L. 406.  >
À Charles Spon,
le 13 juillet 1655

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai une lettre de quatre grandes pages le mardi 22e de juin. [1] Depuis ce temps-là, qui ne fut qu’hier au soir, nouvelles sont arrivées ce matin que le cardinal Mazarin [2] est chu malheureusement sur une montée et combien qu’apparemment il dût être traité rudement du coup, néanmoins il ne lui en est resté qu’une contusion. Voilà comment Dieu préserve de grands désastres les ministres des grands états qui emploient tous leurs soins et toutes les veilles pour leur conservation ; voilà à quoi servent les prières des gens de bien, et surtout celles de la reine [3] qui est si dévote. Messieurs nos six docteurs qui ont donné de l’argent pour faire excommunier [4] l’auteur de l’Alethophanes et tous ceux qui en sauraient quelque chose sont ici moqués et hués de n’avoir pu rien découvrir de leur affaire. Il y a d’autres vers tout prêts contre eux pour faire imprimer au premier bruit qu’ils feront. Ils menacent de quelque nouvel attentat, mais Guénault [5] est bien en colère de ce qu’il ne peut trouver personne qui veuille entreprendre de répondre au bonhomme Perreau. [2][6]

Un conseiller du parlement de Bordeaux nommé Guyonnet, [7] qui s’était autrefois fort remué contre le Mazarin, a enfin quitté le pays et a pris parti avec le prince de Condé ; [8] mais de malheur pour lui, comme il était l’autre jour vers notre frontière, il fut arrêté prisonnier par quelqu’un des nôtres et amené à la cour ; delà il a été conduit ici et ferré dans la Bastille. [9] Je ne saurais dire ce qui en arrivera. [3]

Ce 27e de juin. J’ai aujourd’hui dîné avec un maître des requêtes où entre autres, il y avait un courtisan qui nous a dit que Landrecies [10] était assiégée de 8 000 hommes de pied et de 3 000 chevaux sous les commandements de MM. le maréchal de Gramont [11] et de Fabert, [12] gouverneur de Sedan ; [4][13] et que MM. les maréchaux de Turenne [14] et de La Ferté-Senneterre [15] commandaient une autre armée de 15 000 hommes pour aller au-devant du prince de Condé et pour l’empêcher d’approcher de Landrecies si d’aventure il voulait entreprendre de faire lever ce siège. On dit aussi que le roi [16] sort de La Fère [17] et qu’il s’en va à Saint-Quentin [18] où à Guise. [19] Cromwell [20] a fait faire des prières publiques en Angleterre pour apaiser l’ire de Dieu touchant le massacre de vos pauvres réformés des vallées de Luserne [21] et a fait faire une contribution pour assister les pauvres gens qui restent d’un tel massacre. [5] Il a aussi envoyé un gentilhomme exprès à la duchesse de Savoie [22] pour être fidèlement informé de ce massacre et savoir ce qu’elle en dira. [23] On dit que le prince de Condé menace de venir mettre le siège à Corbie, [24] mais qu’on l’empêchera bien de venir si avant, qu’il sera obligé de s’arrêter vers quelque ville de la mer, Calais, [25] Boulogne [26] ou Montreuil. [6][27] Il est fort en cavalerie, mais il n’a guère d’infanterie. Le roi s’en va à Soissons [28] pour être en place de plus grande sûreté. On a jeté 2 000 hommes dedans Saint-Quentin pour la peur qu’on a eue que les Espagnols ne l’assiégeassent.

On imprime en Italie des Consultations de médecine de Silvaticus. [7][29][30] Le Scribonius Largus de Io. Rhodius, [31][32] qui était sur la presse il y a trois ans entiers, est enfin achevé ; aussi bien qu’un traité de Iac. Tomasinus de Gymnasio Patavino, c’est celui qui a fait par ci-devant deux tomes d’Éloges d’hommes illustres[8][33] On y imprime aussi la deuxième partie des Commentaires de M. Phrygius [34] sur les Épidémies d’Hippocrate [35] et un traité de Gallia antiqua plein de figures qui sera dédié au roi d’Espagne. [9]

Le pape [36] a pris pour son premier médecin un Naldi [37] de Sienne qui était professeur à Pise ; ce n’est point le Nardi qui a travaillé sur Lucrèce. [10][38]

J’ai céans à vous envoyer un petit paquet, tant du livre de M. Guillemeau [39] que de celui de M. Le Noble [40] de Rouen de venis lacteis et thoracicis[11] et d’un autre petit envoyé à M. Merlet [41] contre l’antimoine. [42] Obligez-moi de me mander si vous avez vu le livre de feu M. Casaubon [43] intitulé Exercitationes in Annales ecclesiasticos Cardin. Baronii, etc., nouvellement imprimé à Genève in‑4o[12]

Ce 30e de juin. Notre siège devant Landrecies va fort bien et y a apparence que nous l’aurons dans un mois. Le prince de Condé ramasse ses troupes pour faire diversion, on dit qu’il a dessein de venir assiéger Corbie et que cela alarme fort la Picardie.

Qu’est devenu votre chimiste Arnaud ? [44] est-il encore en prison à Turin ? [45] ou à Lyon, en liberté ? ou bien, quel métier fait-il ? Et à propos de chimie, [46] mandez-moi, je vous prie, quel état vous faites du livre de M. Perreau contre l’antimoine et de l’Alethophanes que je vous ai envoyés. [2] On ne parle plus ici de ces drogues, je pense qu’il n’y a eu personne d’excommunié, au moins personne n’en a noirci. [13]

M. Du Prat [47] vient de sortir de céans avec son bon ami M. Martel [48] qui m’a dit que M. Hobbes [49] lui a écrit que son livre est achevé d’imprimer en Angleterre, intitulé de Philosophia de Corpore, in‑8o à Londres ; [14] qu’il en envoie un paquet à Paris à ses amis et qu’il y en aurait un pour lui, et que M. Usserius, Armacanus episcopus[15][50] y est mort. C’est celui qui faisait imprimer la Bible en onze langues, [51] laquelle contiendra six volumes et sera faite dans un an. M. Martel m’a dit que l’évêque de Nîmes est mort, que c’était un Toulousain nommé d’Ouvrier. [16][52] M. Du Prat vous baise les mains, et à mademoiselle votre femme.

M. Bourdelot [53] est toujours en son abbaye de Massay en Berry où il plaide fort contre ses moines, [54][55] et ses moines contre lui. [17] Il a eu peur de l’imposition de leurs mains, [18] et afin d’obvier à ce malheur qui pourrait arriver une autre fois, il va se faire prêtre afin que, s’il vient à être battu et bien frotté, qu’il puisse faire faire le procès à ces gens-là comme à des batteurs de prêtres. Il y avait ici deux hommes mélancoliques [56] et fous, [57] le peuple courait les voir tamquam ad rem novam ; [19] les prêtres et moines, animaux friands de démonomanie, [58] disaient qu’ils avaient le diable au corps et déjà commençaient à les exorciser. M. le chancelier[59] averti du fait, a écarté tout cela et les a renvoyés en leurs maisons ; ainsi, M. le chancelier a chassé le diable. C’est que son évangile vaut bien celle des moines, [20] et encore mieux, car il a bien de l’argent, et la pauvreté est un méchant diable qui ne se chasse que malaisément et contre lequel l’eau bénite des moines n’a aucun pouvoir.

J’ai vu ce matin M. Gassendi [60] qui m’a dit qu’il y avait longtemps qu’il attendait des nouvelles de M. Barbier [61] de Lyon, et même de M. de Champigny, [62] votre intendant de justice, sur les propositions qu’il avait faites au dit sieur Barbier pour lui délivrer la copie de ses livres à imprimer bientôt. Il dit qu’il en aura la moitié de prête pour la Saint-Rémy prochaine. Si M. Barbier ne veut venir en traiter, et à composition, il pourra en perdre la préférence et j’en avertirai MM. Huguetan et Ravaud [63] qui m’ont autrefois témoigné qu’ils eussent bien voulu avoir cette copie pour la mettre sur la presse dès qu’ils auraient achevé leur Theatrum vitæ humanæ [64] et leur Sennertus[65] Quand seront achevés tous ces livres, sera-ce devant la fin de l’été ? [21]

Ce 2d de juillet. Je viens de consulter avec M. Moreau [66][67] qui m’a dit qu’il était après une lettre à achever pour vous ; peut-être que vous l’aurez avant même que la présente vous soit rendue. Il se porte fort bien, Dieu merci. Nous avons parlé de vous comme d’un patriarche des gens de bien et comme d’un bon israélite, [68] in quo non est fraus neque doli[22][69]

À propos de bonnes gens, aujourd’hui matin j’ai vu un capitaine qui a été en Allemagne, qui m’a fort loué les pilules de Francfort. [70] Je lui ai dit que j’en ai ouï parler comme d’un remède fort usité en Allemagne, mais que nous ne nous en servions guère à Paris ; d’autant que, comme elles sont faites d’aloès, [71] elles donnent les hémorroïdes, [72] quibus nimirum obnoxii sunt cives nostri, propter intemperiem biliosam et crapulam[23] Faites-moi la faveur de m’indiquer quelque auteur pharmacien qui les ait décrites ; ou tout au moins, apprenez-m’en la description, je ne la trouve point dans mes livres, pas même dans le Schröderus [73] qui en a fait le fin et ne les a osé décrire de peur de les rendre communes. [24]

M. Devenet, [74] après avoir fait ici ses changes, [25] m’a fait l’honneur de me venir dire adieu. Je lui ai derechef parlé des œuvres de Thomas Erastus [75] à réimprimer et lui ai fait à dessein quelques propositions de débit sur lesquelles il s’est un peu arrêté, et m’a promis d’y penser davantage. Faites-moi la faveur, s’il vous plaît, de lui faire mes recommandations et que je le prie de vous dire la résolution qu’il en a prise. Je veux tâcher de procurer cette édition nouvelle pour le bien public afin de l’opposer à ce monstrueux charlatan [76] de Paracelse [77] que l’on réimprime à Genève. Le Van Helmont [78] et le Paracelse peuvent bien augmenter la charlatanerie du siècle à laquelle les gens de bien se doivent opposer de tout leur pouvoir. Pour moi, je n’y saurais contribuer rien davantage que ce que je fais par mes leçons et en procurant l’édition de tels livres qui peuvent détromper beaucoup de monde. On mit hier prisonnier dans le Châtelet [79] un chimiste ou soi-disant tel qui faisait de la fausse monnaie [80] au faubourg de Saint-Germain. [81] On a aujourd’hui pendu en effigie dans la Grève [82] quatre bateliers qui avaient tué un homme.

Ce 5e de juillet. Les Anglais qui étaient avec leur flotte devant Tunis [83] il y a quelque temps, [26] brûlèrent neuf vaisseaux qui avaient ordre d’aller en Candie [84] pour le Turc [85] contre les Vénitiens. [27] Le Turc ayant su cela, a fait arrêter tous les marchands anglais que l’on a pu trouver en ses terres et a fait tuer l’ambassadeur d’Angleterre qui était à Constantinople. [86] Le croyez-vous ? Il n’est peut-être point vrai, mais c’est l’agent du landgrave de Hesse-Cassel [87] qui me le vient de dire. [28] Nouvelles sont aujourd’hui arrivées que le roi est revenu à Soissons et que notre siège de Landrecies va fort bien, avec espérance que nous l’aurons dans 15 jours. Le prince de Condé avait fait mine de vouloir assiéger Saint-Quentin ou de venir à Corbie, mais on dit qu’il ne fera pas de siège, qu’il se contentera d’apporter de l’incommodité tant qu’il pourra à notre armée qui est devant Landrecies ; qu’il a trop de cavalerie pour assiéger et trop peu d’infanterie. Le roi de Suède [88] se devrait embarquer le 17e de juillet avec son armée pour venir en Poméranie [89] où se devrait rencontrer un ambassadeur du roi de Pologne [90] qui doit traiter des différends de son maître avec lui et si faire se peut, accorder de tout ; [29] et ainsi terminer la guerre pour le roi de Pologne en ce côté-là, qui en a une autre assez grande avec le Moscovite. [91][92][93]

Le 6e de juillet. Le courrier qui arriva hier de Toulouse [94] raconte un fait bien étrange qui est tout fraîchement arrivé en leur ville, de deux cordeliers [95] qui ont attrapé dans leur église une belle fille nubile qu’ils ont emmenée dans leur couvent, etc., qu’ils ont par après tuée et enterrée dans leur église en cachette. Cela a été découvert, le premier courrier qui viendra nous en dira davantage. Voilà qui apprendra aux filles à ne plus aller aux cordeliers. Maudite invention de célibat, que tu as causé de maux et de désordres au monde, sans ceux que tu feras ! [96][97]

Les nouvelles lettres de Hollande portent qu’il y a bien de la peste [98] par toutes les villes de Hollande et que dix personnes qui composaient une famille entière dans Leyde [99] y sont tous morts en une même maison.

Une lettre fraîchement arrivée de Dantzig [30][100] porte que le roi de Pologne se voyant persécuté en son royaume, a délibéré de renoncer à la royauté et de la remettre entre les mains des États du royaume afin qu’ils en élisent un autre qui résiste à tant d’ennemis, tels que sont le Moscovite, le roi de Suède, le Tartare précopite, [101] le Grand Turc, etc. ; et puis après, que lui et sa femme la princesse Marie [102] reviendront en France pour achever leurs jours à Paris. Qu’en croyez-vous ? j’ai de la peine à le croire. Pour le conte des deux cordeliers de ci-dessus, on dit qu’il est inventé à plaisir afin de rendre les moines odieux, qui le sont déjà assez, et non sans raison. L’on dit qu’il y a une pareille histoire dans l’Apologie pour Hérodote [103] de Henri Estienne. [31][104]

J’ai enfin achevé ma lecture publique de Cambrai[105][106] au grand regret de mes écoliers. Je leur ai promis, pour les consoler, de recommencer l’hiver prochain, mais ce ne sera qu’après la Saint-Martin. Je me reposerai un petit < peu > en attendant et me préparerai pour d’autres leçons, soit en continuant Animadversiones in Encheiridium anat. et pathol. Io. Riolani[32][107] sur quoi il y a de fort belles choses à dire, soit en prenant un autre sujet comme quelque livre de Galien [108] à commenter, ou quelque traité tout simple comme de medicamentis tam alterantibus quam purgantibus, tam simplicibus quam compositis[33][109] J’aurais néanmoins quelque dessein sur le livre de Galien de compos. med. κατα τοπους : [34] il y a de belles choses là-dedans sur lesquelles Cornarius [110] n’a rien dit en son commentaire. [35][111]

L’antimoine ne dit plus ici mot. On ne parle point d’en donner et comme personne n’en donne, personne n’en meurt, sic peribit eius memoria cum sonitu[36][112] Guénault et les autres qui s’étaient intéressés dans l’Alethophanes et qui ont fait jeter des excommunications et des réaggraves [113] pour en découvrir quelque chose de l’auteur, n’y ont rien gagné ; les sonneurs y ont autrefois profité davantage car il en a bien fait enterrer. [37] Il y a grande apparence que c’est un brutum fulmen [38] que ces monitoires [114] et que personne n’en est excommunié, vu que de tous, tant que nous sommes, il n’y en a pas un qui ne blanchisse ou ne grisonne ; et néanmoins l’on dit que quand un homme est excommunié, il devient plus noir que poivre. On dit que le Gazetier [115] ne répond point à M. Perreau. [2] Un autre, nommé de Mersenne, [116] avait fait espérer qu’il écrirait pour l’antimoine. Et après avoir reçu beaucoup de mémoires de plusieurs de cette cabale pour tâcher de se défendre et de justifier leur poison, il a enfin retiré son épingle du jeu et a rendu tous ses mémoires à Saint-Jacques [117] qui est celui qui est cause de tout le désordre ; car c’est lui qui a fourré, inconsulta Facultate[39] dans le Codex medicamentarius [118][119] son vinum emeticum, d’où est venu tout le bruit ; [120] et qui pour défendre ce forfait, a falsifié les registres de la Faculté l’an 1637, et la fausseté est toute notoire, outre qu’elle est attestée par les experts à qui elle a été montrée ; et qu’il a été publiquement appelé faussaire dans les deux livres de MM. Merlet [121] et Perreau, et dans le latin que M. Blondel [122] a mis à tous les deux, [40] sans qu’il se soit mis en peine de se purger de ce crime. On dit aussi que c’est lui qui a dit autrefois qu’il viendrait des verges de dehors qui nous sangleraient bien, ce que l’on interprète du livre de Courtaud [123] où il y a tant d’injures ; et y a grande apparence que c’est lui, Guénault, le Gazetier et tels autres qui y ont fourré tant de fleurs de rhétorique médisante. Des Gorris [124] en est aussi soupçonné, et le crois aisément, et M. Guillemeau aussi qui m’a dit ce matin qu’il a envoyé à M. Guillemin [125] douze exemplaires de son dernier livre afin qu’il en eût pour donner à Messieurs ses collègues, mandez-moi si vous en avez eu. [41]

Je ne vois plus le jeune Sanche [126] de deçà, je pense qu’il est retourné à Montpellier. [127] Ces chaires sont-elles disputées ? y a-t-il quelqu’un qui en soit pourvu ? M. Courtaud fait-il quelque chose de nouveau, aurons-nous la vie de son oncle M. Héroard ? [128] j’ai bien envie de voir cela. Quand sera achevé le Sennertus de M. Ravaud ? Aurai-je bientôt par son moyen le Matthiæ Martinii Lexicum etymologicum sacrum ? [129] Je l’espère dans peu de temps par son moyen comme il me l’a fait espérer, je vous prie, ni tibi grave fuerit[42] de lui en toucher un petit mot et de me mander ce qu’il vous en aura répondu par votre première afin que, si je ne le puis avoir bientôt par cette voie, j’en fasse venir par quelque autre. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce 13e de juillet 1655.

L’on dit qu’un amiral anglais nommé Penn, [130] avec 60 vaisseaux et 15 000 Anglais dedans, a passé la ligne et s’en va aux Indes Occidentales [131] y prendre Mexico et autres fortes places, à dessein de chasser les Espagnols de toute l’Amérique ; [43][132] et que l’ambassadeur d’Espagne s’est retiré de Londres à Bruxelles, [133] fort malcontent de Cromwell ; [44] et que 20 autres vaisseaux anglais viennent à Nice [134] pour obliger la duchesse de Savoie de leur faire raison du massacre qu’elle a fait faire de tant de pauvres innocents dans la vallée d’Angrogne. [45][135] Je vous supplie d’avoir soin de celle que trouverez ici même pour M. Huguetan l’avocat.

Il est mort dans le Châtelet ce matin un insigne voleur nommé Beaujobil, [136] des blessures qu’il reçut lorsqu’il fut arrêté il n’y a que cinq jours.

On dit que c’est aujourd’hui, 13e de juillet, que ceux qui sont dans Landrecies ont promis de se rendre s’ils ne sont secourus, nous en aurons demain des nouvelles. Vale et me ama[46]

On dit que dès que Landrecies sera prise, le roi reviendra à Paris puis ira à Fontainebleau [137] y passer son temps, tandis que le Mazarin ira à Bourbon [138] prendre des eaux pour sa néphrétique. [139]

Il faut que je vous fasse rire et pitié tout ensemble : les pauvres antimoniaux [140] ne savent où ils en sont, ils cherchent un homme qui écrive pour leur parti ; Tardy [141] leur demande 200 pistoles, et la moitié d’avance, pour faire un livre sur leurs mémoires ; sachant bien qu’il est fou, ils n’osent s’y fier et en cherchent quelque autre. Jugez de quelle capacité est toute cette troupe stibiale, qu’ils n’y peuvent trouver un homme qui défende leur parti. Voilà où en est réduite l’iniquité, la forfanterie et le mensonge.


a.

Ms BnF no 9357, fos 175‑176 ; Reveillé-Parise, no cclxxiii (tome ii, pages 189‑192).

1.

Le manuscrit porte « 23e de juin », qui en 1655 fut un mercredi. Sur la foi de la date de la précédente lettre, j’ai corrigé 23 en 22.

2.

V. notes [6], lettre 394, pour l’Alethophanes de François Blondel et [3], lettre 380, pour Le Rabat-joie de l’Antimoine triomphant de Jacques Perreau contre Eusèbe Renaudot.

3.

En mars et août 1650, Jacques Guyonnet de La Mothe avait été un des députés du parlement de Bordeaux auprès de celui de Paris pour se plaindre des mauvais traitements que le duc d’Épernon et le cardinal Mazarin faisaient endurer à la Guyenne (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome i, pages 239 et 298).

Paul ii Scarron a parlé de lui dans une lettre à M. Sarrazin, parlant de l’amour que son correspondant éprouvait pour une Bordelaise, nommée Mlle de Viger (Les Dernières œuvres de Monsieur Scarron… Lyon, Claude de La Roche, 1697, in‑8o, tome premier, page 8) :

« Jusqu’à cette heure, on n’avait point cru dans Paris qu’il y eût personne dans Bordeaux capable de donner de l’amour que M. Guyonnet,

Que l’on vante partout si fort,
De qui le mérite est si rare
Et de qui l’œil sans dire gare,
Frappe d’abord
.

Mais après avoir lu votre lettre, je n’ai point de peine à croire que lorsque Mademoiselle de Viger se voudra servir de tout son pouvoir, elle fera pour le moins autant d’esclaves que Guyonnet a fait de malheureuses, et se vengera pleinement sur les pauvres hommes de tous les ravages que ce dangereux Bordelais a faits sur celles de son sexe. »

4.

V. note [2], lettre 403, pour le siège de Landrecies qui avait débuté le 19 juin.

5.

Nouvelle allusion aux Pâques piémontaises : v. note [11], lettre 403.

Outre ses autres ripostes (v. note [14], lettre 405), Cromwell avait lancé le 4 juin une collecte nationale de fonds pour secourir les vaudois (Plant).

Luserne est Luserna San Giovanni (Luserne et Saint-Jean, Piémont), dans le val Pellis, qui était une des trois vallées vaudoises.

6.

Montreuil (Pas-de-Calais) qu’on appelle aussi Montreuil-sur-Mer, à 10 kilomètres dans les terres, était alors un port relié à la Manche par la Canche dont le lit est aujourd’hui en grande partie ensablé.

7.

Benedicti Silvatici, patritii Patavini, equitis D. Marci, in celeberrimo lyceo patrio Medicinæ praticæ professoris supraordinarii, Consiliorum et responsorum medicinalium centuriæ quatuor, quibus rari casus proponuntur, pluresque difficultates elucidantur ; additis indicibus locupletissimis. Accessit eiusdem Methodus consultandi.

[Quatre centuries de consultations et de réponses médicales de Benedictus Silvaticus, {a} patricien de Padoue, chevalier de Saint-Marc, {b} professeur extraordinaire de médecine pratique dans la célèbre université de sa patrie ; où sont présentés des cas rares, et éclaircies grand nombre de difficultés ; de très riches index y ont été ajoutés. Avec, du même auteur, une méthode pour consulter]. {c}


  1. Benedetto Silvatico (Padoue 1574-ibid. 1658).

  2. V. note [53] de l’Autobiographie de Charles Patin.

  3. Padoue, Paulus Frambottus, 1656, in‑fo ; réédition à Genève, Jean-Antoine et Samuel de Tournes, 1662, in‑fo.

    Le somptueux portrait de l’auteur en sa 81e année d’âge est accompagné de cette légende :

    silvaticvs magni pandens oracvla coi
    arte salvtari nvmen in orbe refert.
    Jo. Rhod.

    Illustrissimis Viris Antonio Canonico, Aloysio Artium Præfecto, et
    Petro Silvatico fratribus observantiæ monumentum
    Paulus Frambottus DD
    .

    [silvatico, répandant les oracles de cos, {i} révèle au monde l’injonction divine dêtre sauvé par l’art. Jo. Rhod. {ii}

    Paulus Frambottus {iii} dédie cette marque de respect à ses très illustres frères, le chanoine Antonio, Alvise, préfet des arts, et Pietro Selvatico].

    1. Les oracles d’Hippocrate.

    2. Johannes Rhodius, professeur danois de médecine à Padoue, v. note [1], lettre 205.

    3. Paolo Frambotti, imprimeur de l’ouvrage, v. note [12], lettre latine 17.

8.

V. note [1], lettre 205, pour le Scribonius Largus de Johannes Rhodius (Padoue, 1655).

Les ouvrages de Giacomo Filippo Tomasini (v. note [28], lettre 277) sont :

9.

V. note [11], lettre 78, pour le commentaire de Pietro Francisco Frigio (Petrus Franciscus Phrygius) sur les Épidémies d’Hippocrate (Lyon, 1643), dont je n’ai pas trouvé la seconde partie mentionné par Guy Patin. Je n’ai pas non plus identifié d’atlas « sur la Gaule antique » qui ait été imprimé en Italie vers 1655 et dédié au roi d’Espagne.

10.

Matteo Naldi, médecin natif de Sienne (mort en 1682), se rendit célèbre par ses vastes connaissances dans les langues orientales. Après avoir enseigné à Pise, il devenait premier médecin du pape Alexandre vii (après avoir été son médecin au temps où il était le cardinal Fabio Chigi). Cette haute dignité ne l’empêcha pas de donner des cours à Rome dont il contribua beaucoup à faire fleurir l’Université.

V. note [9], lettre 283, pour Giovanni Nardi, médecin florentin.

11.

V. notes [30], lettre 398, pour les lettres de Charles Le Noble « sur les veines lactées et thoraciques », et [19], lettre 407, pour le nouveau libelle de Charles Guillemeau contre Siméon Courtaud, intitulé Margarita scilicet…

12.

Réédition à Genève (Tournes, 1654, in‑4o) des 16 Exercitationes de Rebus sacris et ecclesiasticis … [Essais sur les Affaires sacrées et ecclésiastiques…] d’Isaac Casaubon contre le cardinal Baronio (Baronius) (v. note [18], lettre 318).

13.

Guy Patin a expliqué plus loin dans la lettre que quand un homme est excommunié, il est réputé devenir « plus noir que poivre ».

14.

Elementorum Philosophiæ sectio prima de Corpore. Autore Thoma Hobbes Malmesburiensi.

[Première partie des éléments de philosophie : du Corps. Par Thomas Hobbes, {a} natif de Malmesbury]. {b}


  1. V. note [1], lettre 267.

  2. Londres, Andreas Crook, 1655, in‑8o de 304 pages. Cet ouvrage ne traite pas du corps humains, mais des corps en général, animés comme inanimés ; il est divisé en quatre parties :

    1. Logica [Logique] ;

    2. Philosophia prima [Philosophie première] ;

    3. De Rationibus Motuum, et Magnitudinum [Les raisons des mouvements et des grandeurs] ;

    4. Physica sive de Naturæ Phænomenis [Les phénomènes de la nature].

15.

« évêque d’Armagh ».

James Ussher (Usserius, Dublin 1580-Riegate, Surrey, 21 mars 1655) était fils d’un greffier de la chancellerie d’Irlande. Passionné de controverses théologiques, il était entré dans le ministère évangélique et s’était livré avec succès à la prédication. Ses talents et la faveur du roi Jacques ier lui avaient valu successivement une chaire de théologie à l’Université de Dublin (1607), la dignité de chancelier de l’église de Saint-Patrick, l’évêché de Meath (1620), la place de membre du Conseil privé d’Irlande (1623) et en 1624, l’archevêché d’Armagh. Il montrait un grand zèle contre les catholiques, s’opposait à ce qu’on rendît un acte de tolérance en leur faveur et écrivait contre eux. Constamment fidèle a la cause royale, il avait manifesté une vive douleur lors de l’exécution de Charles ier, après laquelle il se vit privé des revenus de son archevêché par la révolte catholique d’Irlande et en même temps, persécuté par les parlementaires. La France lui offrit un asile, la liberté de conscience et une pension considérable ; mais n’ayant pu passer sur le continent, Ussher se réfugia à Londres chez la comtesse de Peterborough qui lui donna asile dans une de ses maisons de campagne où il termina ses jours. Il fut enterré à Westminster.

Les travaux les plus connus d’Ussher ont porté sur la chronologie biblique, il a donné le 23 octobre de l’an 4004 av. J.‑C. pour date de la création du monde. Il avait participé à la préparation de la Biblia sacra polyglotta de Brian Walton qui parut à Londres en 1657 (v. note [33], lettre 525).

16.

Hector d’Ouvrier, mort le 20 juin 1655, v. note [7], lettre 244.

17.

Massay (Cher), à 38 kilomètres de Bourges, abrite l’abbaye bénédictine Saint-Martin, fondée au viiie s., dont l’abbé Bourdelot était alors commendataire.

18.

« On dit ironiquement faire imposition de mains sur quelqu’un pour dire le battre, l’outrager » (Furetière).

19.

« comme si c’était chose nouvelle ».

20.

Évangile au féminin est « un extrait tiré [des évangiles de la Sainte Écriture] qui est inséré dans la messe, pendant laquelle tout le monde se tient debout par respect. La première évangile est l’évangile du jour. La deuxième évangile est le commencement du livre de saint Jean qui parle de l’Incarnation » (Furetière).

21.

Les deux libraires associés de Lyon, Jean-Antoine ii Huguetan et son beau-frère, Marc-Antoine Ravaud, éditaient alors le « [Le grand] Amphithéâtre de la vie humaine » de Laurens Beyerlinck (v. note [36], lettre 155) et les Opera omnia de Daniel Sennert (1656, v. note [33], lettre 285). Pour l’édition complète des œuvres de Pierre Gassendi, Guy Patin les voyait bien se substituer à leur collègue Guillaume Barbier s’il se révélait incapable de satisfaire les exigences de l’auteur.

22.

« qui n’a en lui ni mauvaise foi, ni fourberies » ; Évangile de saint Jean (1:47) :

Vidit Iesus Nathanael venientem ad se, et dicit de eo : Ecce vere Israelita, in quo dolus non est.

[Jésus vit Nathanaël {a} qui s’approchait de lui et dit à son propos : “ Voici vraiment un israélite, {b} il n’y a pas en lui de fourberie. ”]


  1. Disciple galiléen du Christ, identifié à l’apôtre Barthélemy, par références aux trois autres évangiles.

  2. Israélite avait au xviie s. le même sens qu’aujourd’hui, mais on employait aussi l’expression bon israélite, sans allusion à l’appartenance religieuse, pour dire d’un homme qu’il était « bon, franc et sincère, craignant Dieu, et aimant la justice » (Furetière), à l’image de Nathanaël.

    Au sein de la Faculté de médecine, Guy Patin s’en servait surtout pour désigner les membres de son parti, opposé à l’antimoine, et pour les séparer des antimoniaux qu’il surnommait les samaritains (v. note [18], lettre 488).


23.

« auxquelles nos bourgeois ne sont que trop sujets pour leur intempérie bilieuse et leur ivrognerie. »

Virey in Panckoucke, 1812 :

« La plus éminente qualité de l’aloès {a} est d’offrir un médicament purgatif et drastique, même d’agir à petite dose, puisque souvent un ou deux grains d’aloès excitent une selle ; mais il a l’inconvénient grave de produire des coliques et d’agir spécialement sur le système vasculaire intestinal ; c’est pourquoi, si l’on en use fréquemment ou à forte dose, il ne manque guère de solliciter le flux hémorroïdal ou des évacuations alvines {b} mêlées de sang. »


  1. V. note [8], lettre 169.

  2. Matières fécales, selles.

24.

Faire le fin : « ne vouloir pas expliquer ses sentiments. Il fait le fin avec moi de cette amour, il ne m’en a jamais voulu faire confidence. Ce mot en ce sens vient du langage celtique ou bas-breton, où fin signifie cauteleux [méfiant] » (Furetière).

V. note [36], lettre 395, pour la Pharmacopœia de Schroderus (Johann Schröder). Dans son Dictionnaire de médecine (1824), Nysten décrit plusieurs variétés de pilules purgatives contenant de l’aloès : pilules stomachiques (aloès et quinquina, ou pilules ante-cibum, dites gourmandes, v. note [24], lettre 332) ; pilules de Rufus (aloès et myrrhe) ; pilules bénites de Fuller (aloès et substances fétides) ; pilules de Stahl ; pilules écossaises d’Anderson…

25.

Par « ses changes », Guy Patin entendait les affaires (échanges) du libraire lyonnais Jean-Baptiste Devenet, qu’il sollicitait ici pour éditer les œuvres complètes de Thomas Lieber, dit Éraste, projet qui avait jusque-là échoué (v. note [8], lettre 358).

26.

Tunis (Trévoux) :

« capitale du royaume de Tunis en Barbarie. […] Cette ville est une des plus considérables de l’Afrique. Elle a la forme d’un carré long, dont le circuit est de cinq mille pas ; ses murailles ont quarante coudées de hauteur et elles sont flanquées de tours. Elle est défendue par une citadelle située sur une hauteur, du côté du couchant. Il n’y a point d’autre eau douce à Tunis que celle des citernes, et quelques puits ou fontaines aux environs de la ville, dont les eaux sont partie conservées pour les officiers de la ville et partie vendues aux habitants ; cela n’empêche pas qu’elle ne soit bien peuplée de Mores, de Turcs, de Juifs et de Chrétiens esclaves. Elle est fort marchande ; les Vénitiens, les Génois et d’autres y font beaucoup de commerce ; mais elle est infâme, à cause des pirateries de ses habitants. Louis ix, {a} roi de France, mourut de peste en assiégeant cette ville l’an 1270. Charles Quint la prit l’an 1535 et la rendit au roi de Tunis. Les Turcs s’en rendirent les maîtres l’an 1570, mais maintenant elle se gouverne en république, ayant son Conseil et son dey ou prince, qui est électif. Elle est pourtant sous la protection du Turc qui y tient un bacha, dont le pouvoir est très petit. »


  1. Saint Louis.

27.

En février 1655, à la tête d’une puissante flotte anglaise, l’amiral Robert Blake s’était rendu à Tunis réclamer les prisonniers britanniques qui y étaient retenus en esclavage. Devant le refus du dey, Blake s’en était allé attaquer l’escadre turque ancrée à Porto Fariña (aujourd’hui Gar el Mehl, sur la côte nord-est de Tunisie), qu’il avait coulée le 14 avril sans pour autant obtenir la libération qu’il était venu réclamer à coups de canon. L’amiral continuait sa navigation en Méditerranée à l’affût de navires turcs à attaquer. Sur ordre secrets, les vaisseaux espagnols figuraient aussi parmi ses proies (Plant).

28.

V. note [9], lettre 218, pour Wilhelm vi, landgrave de Hesse-Kassel.

29.

La Poméranie était une province du Cercle de la Haute-Saxe en Allemagne, riveraine de la mer Baltique, comprise entre la Pologne à l’est, le duché de Mecklenbourg à l’Ouest, et le marquisat de Brandebourg au sud. Depuis la guerre de Trente Ans, la Poméranie était un sujet d’âpres querelles entre les Suédois, les Brandebourgeois et les Polonais.

En 1529, le duc George ier de Poméranie avait fait un traité de substitution mutuelle avec l’électeur de Brandebourg. La race des ducs s’étant éteinte en 1637, la Poméranie devait tomber entre les mains des électeurs de Brandebourg. Cependant, le dernier duc, Boguslaw xiv, opprimé par l’armée impériale, avait appelé à son secours Gustave-Adolphe, roi de Suède qui s’était rendu maître du pays en chassant les Impériaux. Boguslaw, reconnaissant, avait fait un testament en faveur du Suédois pour exclure les électeurs de Brandebourg de sa succession. Rois de Suède et électeurs de Brandebourg prétendirent donc également au duché de Poméranie.

La paix de Westphalie avait réglé cette querelle en laissant à la Suède une partie de la Poméranie pour la dédommager en partie des villes qu’elle rendait ; le reste avait été adjugé à l’électeur de Brandebourg, à condition qu’il reviendrait à la Suède si la branche électorale de Brandebourg venait à s’éteindre. Ainsi la Poméranie fut-elle divisée en Poméranie royale, suédoise, et en Poméranie ducale, brandebourgeoise (Trévoux).

Cette scission restait une source intarissable de disputes entre les deux souverainetés, auxquelles leurs voisins polonais se mêlaient volontiers.

30.

Dantzig (Gdańsk), grand port hanséatique (v. note [16], lettre 392) de la Baltique, sur l’embouchure occidentale de la Vistule, était depuis le milieu du xve s. une grande ville de Pologne, mais libre et majoritairement peuplée d’Allemands.

31.

Hérodote (Halicarnasse, aujourd’hui Bodrum en Turquie vers 484 av. J.‑C. vers 420) a été surnommé le père de l’histoire par Cicéron car, sous le titre d’Histoires (mot dérivé de Ιστορια, Enquête), il a le premier écrit neuf livres en prose grecque sur l’ensemble de l’humanité antique d’Occident.

Henri ii Estienne, dit le Grand, seigneur de Grière (Paris 1528-Lyon 1598), imprimeur et érudit, fils aîné de Robert i (v. note [7], lettre 659), appartenait à la grande famille des Estienne (v. note [8], lettre 91). Installé à Genève à partir de 1557 où il tenait une librairie distincte de celle de son père, il édita, commenta et publia un nombre immense d’ouvrages grecs et latins, dont les Herodoti Halicarnassei Historiæ lib. ix… Apologia Henr. Stephani pro Herodoto… [Les neuf livres de l’Histoire d’Hérodote d’Halicarnasse… Apologie de Henri Estienne pour Hérodote…] (Genève, 1566, v. notule {c}, note [59] du Faux Patiniana II‑4) ; il y plaidait pour la véracité des dires de l’historien, ce qui lui valut, avec d’autres de ses productions, les vives remontrances du Conseil de Genève.

L’année suivante paraissait L’Introduction au traité de la conformité des merveilles anciennes avec les modernes. Ou Traité préparatif à l’Apologie pour Hérodote. L’argument est pris de l’Apologie pour Hérodote, composée en latin par Henri Estienne, et est ici continué par lui-même (Anvers, Heinrich Wandellin, 1567, in‑8o) qui regorge de médisances calvinistes et érudites contre les moines. Guy Patin faisait probablement allusion à ce passage (page 274) :

« Et comment appellerons-nous le tour que joua le frère frappart (de ceux qui vont demandant s’il n’y a rien pour les pourceaux de saint Antoine) à la bouchère calabraise quand, pour deux glands qu’il donna aux deux pourceaux d’icelle, il emporta une pièce de toile ? Mais je garderai ce conte pour l’endroit où je parlerai des miracles supposés et pour le présent, ajouterai-je un seul autre larcin, mais qui est de telle façon qu’on n’ait point parlé d’un semblable ; de sorte que s’il fallait parangonner [comparer] les larrons ecclésiastiques (s’il est licite d’ainsi parler) avec les lais ou séculiers, ce fait pourrait être cause que les ecclésiastiques emporteraient le prix. Car combien qu’anciennement on parlait assez communément de ceux qui allaient aux tombeaux pour dérober les morts (lesquels étaient appelés en grec tyravorychi, comme qui dirait fouissants aux tombeaux), toutefois on s’est depuis contenté de dérober les vifs, au moins s’en sont contentés les séculiers. Mais les moines de l’abbaye de Bourgmoyen à Blois montrèrent bien qu’ils ne voulaient en rien céder à l’antiquité en cet endroit quand ils déterrèrent le corps d’une femme qui avait été enterrée en leur église afin de dérober la bière de plomb en laquelle on l’avait mise. Voilà comment les moines font vrai ce proverbe, L’Église prend du vif, du mort, {a} non seulement en la sorte que tous les jours on leur voit pratiquer, mais aussi en l’autre, à savoir en l’interprétant selon la lettre. »


  1. Le dicton complet est :

    Trois choses sont tout d’un accord,
    L’Église, la Cour, et la Mort,
    L’Église prend du vif, du mort,
    La Cour prend le droit et le tort,
    La Mort prend le faible et le fort
    .

Le plus célèbre ouvrage du Grand Estienne est son Θησαυρος της Ελληνικης γλωσσης, Thesaurus Græcæ linguæ, ab Henrico Stephano constructus. In quo præter alia plurima quæ primus præstitit, (paternæ in Thesauro Latino diligentiæ æmulus) vocabula in certas classes distribuit, multiplici derivatorum serie ad primigenia, tanquam ad radices unde pullulant, revocata [Trésor de la langue grecque, établi par Henri Estienne. Où (en émule de la diligence que son père a appliquée au Trésor latin), parmi bien d’autres choses qu’il a été le premier à accomplir, il a classé les mots en certaines catégories, de manière que la suite ramifiée de leurs dérivés les rattache à leur origine, comme aux racines d’où ils ont pullulé] (sans lieu [Genève], Henri Estienne, 1572, 4 volumes in‑fo, dictionnaire grec, alphabétique et étymologique rédigé en latin), avec cet exergue :

Thesaurus Lectori,
Nunc alii intrepide vestigia nostra sequantur :
Me duce plana via est quæ salebrosa fuit
.

Le Trésor au lecteur,
Maintenant les autres suivront intrépidement nos traces :
quant à moi, c’est le chemin rocailleux que j’ai emprunté.

V. notes [34] et [35] du Borboniana 8 manuscrit pour d’autres informations sur Henri ii Estienne, qui fut le beau-père d’Isaac Casaubon (v. note [7], lettre 36).

32.

« Observations sur le Manuel anatomique et pathologique de Jean ii Riolan » (v. note [30], lettre 282).

33.

« des médicaments tant altérants que purgatifs, tant simples que composés » (v. note [7], lettre 402).

34.

« sur la composition des médicaments selon les lieux » (v. note [22], lettre 527).

35.

Janus Cornarius (Johann Haguenbot ou Hainpol), médecin allemand (Zwickau, Saxe vers 1500-Iéna 1558) et ami d’Érasme, a traduit et commenté Hippocrate, Dioscoride, Galien et bien d’autres auteurs médicaux grecs de l’Antiquité.

36.

« ainsi son souvenir disparaîtra-t-il avec fracas » : Periit memoria eorum cum sonitu (Psaumes, 9:7).

37.

Pour dire que l’antimoine, ayant beaucoup tué, a fait gagner bien de l’argent aux sonneurs de cloches pour les funérailles. V. note [18], lettre 405, pour les réaggraves.

38.

« une foudre aveugle [v. note [20], lettre 405] » ; v. note [17], lettre 398, pour les monitoires.

39.

« sans avoir consulté la Faculté » ; durant son décanat (1636-1638), Philippe ii Hardouin de Saint-Jacques (v. note [15], lettre 54) avait fait inscrire l’antimoine (vin émétique, vinum emeticum) dans le Codex de la Faculté de médecine de Paris (1638, v. note [7], lettre 122).

40.

V. notes [3], lettre 346, et [3], lettre 380, pour les livres de Jean Merlet et de Jacques Perreau contre l’antimoine, tous deux assortis de vers latins composés par le furieux François Blondel.

41.

V. note [19], lettre 407, pour le nouveau libelle de Charles Guillemeau contre Siméon Courtaud, intitulé Margarita scilicet…

42.

« si ça ne vous dérange pas ». V. note [9], lettre 238, pour le « Dictionnaire étymologique sacré de Matthias Martini »

Le Genius Pantoulidamas (Paris, 1654, v. note [35], lettre 399) contient une biographie de Jean Héroard, écrite en latin par les Montpelliérains (mais non par son neveu Siméon Courtaud, v. note [15], lettre 398). Elle est transcrite, traduite et commentée dans Les deux Vies latines de Jean Héroard, premier médecin de Louis xiii.

43.

William Penn (Bristol 1621-16 septembre 1670) était entré de bonne heure dans la marine et avait été promu vice-amiral à 31 ans. En 1653, il s’était distingué dans le combat livré près de l’île du Texel contre les Hollandais et qui avait coûté la vie à leur amiral, Maarten Tromp (v. note [30], lettre 324). L’année suivante, Cromwell lui avait confié le commandement d’une escadre envoyée dans les Antilles. Il avait capturé un grand nombre de navires hollandais, attaqué vainement Hispaniola (Saint-Domingue) et s’était emparé de la Jamaïque (27 mai 1655).

Contrairement à ce que rapportait Guy Patin, Penn ne poursuivit pas sa campagne vers le Mexique (ce qui ne lui aurait pas fait « passer la ligne », c’est-à-dire franchir l’équateur ou ligne équinoxiale), mais ramena sa flotte en Angleterre sans en avoir reçu l’ordre. À son retour, il fut accusé de désertion et emprisonné quatre mois dans la Tour de Londres. Il devint en 1660 membre du Parlement et commissaire de l’Amirauté. Commandant en second de la flotte qui, sous les ordres du duc d’York, battit les Hollandais à plate couture en 1664, son mauvais état de sa santé le contraignit à prendre sa retraite en 1669. Vers la fin de sa vie, il se rapprocha des doctrines libérales et démocratiques qu’avait embrassées son fils William Penn (1644-1718), le quaker qui fonda la Pennsylvanie (G.D.U. xixe s.).

44.

Excédée par les attaques de la flotte anglaise en Méditerranée et aux Antilles, l’Espagne avait rappelé son ambassadeur, le marquis de Lede, qui avait quitté Londres le 22 juin (Plant).

45.

Angrogne (Angrogna) est une petite ville des vallées piémontaises, dont le temple vaudois du Ciabas avait été incendié pendant les Pâques piémontaises (v. supra note [5]).

46.

« Vale et aimez-moi. »

V. note [2], lettre 403, pour la reddition de Landrecies, le 14 juillet.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 13 juillet 1655

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(Consulté le 29/03/2024)

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