L. 500.  >
À Charles Spon,
le 6 novembre 1657

Monsieur mon cher ami, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le mardi 16e d’octobre avec trois autres lettres, dont l’une était pour M. Guillemin, l’autre pour M. Falconet et une troisième pour M. Ravaud. Depuis ce temps-là, je vous dirai que j’ai reçu la lettre de M. Robert, [2] votre collègue, à laquelle j’ai déjà fait réponse par ma dernière à vous-même. Si vous prenez la peine de conférer [1] avec lui ce que je vous en ai écrit, comme aussi ce que j’en ai mandé à MM. Guillemin et Falconet, du jour d’hier, vous trouverez qu’il n’y a plus rien à faire de ce côté-là et qu’il ne faut plus prétendre d’accord avec un homme si enorgueilli, tel qu’est votre adversaire qui, au lieu d’entrer en composition de l’argent qu’il vous devrait rembourser, dit qu’il vous fera condamner de lui rendre celui qu’il a baillé et qu’on lui a escroqué ; et tout cela avec feu, flammes, menaces et colère. Serait-ce que cet homme se tiendrait assuré de gagner son procès par quelque mystère caché ? Nolim credere[2] ne serait-ce pas plutôt qu’il s’attend que je le veuille prier plus fort de cet accord ? S’il a cette pensée, il attendra longtemps. Je suis d’avis de ne lui en plus rien dire. Je veux devenir aussi glorieux que lui et par ci-après, je verrai si lui-même ne m’en viendra point parler ; et d’autant que je n’ai autre chose à dire là-dessus, je vous supplie de dire à M. Robert que je n’ai autre chose à répondre à sa lettre, si ce n’est que le sieur Basset [3] me revienne voir et m’en parle le premier, voire plutôt qu’il m’en prie car outre que je lui ai dit à lui-même que je ne lui en parlerai jamais, quand j’aurais besoin de le trouver pour quelque affaire plus pressée, je ne saurais où le prendre car je ne sais où il loge. Et d’autant qu’il ne reviendra peut-être plus céans (que peut-être pour me rapporter mon Silvaticus), je suis d’avis que vous aiguisiez bien vos couteaux et que vous pensiez bien à envoyer ici après la Saint-Martin un bon solliciteur qui tienne bien tête à ce jeune homme, qui ne me parle de son procès et de tout votre Collège [4] que par rodomontades, qui est une marchandise que je ne goûte nullement de personne et qui ne m’effraie guère, car je tiens ici pour tout certain que tel menace qui a grand peur, ou au moins la doit-il avoir ; et quand même (ce qui n’est peut-être pas) il aurait quelque assurance de la bonne volonté de son rapporteur, il ne s’ensuit pas qu’infailliblement il devienne le maître de son affaire. L’injustice ne va pas toujours si vite, il ne faut qu’un homme de bien ad sufflaminandos ceteros[3] et peut-être que l’on en trouvera plus d’un parmi ses juges. Je parle par peut-être car aujourd’hui dans le Palais règne un horrible désordre au jugement des procès, dont l’événement dépend du caprice ou de la malice du rapporteur, qui n’est pas toujours si fort homme de bien que Socrate, [5] Phocion [6] ou Aristide. [4][7]

Ce 21e d’octobre. Le roi est encore à Metz, [8][9] et même l’on dit qu’il n’arrivera ici qu’à la fin de novembre, et que le Mazarin [10] y est fort chagrin, affligé et tourmenté de la goutte [11] et de la gravelle, [12] et même de la fièvre. Je ne doute point que tout cela ne le fâche bien, vu qu’il est en beau train d’aller encore plus loin.

J’ai aujourd’hui vu deux Lyonnais auxquels j’ai parlé de vous. L’un est un jeune homme nommé M. Dandré [13] (j’apprends qu’il est affineur d’or et d’argent, mais il n’est pas si fin en ce métier-là que le Mazarin), [5] qui < vous > a bien reconnu dans votre tableau. [14] L’autre est un homme grasset nommé M. Badol, [15] marchand qui est ici venu vitement, en presse, à cause de la maladie de mademoiselle sa femme, laquelle il a trouvée guérie, ou tout au moins hors de danger. J’en vis hier un autre qui est un bon compagnon nommé M. Cloitrier, [16] il est des bons amis de M. Guillemin et hait fort le sieur Basset. Je pense qu’il est le fils du maître d’hôtel de Mme la maréchale de Villeroy, [6][17] il m’a promis de vous aller voir et de vous faire mes recommandations. M. Ferrus [18] vous a pareillement remarqué et reconnu, placé entre Michel de L’Hospital, [19] chancelier de France, et notre Fernel. [20]

Ce 22e d’octobre. On dit que le Mazarin est toujours malade, que sa pierre lui est tombée du rein dans la vessie, [21] mais qu’il ne l’a pas encore vidée ; qu’il est fort chagrin et fort fâcheux à ses médecins, qui sont Vallot [22] et Esprit. [23] M. Seguin, [24] médecin de la reine, n’est point à la cour, elle lui a donné trois mois de terme pour aller en Poitou y visiter et réformer une abbaye qu’elle lui a donnée et qu’il a obtenue depuis deux ans pro præmio taciturnitatis[7] Vallot et Guénault [25] sont en grosse querelle l’un contre l’autre. Ce dernier se porte mieux, mais on dit qu’il faut qu’il pisse d’heure en heure, si bien qu’il n’est pas encore échappé : is nondum evasit qui sua vincla trahit[8] Si le Mazarin n’amende, je tiens pour certain que l’on enverra quérir ici quelqu’un des nôtres.

Mais enfin, M. Fourmy [26] est arrivé et m’est venu voir, il a reconnu tout à l’heure votre portrait et m’a fort parlé de son Varandæus, duquel je lui ai donné bonne espérance de débit. Ses balles ne sont pas encore ouvertes et n’avons encore rien vu de ses livres ; même, il attend cette semaine par le messager de Lyon des premières feuilles d’une préface que M. Gras lui envoie, il ne faut plus qu’un peu de patience.

Ce 24e d’octobre. Je fus hier enlevé comme le prophète Élie, dans un carrosse, [9][27] pour aller voir un conseiller du Grand Conseil fort malade des poumons à quatre lieues d’ici. À mon retour, j’ai trouvé céans votre lettre, laquelle m’a donné beaucoup de joie en tant que j’y apprends votre bonne santé et le retour de mademoiselle votre femme, de la bonne disposition de laquelle je suis tout consolé, ayant eu peur pour elle par ci-devant, à cause de sa grossesse, dans un si grand et si long voyage. Deo sit laus [et honor in æternum]. [10] Et auparavant que je la quitte et que je passe aux autres articles de votre belle lettre, je vous supplie de lui dire que je lui baise les mains de toute mon affection, et à Mlle Seignoret [28] et aussi à Mlle Buisson, [29] la Genevoise.

Je vous ai mandé par ma dernière que j’ai reçu le Sennertus, je vous remercie du soin qu’en avez eu, vous et M. Devenet. Je ne vois plus le sieur Basset et ne me veux plus mêler de son affaire puisqu’il n’entend pas raison. Je voudrais seulement retenir mon Silvaticus[11] et après cela habeat sibi res suas, vel abeat in Morboniam iste nebulo, qui litibus delectatur[12]

Je n’ai jamais vu le livre de Poitiers qui traite de la rage [30] en français. [13] J’ai vu un Lavenicus criticus d’Avignon in‑4o[14] mais je n’y entends rien. Pour votre Labadie, [31] il a autrefois été carme[32] et puis est devenu janséniste, et a fait rage de prêcher autrefois à Amiens [33] où il était chéri de l’évêque, feu M. de Caumartin ; [34] et puis après, ayant donné des marques d’un esprit mal timbré, changea de religion et se mit de votre parti, s’en alla à Montauban [35] où, après son noviciat, il est devenu ministre. S’il a de la santé du corps, il peut faire de belles prédications car il a bien de l’étude et de l’acquis pour cela ; mais je ne sais s’il est tout à fait bien sage, au moins a-t-il autrefois été fou. [15]

Les nouvelles d’aujourd’hui portent que le roi [36] passera les fêtes de la Toussaint à Metz, et même peut-être la Saint-Martin, propter pertinacem valetudinem purpurati Mazarini[16] D’autres disent qu’il sera à Paris le 15e de novembre et qu’il passera les fêtes à Châlons-sur-Marne. [37]

On fit un nouveau contrôleur général des finances il n’y a qu’un mois, savoir M. Le Tillier [38] qui auparavant était intendant, mais il ne l’a guère gardée : on lui a ôté ladite charge, et a été baillée à M. de Breteuil-Tonnelier, [39] maître des requêtes, et à M. Hervart, [40] qui tous deux en ont donné de bon argent, et plus grande somme que n’avait fait M. Le Tillier. [17] La signora Olympia, [41] belle-sœur du feu pape Innocent x[42] est morte près de Rome. Elle a laissé des sommes immenses d’or et d’argent à ses enfants : c’est que per multos annos potuit gaudere de papatu [18] avec son beau-frère ; voilà où elle a tant gagné, ubi hausit aquas in gaudio de fontibus Salvatoris, et de vulneribus Christi, cuius caro pinguis est Romæ[19][43]

Ce 26e d’octobre. Je viens de rencontrer votre Basset qui m’a demandé si j’avais reçu des nouvelles de Lyon. Je lui ai dit qu’oui et que tout le Collège n’avait point désagréable la médiation que j’avais proposée ; sinon, que tous, tant qu’ils sont, ont résolu de pousser leur bon droit jusqu’au bout contre lui et qu’ils n’y épargneraient rien. Sur quoi il s’est mis en colère en disant qu’il vous ferait bien soutenir tous tant que vous êtes, [20] et que vous verriez dans cinq semaines ; qu’il accommodera bien votre Collège, et qu’il y a dans Lyon cinq récipiendaires qui prendront son parti et se feront recevoir comme lui. Je lui ai dit qu’il n’en serait jamais bon marchand et qu’il avait trop d’ennemis à Lyon. Il m’a aussitôt répondu que les plus méchants seraient morts avant qu’il retournât à Lyon et s’en est allé tout badaud. Petrus currit[21][44][45] laissez-le aller et songez à vous défendre. Cet homme est plaisant et d’une belle humeur : il a un procès et doit tout craindre, il fait tout au contraire, il ne craint rien et menace tout le monde. Melancholici omnia tuta timent[22][46] lui ne craint rien et ne s’épouvante d’aucune menace, et n’a aucune appréhension de ce que je lui propose ; vous diriez qu’il est assuré de gagner son procès et qu’il en a parole de son rapporteur.

Il y en a ici qui disent que le Mazarin n’a été que fort légèrement malade à Metz, mais qu’il a seulement fait semblant de l’être, d’autant qu’il voulait plus longtemps séjourner sur ces confins d’Allemagne. Je ne sais ce que j’en dois croire.

Feu M. de Châtillon, [47] qui fut tué durant le siège de Paris à l’attaque de Charenton, [48] laissa sa femme grosse : [49] c’était un fils [50] qui est mort depuis trois jours à 15 lieues d’ici ; si bien que voilà la race éteinte des Châtillon par cinq chefs, depuis 1572, lorsque l’amiral de Châtillon [51] fut tué cruellement et proditoirement [23] avec plusieurs autres, le 24e d’août, fête de Saint-Barthélemy. [52] Il est ici mort un vieux partisan nommé M. de Cornuel, [53] qui était fort âgé et qui était frère de cet intendant Cornuel [54] qui a fait autrefois tant parler de soi. [24]

M. Du Prat [55] me vint hier voir céans et lui ai promis de vous faire ses recommandations. Il est gaillard, il dit que M. Pecquet [56] s’amuse à distiller des eaux minérales de diverses fontaines et qu’il ne fait autre chose, et qu’il n’écrit rien du tout. Aussi n’en est-il pas capable : c’était un jésuite qui lui fit son premier livre et un autre, son second, et qui sont morts tous deux ; c’est pourquoi il n’a pu répondre au dernier livre de M. Riolan. [25][57]

Ce 29e d’octobre. Votre M. Basset m’a rapporté mon Silvaticus et fait comme un homme qui ne craint rien. Je ne lui ai rien dit de son procès, ni lui à moi ; je me tiens sur le bon bout comme lui, [26] et faisons tous deux bonne mine. Je vous prie, vous et tout votre Collège, de penser à vous bien défendre. Je ne lui parlerai jamais d’accord s’il ne m’en parle car autrement, j’aurais mauvaise grâce et me rendrais suspect envers lui. Combien qu’il ne me dise mot, je crois pourtant qu’il ne me visite que pour voir si je lui en parlerai.

Je viens d’apprendre que M. de Sorbière est arrivé et qu’il a apporté la nouvelle que toutes les œuvres de feu M. Gassendi [58] ne peuvent être achevées à Lyon que près de la Saint-Jean ; que Cromwell [59] affectionne fort sa conquête de Flandres, [60] à Mardyck [61] et Bourbourg, [62] et qu’il a même envie d’y venir lui-même en personne avec une armée de 40 000 hommes. On dit ici que ce qui embarrasse le plus nos gens de delà sont nos troupes qu’il faut conserver pour la guerre de l’été prochain en leur donnant des quartiers d’hiver.

M. Volckamer [63] m’a mandé qu’il a reçu les livres qu’avez eu le soin et la bonté de lui envoyer, dont je vous remercie, et que M. Guernerus Rolfinckus [64] s’en va faire réimprimer son Anatomie, augmentée de beaucoup ; en ce cas-là, il faut qu’il la mette in‑fo car elle est déjà bien grosse in‑4o.

Ce 2d de novembre. Voilà un jeune médecin nommé M. Monin, de Vivarais, qui a ici étudié quelque temps, et assez bien, et qui est fort honnête homme, qui me vient de dire adieu, s’en retournant en son pays. [27][65] Je lui aurais donné la présente (j’entends les quatre pages de ci-dessus), mais je m’en suis retenu quand il m’a dit qu’il pourrait bien ne partir que dans quatre jours. Il a dessein de vous aller voir, je lui ai fait voir votre portrait placé entre Fernel et le chancelier de L’Hospital, et m’a promis de venir encore une fois me voir avant que de partir ; et en ce cas-là, je pourrai bien lui donner quelque petit mot de lettre pour vous. Il dit qu’il demeurera quelque temps en son pays et par après, qu’il s’en ira demeurer à Grenoble. M. Dinckel [66] vient de sortir de céans, je lui ai donné une lettre pour être envoyée à Strasbourg et être rendue à M. Melchior Sebizius [67] qui est à mon gré un excellent homme ; mais comme il est fort vieux, je suis bien aise de faire connaissance avec lui avant qu’il parte de ce monde. J’ai délivré à M. Fourmy quatre exemplaires du nouveau Cornelius Celsus qui m’est dédié et qu’il enfermera dans la première balle qu’il enverra à Lyon, qui sera bientôt. Ces quatre sont pour vous, MM. Gras, Guillemin et Falconet, auxquels vous les distribuerez, s’il vous plaît, avec mes très humbles recommandations. Un homme m’a dit aujourd’hui que Basset lui avait dit (c’est un médecin de Gisors [68] nommé Rassyne, [69] qui a connu Basset à Montpellier) [28] qu’il n’a que faire des médecins de Lyon et qu’il espère de n’être point renvoyé devant eux, mais d’être examiné par quatre médecins de la Faculté de Paris en présence de son rapporteur, sunt propria eius verba, [29] et qu’il sera reçu, d’autant qu’il entend bien la chicane de l’École. Voyez-vous comment ce jeune homme parle confidemment et présomptueusement de l’événement de son procès ? Je viens de rencontrer M. Le Gagneur [70] qui m’a dit qu’il ne vous a pas vu en passant à Lyon, mais seulement MM. Guillemin, Falconet et Garnier qui l’avaient été saluer en son hôtellerie : n’est-ce pas que vous étiez obligé de l’aller là trouver ? Ce petit homme n’était autrefois que glorieux, mais aujourd’hui qu’il est courtisan, je le trouve fort impudent ; il n’y a pourtant guère de raison, ni à l’un, ni à l’autre.

On dit ici que M. de Servien, [71] surintendant des finances, s’en va être premier président. C’est pour avoir là un homme au gré du Mazarin qui soit à lui plus que n’était pas feu M. de Bellièvre. [72] On parle aussi d’ôter les sceaux à M. Séguier, chancelier. [73] {Faites-moi une grâce : M. Sauvageon [74] m’a dit en son dernier voyage que Louis Duret [75] était cité dans le Varandæus ; obligez-moi de me mander en quelle page c’est, et si d’aventure vous ne le savez, tâchez de le savoir de notre bon ami M. Gras.} Je l’ai trouvé, c’est dans le Pronostic[76] page cc[30] Le Io. Heurnius de M. Ravaud [77] est-il en bon train, est-ce leur dessein après cela d’imprimer tout le Cardan ? [78] Comme nous étions hier assemblés en notre Compagnie pro Decano prorogando et eligendis professoribus[31] un ancien chirurgien, [79] député de tout le troupeau, [80] nous vint demander la paix, au nom de Dieu la paix, et qu’ils ne voulaient point plaider contre nous ; [81] et après nous avoir fait force soumissions, il sortit. Sur quoi fut délibéré et conclu que quelques députés s’assembleraient jeudi prochain chez le doyen, [82] qui entendraient leurs propositions. Je suis un des neuf députés, nous verrons et ouïrons les plaintes et les soumissions de ces laquais bottés [83] et de ces corps glorieux qui ne seront de longtemps canonisés. [32]

Le roi est ici arrivé hier à cinq heures du soir et le même jour, mourut ici M. d’Elbeuf [84] le père, âgé de 63 ans.

J’ai appris aujourd’hui qu’au-devant des œuvres de feu M. Gassendi, [85] on a dessein d’y mettre sa vie. Un certain nommé M. de Neuré, [86] qui est précepteur du fils de M. de Longueville [87][88] et fort affectionné à M. Gassendi, avait entrepris de faire sa vie et en avait reçu des mémoires, que l’on dit qu’il a renvoyés. J’apprends que ce sera M. de Sorbière [89] qui la fera ; et pour cet effet, outre lesdits mémoires, on lui mettra entre les mains le tome de ses épîtres, duquel il pourra apprendre plusieurs particularités. [33]

Un des nôtres m’a aujourd’hui parlé d’un livret in‑8ode febribus, fait par un Anglais et imprimé en Angleterre, dans lequel il [90] blâme fort le bézoard [91] et la thériaque [92] dans la guérison des fièvres. [34] Enfin, j’espère que l’on se dépaysera et se désabusera de tant de bourdes et de fourberies que les Arabes [93] et les apothicaires ont fourrées dans la médecine.

Mais j’espérais que M. Gras [94] ferait mettre dans son Varandæus [95] quelque éloge aut breviarum vitæ [35] de cet auteur ; il méritait bien d’être connu à la postérité et j’ai regret que cela n’a été fait, il vaut mieux que beaucoup d’autres.

Le prince d’Harcourt, [96] fils aîné de M. d’Elbeuf, lequel mourut hier, est pareillement ici fort malade du poumon, dont l’on dit qu’il mourra. [36] Les Espagnols ont attaqué Mardyck et en ont été repoussés avec perte de cinq ou six cents hommes. On dit que le duc de Mantoue [97] a donné Casal [98] aux Espagnols qui, en récompense, lui donnent Crémone ; [37][99] cela est fort contre nous et contre le duc de Savoie. [100] On dit que le roi de Hongrie [101] arme puissamment en toute l’Allemagne et que cela nous obligera de penser à la guerre le printemps prochain, de bonne heure ; et même que le roi retournera de bonne heure à Metz à cause de ces nouveaux mouvements.

Je vous baise très humblement les mains, et à mademoiselle votre excellente femme, laquelle j’honore de tout mon cœur, et suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 6e de novembre 1657.


a.

Ms BnF no 9357, fos 274‑277, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Reveillé-Parise, no cccxviii (tome ii, pages 350‑354). En regard de l’adresse, de la main de Charles Spon : « 1657/ Paris 6 novemb./ Lyon 11 dudit./ Risposta/ Adi 13 ditto. »

1.

Cette conférence (discussion) touchait bien sûr à la querelle du Collège des médecins de Lyon avec Bonaventure Basset.

2.

« Je ne le voudrais croire ».

3.

« pour faire obstacle aux autres ».

4.

Pilier de la philosophie grecque, Socrate (vers 470-399 av. J.‑C.) n’a laissé aucun écrit. Platon, son disciple, a été le principal diffuseur de ses idées et de sa méthode, célébrée sous le nom de maïeutique (v. note [2], lettre latine 383). Le plus fameux épisode de la vie de Socrate est son procès pour impiété, suivi de sa condamnation à mort par l’absorption d’un poison à base de ciguë (v. note [8], lettre 169). Diogène Laërce (ii, 27 et 32) a loué sa vertu :

« Il était capable de regarder de haut même ceux qui se moquaient de lui. Il était fier de sa frugalité et ne se fit jamais payer de salaire. Il disait que plus il avait de plaisir à manger, moins il avait besoin d’assaisonnement ; plus il avait de plaisir à boire, moins il comptait sur la boisson qui n’était pas à sa portée ; plus réduits étaient ses besoins, plus il était proche des dieux. »

« Mais en outre, déjà vieux, il apprenait à jouer de la lyre, disant qu’il n’y a rien d’étrange à apprendre ce qu’on ne sait pas. {a} Et en plus, il dansait continuellement parce qu’il croyait que ce genre d’exercice servait à la bonne condition physique, comme le dit aussi Xénophon dans le Banquet. Il disait aussi que son démon lui annonçait ce qui allait lui arriver ; {b} que prendre un bon départ n’est pas peu de chose, mais tient à peu de chose ; qu’il ne savait rien, sauf qu’il savait justement cela. Et ceux qui payent cher pour se procurer les choses avant le temps, c’est qu’ils n’ont pas l’espoir, disait-il, d’en attendre la saison. Et, une fois qu’on lui demandait quelle est la vertu d’un jeune homme : “ rien de trop ”, dit-il. Il disait aussi qu’il ne faut faire de géométrie qu’autant que nécessaire pour être capable d’acquérir et de céder la terre avec mesure. »


  1. J’ai suivi ce bon précepte en me frottant au rude apprentissage du solfège et de l’accordéon à l’âge de 66 ans.

  2. V. note [46] du Patiniana I‑4.

Phocion, général athénien (ive s. av. J.‑C.) célèbre pour son incorruptibilité, fut le chef du parti aristocrate et l’adversaire politique de Démosthène. Après un procès inique pour trahison envers Athènes, Phocion fut condamné à boire la ciguë (v. note [34] de la Leçon de Guy Patin sur le laudanum et l’opium).

Autre Athénien illustre, Aristide (fin du ve s. av. J.‑C.), surnommé le juste, fut le rival malheureux de Thémistocle, ce qui lui valut l’ostracisme, mais sa cité menacée par l’invasion de Xerxès (v. note [102] du Faux Patiniana II‑7) le rappela et il la défendit avec éclat.

5.

Parenthèse ajoutée dans la marge.

6.

Le maréchal de Villeroy, Nicolas ii de Neufville (v. note [5], lettre 133), avait épousé en 1617 Anne de Créqui (1609-1675), fille de Charles, duc de Lesdiguières, et de Madeleine de Bonne (v. note [44], lettre 442).

7.

« en récompense de son silence. » Une abbaye « donnée » par la Couronne de France devait ensuite être « obtenue » du pape qui délivrait une bulle à cet effet.

8.

« celui qui a arraché ses liens n’est pas encore tiré d’affaire. »

9.

Allusion au prophète Élie (v. notule {a}, note [3], lettre 417) qui ne connut pas la mort, mais fut emporté au ciel sur un char embrasé traîné par des chevaux de feu.

10.

« Louange et honneur à Dieu pour l’éternité », reconstitution entre crochets d’un fragment rendu illisible par un effacement de l’encre.

11.

Retenir : récupérer ; v. note [3], lettre 498, pour les Centuries de Benedetto Silvatico (Padoue, 1656) que Bonaventure Basset avait empruntées à Guy Patin.

12.

« que ce vaurien qui se complaît dans les querelles, s’occupe donc de ses affaires ou s’en aille à tous les diables. »

13.

Le Catalogue de la Bibliothèque de feu M. Falconet, médecin consultant du roi, et doyen des médecins de la Faculté de Paris, de l’Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, etc. Tome premier {a} (Paris, Barrois, 1763, page 358) recense un ouvrage qui pourrait correspondre : « Remède pour préserver de la rage. Poitiers, 1658 ». Je ne suis pas parvenu à mieux l’identifier, mais ma recherche m’a conduit au petit Manuel des Enragés, ou Collection des Remèdes publiés ou employés avec succès contre la rage, depuis 1578 jusqu’en 1780. Par M. Lenel d’Yvoiry… (pages 11‑12) : {b}

« En 1658, on annonça un remède infaillible pour préserver de la rage les hommes et les animaux ; on annonça aussi un baume ; le tout fut trouvé dans le cabinet de M. le cardinal de Richelieu. Ce remède consiste dans un breuvage fait avec la rue, la sauge, les marguerites auvages, les racines d’églantier, de scorsonère, de chacune une poignée ; ajoutez deux ou trois têtes d’ail et une poignée de sel ; pilez le tout et le laissez infuser trois jours dans du vin blanc. […]

Le baume dont la recette est tirée du cabinet de M. le cardinal de Richelieu est composé avec les balaustes, {c} l’écorce de grenade, le storax, {d} les noix de cyprès, l’eau de cannelle, et une poignée de sel et de suie, le tout pilé et infusé dans une chopine d’huile ou de vin ; la dose serait de trois à quatre cuillerées, le matin à jeun, continuée pendant douze jours. »


  1. La bibliothèque de Camille Falconet, petit-fils d’André et fils de Noël (v. note [36] de l’annexe sur le manuscrit no 2007 de la Bibliothèque interuniversitaire de santé) était riche de 50 000 volumes.

  2. Lyon, Aimé de la Roche, 1782, in‑8o.

  3. Fleurs desséchées du grenadier.

  4. V. note [45] de la Leçon sur le Laudanum et l’opium.

14.

Lavenicus criticus, seu antiqua iudicationum morborum causa rediviva et longissimis observationibus Avenione huc usque factis confirmata, per N.E.D.E.D.F.M.D.

[Lavenicus criticus, {a} ou la cause antique ressuscitée des opinions des maladies, et confirmée par les très longues observations menées jusqu’ici en Avignon, par N.E.D.E.D.F.M.D.] {b}


  1. Lavenic, capitaine des Cavares, aurait fondé la ville d’Avignon.

  2. Avignon, J. Piot, 1645, in‑4o, attribué à un médecin avignonnais nommé D. Félis.

15.

Jean Labadie (Bourg-en-Guyenne 1610, Altona, Danemark 1674) eut une des vies religieuses les plus tourmentées de son siècle. Novice de la Compagnie de Jésus en 1625, il s’y était d’abord fait remarquer par sa grande piété, et ses talents de théologien et de prédicateur, mais son mysticisme le rendit suspect et le général des jésuites lui fit donner son congé en 1639.

Monté de Bordeaux à Paris, le jeune prêtre s’était rapproché des oratoriens et de l’évêque d’Amiens, François Le Fèvre de Caumartin (v. note [8], lettre 298), qui le laissa exprimer toute son exaltation sur les chaires de son diocèse.

Au début des années 1640, Labadie s’était rapproché de Port-Royal pour devenir bientôt l’un des plus zélés défenseurs des thèses jansénistes. Critiqué pour l’ardeur de ses prédications et victime de calomnies sur sa vie privée, il tomba sous le coup de lettres de cachets et dut se retirer dans le diocèse de Bazas en Aquitaine, pour entrer chez les carmes en janvier 1650. Les dénonciations et les poursuites ayant très vite repris contre lui, Labadie avait abjuré le catholicisme pour le calvinisme en octobre 1650. Cette apostasie a, entre autres, servi d’argument aux jésuites pour accuser les religieuses de Port-Royal « d’être plus proches de Charenton [v. note [18], lettre 146] et de Genève que de Rome et de Notre-Dame de Paris ».

En 1652, Labadie avait pris des fonctions de pasteur et recteur d’académie protestante à Montauban, mais sans se mettre à l’abri des poursuites des jésuites et de la Compagnie du Saint-Sacrement (v. note [7], lettre 640). Obligé de quitter la ville en octobre 1657, il se rendit à Orange, alors terre étrangère, pour y devenir pasteur jusqu’en 1659. Toujours suspect, toujours dérangeant, mais subjuguant son auditoire avec toujours plus de talent et de conviction, Labadie erra de place en place le reste de son existence : Genève de 1659 à 1666, puis Utrecht (où il devint intime d’Anna Maria van Schurman, v. note [74], lettre 150), Middelburg, etc., puis enfin Altona.

Il est resté de lui plusieurs ouvrages de théologie et de polémique religieuse, et quelques adeptes, les labadistes, dont une partie chercha sans succès durable à s’implanter sur la côte Est des États-Unis (Dictionnaire de Port-Royal, pages 553‑555).

16.

« à cause de la mauvaise santé opiniâtre du Mazarin empourpré. »

Le roi quitta Metz pour se rendre à Nancy le 25 octobre. Revenu à Metz le 26, il en partit le 28 pour fêter la Toussaint à Châlons et être de retour à Paris le 8 novembre, trois jours avant la Saint-Martin.

17.

V. note [29], lettre 224, pour Jacques Le Tillier et ses liens affairistes avec l’abbé Fouquet.

Louis Le Tonnelier, seigneur de Breteuil (mort en 1685) avait été reçu, en 1637, conseiller au Parlement de Paris en la première Chambre des requêtes, puis maître des requêtes en 1644. Nommé contrôleur général des finances en 1657, il exerça pendant neuf années, à l’issue desquelles sa charge fut supprimée, ce qui lui valut un remboursement de 150 000 livres et une charge de conseiller d’État (Popoff, no 2364).

Barthélemy Hervart (v. note [1], lettre 209, que Guy Patin appelait ici Derval) était l’autre contrôleur général des finances alors nommé en même temps que Le Tonnelier.

18.

« pendant nombre d’années elle a pu se régaler de la papauté » ; v. note [4], lettre 127, pour la vie scandaleuse d’Olimpia Maidalchini, née Pamphili.

19.

« c’est où elle a puisé les eaux avec joie aux sources du Sauveur [Isaïe, 12:3] et aux plaies du Christ, dont la chair bien grasse est à Rome. » Prévarication et simonie mettaient Guy Patin hors de lui.

20.

Soutenir : « en termes de guerre, signifie résister, s’opposer à la violence d’un ennemi » (Furetière).

21.

« Pierre court » ; énoncé scolastique {a} que Raymond Lulle {b} a le mieux développé : {c}

Substantia rationalis sensata est homo, Homo est substantia rationalis sensata. Ista conversio est continuationis, et ideo arguo sic, Omnis substantia rationalis sensata est homo, Petrus est substantia rationalis sensata, ergo Petrus est homo. […]

Homo currit, quidam currit est homo : prædicatio ista est per contractionem substantiæ et accidentis, et ideo arguo sic : Omnis homo currit, Petrus est homo, ergo Petrus currit : et ideo quia medium conversionis non intrat istum syllogismum, eo quod non convertit substantiam et accidens, et medium conjuctionis conjungit et medium extremitarum continuat, nascitur ista, Quidam homo currit : et ex hoc apparet quod quidam et aliquis, et huiusmodi non sunt de genere omnino universalis, sed sunt omnino particularia.

[« La substance raisonnable sensée est homme, l’homme est substance raisonnable sensée. » Cela étant une conversion de continuation, {c} j’énonce alors ceci : « Toute substance raisonnable sensée est homme, Pierre est substance raisonnable sensée, donc Pierre est homme. » (…)

« L’homme court, celui qui court est un homme » : cette affirmation se déduisant de la contraction de la substance et du fortuit, j’énonce alors ceci : « Tout homme court, Pierre est un homme, donc Pierre court » ; et puisqu’un moyen terme de conversion n’entre pas dans ce syllogisme, {d} étant donné que le fortuit ne convertit pas la substance, et que le moyen terme de la combinaison les associe et établit une continuité entre les extrémités, il en découle que « Tout homme court » ; et il est donc clair que tout un chacun n’appartient aucunement au genre qu’on dit universel, mais est tout à fait à part]. {e}


  1. V. note [3], lettre 433.

  2. Saint et philosophe mystique du xiiie s., v. note [3], lettre 265.

  3. Raymundi Lullii Opera quæ ad inventam ab ipso Artem universalem… pertinent… [Œuvres de Raymond Lulle… touchant à l’Art universel qu’il a lui-même inventé…] (Strasbourg, 1609, Lazarus Zetznerus, in‑8o), Tractatus de Conversione subiecti et Prædicati per medium [Traité de la mutation du sujet et de l’attribut par l’intermédiaire du moyen], De quinta Distinctione, quæ est de Homine [Cinquième distinction, qui concerne l’Homme], page 171‑172.

    Un siècle avant Lulle, Pierre Abélard (v. note [92] du Faux Patiniana II‑7) a recouru à Petrus currit, mais à l’appui d’un argument différent (l’ambiguïté du discours) et dans sa Dialectica manuscrite, qui n’a été imprimée qu’au xixe s.

  4. Conversion « se dit en logique des arguments qu’on retourne, qu’on rétorque, qu’on fait voir en un sens contraire » (Furetière). Une « conversion de continuation » me semble dénoncer ici une absence de lien logique entre la première et la seconde proposition.

  5. Dans le vocabulaire dialectique, un syllogisme (v. notes [8], lettre 196, et [19], lettre 376) est composé de deux propositions (ou prémisses), dites majeure (« Tout homme court ») et mineure (« Pierre est un homme »), suivies d’une conclusion (« donc Pierre court ») ; le moyen est le terme (mot) qui est exposé dans la mineure et dans la majeure (ici « homme ») ; l’extrémité majeure est le terme qui, avec le moyen, compose la majeure (ici « court »), et de même pour la mineure (ici « Pierre »).

  6. Autrement dit : comme tous les animaux, l’homme court, mais cela n’en fait pas un animal comme les autres, dont il faut le distinguer, car il est substance raisonnable sensée ; mais je ne suis pas absolument certain d’avoir pénétré toutes les subtilités scolastiques de Lulle.

S’il avait bien en tête le syllogisme de Lulle, Guy Patin paraissait vouloir dire que Bonaventure Basset n’était qu’un animal comme une autre, capable de courir, mais non doté de raison, un écervelé.

Patin aurait moins surpris son lecteur, mais aurait moins bien ajusté la flèche à sa cible, en empruntant à Thomas d’Aquin, {a} Sur la logique d’Aristote, opuscule xlvii, traité 2, chapitre ii, Ce que c’est que la substance suivant l’intention logique :

Unde existere sic de genere et specie dicitur, homoexistit accidentia communia. Sicut enim dicitur, homo existit, quia Petrus existit ; sicut homo currit, qui a Petrus currit.

« C’est pourquoi exister se dit du genre et de l’espèce, comme des accidents communs. De même, en effet, qu’on dit “ l’homme existe parce que Pierre existe ”, de même aussi, “ l’homme court parce que Pierre court ”. » {b}


  1. Contemporain de Lulle, v. note [24], lettre 345.

  2. Traduction de MM. les curés Védrine, Bandel et Fournet (1858).

22.

« Les mélancoliques [les fous] ont peur de tout ce qui est sans danger ».

23.

Proditoirement : « en trahison ; terme de Palais qui n’a d’usage que dans les matières criminelles où il s’agit d’assassinat : il l’a tué proditoirement » (Trévoux).

La duchesse Élisabeth-Angélique, Mme de Châtillon, était veuve de Gaspard de Châtillon, tué lors du combat de Charenton le 8 février 1649, tandis qu’il luttait aux côtés du Grand Condé. Elle avait accouché en juillet suivant d’un fils posthume, Henri-Gaspard (v. note [78], lettre 166). Il était le seul représentant de la cinquième génération suivant Gaspard de Coligny, amiral de Châtillon (1517-24 août 1572, v. note [156], lettre 166).

24.

Guillaume Cornuel, frère aîné de Claude (v. notes [7], lettre 24, et [8], lettre 39), avait été adjudicataire des cinq grandes fermes en 1620, secrétaire du roi et trésorier général de l’Extraordinaire des guerres en 1628.

Tallemant des Réaux a consacré une historiette à Madame Cornuel (tome ii, pages 286‑289), sa seconde épouse en 1627, qui tenait un salon réputé de Paris, rue des Francs-Bourgeois :

« Ce fut elle qui donna le nom d’Importants aux gens de la cabale de M. de Beaufort {a} parce qu’ils disaient toujours qu’ils s’en allaient pour une affaire d’importance. Elle a dit depuis que les jansénistes étaient des Importants spirituels. »


  1. V. note [4], lettre 93.

25.

Quelle mouche avait donc piqué Guy Patin pour proférer une si énorme et perfide médisance ? Nulle autre source n’autorise sérieusement à croire que les deux livres d’Experimenta nova… [Expériences anatomiques nouvelles…], publiés en 1651 et 1654 (v. note [4], lettre 360), où étaient découverts et décrits le canal thoracique et le réservoir du chyle (toujours nommé citerne de Pecquet, v. note [23], lettre 152), n’ont pas été rédigés par Jean Pecquet en personne. La Compagnie de Jésus ne se serait pas honorée en lui prêtant ses plumes car la syntaxe latine de ses deux éditions est des plus barbares (ce qui n’ôte guère à la beauté et à l’exactitude de ses descriptions et de ses raisonnements).

Il n’en est pas moins vrai que Pecquet n’a jamais pris la peine de répondre aux insultes que Jean ii Riolan avait écrites contre lui et les « docteurs pecquétiens » en 1655 (v. note [1], lettre 414), ni à ceux qui, comme Jan van Horne (v. notes [5‑3], lettre 390, et [4], lettre latine 50), lui ont contesté la primeur de sa découverte.

26.

« On dit tenir le bon bout de son côté, pour dire conserver toujours l’avantage de la possession de quelque chose ; et qu’un autre ne l’aura que par le bon bout, pour dire après avoir bien plaidé et contesté » (Furetière).

27.

V. note [2], lettre latine 52, pour les Dissertationes anatomicæ de Werner Rolfinck (Nuremberg, 1656, qui n’ont été ni continuées ni réimprimées).

Le jeune médecin Monin (de prénom inconnu) apparaît dans cinq lettres que Guy Patin et Charles Spon ont échangées entre novembre 1657 et décembre 1658.

28.

Dans sa lettre manuscrite, Guy Patin a simplifié le nom de François Rassyne en Racine.

Le courrier que Patin remettait à Johann Rudolf Dinckel à l’intention de Melchior Sebizius était la lettre latine 93 de notre édition.

29.

« ce sont ses propres paroles ».

30.

Phrase écrite dans la marge en regard de la précédente {entre accolades}, qui a été biffée.

Les pages cxcixcc des Opera omnia de Jean Varanda éditées par Henri Gras (Lyon, 1658, v. note [10], lettre 485) appartiennent au commentaire de la Προνωστικη Medica (pars prima) [Médecine pronostique (première partie)], dans le chapitre Προγνωσις ex lingua, dentibus, et reliquis oris partibus, in quibus gustus, vox et loquela considerantur [Pronostic tiré de la langue, des dents et des autres parties de la bouche, où sont considérés le goût, la voix et la parole], avec ces passages citant les commentaires de Louis Duret sur les Coaques d’Hippocrate (Paris, 1588, v. note [10], lettre 11) :

Præter ista autem in lingua ipsa, dentibus, gingivis, et aliis oris partibus, multa signa prognostica apparent : Etenim 6. Ep. sect. 5. lingua concolor sit dominanti humori : ac proinde per hanc humores dignoscimus, et future præsentimus; Et in Coac. Duret. 133. Lingua initio morbi scabra leviter cum colore assuero, quæ deinde valde exasperatur, finditurque et tandem nigrescit, pessima, potissimum si quodammodo viridis appareat. Unde linguæ etiam as peræ multumque siccæ, delirium ab incendio febrili superioribus partibus communicato ostendunt.

Valde notatur dignum est illud, quod ibidem habetur : si in medio linguæ, ubi linea illa quasi dividens excurrit, post eiusmodi alienos colores appareat saliva quædam alba, modice crassa, ex pepasmo scilicet et humorum mitificatione, securitatem in morbo designat. Ludovicus Duretus nullum vidit periisse ex morbo acuto, cui tale signum in lingua apparuisset, quod ex ore illius accepimus, dum Coacas Lutetiæ interpretabatur. […]

Eodem modo in Coacis Dur. 137. Dentes exarescere pessimum in febre continua : et Aphorism. 53. sect. 4. Quibus in febribus circa dentes fiunt lentores, id est, plurimæ sordes colliguntur et adhærescunt, in vehementissimum incendium et periculosum significatur : quod confirmat lib. 4. Epid.

[En outre, beaucoup de signes pronostiques se voient dans la langue elle-même, et dans les dents, les gencives et autres parties de la bouche. De fait, au livre vi des Épidémies, section 5, la langue prend la même couleur que l’humeur dominante ; elle nous permet ainsi de reconnaître les humeurs et de pressentir ce qu’il va en advenir. {a} Et dans les Coaques de Duret, page 133, {b} une langue légèrement râpeuse mais de couleur normale au début de la maladie, qui devient ensuite fort raboteuse, puis se crevasse et enfin noircit, est de très mauvais augure, surtout si elle prend une teinte verdâtre. De là vient que les langues rugueuses et très sèches font craindre un délire par communication de l’incendie fébrile aux parties supérieures. {c}

Au même endroit, ce qui suit est tout à fait digne de remarque : si au milieu de la langue, où court le pli qui la divise en deux, après les autres couleurs susdites, apparaît une certaine salive blanche, modérément épaisse, alors approche la délivrance de la maladie, par la coction bien sûr, et aussi par l’adoucissement des humeurs. Louis Duret n’a vu personne mourir en une maladie aiguë quand un tel signe est apparu, ce que nous avons recueilli de sa propre bouche tandis qu’il commentait les Coaques à Paris. (…)

De la même façon, dans les Coaques de Duret, page 137, il est très mauvais de voir les dents se sécher dans une fièvre continue ; {d} l’Aphorisme 53, section 4, énonce que Lorsque dans les fièvres, il se forme des viscosités sur les dents, c’est-à-dire qu’une abondance d’ordure adhérente se colle sur elles, les fièvres deviennent plus ardentes et dangereuses ; ce que confirme le livre iv des Épidémies].


  1. Littré Hip, volume 5, page 319, § 8 :

    « (La langue indique les humeurs.) La langue indique l’urine, la teinte jaune vient de la bile (la bile vient des corps gras) ; la teinte rouge, du sang ; la teinte noire, de la bile noire ; la sécheresse, d’une inflammation [v. note [6], lettre latine 412] fuligineuse et des affections de la matrice, la teinte blanche, de la pituite. »

  2. Chapitre du commentaire de Duret intitulé De lingua et reliquis oris partibus [La langue et les autres parties de la bouche] (pages 133‑142).

  3. En sémiologie moderne, la « langue de perroquet » est un témoin alarmant de profonde déshydratation.

  4. Les pages 137‑138 du commentaire de Duret sur les Coaques portent sur cette sentence d’Hippocrate (Littré Hip, volume 5, page 635) :

    « x. Le serrement ou le grincement des dents, quand ce n’est pas une habitude d’enfance, fait craindre un délire maniaque et la mort ; mais si le malade, délirant déjà, offre ce signe, cela est absolument funeste ; il est encore funeste que les dents se sèchent. »

31.

« pour prolonger notre doyen et élire nos professeurs ». Cette réunion de la Faculté eut lieu le 3 novembre. Le décanat de Roland Merlet (Roland Merlet, v. note [14], lettre de Charles Spon datée du 21 novembre 1656) fut prolongé d’un an et les professeurs furent élus pour l’année suivante.

32.

Les corps des chirurgiens de Saint-Côme et des barbiers chirurgiens voulaient s’unir contre la volonté de la Faculté de médecine (v. note [20], lettre 487), mais venaient lui demander une trêve. Dans les Comment. F.M.P. (tome xiv, fo 332), le doyen a brièvement consigné l’événement que Guy Patin relatait ici. Le député des chirurgiens était Jean Ménard (v. note [12], lettre 782), adjoint du premier chirurgien et barbier du roi.

33.

V. notes [2], lettre 211, pour Laurent Mesme, dit Mathurin Neuré, et [68], lettre 166, pour Charles Paris d’Orléans, fils de la duchesse de Longueville.

Le travail éditorial de Samuel Sorbière allait mettre Guy Patin fort en colère : v. note [20], lettre 528.

34.

Nonnihil de Febribus a Guilielmo Slatholmo Buntingfordiensium Medico. e Flamma, Lumen.

[Quelque chose sur les fièvres, par Guilielmus Slatholmus, médecin natif de Buntingford. {a} De la flamme vient la lumière]. {b}


  1. William Slatholm, Buntingford est une petite ville du Hertfordshire.

  2. Londres, Philemo Stephans, 1657, in‑8o de 148 pages.

35.

« ou un abrégé de la vie » : il n’y a en effet dans les Opera omnia [Œuvres complètes] de Jean Varanda éditées par Henri Gras (Lyon, 1658, v. note [10], lettre 485) ni éloge ni biographie de l’auteur ; mais seulement une épître dédicatoire (3 pages) de Henri Gras à Pierre de Maridat, in magno christianissimi regis consilio senatori integerrimo [conseiller très intègre au Grand Conseil du roi très chrétien], et un elenchus [appendice] d’une page, du même, « au lecteur bienveillant ».

36.

Par la mort de son père (v. note [12], lettre 18), Charles iii de Lorraine, prince d’Harcourt (v. note [9], lettre 463), venait de devenir duc d’Elbeuf ; il mourut en 1692.

37.

Crémone, ville du duché de Milan, sur le Pô, était la capitale du Crémonois.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 6 novembre 1657

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(Consulté le 28/03/2024)

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