser de retirer de Correggio la garnison qu’elle y tenait depuis la vente de cette principauté, le duc François s’était tourné vers la France et avait accepté le commandement de ses armées en Italie. En 1649, le marquis de Caracena (ou Caracène), gouverneur de Milan, était entré avec les troupes espagnoles dans le Modénois et avait obligé le duc à demander la paix.

François avait épousé en 1648, par dispense du pape Innocent x, la princesse Victoire Farnèse, sœur de sa première femme, mais cette princesse mourut l’année suivante.

En 1654, il avait épousé en troisièmes noces Lucrezia Barberini (v. note [24], lettre 177), petite-nièce du pape Urbain viii. La même année, Caracena voulant obliger le duc de Modène à faire quitter au cardinal Renaud, son frère, le titre de protecteur de la France, s’était mis en marche avec son armée pour entrer dans les États de ce prince. Le duc, à cette nouvelle, avait envoyé promptement demander du secours à la France et au duc de Savoie. En l’attendant, il avait mis ses places en état de défense et fait si bonne contenance que le marquis, après avoir inutilement assiégé Reggio, fut contraint de reprendre la route du Milanais. Ayant joint ensuite ses troupes à celles de France et de Savoie, commandées par le prince Thomas, le duc alla faire le siège de Pavie, qui fut ouvert le 24 juillet 1655 ; mais il y reçut un coup de feu dans l’épaule, qui l’obligea de se faire transporter à Asti, où il passa trois mois à se faire panser. Le siège de Pavie fut levé le 15 septembre suivant, et le prince Thomas étant revenu malade à Turin, y mourut le 22 janvier 1656 (A.V.D.).

11.

Guy Patin confirmait (v. note [9], lettre 394) la vente anticipée des charges de la future épouse de Louis xiv, qui n’avait pas même encore été choisie.

12.

Menagiana (tome troisième, page 69) :

« Dans le temps qu’on parlait encore de cette ridicule opinion des préadamites, {a} le Père Adam, jésuite, {b} prêcha la Passion à Saint-Germain-l’Auxerrois. Il fit dans son discours une comparaison fort odieuse des Parisiens avec les Juifs qui avaient crucifié Notre Seigneur. Il compara la reine à la Vierge, et le cardinal Mazarin à saint Jean l’évangéliste. Ce sermon fut très mal reçu à la ville et à la cour. La reine parla à M. le prince de Guéméné et lui demanda ce qu’il en pensait : “ Madame, je suis préadamite ”, lui répondit ce prince. La reine lui demanda ce que cela voulait dire : “ C’est que je ne crois pas, Madame, répliqua-t-il, que le Père Adam soit le premier des hommes. ” »


  1. V. note [3], lettre 93.

  2. V. note [8], lettre 224.

13.

V. note [5], lettre 132, pour Pier Luigi Carafa, mort le 15 février 1655.

La nouvelle était prématurée pour Francesco Adriano Ceva (Mondovi 1580-Rome 12 octobre 1655) : issu d’une noble famille piémontaise, il avait été attaché à la personne du pape Urbain viii (Maffeo Barberini) ; légat (1604-1607) puis nonce extraordinaire (1632-1634) en France, il avait été nommé cardinal en 1643.

14.

« [à Guy Patin, docteur en médecine de Paris] et doyen de la très salubre Faculté, et professeur royal d’anatomie, botanique et pharmacie » ; v. note [36], lettre 332, pour cette dédicace de Charles Spon à laquelle Guy Patin portait une méticuleuse attention.

15.

Jean Huguetan, l’avocat et l’aîné de la famille, alors âgé de 55 ans, épousait à Genève une demoiselle Élisabeth Dupuy. Le couple eut quatre enfants, deux garçons et deux filles.

Guy Patin avait sûrement lu la seconde des Deux Vies latines de Jean Héroard, parue dans le Genius Pantoulidamas (Paris, 1654, v. note [35], lettre 399), mais il ne la tenait pas pour écrite par son neveu. Il était dans le vrai, à en juger sur la lettre que Siméon Courtaud a écrite à Charles Spon, le 27 mai 1655 (ms BIU Santé 2190, pages 208‑209) :

« Je pense que vous pouvez avoir vu la réponse d’un docteur de mes amis à la satire de l’ingrat Guillemeau, laquelle a deux parties : la première sous le titre de Lenonis Guillemei ; {a} la seconde sous ce titre de Genius Pantoulidamas ; et ce en attendant que je mette au jour la vie de feu M. Héroard, mon oncle, laquelle sera jointe à la Ludovicotrophie, à laquelle mon frère travaille à Paris. » {b}


  1. Paris, 1654, v. note [2], lettre 380.

  2. V. note [30], lettre 117, pour la Ludovicotrophie, ou Journal de toutes les actions et de la santé de Louis, dauphin de France, qui fut ensuite Louis xiii L’édition que voulaient en donner Jacques et Siméon Courtaud, avec une Vie de Héroard, n’a jamais vu le jour.

    Le premier des sept volumes manuscrits a été transcrit par Siméon Courtaud, mais les six autres sont de la plume de Héroard.


16.

« On appelle un esprit présent celui qui se possède bien, qui a la conception prompte et la repartie vive » (Furetière). La « présence d’esprit » est une vertu toujours estimée de nos jours.

17.

V. note [10], lettre 342, pour la Pithœgia contre l’antimoine.

monitoires (Furetière) :

« lettres qui s’obtiennent du juge d’Église et qu’on publie au prône des paroisses pour obliger les fidèles de venir déposer ce qu’ils savent des faits qui y sont contenus, sous peine d’excommunication. Les monitoires ne s’obtiennent qu’en vertu de permissions des juges laïques quand on ne peut pas avoir preuve autrement des faits contenus en une accusation. Les monitoires ne doivent nommer personne et se publient contre des quidams nomine dempto ; {a} autrement il y a abus. On oblige les curés de publier des monitoires par saisie de leur temporel. » {b}


  1. « dont le nom a été ôté » (par respect du secret de la confession).

  2. Une monition était la publication d’un monitoire.

18.

V. note [4], lettre 395.

19.

Un Charles Le Long a été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1668, après avoir disputé ses trois thèses en 1665 (Baron). {a} S’il s’agit bien de celui dont Guy Patin parlait ici, il faut croire qu’il avait interrompu puis repris ses études.


  1. Baron le dit Pruvinæus (natif de Provins, dans la Brie), mais les Comm. F.M.P. (tome xv, page 50) le désignent comme Æduus [Éduen, c’est-à-dire natif de la région d’Autun, en Bourgogne], dans la liste des bacheliers reçus le 5 avril 1664.

20.

Louis Billaine, neveu de Pierre (v. note [34], lettre 104), reçu maître libraire en 1652, a exercé jusqu’en 1677 « au second pilier de la grand-salle du Palais, à La Palme et au Grand César ». Il mourut en 1681 (Renouard).

21.

V. note [1], lettre 72, pour La Vie de Cardan par Gabriel Naudé (1643).

22.

« Bonne chance à l’auteur d’un ouvrage si érudit et si fécond. » V. note [9], lettre 238, pour le Lexique étymologique philologique de Matthias Martini (Brême, 1623).

23.

« L’aurige est emporté par ses chevaux, et le char n’obéit plus aux rênes » ; vers de Virgile (Géorgiques, chant i, vers 514) qui termine un fragment dont Guy Patin aimait aussi à citer le début (v. note [5], lettre 88) :

sævit toto Mars impius orbe,
ut cum carceribus sese effudere quadrigæ,
addunt in spatia, et frustra retinacula tendens
fertur equis auriga neque audit currus habenas
.

[Mars impie sévit dans l’univers entier, à la manière dont, une fois élancés des barrières, les quadriges se donnent du champ ; en vain l’aurige tire sur les rênes, il est emporté par ses chevaux et le char n’obéit plus aux rênes].

24.

V. note [3], lettre 333 pour les 61 signeurs de l’antimoine en 1652.

25.

« Il est salutaire de se tenir éloigné des princes. » L’exclamation qui suit a été biffée sur le manuscrit, mais sans doute par une autre plume que celle de Guy Patin.

26.

« avec très peu d’autres ».

27.

« c’est une énigme. » V. note [18], lettre 390, pour les opérations militaires autour du Quesnoy.

28.

« le versificateur au nez court » ; parum nasutus est ici à prendre au sens propre (être pourvu d’un nez court, camus) et au sens figuré (avoir peu de flair).

V. notes [12], lettre 190, pour le surnom de petit camus que Guy Patin donnait à Jacques Thévart, et [11], lettre 342, pour le libelle de François Blondel intitulé In Iacobi Thevart, medici exorthodoxi et parum nasuti versificatoris, Παραινεσιν carmen [Poème contre le Conseil de Jacques Thévart, médecin ci-devant orthodoxe et versificateur au nez court], signé Philalethes F. Blondel, Alethophanis Tribulis canebat 3 non. april. 1655 [F. Blondel le philalèthe (ami de la vérité) chantait sur les chausse-trapes d’Aléthophane (Flambeau de la vérité) le 27 avril 1655].

Vers la même époque, Thévart a publié trois courtes pièces en vers latin intitulées :

29.

V. note [11], lettre 395, pour le « Supplément contre le maquereau Guillemeau, etc. ».

30.

« Disposant de ces cadavres, il a mené une recherche sur les opinions nouvelles de Jean Pecquet et de Thomas Bartholin, avec une main soigneuse et des yeux clairvoyants ». À la fin des Responsiones duæ… de Jean ii Riolan (1655, v. note [1], lettre 414), on trouve :

Caroli Le Noble, Doctoris Medici et Anatomici Rothomagensis Observationes raræ et novæ de venis lacteis mesentericis et thoracicis, deprehensæ in corporibus humanis bene pastis, et post quatuor horas strangulatis, mox eiusdem propria manu publice dissectis. Consentiente æquissimo Senatu Rothomagensis, boni publici amantissimo, ad postulationem medicorum urbis. Ad clarissimum virum D.D. Ioannem Riolanum, etc.

[Observations nouvelles et rares de Charles Le Noble, docteur en médecine et anatomiste de Rouen, {a} sur les veines lactées mésentériques et thoraciques, saisies sur des cadavres d’hommes qu’on avait bien nourris et qui ont été étranglés quatre heures plus tard, puis disséqués publiquement peu après d’une main habile. Avec le consentement du très équitable parlement de Rouen, très attaché au bien public, sur la demande des médecins de la ville. Au très éminent Me Jean Riolan, etc.] {b}


  1. Charles Le Noble n’est connu que par cet ouvrage. Ce pourrait être le pseudonyme d’un médecin favorable à Riolan (voire Riolan lui-même) et hostile à Pecquet.

  2. Paris, Gaspard Meturas, 1655, in‑8o de 46 pages.

Ce sont deux lettres écrites dans un latin laborieux et souvent fautif. La première est datée de Rouen, le 29 mars 1655 (pages 3‑29), et la seconde (pages 30‑34), non datée, est suivie d’un appendice (pages 35‑46). Le Noble y soutient avec ardeur l’opinion de Riolan sur les canaux du chyle en lui attribuant la primauté de leur exacte découverte et en rapportant ses propres observations faites sur les cadavres de pendus, dont les circonstances sont résumées dans le titre de l’opuscule (pages 33‑34) :

Tua descriptio in homine discrepat ab ea quam delineavit Pecquetus in Canibus, longe dissimilis a Bartholini descriptione in Homine. […] Non credo magnam portionem Chyli ascendere ab subclavias. Fateor tuum scrutinium Anatomicum admirabile præ cæteris mihi placere, et dignum iudicio editione publica, ut omnes, qui novitatibus delectantur, rei veritatem à te fideliter et accurate descriptam agnoscant, quam scriptis meis testabor, atque Tibi ero in æternum devinctissimus, propter studia nostra Anatomica communia, quæ nunquam deseram quamdiu spiritus hos reget artus, tuisque cœptis semper favebo.

Nec Deus intersit, nisi nodus vindice dignus
Inciderit.

[Votre description chez l’homme en diffère beaucoup de celles qu’ont faites Pecquet chez les chiens {a} et Bartholin chez l’homme. {b} (…) Je ne crois pas que la plus grande partie du chyle monte se jeter dans les veines subclavières. J’avoue que vos admirables recherches anatomiques m’agréent plus que celles des autres et je les juge dignes d’être offertes au public pour que tous ceux que les nouveautés séduisent reconnaissent la vérité de ce que vous avez décrit avec précision et fidélité, ce dont j’attesterai par mes écrits ; et je serai éternellement votre très dévoué en raison de nos études anatomiques communes ; je n’y faillirai jamais, aussi longtemps que la vie m’animera le corps, et je serai toujours favorable à vos desseins :

Nec Deus intersit, nisi nodus vindice dignus
Inciderit
]. {c}


  1. Experimenta nova anatomica… [Expériences anatomiques nouvelles…] de Jean Pecquet (Paris, 1651, v. note [15], lettre 280).

  2. De lacteis thoracicis… [Des lactifères du thorax…] de Thomas Bartholin (Copenhague, 1652, v. note [16], lettre 308).

  3. « Sans intervention divine, à moins que le dénouement ne l’exige » (Horace, Art poétique, vers 191‑192).

31.

« Vale encore et encore. Vôtre de tout cœur. »

V. note [30], lettre 392, pour Martin iv Akakia et la démission de sa chaire de médecine au Collège de France.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 9 avril 1655

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(Consulté le 25/04/2024)

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