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À Charles Spon,
le 25 avril 1655

Monsieur, [a][1]

Le présent porteur est M. Chesneau, [2] docteur de Montpellier et médecin à Marseille, [1][3] qui a désiré d’obtenir de moi ce petit mot afin de pouvoir plus sûrement vous aborder et avoir l’honneur de vous connaître. Je ne doute pas qu’il ne soit bien reçu près de vous car il est homme d’honneur et de mérite, nec vulgaris eruditionis[2] prêt à rendre à ses amis tel service qu’il pourra en son pays de Provence et ailleurs.

Je viens de rencontrer M. Le Gagneur [4] qui est assez bien remis, lequel m’a dit qu’il ne songe pas à retourner près de son prince si auparavant on ne lui fait ici toucher de l’argent ; et à ce que j’ai reconnu, il n’a point envie d’y retourner jamais, s’il peut, de peur d’augmenter le nombre des malheureux, qui sont morts à la suite des princes de cette Maison : les deux de Montreuil, [5][6] Bréguet [7] et Dupré. [3][8] Il dit que la grande guerre sera cette année dans l’Italie. M. le chancelier [9] est ici fort malade. Les fièvres commencent ici à s’échauffer. On dit que le rendez-vous des troupes est au 8e du mois prochain vers Roye [10] et Marle [11] sur la frontière de Picardie, [4] et que le roi partira d’ici vers ce temps-là pour aller lui-même commander son armée.

Deux des nôtres avaient entrepris, par la sollicitation du chef du parti, d’écrire pro stibio [5][12] contre MM. Merlet et Perreau ; [13] mais ils ont renoncé à leur dessein, voyant comme ce poison est ici décrié et déchu de tout crédit.

Je me recommande à vos bonnes grâces et à mademoiselle votre chère épouse, ma bonne amie, et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce dimanche 25e d’avril 1655.


a.

Ms BnF no 9357, fo 170, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon ». Note de Charles Spon à côté de l’adresse : « 1655/ Paris, 25 avril,/ par M. Chesneau/ Lyon 10 mai./ Rispost./ Adi 11 mai. »

1.

La liste des docteurs en médecine de Montpellier établie par Dulieu ne recense aucun Chesneau. Guy Patin et Charles Spon ont reparlé de lui dans quatre de leurs lettres, en fourtnissant au passage quelques détails sur sa personne, mais sans en faire une éminente personnalité provençale.

2.

« et d’érudition peu commune ».

3.

Nouvelle allusion au mauvais sort qui frappait les médecins de la Maison de Bourbon-Condé, Étienne Le Gagneur étant celui du prince de Conti.

4.

Marle est un bourg de l’Aisne à 25 kilomètres au nord-est de Laon ; saccagé en 1650 par les Espagnols, les frondeurs y avaient battu les royalistes dans un sanglant combat en 1652 (G.D.U. xixe s.). Roye (Somme) se situe à 35 kilomètres au sud-est d’Amiens.

5.

« en faveur de l’antimoine » ; le chef du parti, bête noire de Guy Patin, était François Guénault.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 25 avril 1655

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(Consulté le 29/03/2024)

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