L. 431.  >
À André Falconet,
le 24 décembre 1655

Monsieur, [a][1]

Ce mot n’est que pour vous remercier de votre dernière et de la belle connaissance que vous m’avez donnée de M. le comte de Rebé [2] qui a pris la peine de m’apporter lui-même votre lettre ; et delà m’emmena chez lui où je dînai avec M. l’archevêque de Narbonne, [3] M. Godeau [4] évêque de Vence, M. de Lingendes [5] évêque de Mâcon, [6][7] M. l’évêque d’Aire [8][9] et quelques abbés. [1] Nous avons bu à votre santé et y boirons encore, Dieu aidant. Voyez combien je vous ai d’obligation, il faut que je vous fasse le compliment de Virgile : [10] Tu thura Iovemque concilias, tu das epulis accumbere Divum[2][11] Je connaissais bien ces deux premiers évêques, et le bon vin de Condrieu [12] de M. de Narbonne ne servit qu’à nous remettre en train.

J’espère que vous trouverez beau le livre de M. Riolan, [3][13] en attendant qu’il en vienne d’autres que je vous puisse envoyer. Si M. Barbier [14] n’entreprend l’édition de la Philosophie de feu M. Gassendi, [15] je tâcherai de faire en sorte que, si c’est quelque libraire de Lyon, il en imprime pour sa part quelques tomes. Puisque l’on commence l’édition du livre de M. Rivière, [16] faites en sorte qu’elle soit bien correcte ; [4] vous avez maintenant à Lyon M. Sauvageon, [17] qui est bien propre à cela. On ne parle ici que du duc de Modène [18] et de la grosse guerre que nous ferons l’été prochain en Italie ; mais le roi de Suède [19] se fait bien craindre en Pologne et met toute l’Allemagne en une étrange appréhension pour le printemps prochain. [20]

Apprenez-moi qui est le médecin du couvent des filles de la Visitation [21] à Lyon ; après, je vous manderai pour quoi c’est. [5][22] Faites-moi la grâce d’assurer M. Colin [23] que je suis son très humble serviteur ; si j’eusse su son départ d’ici, je vous eusse écrit alors. Vive, vale, teque ex animo amantem redama et melioribus utere fatis[6] Je suis, etc.

De Paris, ce 24e de décembre 1655.


a.

Bulderen, no ciii (tome i, pages 266‑267) ; Reveillé-Parise, no ccccxl (tome iii, pages 55‑56).

1.

Jean de Lingendes (Moulins 1595-2 mai 1665) était apparenté au prédicateur jésuite, Claude (v. note [39], lettre 106), et au poète, Jean (v. note [25], lettre 240). Après avoir été précepteur du comte de Moret, fils naturel de Henri iv, Jean était devenu aumônier de Louis xiii qui l’avait nommé évêque de Sarlat en 1642. Devenu évêque de Mâcon en 1650, il se fit une brillante réputation comme orateur sacré. Dans l’oraison funèbre qu’il prononça pour Amédée, duc de Savoie, on trouve la fameuse apostrophe : « Ennemis de la France, vous vivez, et l’esprit de la charité chrétienne m’interdit de faire aucun souhait pour votre mort » que Fléchier a transportée dans son oraison funèbre de Turenne (G.D.U. xixe s.).

V. notes [2], lettre 416, pour Claude i de Rebé, archevêque de Narbonne, grand-oncle du comte Claude ii de Rebé, et [10], lettre 133, pour Antoine Godeau, évêque de Grasse, puis de Vence, en 1653.

Charles d’Anglure avait été nommé évêque d’Aire-sur-Adour en 1649 en succession de Gilles Boutault (v. note [10], lettre 165), transféré à Évreux ; il fut lui-même transféré à Castres en 1657.

2.

« Tu me vaux et l’encens et la faveur de Jupiter, et me donnes le droit de prendre part au festin des dieux » ; extrait adapté des vers de Virgile (Énéide, chant i, vers 78‑80) :

Tu mihi, quodcumque hoc regni, tu sceptra Iovemque
Concilias, tu das epulis accumbere divum,
Nimborumque facis tempestatumque potentem
.

[C’est toi qui me vaux ce que j’ai de pouvoir : et mon sceptre, et la faveur de Jupiter. C’est toi qui me donnes le droit de m’asseoir aux festins des dieux, et ma puissance sur les nuages et les tempêtes].

3.

Responsiones duæ… de Jean ii Riolan contre Jean Pecquet (v. note [1], lettre 414).

4.

V. note [5], lettre 429, pour les Institutiones medicæ… de Lazare Rivière (Lyon, 1656).

5.

Dans sa lettre du 25 septembre 1655, Guy Patin avait déjà parlé à André Falconet de Marie Riant, arrière-petite-fille de Jean Fernel, qui était religieuse du couvent de la Visitation à Lyon (v. note [5], lettre 416).

6.

« Vive, vale et rendez amour pour amour à celui qui vous aime de tout cœur et jouissez du meilleur des destins. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 24 décembre 1655

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0431

(Consulté le 29/03/2024)

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