L. 459.  >
À Charles Spon,
le 19 janvier 1657

Monsieur, mon cher ami, [a][1]

Après vous avoir souhaité, à vous et à toute votre famille, un bon et heureux commencement d’année, et vous avoir prié de la continuation de votre amitié comme vous m’en avez fait l’honneur par ci-devant, je vous dirai que le mardi 26e de décembre je vous envoyai par l’ordinaire de Lyon une lettre de quatre pages avec une autre petite pour M. Falconet.

Ce 27e de décembre. Depuis ce temps-là, nous apprenons ici que Mme de Mancini, [2][3] sœur de Son Éminence mazarine, [4] est fort malade d’une fièvre continue [5] avec fluxion sur la poitrine. Guénault [6] y a été appelé avec Vallot, [7] Esprit, [8] etc. Elle a pris de l’antimoine [9] trois fois, tant en breuvage qu’en lavements. [10] Ce que j’apprends de son mal me fait croire qu’elle est en grand danger de la vie, tam a morbo quam a veneno[1]

Le 30e de décembre. Enfin elle en est morte, la bonne dame, au grand regret de la cour où elle s’était acquis une grande réputation d’une habile femme, laquelle avait l’esprit fort élevé au-dessus de la fortune de son frère, qui en est, à ce que l’on dit ici, extrêmement triste. Elle est morte d’une fièvre continue maligne, [11] le 11e jour. Elle a été ouverte, [12] on lui a trouvé un fort mauvais foie. Vallot disait qu’elle était malade de la pierre et Guénault disait que c’était un abcès interne quelque part alentour du dos ; [13] et tandis que les médecins s’entre-contredisent, les malades meurent.

Le 1erde janvier 1657. Ce premier jour de l’an, je vous souhaite longue et heureuse vie, et toute prospérité en votre famille. Je vous ai tant d’obligations en toutes façons que, si j’étais grand seigneur, je ne sais si je pourrais m’acquitter envers vous de la moindre part de ce que je vous dois ; saltem agnosce gratum animum, et mentem acceptorum tot beneficiorum nullatenus immemorem[2] Si je ne m’acquitte, au moins je ferai ce que je pourrai.

Le 5e de janvier. On attend ici un nouveau nonce du pape nommé Piccolomini [14] (il est arrivé) [3] à la place du vieux bonhomme [15] qui s’en alla d’ici il y a environ deux mois. On y attend aussi le duc de Modène, le père, [16] qui prit l’an passé Valence ; [17] il vient ici faire sa recette et s’en retournera commander en Italie où l’on envoie aussi le prince de Conti [18] avec une armée de 20 000 hommes ; et pour cet effet on y envoie encore 8 000 hommes dont il y en a déjà des troupes qui passent. Ils mangent toujours le monde en chemin faisant, de peur que la graisse ne l’étouffe. Les dix compagnies du régiment des gardes, qui sont présentement dans Angers, [19] ont aussi ordre de prendre le chemin d’Italie quand ils ne trouveront plus de quoi manger en Anjou. Le Mazarin est au lit, on dit que c’est de la goutte. La reine de Suède [20] est à Bologne, [21] ils disent en Italie que c’est elle qui est cause de la peste de Rome et de Gênes. [22][23] On dit que l’été prochain nous aurons guerre avec l’empereur en Allemagne et que M. de Guise y sera notre général. Les jésuites [24] sont ici bien empêchés d’un miracle [25] du Port-Royal [26] dont il est grand bruit partout ; [4] les jansénistes [27] disent que Dieu en a fait encore d’autres, ce qui augmentera la rage des loyolites s’ils se peuvent vérifier.

M. de Chenailles, [28] le conseiller du Parlement, est toujours prisonnier ; on dit néanmoins qu’il en sortira, faute de bonnes preuves. La paulette [29] est faillie et finie le dernier jour de l’an, mais on s’en va la renouveler et la faire revivre. Le roi [30] veut pareillement accorder les maîtres des requêtes avec le Parlement. On dit que bientôt le Mazarin ira au Palais pour se faire recevoir duc et pair de France.

Ce 11e de janvier. Je vous rends grâces de votre dernière, datée du 5e de janvier, laquelle je viens de recevoir. Je suis bien aise d’apprendre que soyez en bonne santé et qu’ayez reçu toutes mes précédentes. Je vous supplie de présenter mes très humbles baisemains à MM. Gras, Guillemin et Garnier à cette nouvelle année, comme aussi à M. Falconet, auquel vous direz que je n’ai rien de ce Lazarus à Soto, [31] mais j’aurai recours à ces libraires qui ont à soi la bibliothèque [32] de feu M. Moreau, [33] lesquels ont délibéré de ne rien vendre qu’à la foire Saint-Germain. [34] Mais je viens de regarder dans le Vander Linden, [35] de Scriptis medicis, de l’édition de 1651, sur le mot de Laz. à Soto : il ne marque qu’un livre de cet auteur, in‑fo de l’an 1589, qu’il intitule Animadversiones medicas, et Commentaria in librum Hipp. de Aere, aquis et locis, Madriti[5][36] Si vænalis prostet[6] je l’achèterai très volontiers et vous l’enverrai en ce cas-là quand vous voudrez.

Toute notre Faculté est en bonne santé hormis un, c’est le fils de feu M. Moreau [37] qui est malade d’une fièvre continue avec une fluxion sur la poitrine, et tout cela ne vient que de trop boire. Il est si fort débauché que j’ai grande appréhension pour lui qu’il ne fasse pas vieux os, tout le monde ne parle ici que de ses débauches. Il a perdu Monsieur son père et sa bibliothèque, j’ai peur que lui-même ne se perde bientôt. C’est grande pitié, être né d’un si bon père et être si déréglé. Fallait-il qu’on dît de lui, Filii heroum noxæ et carcinomata ? [7][38] Il a déjà été saigné sept fois, sans ce qu’il sera. On dit qu’il a grand regret d’avoir vendu la bibliothèque de feu Monsieur son père et que le deuil qu’il en a l’a fait être malade ; autre chose y a bien aidé, car il boit.

On parle fort ici de quelque désordre qui est arrivé en Provence [39] contre le maître des requêtes, intendant de la province, nommé M. d’Orgeval, [8][40] qui a été obligé de se cacher. Son secrétaire y a été tué et le premier président du parlement s’est sauvé ; et d’autre bruit qui est arrivé en Languedoc contre des garnisons, dont il y en a eu d’exécutés à Toulouse ; [41] et les états de la province, [42] après avoir remercié le parlement de la bonne et brève justice qu’ils ont faite de ces garnisons, ont envoyé ici des députés au Conseil qui parlent bien haut, mais on les a menacés de les mettre dans la Bastille. Ces désordres arrivés en deux grandes provinces qui sont éloignées de Paris font dire ici que le roi ira jusque-là, ou tout au moins à Lyon. D’autres disent que le roi ira jusqu’en Italie à cause de la guerre, ce que je ne crois pas à cause du prince de Condé [43] qui est sur la frontière et qui pourrait trop approcher de deçà. Le duc de Modène, qui est ici, s’en retourne en Italie et partira d’ici le 18e de ce mois. On s’en va y faire grosse guerre l’été prochain, mais il ne veut point qu’il y ait d’autres gens qui commandent que lui, et ne veut point qu’on lui baille pour compagnon le prince de Conti.

Le roi a fait ici arrêter depuis trois jours un auditeur des comptes nommé M. Rousseau, [9][44] qui est intendant de la Maison du cardinal de Retz, [45] que l’on dit aujourd’hui être en Italie dans un château en Toscane avec petit nombre de domestiques. Le prince de Condé et le cardinal de Retz sont les deux démons du cardinal Mazarin et qui l’empêchent aujourd’hui de dormir à son aise, et même dans la plénitude de sa fortune, c’est grande pitié d’avoir tant de biens et si peu de repos. Quo mihi Fortuna, si non conceditur uti ? [10][46]

Ce 15e de janvier. Aujourd’hui, le duc de Richelieu, [47] nepos, an filius[11] du défunt cardinal, adhuc dubium est apud multos, ego de filiatione non dubito[12] a été au Parlement accompagné de plusieurs de ses amis, où il a prêté serment de duc et pair pour les terres ducales que son P., [13][48] de détestable mémoire, lui a laissées. Ainsi continuent de triompher l’iniquité et l’impudence de la Fortune. [49]

Messieurs du Parlement sont assurés de la paulette, que le roi leur donne ; c’est une grande somme qui en revient au roi, ces deniers si présents serviront à faire la guerre. M. le premier président, [50] accompagné des présidents au mortier, a été voir le roi, où cela a été arrêté. Après quoi Son Éminence a dit qu’il fallait qu’ils fussent avertis que jusqu’ici il n’avait pas tenu au roi que la paix générale ne fût faite, mais qu’il n’avait su en venir à bout, que le roi d’Espagne [51] n’en voulait point. Cela fait croire que nous allons encore nous charger d’une nouvelle guerre que l’on va déclarer à l’empereur ; ce sera pour attirer sur nous la malédiction de l’Allemagne in tanta paucitatem hominum ac numorum[14]

On dit que samedi prochain se fera le mariage de M. de Nemours [52] avec Mlle de Longueville, [53] mais qu’il y a du refroidissement entre le prince Eugène [54] et la Mancini, nièce de Son Éminence. [55][56]

Ce mardi 16e de janvier. On a fait aux Augustins [57] un service solennel pour le repos de l’âme de feu Mme de Mancini, sœur de Son Éminence mazarine, avec beaucoup de cérémonies, ut sit in tali casu ; [15] et entre autres, M. Bertier, [58] docteur de Sorbonne, [59] évêque de Montauban, [60][61] gente et patria Tolosanus[16] a fait une harangue funèbre en l’honneur de cette pauvre dame morte, le mari [62] de laquelle a autrefois été à Rome apothicaire. Ce M. Bertier a parole d’une abbaye pour ce beau service funèbre qu’il a fait aujourd’hui en si belle compagnie ; cette abbaye servira de suivante à la femme qu’il a, c’est-à-dire son évêché.

Un conseiller de la cour m’a dit ce soir que M. de Chenailles est un homme perdu, qu’il a bien fait des folies, et en ses lettres et en ses réponses, et qu’il sera bien heureux s’il n’en meurt point ; qu’au moins il sera contraint de se défaire de son office, et qu’il lui en cuira et lui en coûtera beau.

Ce jeudi 18e de janvier. Le jeune Moreau se porte mieux. Les héritiers de feu M. Guillemeau parlent de vendre sa bibliothèque, laquelle est de peu de livres, mais bien choisis et bien reliés ; un libraire leur en a offert 5 000 livres, mais à mon avis ce n’est point assez. On ne parle ici que de ballets et de réjouissances en attendant la foire de Saint-Germain. J’ai céans un épitaphe de feu le bon M. Moreau, fait, comme je vous ai mandé par ci-devant, par le précepteur de ses enfants ; vous le trouverez dans le premier paquet que je vous enverrai avec quelques-unes de nos thèses où mes deux fils ont présidé. [63][64][65] Le second [66] s’en est heureusement acquitté ce matin ; j’ai disputé contre lui en mon rang de entelechia Aristotelis, an bene possit anima per eam definiri ? et probavi eiusmode vocabulum natura sua obscurum, rem difficillimam, et natura sua reconditissimam atque abstrusissimam non posse patefieri nec illustrare, qualis est animæ rationalis essentia[17] Enfin, nous en sommes quittes et sommes trois d’une même famille qui jouissons des droits de notre Faculté. Pour notre Carolus, il est en état de ne présider de longtemps, il y a d’ici là plus de 20 ans de terme, utinam tandem ad illud pensum redeat[18][67] Pour moi, je ne pense pas que mon rang puisse revenir devant douze ans et je n’y serai plus ; [19] mais dans trois ans, mon rang viendra de donner le bonnet, j’ai bonne envie alors de faire une belle et terrible vespérie [68][69] où je ferai rudement le procès à plusieurs de nos charlatans, à nos bailleurs de bézoard [70] et d’antimoine, [71] et autres tels imposteurs publics, et ai même envie de la faire imprimer. [20] Mais il y a terme que je ne verrai peut-être point, nisi fatorum summus arbiter sic voluerit[21]

J’apprends que la peste a cessé à Naples [72][73] après la mort de 300 000 hommes, et qu’elle y a coupé la gorge à 123 médecins et à plus de 10 000 moines, [74] postremum illud hominum genus cucullatum nihil moror[22] Elle est encore bien forte à Rome, mais elle épargne le pape et les cardinaux ; c’est peut-être qu’elle croit qu’ils sont plus méchants qu’elle. Néanmoins 36 bons et savants médecins en sont morts, et ce sont ceux-là que je regrette ; le pape et les cardinaux ne manquent jamais, il en est toujours assez, sed rara est atque cara annona bonorum virorum et sapientium medicorum[23] La peste cesse fort à Gênes où il n’est mort qu’un médecin. Vale et me ama.

Tuus ex animo, Guido Patin. [24]

De Paris, ce vendredi 19e de janvier 1657.


a.

Ms BnF no 9357, fos 227‑228 ; Reveillé-Parise, no cclxcvi (tome ii, pages 273‑275).

1.

« autant à cause de la maladie que du poison. »

2.

« connaissez au moins un cœur plein de gratitude, et feignez de croire qu’il n’est nullement oublieux de tant de bienfaits qu’il a reçus. »

3.

Parenthèse ajoutée dans la marge.

V. note [21], lettre 453, pour le remplacement de Nicolo Guido di Bagno par Celio Piccolomini à la nonciature apostolique de France.

4.

V. note [14], lettre 450, pour le miracle de la sainte Épine.

5.

Lazarus à Soto (Lazare de Soto ou Sotto), médecin espagnol du xvie s., natif de Valladolid où il fit ses études, se rendit à Madrid pour devenir médecin de la chambre du roi Philippe ii. Il a laissé des commentaires sur d’Hippocrate, parmi lesquels celui dont Guy Patin donnait ici la référence : « Observations médicales, et commentaires sur le livre d’Hippocrate de l’Air, des eaux et des lieux, [publié] à Madrid ». Johannes Antonides Vander Linden limite en effet à ce seule titre l’entrée qu’il consacre à Lazarus à Soto (livre i, page 420) dans son répertoire « des Écrits médicaux » (Amsterdam, 1651, v. note [3], lettre latine 26). Il figure dans d’autres bibliographies, mais a échappé à mes recherches visant à confirmer son existence.

J’ai toutefois vu trois volumes publiés en 1594, omis par Linden, qui semblent constituer les œuvres complètes de Soto :

6.

« S’il se présente à la vente ».

7.

« Leurs fils sont les châtiments des héros [v. note [20], lettre 179] et leurs cancers » ; Suétone (Vie des douze Césars, livre ii, Auguste, chapitre lxv, § 10) :

Aque ad omnem et eius et Iuliarum mentionem ingemiscens proclamare etiam solebat : αιθ′ οφελες αγoνος τ′ εμεναι αγαμος τ′ απολεσθαι. Nec aliter eos appellare quam tris vomicas ac tria carcinomata sua.

[Toutes les fois qu’on lui {a} parlait de lui {b} et des deux Julies, {c} il s’écriait : « Plût au ciel que je ne fusse pas marié et que je fusse mort sans descendance. » {d} Et il ne les appelait jamais que ses trois plaies ou ses trois cancers].


  1. L’empereur Auguste (v. note [6], lettre 188).

  2. Marcus Vipsanius Agrippa, général romain ami et gendre d’Auguste.

  3. En troisièmes noces, Agrippa avait épousé Julia, fille d’Auguste ; l’autre Julia était leur fille, Vipsania Julia Agrippina (Julia Minor).

  4. Homère, L’Iliade, livre iii, vers 40.

8.

Geoffroy Luillier (mort en 1671), seigneur de La Malmaison et d’Orgeval, avait été chevalier de Malte en 1612 avant d’être reçu conseiller au Parlement de Paris en 1627, après la mort de son frère aîné, Alexandre, puis maître des requêtes en 1632, intendant de Provence. Il était gendre du président Robert Aubry (v. note [22], lettre 463) (Popoff, no 1620).

Les désordres survenus aux parlements d’Aix et de Toulouse faisaient suite à l’annonce qu’on allait créer un nouveau parlement à Nîmes.

9.

Rousseau sieur de Chevincourt, intendant du cardinal de Retz, était frère de l’abbé qui avait été complice direct de l’évasion de Nantes (v. note [21], lettre 367).

10.

« À quoi me sert la richesse si on ne me permet pas d’en jouir ? » (Horace, Épîtres, livre i, lettre 5, vers 12).

11.

« le neveu, ou peut-être bien le fils » : remplacé sur le manuscrit (par une plume qui n’est pas celle de Guy Patin) et dans Reveillé-Parise par « neveu (à ce qu’il dit) ».

12.

« beaucoup en doutent encore, pour ma part je ne doute pas qu’il en soit le fils » (latin supprimé dans Reveillé-Parise).

13.

P. pour « père », dans l’idée de Guy Patin, mais traduit en « prétendu oncle » par Reveillé-Parise (avec surcharge du manuscrit) ; v. note [11], lettre 214, pour l’insistance de Guy Patin à insinuer (comme nombre de ses contemporains) que les trois neveux du cardinal de Richelieu étaient en réalité ses fils.

14.

« en la si grande pénurie d’hommes et d’argent où nous sommes. »

15.

« comme il se doit en pareil cas ».

16.

« Toulousain de famille et de naissance ».

Pierre de Bertier (Toulouse 1606-Montauban 1674, dans un renversement de carrosse), grand débiteur de harangues funèbres, était évêque de Montauban depuis 1652 (Gallia Christiana). V. note [1], lettre 574 pour les graves déboires qu’il eut avec les protestants de son diocèse en 1659.

17.

« sur l’entéléchie d’Aristote, pour savoir si elle pourrait définir l’âme ; et j’ai montré qu’un vocable de cette sorte est en soi obscur, que dire quelle est l’essence raisonnable de l’âme est chose très difficile, et en soi très secrète et très cachée, qu’on ne peut découvrir ni éclairer. »

Entéléchie : mot créé par Aristote pour dénommer « la force par laquelle un objet passe d’un premier état à un second, de ce qu’il n’était pas encore à ce qu’il est ; force considérée par rapport au but auquel elle tend. “ L’âme est l’entéléchie première d’un corps naturel doué d’organes et ayant la vie en puissance ” (Aristote, De l’Âme, ii, i, §5). L’âme est une entéléchie, c’est-à-dire autant qu’on peut conjecturer, le principe actif de tout ce qui se produit en nous » (Littré DLF).

La première présidence de Charles Patin, qui le faisait docteur régent le 18 janvier 1657, était la première thèse quodlibétaire de Fabien Perreau, natif de Paris, sur une question plus philosophique que médicale, Estne anima rationalis sui domicilii architecta ? [L’âme raisonnable n’est-elle pas l’architecte de sa propre demeure ?] (conclusion négative). Les huit examinateurs (domini doctores disputaturi) étaient, par ordre d’ancienneté croissante, Philippe Chartier (régent du 11 janvier précédent), François Boujonnier (1656), François Cureau de La Chambre (1656), Alain Lamy (1655), Nicolas Le Lettier (1655), Cyprien Hubault (1628), Guy Patin (1627) et Jacques Thévart (1627) (Comment. F.M.P., tome xiv, fo 288, et thèse imprimée).

Robert, son frère aîné (nommé régent en janvier 1651), avait quant à lui présidé, en son rang, le 4 janvier, la première thèse quodlibétaire de Jean-Baptiste de Revellois, natif d’Amiens, Nihil ne ab annis climactericis metuendum ? [Ne doit-on rien craindre des années climatériques (v. note [21], lettre 146) ?] (affirmative).

18.

« Dieu veuille pourtant qu’il ait un jour à subir de nouveau ce pensum. »

Les docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris présidaient les thèses des bacheliers à tour de rôle, dans leur ordre croissant d’ancienneté (v. note [8], lettre 3) : v. note [13] des Actes de la Faculté en 1650‑1651 pour un exemple détaillé. Environ 120 régents avaient à présider une vingtaine de thèses tous les deux ans (à raison de deux quodlibétaires et une cardinale pour chacun des six à sept bacheliers qui se préparaient à la licence).

Chaque régent présidait ordinairement à son rang (à son tour, suo ordine) d’ordre ascendant sur le tableau d’ancienneté, mais il pouvait être amené à le faire hors de son rang (hors tour, extra ordinem). Le cas le plus courant de présidence hors tour était celle de régence : les nouveaux docteurs y accédaient en présidant pour la première fois une thèse quodlibétaire, dans les jours suivant leur acte pastillaire (antéquodlibétaire), les uns après les autres, en suivant leur ordre de classement à la licence, à partir de la Saint-Martin (11 novembre de chaque année paire). Les régents plus anciens n’avaient donc à se partager que de la douzaine de thèses non présidées par leurs jeunes collègues.

Les deux catégories de thèses (quodlibétaires et cardinales) suivaient chacune leur séquence particulière de présidence (v. note [1], lettre 471).

En janvier 1657, le tour de présidence se situait vers le bas du tableau, au niveau de Robert Patin, qui y était classé 15e en partant de la fin (liste des 104 docteurs régents dressée par le doyen dans les Comment. F.M.P., tome xiv, fos 284‑287). Un régent qu’on inscrivait alors, tel Charles Patin, pouvait compter ne pas présider de nouveau une thèse avant une vingtaine d’années (2 x 120 / 12) ; mais Charles fut exclu de la Faculté en 1668 et, contrairement au souhait de son père, n’eut jamais l’occasion de présider une autre thèse à Paris (v. note [162] des Déboires de Carolus).

19.

Guy Patin avait alors présidé pour la dernière fois, ordine suo, le 14 mars 1647 (thèse cardinale de Jean de Montigny sur la Sobriété ; v. note [6], lettre 143). Contrairement à son pronostic, il eut à présider de nouveau quand son tour revint : le 18 décembre 1670 (quodlibétaire de Jean Cordelle sur la circulation du sang, v. note [1], lettre 999), puis le 5 mars 1671 (cardinale du même, contre l’emploi de la thériaque dans la peste, v. note [1], lettre 1001).

20.

On assignait à tour de rôle aux docteurs régents dits du grand banc (v. note [20], lettre 17) la charge de présider les actes de vespérie (v. note [13], lettre 22) de doctorat et de régence, auxquels se soumettaient les licenciés pour devenir docteurs régents (en nombre moyen de six à sept tous les deux ans).

V. note [16], lettre 642, pour la vespérie de Charles de Laval en 1660, où Guy Patin, qui présidait, prononça une vive harangue contre les médicaments nouveaux. Sans doute aussi, en préméditant son coup de longue main, jouait-il ici sur l’autre sens du mot vespérie : « réprimande qu’on fait à quelqu’un ; quand son maître saura cette action, il lui fera une étrange vespérie » (Furetière).

Quoi qu’il en fût, Patin ne dérogea pas à la coutume de ne pas imprimer les harangues de vespérie, si brillantes fussent-elles.

21.

« si ainsi ne le veut l’arbitre suprême des destins. »

22.

« je ne fais aucun cas de cette espèce d’hommes encapuchonnée. »

23.

« mais chiche et chère est la récolte annuelle de gens de bien et de sages médecins. »

24.

« Vale et aimez-moi. Vôtre de tout cœur, Guy Patin. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 19 janvier 1657

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(Consulté le 20/04/2024)

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