L. 414.  >
À André Falconet,
le 30 août 1655

Monsieur, [a][1]

Je vous remercie de votre dernière et de la continuation de votre amitié. Le livre de M. Riolan [2] contre Pecquet [3] sera bientôt achevé. [1][4][5] On dit que Pecquet menace de dire bien des injures à M. Riolan, c’est signe qu’il n’aura guère de raisons de reste. [2] Je montrai votre lettre à M. Guillemeau. [6] M. Riolan s’en va faire une nouvelle édition de son Encheiridium anatomicum et pathologicum in‑8o [7] augmenté d’une quatrième partie, et même de plus si sa santé le lui permet, et cela sera fort bon. [3] La peste [8] continue d’être bien forte à Leyde. [9] Comment se porte M. Choulier [10] le jeune, que vous a-t-il dit de moi, putasne perventurum ad bonam frugem, tam mollem, adeo despondentem adolescentem ? [4]

Je vous remercie du quatrain de Nostradamus, [11] que plusieurs m’avaient ici montré. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les fous prophétisent, sans ce qu’ils feront ci-après. Tout ce qu’a fait ce Nostradamus ne sont que des rêveries et des rébus de Provence. Je trouve fort bon ce distique que vous m’avez cité contre lui, mais il est un peu autrement dans le recueil des vers du propre auteur, et meilleur ce me semble :

Nostra damus, cum verba damus, nam fallere nostrum est :
Et cum verba damus, nil nisi Nostra damus
[5]

Qui pensez-vous être l’auteur de ce quatrain ? Les huguenots, [12] entre autres Frid. Spanheim [13] in Dubiis evangelicis[6] qui est un très bon et curieux livre, l’attribuent à Théodore de Bèze, [14] mais cela n’est pas ; le vrai auteur en est un Carolus Utenovius, [15] des poèmes duquel on trouve un petit recueil que j’ai céans. C’est le même nom de celui à qui le grand Buchanan [16] a dédié son Franciscanus et fratres fraterrimi[7][17]

Nous attendons ici des nouvelles de Pavie, [18] mais on dit qu’elles ne seront pas à notre avantage. Des Anglais et de la flotte d’Espagne dans l’Amérique [19] septentrionale, il n’y a encore rien de certain. On dit que le roi [20] doit aujourd’hui aller à La Fère [21] y revoir la reine [22] pour se réjouir de ses nouvelles conquêtes avec elle et entre autres, des prises de Condé [23] et de Saint-Ghislain ; [24] que delà, il ira à Compiègne [25] où le duc de Mantoue [26][27] se rendra et où l’on fera de belles comédies. [8] Le désordre est grand en Pologne où trois provinces se sont révoltées, et le roi de Suède [28] y est entré avec 50 000 hommes. [29] Toto sævit Mars impius orbe[9][30] Je vous baise mille fois les mains et suis de toute mon âme, Monsieur, etc.

De Paris, ce 30e d’août 1655.


a.

Bulderen, no xcix (tome i, pages 258‑260) ; Reveillé-Parise, no ccccxxxvi (tome iii, pages 50‑51).

1.

Ioannis Riolani, Doctoris Medici Parisiensis, et regiorum professorum decani, Responsiones duæ : Prima, ad Experimenta nova Ioannis Pecqueti, Doctoris Medici Monspeliensis ; Altera ad Pecquetianos duos Doctores Parisienses, adversus sanguificationem in Corde, sive Refutatio Panegyreos Apologeticæ pro Pecqueto, adversus Riolanum, Antiquiorem Scholæ Parisiensis Magistrum, ab illis infamatum. Accessit eiusdem Riolani Iudicium novum de Venis Lacteis, et Caroli Le Noble, Doctoris Medici Rothomagensis Observationes raræ et novæ de venis lacteis thoracicis, ubi sanguificandi officium hepar restituitur, adversus eundem Pecquetum, et alios eius fautores.

[Deux réponses de Jean ii Riolan, docteur de la Faculté de médecine de Paris et doyen des professeurs royaux : la première aux expériences nouvelles de Jean Pecquet, docteur en médecine de Montpellier ; la seconde à deux docteurs pecquétiens de Paris {a} contre la sanguification dans le cœur, ou Réfutation du Panégyrique apologétique pour Pecquet, contre Riolan, ancien maître de l’École de Paris qu’ils ont diffamé. S’y ajoutent le nouveau jugement du dit Riolan sur les vaisseaux lactés et les rares et nouvelles Observations de Charles Le Noble, docteur en médecine de Rouen, sur les vaisseaux lactés thoraciques, où la fonction de sanguification du foie est réhabilitée contre le même Pecquet et d’autres de ses partisans]. {b}


  1. V. note [4], lettre 360, pour les révolutionnaires Experimenta nova anatomica… [Expériences anatomiques nouvelles…] de Jean Pecquet (Paris, 1651 et 1654).

    Ses défenseurs, les deux « docteurs pecquétiens » (v. note [4], lettre 360) de Paris à qui s’en prenait vigoureusement Riolan, étaient Jacques Mentel et Pierre de Mersenne.

  2. Paris, Gaspard Meturas, 1655, in‑8o de 158 pages, privilège daté du 7 septembre 1655.

Dans son Monitum ad lectorem [Avertissement au lecteur], Riolan laisse libre cours à sa colère : on avait osé brocarder son portrait, alors il réglait ses comptes, avec même le relent dérangeant de cette fureur vindicative qu’on dénomme aujourd’hui paranoïa. L’assaut est bref mais percutant :

Ioannis Riolani Effigies fideliter expressa vestibulo Libri præfixa est, non tanquam apotropæum, vel caput Medusæ, vel ut inane aliquod terriculamentum avium, quale solet in agro seminato interferi, sed ut meis Adversariis ostenderem, meisque Lectoribus, meam faciem non esse adeo defromem et horridam, rugis aratam in corpore senili, capulari, ut vocant silicernio, caliginoso, ingenio fatiscente, et hebescente, qualem me depingunt. Novus hic Liber, index mei ingenij superstitis Anatomici, qualis sim in hac Arte, et in hac ætate provecta, testari poterit, simulque meum Encheiridium Anatomicum, quarta parte auctum, quod istam editionem sequetur, indicabit. Idcirco intrepidus et audacter de me pronuntio,

Non sum adeo informis, nuper me in littore vidi
Cum placidum ventis staret mare non ego ternis
Hostibus
offensus timeo, nec fallit imago.

Hostibus offensus timeo, nec fallit imago. Non dubito meos Adversarios meam hanc Effigiem conspurcaturos, tanquam cacatam chartam, quod fecisse legitur Zoïlus, qui Homeri statuam flagellavit, referente Galeno : sed illius astum imitabor, qui Pardum, atrocissimum animal, suis retibus captaturus, Effigiem hominis (quem naturaliter odit) chartaceam, ei ostentat et opponit ; quam inepte mordet et discerpit : at venator retro tabulam stans, animalis stultitiam ridet, et illud suffocat.

« Le portrait de Jean Riolan, fidèlement dessiné, est placé en tête du Livre, {a} non pas comme un amulette {b} pour détourner les mauvais génies, ou comme une tête de Méduse, ou quelque stupide épouvantail à moineaux tel qu’il est ordinaire d’en planter dans un champ où l’on a semé, mais pour bien montrer à mes adversaires, et à mes lecteurs, que mon visage n’est pas aussi difforme et horrible qu’ils le dépeignent, rongé de rides en un corps sénile qui a un pied dans la tombe, comme on dit d’un cadavre ambulant, dont l’intelligence va s’émoussant et vacillant. Preuve que mon génie anatomique est toujours là, où que j’en sois dans cette science et à mon âge avancé, ce nouveau livre pourra résister, tout comme le montrera aussi mon Encheiridium anatomicum, {c} augmenté d’une quatrième partie, qui paraîtra bientôt après celui-ci. C’est pourquoi, je proclame hardiment et audacieusement à mon sujet

Non sum adeo informis, nuper me in littore vidi
Cum placidum ventis staret mare : non ego
ternis
Hostibus offensus timeo, nec fallit imago. {d}

Je ne doute pas que mes adversaires veuillent souiller mon portrait en s’en torchant le cul, comme fit Zoïle en flagellant la statue d’Homère, ainsi qu’on le lit dans Galien ; {e} mais j’imiterai, moi, l’astuce de celui qui, voulant capturer dans ses filets un léopard, animal très cruel, lui fait voir sur un papier l’effigie d’un être humain (à qui il veut naturellement du mal) ; alors le fauve stupide le mord et met en pièces, et le chasseur tapi derrière le tableau se rit de la sottise de l’animal et l’étouffe. »


  1. Avec un distique louangeur de Guy Patin, v. note [37], lettre 413.

  2. V. note [5], lettre 325, pour les remèdes préservatifs qu’on appelait amulettes (substantif masculin).

  3. V. note [5], lettre 408.

  4. « Je ne suis pas si affreux ; j’ai naguère sur le rivage vu mon reflet dans la glace d’une mer d’huile : le miroir ne trompe pas et je ne crains pas d’être insulté par trois ennemis » ; emprunt à Virgile (Bucoliques, églogue ii, vers 25‑27), dont Riolan a modifié la fin, qui est Daphnin/ iudice te metuam, si numquam fallit imago [je ne crains par, Daphnis, en te prenant pour juge, d’être jamais trompé par le miroir]).

  5. Galien, Méthode pour remédier, livre i, chapitre iii (Kühn, voume 10, page 18, traduit du grec) :

    At fortassis illud sibi gloriæ memoriæque occasionem fore est arbitratus, si optimis viris lacessitis, nos sibi, respondere cogeret. Verum ita est Zoïlus celeber clarusque fit, qui Homeri statuam flagellavit.

    [Qui s’est attaqué aux meilleurs des hommes, nous déclarera peut-être voir là une occasion de se rendre digne de gloire et de mémoire : ainsi Zoïle (v. note [5], lettre latine 221) est-il connu et même renommé pour avoir flagellé la statue d’Homère].


Au début de la Responsio altera (page 51), Riolan cite Aristote (Politicis, lib. 3, cap. 11), Medicum debere aliis rationem sui officii reddere [Le médecin doit rendre compte de sa charge aux autres], et le commente en ces termes :

Ad id provocatus fui a duobus Medicis Doctoribus Parisiensibus, Pecqueti Asseclis, et fautoribus, (sic enim se profitentur in titulo, et in fine istius libri famosi).

[À cela j’ai été provoqué par deux docteurs en médecine de Paris, sectateurs et partisans de Pecquet (ainsi qu’en effet ils se proclament dans le titre et à la fin de ce fameux livre)].

Mentel est abondamment et nommément cité dans tout l’ouvrage, mais non pas Mersenne. On lit page 141 l’extrait d’une lettre en français qu’Alcide Musnier a adressée à Guy Patin, datée de Gênes le 14 juillet 1655, contestant à Jean Pecquet la primeur de sa découverte, avec des témoignages suggérant que Gaspare Aselli (v. note [26], lettre 152) et Johann Vesling (v. note [19], lettre 192) l’auraient précédé :

« Ayant vu les vaisseaux lactés du mésentère et de la poitrine en un chien bien repu que je fis ouvrir et ayant lu le traité du sieur Carolus Le Noble qui les a observés dans les hommes, {a} je crois qu’il n’en faut plus douter. Il me déplaît de ce que le sieur Pecquetus ne s’étant pas voulu contenter de sa belle et glorieuse invention, il nous ait voulu de surplus enseigner de certains usages qu’il eût peut-être mieux valu remettre au jugement des hommes sages, comme Georgius Virsungus fit de son canal avec Monsieur Riolan. {b} Il me souvient d’avoir autrefois appris de Monsieur Magnenus, professeur à Pavie, que Gaspar Asellius étant encore en vie se vantait publiquement d’avoir trouvé de petites veines laiteuses dans la choroïde de l’œil ; {c} Et Veslingius de Padoue, en une sienne lettre qu’il écrivait au sieur Molinetus {d} bien auparavant que Pecquet nous eût publié son invention, fit une expresse, mais bien plus modeste commémoration de ces vaisseaux laiteux du thorax, dont voici les propres termes que ledit sieur Molinetus m’a fait l’honneur de me communiquer en une sienne lettre du 17e d’octobre 1654. Inter cetera, disait Veslingius, silere nequeo mihi obvenisse pridem in corpore humano perexilia pectoris vasa albi coloris, de quibus multa quidem cœpi cogitare, nihil tamen pronuntiare ausim, priusquam de iis me usus certiorem fecerit ; nosti enim, ut sibi plurimum indulgentes, rerum similitudine etiam periti subinde fallantur. {e} Je vous prie de communiquer cela à Monsieur Riolan, mon bon maître, et tout ensemble, de le saluer très humblement de ma part. »


  1. V. note [30], lettre 398.

  2. V. note [1] de la biographie de Moritz Hoffmann, pour Johann Georg Wirsung (Georgius Virsungus), anatomiste allemand de Padoue, dont le nom reste attaché au canal excréteur du pancréas dans le duodénum.

  3. La choroïde est la tunique moyenne de l’œil.

  4. Antonio Molineti, v. note [8], lettre de Charles Spon, le 10 juillet 1657.

  5. « Entre autres, je ne puis taire que, voilà déjà quelque temps, se sont présentés à moi dans le corps humain des vaisseaux très fins de couleur blanche, sur lesquels j’ai bien sûr commencé à beaucoup réfléchir ; pourtant je n’oserais rien en publier avant de m’être fait une opinion plus ferme sur leur fonction ; je sais en effet combien quantité de gens complaisants, même expérimentés, ont été souvent trompés par le rapprochement des faits. »

Pages 144‑149 est transcrit un Extrait d’un livre de feu Monsieur Naudé, imprimé à Paris, l’an 1649, intitulé Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin depuis le 6e de janvier jusqu’à la déclaration de 1er avril 1649, tirée de la page 173 et suivantes. Naudé entend y démontrer que Mentel est un imposteur quand il veut faire croire que l’imprimerie a été inventée par un de ses ancêtres (v. note [34], lettre 242).

Le livre se termine (pages 156‑158) par une Responsio ad anagrammatismum Riolani [Réponse à l’anagramme de Riolanus] qui commence par ces phrases :

Ineptus quidam Poëtaster et stercoreus versificator, qui se nuncupat Alethophilum, in nefaria et abominanda quadam ad Pecquetum scripta Espistola, contra Medicinam nostram et Medicos Parisienses, versus composuit ridiculos et insulsos super Anagrammatismo Riolani, qui talis est : Lanius ore insano ; nec consideravit suum Patronum, nempe Pecquetum, secespita sua armatum (est culter ferreus, quo veteres utebantur in sacrificiis ad mactandas victimas), plusquam centenos canes mactasse. Ac proinde Lanius est ore insano, Canicida, eviscerator canum rabidus, Gallice, escorcheur de chiens enragés. Riolanus quando publice administrabat Anatomica, veste talari sericea indutus, tam dextre et artificiose dividebat partes sine ulla, aut parca sanguinis effusione, ut non indigeret linteaminibus, nec brachialibus lineis.

[Un quelconque rimailleur et versificateur merdeux, qui se fait appeler Alethophilus, dans quelque lettre abominable et impie écrite à Pecquet, contre notre médecine et les médecins de Paris, a composé des vers ridicules et insipides sur l’anagramme de Riolanus, qu’il fait telle : Lanius ore insano ; {a} mais il n’a pas considéré que son patron, savoir Pecquet, armé de sa secespita (qui est le couteau en fer que les anciens utilisaient dans leurs sacrifices pour immoler les victimes), a massacré des centaines de chiens. C’est pourquoi le Lanius ore insano est le Canicide, eviscerator canum rabidus, en français écorcheur de chiens enragé. Quand il démontrait l’anatomie, Riolan, revêtu d’une longue robe de soie, disséquait avec tant de dextérité et d’adresse, sans presque aucune effusion de sang, qu’il n’avait besoin ni de tablier ni de manchettes].


  1. « le boucher à bouche folle », v. note [4], lettre 360.

2.

V. note [37] du Faux Patiniana II‑1 pour une reprise et un prolongement de ce passage dans L’Esprit de Guy Patin.

3.

V. note [5], lettre 408, pour cette nouvelle édition (1658) du « Manuel anatomique et pathologique » de Jean ii Riolan.

4.

« Ne pensez-vous pas qu’un jeune homme si doux et jusque-là prometteur produira du bon fruit ? »

5.

« Nous donnons parole quand nous trompons, car c’est dans notre nature de tromper, et quand nous trompons, nous ne donnons rien sinon notre parole. » {a}

Ces deux vers latins étaient dirigés contre Nostradamus (Michel de Nostre-Dame, Saint-Rémy-de-Provence 1503-Salon 1566), docteur en médecine de la Faculté de Montpellier. Ami de Jules-César Scaliger, il alla d’abord exercer la médecine à Agen, puis s’installa à Salon et publia ses premières Centuries (1555) qui lui valurent un renom immédiat et les faveurs de la reine Catherine de Médicis.

On y répliqua au xviie s. par une « Réponse au 2e chef de la calomnie qui le voulait le faire tenir pour un rêveur » : {a}

« Nous n’aurons pas beaucoup à démêler avec ces plus modérés, puisque nous avons déjà donné la cause qui le fit ainsi mépriser des uns et des autres ; savoir est l’avarice {b} des libraires et imprimeurs qui empruntèrent son nom pour le débit plus grand de leurs faux almanachs. C’est pourquoi, si Jodelle, fondé sur cette cause, fit le distique latin si mordant, je lui en oppose un autre qui doit être plus reçu, puisque sa pointe n’est pas seulement agréable, mais encore très véritable.

Nostra damus, cum verba damus, quæ Nostradamus dat,
Nam quæcumque dedit, nil nisi vera dedit
.

En français :

“ Nous disons toujours vrai parlant par Nostradame,
Car tout ce qu’il a dit est pure vérité,
Accusez-vous, menteurs, traitez cette belle âme
Comme Benjamin de la Divinité. ” {c}

C’est la contrepointe{d} que je fais au distique de Jodelle, et que je mets au frontispice du livre. Je lui en fournirai une meilleure :

Vera damus cum verba damus, quæ Nostradamus dat,
Sed cum nostra damus, nil nisi falsa damus
.

En français :

“ Nous disons toujours vrai parlant par Nostradame,
Quand c’est nous qui parlons, nous mentons avec blâme. ” » {e}


  1. Vers du poète gantois Caerle Utenhove (v. infra note [7]), attribués parfois à Théodore de Bèze (v. note [28], lettre 176) ou au dramaturge Étienne Jodelle (Paris 1532-ibid. 1573), poète de la Pléiade.

  2. § xi, ages 49‑50 de l’ouvrage anonyme, attribué au médecin Étienne Jaubert, intitulé : Éclaircissement des véritables Quatrains de Maître Michel Nostradamus, docteur et professeur de médecine, conseiller et médecin ordinaire des rois Henri ii, François ii et Charles ix, grand astrologue de son temps, et spécialement pour la connaissance des sciences futures (sans lieu ni nom, 1656, in‑12 de 458 pages.

  3. C’est-à-dire la cupidité.

  4. Les deux derniers vers transforment le distique en quatrain et désignent Nostradamus comme le Benjamin (fils préféré) de Dieu.

  5. Le contrepoint.

  6. Plus littéralement : « Nous disons le vrai quand nous donnons les présages de Nostradamus, mais quand nous donnons les nôtres, nous ne disons rien que le faux. »

Dans les brouillons manuscrits des Mémoires historiques qu’on lui attribue, Guy Patin (ms BnF fr. no 2803) a consacré une courte entrée à Nostradamus (fos 95‑96) où il ajoutait un commentaire au distique d’Utenhove :

« Michel de Nostradamus portait un nom qui n’était qu’un sobriquet, son vrai nom était Michel Crespin. {a} Il était médecin en Provence en une ville nommée Salon de Craux. Il y en a qui le tiennent pour prophète ; pour moi, je crois qu’il était fou car toutes les prédictions qu’il a faites seront aussi vraies dans dix mille ans qu’aujourd’hui et chacun les explique comme il l’entend ; joint que les imprimeurs en ont bien supposé et qu’on lui attribue sans qu’il en soit l’auteur […]. »


  1. Le rédacteur de ce propos se laissait ici tromper par Antoine Crespin, l’un des auteurs qui usurpèrent au xvie s. le nom de Nostradamus ; Gassomet était le véritable nom d’origine de la famille Nostradamus.

6.

« dans les Doutes évangéliques ».

Dans la deuxième partie (page 366) de ses « Doutes évangéliques » (Genève, 1639, v. note [6], lettre 179), le théologien protestant genevois Friedrich i Spanheim (v. note [11], lettre 16) a cité le distique contre Nostradamus, à la fin (§ xxvii) du Dubium xxxiii, intitulé An probanda sit Astrologia judiciairia, eo quod nativiras Servatoris et ortu stella designata, fuerit divinitus, et cognita hoc indicio a Magis ? [Faut-il approuver l’astrologie judiciaire, sous prétexte que la nativité du Sauveur a été miraculeusement marquée par l’apparition d’une étoile, et que les Mages ont eu connaissance de ce signe ?] :

Viros multos eximios, qui in hoc studium quandoque, sed sobrie admodum, incubuere, et inter testamenta artis imbecillitatem ingenue fassi sunt, nec eam ad omnia enventuum promiscue extenderunt. Reliquos quod attinet, quod Nostradami Aretalogi insignis gryphis et ænigmatibus, quibus Lectorum vel acumini, vel patientiæ, vel etiam stupori illusit, a Venerando Beza nostro jam olim præscriptum fuit Epigramma, communi omnium Genethliacorum tripodi præscribendum censeo,

Nostra damus, damus verba damus, nam fallere nostrum est :
Et cum verba damus, nil nisi
Nostra damus.

Ut hac ratione ii, qui quanvis de fraude moniti, vates hos mendaces consulere sustinuerint, quod olim ab Astrologis Alexandriæ exigebatur tributum βλακεννομιον, et ipsi stoliditatis suæ vectigal justissima vindicta Astrologis pendant et exsolvant.

[Maints éminents personnages se sont de temps en temps penchés sur ce sujet, mais avec extrême prudence ; et leurs témoignages ont ingénument conclu à l’impuissance de l’astrologie, sans en étendre indistinctement les prédiction à l’ensemble des événements. Quant au reste, je pense qu’il faut appliquer au trépied {a} commun à tous les astrologues ce que notre vénérable de Bèze a, voilà longtemps déjà, prescrit sur les griphes {a} et énigmes de Nostradamus, insigne bouffon qui s’est autant joué de la subtilité que de la patience, et aussi de la stupidité, des lecteurs :

Nostra damus, damus verba damus, nam fallere nostrum est :
Et cum verba damus, nil nisi
Nostra damus. {c}

Parce qu’on exigeait jadis des astrologues d’Alexandrie l’impôt des blasphémateurs, {d} que ceux qui, bien que prévenus de cette duperie, ont continué de consulter ces devins menteurs, subissent et acquittent donc la taxe infligée aux astrologue, pour très légitime punition de leur stupidité]. {e}


  1. Dérivé du grec γριφος (griphos), et non γρυφος (gryphos), comme l’écrivait Spanheim, griphe est un « terme d’Antiquité : énigme, questions compliquées que l’on se proposait » (Littré DLF).

  2. Allusion au mythique trépied d’où la pythie de Delphes prononçait ses oracles (V. note [8], lettre de Christiaen Utenbogard, datée du 21 août 1656).

  3. V. supra note [5].

  4. Le mot βλακεννομιον ne correspondant à aucune forme grecque identifiable, je l’ai tenu pour une faute d’impression, et remplacé par βλασφημον.

  5. Traduit avec indulgence pour le médiocre latin de Spanheim, ou de son imprimeur.

7.

8.

Louis xiv arriva à Compiègne le 4 septembre et en partit le lendemain pour Chantilly où, le 6, « en cavalcade avec sa cour dans la forêt » (Levantal), il accueillit le duc de Mantoue : Charles ii de Gonzague (1629-14 août 1665) était le petit-fils de Charles ier (v. note [11], lettre 18) ; il lui avait succédé en 1637, n’ayant encore que sept ans, sous la tutelle de sa mère, Marie de Gonzague, fille de François iv (qui avait lui-même été éphémère duc de Mantoue en 1612).

Charles ii se signala surtout par son intempérance et son libertinage. En 1649, il avait épousé Isabelle-Claire d’Autriche. Il avait quitté le parti de la France en 1652 pour s’allier avec l’Espagne ; mais avec des oscillations entre les deux camps. En 1658, les Français, commandés par le duc de Modène, étant venus prendre des quartiers d’hiver dans le Mantouan, l’obligèrent à renoncer à cette alliance. Il fit une courte guerre et vendit (11 juillet 1659) à Mazarin tous les domaines qu’il possédait en France : Rethel, Nevers, Mayenne, etc. Le cardinal laissa ce duché, dont il avait fait confirmer les prérogatives en 1660, à Philippe-Julien Mancini, son neveu. Le Nivernois fut dès lors sur le même pied que les autres duchés-pairies (G.D.U. xixe s. et A.V.D.).

Charles iii de Mantoue, né le 31 août 1652, succéda en 1665 à son père Charles ii, sous la régence de sa mère. V. note [27], lettre 415, pour les raisons qui avaient mené le duc de Mantoue à Paris.

9.

« Mars impie sévit dans tout l’univers » (Virgile, v. note [5], lettre 88).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 30 août 1655

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(Consulté le 20/04/2024)

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