L. 529.  >
À Charles Spon,
le 5 juillet 1658

< Monsieur, > [a][1]

Je viens d’apprendre que notre victoire sur les Espagnols [2] est bien plus grande que je ne vous ai écrit par ma dernière. Ils y ont perdu 6 000 hommes, et nous très peu de monde. Quelques-uns disent que le dessein des Espagnols d’attaquer nos lignes fut découvert au cardinal Mazarin [3] par un traître qu’il avait dans le Conseil du prince de Condé ; [4] mais d’autres disent que le maréchal d’Hocquincourt [5] en mourant donna avis de leur dessein, dont M. de Turenne [6] a bien fait son profit. [1]

Pour M. Parker, [7] je vous donne avis qu’il est parti pour Londres, et que la veille de son départ il me vint voir pour me dire bonjour et adieu, tant pour son retour d’Italie que parce qu’il devait partir le lendemain pour l’Angleterre. Il m’a promis de m’écrire de là. J’eus regret de le voir partir, j’en pleurai des deux yeux. S’il fût ici demeuré jusqu’à la fin de mes leçons, [8] il eût pu y apprendre quelque chose de bon qu’il ne trouvera pas à Londres. Tous ces étrangers aiment trop à escarpiner et battre la semelle, nimia, inquam, laborant peregrinomania[2][9] C’est assez pour eux qu’ils voient des villes et des clochers dont ils n’ont jamais l’offrande ; [3] en faisant ainsi ils voient beaucoup de pays, mais ils n’en apprennent pas pourtant les Aphorismes [10] ni les Pronostics [11] d’Hippocrate. Lui et M. Dinckel [12] sont les deux étrangers que j’ai le mieux aimés, et que j’ai trouvés les plus sages et les plus raisonnables. Pour les œuvres d’Aldrovandus, [13] je serais bien fort de votre avis, savoir que ce livre-là serait fort bon s’il était imprimé à Lyon, et je voudrais avoir vu cela. [4] Ce grand ouvrage mériterait mieux d’être imprimé que des canonistes d’Italie ni que des jésuites espagnols qui ne nous donnent que des rêveries ou des redites sur la Sainte Écriture, sorte de livres fort ennuyeux et qui ne font aucun bien à la république des lettres.

On dit qu’à cette dernière défaite des Espagnols le prince de Condé l’échappa belle, qu’il fut porté par terre et foulé aux pieds sans être reconnu, qu’enfin un des siens l’emporta hors de la mêlée sur ses épaules en un lieu écarté, qu’on le voulut saigner et que son bras fut piqué, mais qu’il n’en vint pas de sang, tant il était étonné. [5] Nonobstant la défaite des Espagnols qui voulaient attaquer nos lignes, ceux de Dunkerque [14] font rage de se bien défendre. Dès le lendemain, ils ont fait une sortie sur les nôtres où ils ont blessé des plus remarquables, entre autres M. de Castelnau de La Mauvissière [15] qui a reçu un grand coup de mousquet dans le ventre ; à cause de quoi on a fait partir en diligence, le 19e de juin dernier après-midi, un chirurgien fameux, nommé Dalancé, [16] qui est allé en poste à l’armée pour y panser ce seigneur qui est un brave et excellent capitaine, et qui était à la veille d’être fait maréchal de France. [6] Le prince de Condé eut deux chevaux tués sous lui, il fut terrassé et foulé aux pieds ; mais de bonheur pour lui, d’autant qu’il n’était que médiocrement vêtu, il ne fut pas reconnu, et ainsi fut sauvé par un escadron de ses gens qui le cherchaient.

Les paysans révoltés [17] pour les liards, vers Sully [18] Jargeau [19] et Sancerre, sont d’accord. Le duc d’Orléans [20] avait envoyé pour eux vers Messieurs du Conseil y demander abolition et rabais de quelque chose sur les tailles, [21] et que l’on prendrait un peu de leurs liards et qu’ils se retireraient dans leurs maisons. On leur a accordé tout ce qu’ils ont requis ; ainsi l’on tient cette affaire parachevée. Les Hollandais n’ont rien fait contre nous pour Dunkerque, mais leur flotte est partie contre le Portugal. Je pense qu’ils n’ont osé nous manquer de peur d’avoir besoin de nous à l’avenir contre cet ennemi commun à eux et à nous, et à toute la liberté publique. [7] Il y a ici une lettre de Rome, laquelle porte que la reine de Suède [22] se va enfermer dans un couvent et s’y faire religieuse. Passe pour cela, pourvu qu’elle paie ses dettes à l’avenir mieux qu’elle n’a fait par ci-devant : elle doit 700 000 livres à un de nos marchands de soie nommé Bidal [23] qui, depuis peu, a fait banqueroute [24] de plus de 800 000 écus ; cette somme de la reine de Suède lui ferait grand bien. Le roi de Suède [25] lui doit aussi 200 000 livres, mais qu’il ne peut lui payer qu’après la guerre finie. Voilà de bonnes gens que les princes, leur pratique accommode fort les marchands. Nolite confidere in principibus, longe a principibus salus[8][26]

J’apprends ici que M. de Montmor, [27] le maître des requêtes, se plaint fort du sieur de La Poterie [28] d’avoir changé et ajouté en divers endroits quelque chose dans les écrits de son maître ; de quoi il s’accordera avec lui puisqu’il est de retour. Le sieur Sorbière [29] est en grosse querelle contre les libraires de Lyon de ce que son nom n’a pas été exprimé au frontispice de ce grand ouvrage, [30] comme si ce qu’il a fait en valait la peine ! Annales Volusii, cacata charta ! Quasi tanti esset momenti villissimum elogium, plenum ruris et inficetiarum, dignum plane, quod deferatur in vicum vendentem thus et odores et piper et quidquid chartis amicitur ineptis ; sed dimittamus illum parabatam, solo nostro contemptu dignum. Habeat iste nebulo sibi res suas, et abeat in Morboviam, vinctus mittatur Ilerdam, fiat thuris piperisque cucullus, ne toga cordylis, ne pænula desit olivis, etc. [9][31][32][33][34]

Les Espagnols ne perdent pas courage, ceux de Dunkerque se défendent comme des lions. Le prince de Condé et tous les Pays-Bas [35] travaillent à nous faire lever le siège, et tâcheront de faire cet effort avant que M. le maréchal de La Ferté-Senneterre [36] arrive à Dunkerque ; et en attendant, il y a grand désordre et furieux mécontentement dans le pays. Plusieurs villes du Brabant, [37] et entre autres Anvers, [38] Louvain, [39] Bruxelles, [40] Malines, [41] et autres, cherchent à traiter de neutralité avec nous ou à s’accorder avec les Hollandais, ne pouvant plus fournir aux contributions ni résister aux forces étrangères, pour la grande impuissance dans laquelle est le roi d’Espagne. [42] Ah ! que si le Conseil du roi était composé de gens de bien, qu’il y a longtemps que nous serions les maîtres de ces 17 provinces ! [10] Mais le premier vers d’Aristophane [43] n’est que trop vrai, etc. [11]

Nous avons ici un de nos magistrats bien malade, qui est M. Fouquet, [44] procureur général et surintendant des finances. Oh, la belle chape-chute ! si cette âme moutonnière et loyolitique se laissait mourir ; mais cela n’arrivera point car il est encore jeune, [12] il a les dents et les ongles fort bons, il est le grand patron de la troupe loyolitique, il est un des premiers hommes du cardinal Mazarin, et un des plus grands arcs-boutants de la tyrannie du siècle, des partisans et autres mangeurs du peuple ; et même quand il mourrait, il ne manquerait point de successeurs qui seraient des poux maigres qui voudraient se rengraisser de la substance des pauvres et des riches ; [13] et ainsi nous aurons toujours du mal.

Il y a grand bruit à Orléans. [45] La populace et les faubourgs s’y sont émus, qui, malgré toute la force de la ville et nonobstant la présence du duc d’Orléans qui s’en est sauvé, ont pillé trois bateaux chargés de sel. On dit que ce mal ira bien plus loin et s’agrandira fort. On a mis et réduit les liards à un double par un arrêt du Conseil qui a été partout publié et proclamé. [14] Le bruit et le désordre continuent dans Orléans. Les dernières lettres portent que l’on y a pillé jusqu’à sept bateaux de sel.

Votre dernier courrier de Lyon a été arrêté en venant ici, près de Fontainebleau. Toutes ses lettres ont été visitées par le dehors seulement, mais on ne lui en a pris aucune que celles qui venaient de Rome et entre autres, celles du pape à son nonce[46][47] Après la prise de Dunkerque, [15] notre armée a passé au siège de Bergues-Saint-Winoc [48] et de Furnes, [49] qui ne sont pas loin l’une de l’autre. [16] On a fait ici diverses assemblées à l’Hôtel de ville touchant le moyen de garantir notre ville des inondations [50] dont elle est menacée. Il y a entre autres un ingénieur nommé M. Petit [51] qui en a fait un livret que l’on imprime et un plan que l’on grave, dont j’ai vu le dessin chez un de nos échevins. [52] Ils prétendent de tirer un canal environ une demi-lieue au-dessus du Bois de Vincennes et l’amener de la rivière de Marne dans la Seine, un peu au deçà de Saint-Denis, [53] au travers du grand chemin où il faudra faire plusieurs ponts dans cette grande largeur qu’il tiendra. [17]

Les marchands ne parlent plus ici que de banqueroute. Il y en a eu trois grandes depuis huit jours, savoir de Charles Forne, [54] de MM. Badol [55] et Du Bres, [56] et depuis hier, de M. Trouchet, [57] rue des Cinq-Diamants. [18][58][59] On regrette fort ce dernier comme un honnête homme, je le connaissais pour tel et en ai sérieusement grand regret ; mais ils tiennent pour certain que abyssus abyssam invocat[19] et que pendant un mois d’autres s’ensuivront. On parle encore d’un nommé Le Blanc, [60] et de quelques autres levioris armaturæ[20]

Pour la préface du sieur Sorbière, qu’il a mise au-devant des œuvres de feu M. Gassendi, je n’ai garde de m’en plaindre. Elle n’en vaut pas la peine, elle me fait pitié, personne ne la lira jamais d’un œil équitable qui n’en reconnaisse plusieurs abus et diverses fautes d’esprit, de jugement et de volonté. S’il y a quelque chose qui me regarde, je lui pardonne et ne veux point m’en donner aucune peine. Ma conscience me vaut mille témoins. J’ai fait ce que j’ai pu et ce que j’ai dû à M. Gassendi. Le sieur Sorbière et telles gens que lui s’en contenteront s’ils veulent. Je ne tiens pas cet apostat digne de ma colère. S’il en valait la peine, je lui montrerais que sa préface est un misérable écrit plein de fautes en bien des façons ; sed sinamus istum nebulonem[21] il y a bien encore à dire plus sur lui que sur sa préface, toute mal faite et misérable qu’elle est, et il n’est pas capable de faire rien de mieux. Je serai assez vengé de son impertinence quand les honnêtes gens verront tant de fautes qu’il y a faites, pour lesquelles il ne passera jamais que pour un veau, tel qu’il est.

J’apprends que dès qu’on a fait sortir les Espagnols de Dunkerque, les loyolites [61] ont été aussitôt dans le même rang, avec protestation qu’il n’y en aurait aucun dans la place ; ce qui a été exécuté, quelque effort qu’ait fait pour y en retenir le P. Annat, [62] confesseur du roi.

Je n’ai jamais rien ouï dire du travail de M. Blondel [63] contre Baronius, [64] mais je voudrais bien que cela fût vrai. Plût à Dieu qu’il vînt quelqu’un qui entreprît un sérieux examen, à l’imitation de Casaubon, [65] de ces Annales de la papimanie ; [22] mais il y faudrait un habile homme tel qu’ont été Casaubon, Scaliger, [66] Salmasius, [67] Grotius, [68] Usserius, [69] Montacutius ; [23][70] mais j’ai peur que la race n’en soit morte et qu’il n’y ait plus au monde de gens de telle portée, Rari quippe boni, etc[24][71] Néanmoins, je m’en enquêterai et vous manderai ce que j’en aurai appris.

On dit ici beaucoup de choses de la reine de Suède [72] et de ce qu’elle fait à Rome, qui me font croire qu’elle n’est pas bien sage, ni même bien assurée avec toutes ses fredaines, dans Rome même, qui est un étrange lieu et une dangereuse retraite pour les gens de bien :

Negotiosa mater otiosorum,
Incesta cælibum, quiritium manceps,
Ocelle quondam, nunc lacuna fortunæ, etc.
 [25]

Je pense que vous connaissez bien l’auteur de ces beaux vers, Joseph Scaliger. Vale cum tua et me ama. Tuus ex animo[26]

De Paris, ce 5e de juillet 1658.


a.

Reveillé-Parise, no cccxxxi (tome ii, pages 400‑406).

1.

V. note [13], lettre 528, pour la bataille des Dunes gagnée par les Français (Mazarin pour la diplomatie et Turenne pour le commandement des armées) alliés aux Anglais, contre les Espagnols alliés aux anciens frondeurs (Condé et d’Hocquincourt), devant Dunkerque, le 14 juin.

La Grande Mademoiselle (Mémoires, chapitre xxxi) a parlé de la mort du maréchal d’Hocquincourt, mais bien autrement qu’en le soupçonnant de trahison :

« Le siège de Dunkerque dura assez longtemps. Le maréchal d’Hocquincourt y fut blessé et en mourut quelques heures après, étant venu reconnaître un fort pour voir si on pourrait attaquer par là les lignes. On fit une sortie sur lui, où il reçut ce coup mortel. On lui trouva dans sa poche une lettre d’une Mme de Ligneville, qui était nièce de Mme d’Hocquincourt, sa belle-mère. Je l’ai connue, c’était une honnête fille, elle s’était retirée dans un couvent au faubourg Saint-Germain qui s’appelle les Filles du Saint-Sacrement. Elle lui écrivait, malade à l’extrémité d’un crachement de sang, que si elle eût été en état d’aller à la grille, elle l’aurait prié de la venir voir pour l’avertir qu’il ne vivrait pas longtemps et qu’il fallait songer, le peu qu’il lui en restait, à faire pénitence ; et beaucoup de bons avis de cette force-là. La lettre était fort anciennement écrite, et à la fin elle lui disait : “ Et pour marque de la vérité de ce que je vous dis, c’est que je mourrai dans un tel temps. ” Elle lui marquait le moment de sa mort. Il donna cette lettre à M. le Prince, qui l’alla voir ; et par son testament, qu’il avait fait aussitôt après l’avoir reçue, il ordonnait que l’on portât son corps à Notre-Dame-de-Liesse ; mais le roi en refusa la permission lors, qu’il a accordée depuis. »

2.

« ils souffrent, dis-je, d’une excessive pérégrinomanie. »

V. note [7], lettre 415 pour la pérégronomanie.

Escarpiner : « courir vite et légèrement, comme on fait quand on est chaussé avec des escarpins [souliers à talons plats], avec une chaussure commode » ; « On dit que les compagnons de métier vont battre la semelle, quand ils vont à pied et de ville en ville pour chercher maître et à travailler » (Furetière).

3.

Expression que Guy Patin a employée plusieurs fois, pour dire que le voyageur pressé passe devant les églises sans y assister à la messe (dont le milieu célèbre l’offrande) : il ne pénètre jamais au fond des choses et des gens qu’il croise.

4.

V. note [13], lettre 9, pour les Aldrovandi Opera omnia [Œuvres complètes d’Ulisse Aldrovandi] (Bologne, 1599, 13 volumes in‑fo), dont il n’y eut pas de réédition lyonnaise.

5.

C’est-à-dire « choqué, ébranlé » : il semble aujourd’hui bien extravagant de vouloir saigner un homme dans un tel état de choc (collapsus).

6.

Jacques de Mauvissière, marquis de Castelnau (1620-1658), petit-fils de Michel de Calstelnau de la Mauvissière (v. note [5], lettre 511), était entré de bonne heure dans l’armée et avait participé à de nombreux combats. Fait prisonnier et enfermé dans la citadelle de Cambrai, il était parvenu à s’en échapper. S’étant distingué à Nördlingen, il servait avec le grade de lieutenant général sous La Meilleraye et sous Turenne. Blessé grièvement aux Dunes, on le transporta à Calais où le roi lui envoya le bâton de maréchal, mais il mourut deux jours après (G.D.U. xixe s.).

7.

Cet ennemi était l’Espagne, dont le seul allié potentiel restant en Europe était Léopold de Habsbourg, qui attendait toujours d’être élu empereur.

8.

« N’allez pas vous fier aux princes, le salut se trouve loin d’eux », Psaumes (146:3) :

Nolite confidere in principibus, in filiis hominum, in quibus non est salus.

[N’allez pas vous fier aux princes, aux fils des hommes, en qui il n’y a point de salut].

9.

« Annales de Volusius, papier couvert de merde ! Plein de rusticité et de grossièreté, qu’il soit pris pour un éloge parfaitement vil et tout bonnement digne d’être exposé au beau milieu du carrefour où se vendent l’encens, les parfums, le poivre et tout ce qu’on enveloppe dans de ridicules paperasses ; mais laissons là ce contempteur, {a} il ne mérite que notre mépris. Que ce vaurien s’occupe donc de ses affaires et s’en aille à tous les diables ; qu’enchaîné on l’envoie à Ilerda ; qu’on en fasse un cornet pour emballer le poivre et l’encens afin que les jeunes thons ne manquent pas de toges, ni les olives de manteaux, etc. »


  1. Parabata est un hellénisme dérivé de παραβατης, mot qui dans son sens premier, désigne le guerrier qui se tient à côté du conducteur pour frapper l’ennemi du haut d’un char de guerre.

Samuel Sorbière, avec qui Guy Patin avait apparemment cessé de correspondre depuis 1655, avait rédigé la Vie de Gassendi, qu’on trouve en tête de ses Opera omnia (v. note [20], lettre 528) ; Patin ne décolérait pas à son encontre car il y accusait les médecins d’avoir accablé le philosophe de souffrances, jusqu’à l’avoir tué à force de le faire saigner. Blessé au plus profond de son honneur, Patin tirait sa fumante invective de rien moins que cinq sources latines ; ce sont dans l’ordre :

  1. les vers 1 et 19 du poème xxxvi de Catulle, In Annales Volusii [Contre les Annales de Volusius] (v. note [10], lettre 368), Annales Volusii, cacata carta ! [Annales de Volusius, papier couvert de merde !] et Pleni ruris et inficetiarum [Pleines de rusticité et de grossièreté] ;

  2. deux vers d’Horace (Épîtres, ii, lettre 1, vers 269‑270, v. note [3], lettre 22),

    deferar in vicum vendentem tus et odores
    et piper et quicquid chartis amicitur ineptis
    ,

    [et l’auteur ne s’expose pas au beau milieu du carrefour où se vendent l’encens, les parfums, le poivre et tout ce qu’on enveloppe dans d’ineptes manuscrits] ;

  3. un autre fragment des Épîtres d’Horace (i, lettre 20, vers 13) aut fugies Vticam aut uinctus mitteris Ilerdam [ou tu fuiras à Utica (port proche de Carthage), ou enchaîné, on t’enverra à Ilerda (aujourd’hui Lérida en Espagne)] ;

  4. un vers de Martial (v. note [3], lettre 247) vel turis piperisve sis cucullus [ou que tu deviennes un cornet pour le poivre et l’encens] ;

  5. un autre vers de Martial (v. note [8], lettre 86), Ne toga cordylis et pænula desit olivis [Pour que les jeunes thons ne manquent pas de toges, ni les olives de manteaux].

10.

Guy Patin entendait l’ensemble formé par les Pays-Bas espagnols et les Provinces-Unies.

Des 17 provinces des Pays-Bas, qui formaient l’héritage bourguignon du roi d’Espagne, Philippe ii, les sept provinces du nord (Groningue, Frise, Overyssel, Gueldre, Utrecht, Hollande et Zélande, v. note [22], lettre 150) avaient fait sécession, sous le nom de Provinces-Unies, république reconnue de facto en 1609, lors de la trêve de Douze Ans avec l’Espagne (v. note [6], lettre 453). Les 10 provinces restées fidèles étaient devenues autonomes sous l’autorité des archiducs dépendants de l’Espagne : Artois, Flandre, Hainaut, Brabant, Namur, Malines, Tournai, Gueldre espagnole, Limbourg et Luxembourg (L. Trenard, Dictionnaire du Grand Siècle).

11.

L’et cetera peut être celui de Reveillé-Parise, pour escamoter une transcription grecque ou latine des deux premiers vers du Plutus (Ploutos) d’Aristophane, {a} où l’esclave Kariôn s’exclame :

Ως αργαλεον πραγμ’ εστιν, ω Ζευ και Θεοι,
Δουλον γενεσθαι παραφρονουντος δεσποτου.

Proh Iupiter et Dii, quam dura est provincia,
Si quis hero desipienti servus serviat
. {b}

[Par Jupiter et par tous les dieux, c’est un fâcheux métier que de servir un fou !]


  1. V. note [6], lettre 952.

  2. Guy Patin devait conserver pieusement dans sa bibliothèque un exemplaire des :

    Αριστοφανους κωμωδιαι ια Aristophanis Comœdiæ undecim, Græce et Latine, cum Indice Parœmiarum selectiorum, et emendationibus virorum doctorum præcipue Josephi Scaligeri. Accesserunt præterea Fragmenta eiusdem ineditarum Comœdiarum Aristophanis

    [Onze comédies d’Aristophane, en grec et latin, avec un index de vers choisis et les corrections de doctes auteurs, en particulier de Joseph-Juste Scaliger. {i} On y a ajouté les Fragments de comédies inédites du même Aristophane]. {ii}

    1. V. note [5], lettre 34.

    2. Leyde, Joannes Maire, 1624, in‑12 en deux parties de 935 et 55 pages, où ces vers sont transcrits et traduits dans la première partie, pages 2‑3.

12.

Nicolas Fouquet (v. note [7], lettre 252) était alors âgé de 43 ans.

13.

« Un pou affamé se dit d’un homme gueux et ardent au gain qui entre dans un emploi lucratif » (Furetière).

14.

Cette dévaluation était très défavorable au petit peuple : v. note [8], lettre 467.

15.

Dunkerque avait été prise le 25 juin et remise aux Anglais, comme les Français en étaient préalablement convenus. L’entrée en force des troupes ultraluthériennes de Cromwell dans la ville expliquait le départ des jésuites dont il est question un peu plus loin dans la lettre.

16.

Une trentaine de kilomètres séparent Bergues (actuel département du Nord) de Furnes (Flandre occidentale), situées de part et d’autre de l’actuelle frontière franco-belge (v. note [6], lettre 246).

17.

Le grand chemin de Beaumont (actuelle route nationale 1) menait de Paris à Saint-Denis (v. note [27], lettre 166), puis à Beaumont-sur-Oise et à Beauvais, etc.

V. note [2], lettre 523, pour les projets de grands travaux visant à mettre Paris à l’abri des inondations. Guy Patin a donné la référence complète de l’ouvrage de Pierre Petit sur ce sujet dans sa lettre à Charles Spon datée du 26 juillet 1658.

18.

Aujourd’hui située dans le xiiie arrondissement de Paris (rive gauche de la Seine), près de la place d’Italie, la rue des Cinq-Diamants occupait alors la partie sud de la rue Quincampoix (entre la rue Aubry-le-Boucher et la rue des Lombards) dans le ier arrondissement (rive droite).

19.

« l’abîme appelle l’abîme », Psuames, v. note [17], lettre 263.

20.

« de moindre envergure » : de plus léger armement, v. note [54] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot.

21.

« mais laissons là ce vaurien ».

Cette nouvelle charge contre Samuel Sorbière (v. supra note [9]) donne la juste mesure du ressentiment de Guy Patin à son encontre.

22.

V. note [6], lettre 119, pour les Annales ecclésiastiques du cardinal Baronius. La transcription de Reveillé-Parise est ici douteuse car Guy Patin a précédemment parlé des critiques qu’en avait publiées David Blondel (Genève, 1641, v. note [19], lettre 146) ; il ne se rappelait pourtant que de celles d’Isaac Casaubon (Londres, 1614 et Genève, 1654, v. notes [18], lettre 318, et [12], lettre 406). Ces deux auteurs étaient calvinistes, mais on ignore que Charles Spon en avait récemment écrit à Patin : probablement lui annonçait-il le projet lyonnais d’éditer un abrégé du Baronius (paru en 1660, v. note [1], lettre 592).

23.

V. note [15], lettre 406, pour James Ussher, Usserius, prélat anglican irlandais, mort en 1655.

Richardus Montacutius (Richard Montagu ou Montague ; Dorney, comté de Buckingham 1578-Norwich 1641) remplit diverses fonctions ecclésiastiques, devint chapelain du roi Jacques ier, chanoine de Windsor, puis fut promu, en 1628, à l’évêché de Chichester, qu’il échangea dix ans plus tard contre le siège de Norwich. En 1625, il avait été cité devant la Chambre des Communes pour un de ses écrits, intitulé Appel à César, écrit ayant pour but, d’après l’accusation, de troubler la paix de l’Église, d’inspirer l’indifférence aux fidèles et de les porter à se réconcilier avec le papisme ; mais il paraît que cette poursuite fut abandonnée. Montagu était un homme fort instruit, dont la plume, dit Fuller, était trempée dans le fiel quand il écrivait contre ceux qui pensaient autrement que lui. Ses ouvrages portent d’ailleurs presque tous des titres vindicatifs (G.D.U. xixe s.).

Des six auteurs protestants cités ici, seul Isaac Casaubon (v. supra note [22]) s’est attaqué aux Annales ecclésiastiques que le cardinal Baronius avait écrites pour contredire les Centuries luthériennes de Magdebourg (Bâle, 1559-1574, v. note [48] du Naudæana 1).

24.

« C’est que les gens de bien sont rares, etc. » : Juvénal, v. note [6], lettre de Charles Spon datée du 11 septembre 1657.

25.

« Maquerelle des oisifs, mère incestueuse des jeunes débauchés, corruptrice des bourgeois ; jadis joyau, désormais fossé de la fortune, etc. » : emprunt au Scazon de Joseph-Juste Scaliger In Romam [Contre Rome] (v. note [24], lettre 207), avec inversion de vers (le dernier devant venir avant les deux autres).

26.

« Vale avec votre épouse et aimez-moi. Vôtre de tout cœur. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 5 juillet 1658

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(Consulté le 23/04/2024)

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