L. 534.  >
À Claude II Belin,
le 24 août 1658

Monsieur, [a][1]

Pour réponse à votre dernière, je suis bien aise que soyez en meilleur état. La saignée [2] ne pouvait être que bonne en votre mal, quatenus fiebat a suppresso sanguine copioso ; [1] et en aviez besoin, etiam sine febre et sine plethora[2] À mesure que vous reprendrez vos forces, purgez-vous [3] quelquefois de casse [4] et de séné, [5] et de sirop de roses pâles [6] de l’an passé ; le nouveau fait est encore trop âcre, posset provocare novum fluxum, quia purgat ad instar scammoniatorum. De vino myrrhato, multa habentur apud Gretserum de Cruce, in‑fo, Sixtinum Amama in Anti-Barbaro, Mercurialem in variis lectionibus, [Casaubonum] in Baronium, Grotium, Spanhemium, etc. [3][7][8][9][10][11][12][13][14] Gisbertus Voetius [15] est encore dans Utrecht où il enseigne et travaille au troisième tome de ses Disputes, il est homme avare, ideoque multis odiosus[4] Je n’ai rien vu de lui adversus Ignacium de Loyola[5][16] mais bien d’un certain Simo Lithus. [6][17] Ses thèses de Insolubilibus S. Scripturæ [7] sont dans ses deux premiers tomes Disputationum theologiæ[8] je ne les ai jamais vues à part.

Les six tomes du Gassendi [18] sont achevés à Lyon, comme aussi le Heurnius [19] en deux petits volumes ; il n’y en a point encore ici. L’on dit que le Paracelse [20] est achevé à Genève. J’ai céans Grotius de Bello Belgico in‑fo qui est un fort beau livre. [9] On dit que nous aurons bientôt Gravelines. [21] Le cardinal Mazarin [22] est à Calais. [23] Le roi [24] est à Fontainebleau [25] avec la reine, [26] où il se fortifie. Son mal n’a point été fort grand, ce n’a été que synochus putris ab insolatu[10][27] Neuf saignées l’en ont délivré et n’a pris que le tiers d’une once de vin émétique [28] dans un grand verre de casse et de séné ; si bien que le Gazetier [29] n’est qu’un babillard et un moqueur, more suo[11] On imprimera quelque chose de cette maladie. Je vous baise les mains, et à monsieur votre fils, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin

De Paris, ce 24e d’août 1658.

Les augustins ont voulu faire les méchants, le Parlement en a fait mettre 13 dans la Conciergerie. [30][31]


a.

Ms BnF no 9358, fo 171, « À Monsieur/ Monsieur Belin le père,/ Docteur en médecine,/ À Troyes. » ; Reveillé-Parise, no cxxxix (tome i, pages 235‑236).

1.

« dans la mesure où il provenait d’une copieux engorgement de sang ».

2.

« même en l’absence de fièvre et de pléthore. » Claude ii Belin endurait les séquelles d’un accident artériel cérébral avec hémiplégie.

3.

« il pourrait provoquer une nouvelle fluxion, parce qu’il purge de la même façon que les scammonées. {a} On trouve beaucoup de choses sur le vin de myrrhe {b} dans Gretser sur la Croix, in‑fo, {c} dans l’Anti-Barbare de Sixtinus Amama, {d} dans les Diverses leçons de Mercuriali, {e} [dans Casaubon] contre Baronius, {f} dans Grotius, {g} Spanheim, etc. » {h}


  1. V. note [4], lettre 172.

  2. V. note [3], lettre 436.

  3. Iacobi Gretseri Societatis Iesu, Sacræ Theologiæ in Academia Ingoldtadiensi Professoris, de Cruce Christi, rebusque eam pertinentibus Libri quatuor. In quorum Primo agitur tum de ipsa Cruce, in qua Dominus passus est, tum de eius adiunctis. In Secundo, de imaginibus crucis Dominicæ. In Tertio, de signo eiusdem Crucis. In Quarto, de Cruce spirituali.

    [Quatre livres de Iacobus Gretserus, {i} de la Compagnie de Jésus, professeur de sainte théologie en l’Université d’Ingolstadt, sur la Croix du Christ et ce qui la concerne. Dans le premier, il est question de la croix elle-même, sur laquelle notre Seigneur est mort, et de ce qui lui était adjoint ; dans le deuxième, des images de la croix du Seigneur ; dans le troisième, du signe de cette même croix ; dans le quatrième, de la croix spirituelle]. {ii}

    1. Jacob Gretser (1561-1625), dont les œuvres complètes ont été rassemblées au xviiie s. en 17 volumes in‑fo.

    2. Ingolstadt, Adamus Sartorius, 1598, in‑4o de 403 et 192 pages. Il est question de la myrrhe dans le livre i, chapitre xli, pages 110‑111.

  4. Sixtini Amama Frisii Literarum Ebraïcarum in Acad. Franekerana Professoris, Anti-Barbarus Biblicus. Libro quarto auctus. Quorum primus ostendit vii. fontes omnis Barbariei quæ superioribus seculis sacras literas fœdavit : reliqui non solum exhibent centurias aliquot crassissimorum errorum qui circa particularium locorum interpretationem ex istis fontibus emanarunt, sed et compluribus locis Scripturæ facem allucens. Accesserunt variæ dissertationes et orationes, nec non responsio ad censuras D. Martini Marsenni, Theologi Parisiensis. Acessit et huic editioni ejusdem Commentariolus de Decimis Mosaicis.

    [L’Antibarbare, biblique de Sixtinus Amama, {c} natif de Frise, professeur de lettres hébraïques en l’Académie de Franeker, {d} augmenté d’un quatrième livre. Le premier desquels dévoile les sept sources de toute la barbarie qui a défiguré les Écritures sacrées : les autres présentent quelques centuries des erreurs les plus grossières, dans l’interprétation de passages particuliers, qui ont émané de ces sources, et éclairent maintes citations de l’Écriture. Y ont été ajoutés diverses dissertations et discours, une réponse aux censures de Lartinus Marsennus, {e} théologien de Paris, ainsi que, dans la présente édition, un petit commentaire de l’auteur sur le Décalogue de Moïse]. {f}

    1. Sixtinus Amama (1593-1629) : un antibarbare est un traité de grammaire où l’on attaque la barbarie du langage et la corruption des mots ; la critique d’Amama vise surtout les imperfections de la Vulgate catholique (v. note [6], lettre 183).

    2. V. note [11], lettre 1032.

    3. Sic pour Marinus Mersennus, Marin Mersenne, v. note [5], lettre de Samuel Sorbière, datée du 1er décembre 1646.

    4. Franeker, Ludovicus et Daniel Elsevier, 1656, in‑4o de 783 pages ; première édition à Amsterdam. Il est question de la myrrhe dans le livre iii, chapitre xxxi, pages 595‑597.

  5. Hieronymi Mercurialis Variarum Lectionum, in Medicinæ Scriptoribus et aliis, Libri vi. Ab auctore hac quoque postrema editione aucti et recogniti. Cum Indicibus copiosissimis.

    [Six livres de diverses leçons de Hieronymus Mercutialis {g} sur les auteurs de médecine et autres. Augmentés et revus par l’auteur en cette dernière édition, avec de très copieux index]. {h}

    1. Girolamo Mercuriali, v. note [16], lettre 18.

    2. Venise, Juntes, 1598, in‑4o de 289 pages. Il est question de la myrrhe dans le livre v, chapitre i, pages 101 ro.

  6. Reconstitution proposée pour une lacune due à une perforation du manuscrit : v. note [18], lettre 318, pour les 16 essais d’Isaac Casaubon contre les Annales ecclésiastiques du cardinal Baronius (Londres, 1614) ; le chapitre lxxx de l’essai xvi (pages 622‑625) est intitulé Ostenduntur varii errores Baronii circa vinum εσμυρνισμενον [Sont montrées diverses erreurs de Baronius sur le vin mêlé de myrrhe…].

  7. V. note [2], lettre 53, pour les Annotationes de Hugo Grotius sur les Évangiles (Amsterdam, 1641) : commentaire sur Matthieu, 27:34, pages 485‑486, sur le vin qu’on donna à boire au Christ en croix.

  8. V. note [6], lettre 179, pour la première partie des Dubiorum evangelicorum [Doutes évangéliques] de Friedrich Spanheim (Genève, 1639), doute lii, § iv, pages 456‑457, sur le même sujet.

4.

« et pour cette raison, odieux à beaucoup de gens. »

5.

« contre Ignace de Loyola ».

6.

Simon Sten (Simo Lithus, 1540-1619), philologue et historien allemand, professeur d’éthique, de grec, d’éloquence et de poésie à Heidelberg, a traduit et commenté la Vie d’Ignace de Loyola :

Vita Ignatii Loiolæ, qui Religionem Clericorum Sociatis Iesu instituit, ante aliquot annos descripta a Petro Ribadeneira, nunc in honorem totius Societatis bresvissimis et utilissimis Scholiis illustrata a Christiano Simone Litho Miseno.

[Vie d’Ignace de Loyola, {a} qui a institué l’Ordre des prêtres de la Compagnie de Jésus, écrite il y a quelques années par Petrus Ribadeneira, {b} et maintenant enrichie de très utiles et très courtes notes par Christianus Simo Lithus Misenus, {c} pour la gloire de toute la Compagnie]. {d}


  1. V. note [1], lettre 46.

  2. v. note [22] du Patiniana I‑3.

  3. Natif de Misnie (Saxe), dans la ville de Lommatzsch.

  4. Sans lieu ni nom, 1598, in‑8o de 199 pages.

Il a aussi manifesté son hostilité contre les jésuites dans la :

Brevis Responsio ad Greitserianam αναλυσιν epistolæ a Simone Stenio græce exaratæ, ad consolationem Iesuiticam ob reditum Loiolanæ societatis in Galliam.

[Bève réponse à l’analyse que Gretser {a} a donné de la lettre que Simo Stenius a écrite en grec, pour la consolation des jésuites à cause de leur retour de la société loyolite en France]. {b}


  1. Le jésuite Jacob Gretser, v. supra notule {c}, note [3].

  2. Heidelberg, sans nom, 1605, in‑8o de 47 pages. Le titre est suivi d’un quatrain grec, avec sa traduction latine :

    Epigramma in Ignatii Loiolæ clericos.

    Cùm sint mala omnibus locis compluria
    Nil pejus est tamen profanis clericis,
    Igniatius quorum pater, non ille, qui
    Martyr fuit, sed martyras faciens Iber
    .

    [Épigramme sur les prêtres d’Ignace de Loyola.

    Ben qu’il y ait partout quantité de maux, nul n’est pire que les prêtres impies, dont Ignace est le père, non pas celui qui endura le martyre, {i} mais l’Espagnol qui fait des martyrs].

    1. Ignace d’Antioche, saint et martyr chrétien du ier s.

7.

« sur les passages incontestables de la Sainte Écriture ».

8.

« de ses Discussions de théologie. »

Gisbertus Voetius (Ghys ou Gisbert Voet ; Heusden, Hollande 1593-1680) avait mené ses études à Leyde et rempli jusqu’en 1634 les fonctions de ministre dans sa ville natale. Nommé alors professeur de théologie et de langues orientales au séminaire d’Utrecht, qui fut transformé deux ans plus tard en université, il attaqua avec violence la philosophie de Descartes qu’il appelait tour à tour athée et jésuite, et en vint même jusqu’à le citer devant les magistrats civils d’Utrecht. Ses controverses avec Cocceius, professeur à Leyde, divisèrent les théologiens hollandais en coccéiens et en voétiens (v. note [58], lettre de Christiaen Utenbogard, datée du 21 août 1656). Théologien calviniste rigoriste (puritain) et l’un des champions du gomarisme (v. note [33] du Borboniana 7 manuscrit), Voet était un polémiste intarissable et coriace, toujours prêt à rompre une lance avec les catholiques romains, les philosophes progressistes (cartésiens) ou les arminiens (v. note [7], lettre 100). Il avait eu Marten Schoock pour infortuné disciple, qui refusa de le suivre dans ses emportements intransigeants, querelle qui est détaillée dans la susdite lettre d’Utenbogard.

Enclin au jansénisme et opposé au cartésianisme, Guy Patin prisait Voetius. Il citait ici ses Selectæ disputationes theologicæ [Discussions théologiques choisies] en cinq parties in‑4o :

  1. Disputationes 1‑55 (Utrecht, Joannes a Waesberge, 1648, 1 172 pages) ; {a}

  2. Disputationes 1‑80, Pars secunda (id. et ibid. 1655, 1 278 pages) ;

  3. Disputationes 1‑101, Pars tertia (id. et ibid. 1659, 1 418 pages) ;

  4. [Disputationes 1‑51] - In qua præcipue tractantur selectæ materiæ et quæstiones ad secundam decalogi tabulam spectanta. Cui accedit Syllabus quæstionum ad totum decalogum [Où sont principalement traités des thèmes et questions choisis touchant la seconde table du décalogue. Y a été ajouté un index des questions sur tout le décalogue] (Amsterdam, 1667) ;

  5. [Disputationes.] - In qua præcipue tractantur quæstiones ad primam theologiæ partem spectantes. Accedunt Dissertatio epistolica de termino vitæ, Exercitatio de prognosticis cometarum, antehac seorsim editæ [Où sont principalement traitées des questions touchant à la première partie de la théologie. Y ont été ajoutés une dissertation épistolaire sur la fin de la vie et un exercice sur les prédictions des comètes, qui avaient jusqu’à présent été publiés séparément] (ibid. 1669).


    1. Avec un portrait de l’auteur, gisbertus voetius theolog. in acad. ultrajectina professor ætatis lix. ao 1647, {i} accompagné de ces vers :

      En tibi Voetiadæ placida sub imagine vultus :
      Divinum ingenium linea quæque notat.
      Si majora cupis : Viva est virtutis imago,
      Quam vita et scriptis exprimit ipse suis

      [Sous ce paisible portrait, voici pour toi le visage de la Vœtiade : {i} chaque trait en montre le divin génie. Si tu en désires plus : il est la vivante image de la vertu, qu’il exprime lui-même par ses mœurs et ses écrits].

      1. « Gisbertus Voetius, professeur de théologie à l’Université d’Utrecht, 1647, en sa 59e année d’âge ».

      2. L’épopée de Vœtius, à l’instar de l’Iliade (Iliades) pour la guerre de Troie (Ilion).

9.

V. notes :

10.

« une fièvre synoque putride [v. note [3], lettre latine 104] consécutive à une insolation. »

11.

« à son habitude. »

V. note [6], lettre 532, pour la relation de la maladie du roi sans la Gazette, qui suscitait l’ire de Guy Patin parce qu’elle faisait la part belle à l’antimoine, et annonçait son approbation générale.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 24 août 1658

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(Consulté le 19/04/2024)

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