L. 543.  >
À Claude II Belin,
le 28 octobre 1658

Monsieur, [a][1]

Je vous dirai mon avis de vos livres puisque vous le désirez : l’Athénée [2] de Casaubon [3] est un fort bon livre ; [1] Drexelius [4] est un fort bon jésuite et plût à Dieu que tous lui ressemblassent ; Heurnius [5] est un auteur classique ; il y a dans Zacutus [6] beaucoup de travail et plusieurs mauvaises opinions ; Polyanthea [7] est bon, aussi bien que Bodini Methodus historiæ[2][8] avec Sebizius, de Acidulis[9] c’est un savant homme qui a beaucoup écrit et n’a rien fait que de bon ; Bacon [10] était un chancelier d’Angleterre qui mourut l’an 1626, qui était un grand personnage, esprit curieux et relevé, tout ce qu’il a fait est bon ; [3] Amphitheatrum Dornavii [11] est un livre fort curieux. [4] Vous pouvez vous passer de tout le reste.

Le bonhomme M. Bouvard [12] mourut ici le 23e d’octobre, âgé ou plutôt accablé de 86 ans. Le roi, [13] la reine [14] et toute la cour sont partis d’ici samedi dernier, 26e de ce mois. Ils s’en vont à Dijon, delà à Lyon et à Grenoble, y chercher de l’argent par diverses inventions. [15] On dit aussi que le roi ira en Provence et en Languedoc ; même, on dit que M. Le Tellier, [16] secrétaire d’État, a dit avant que de partir que le voyage du roi serait de six mois. Pour ce que l’on dit du mariage du roi, est mihi magnum mysterium[5] Je ne pense pas que l’on marie le roi et qu’on fasse la paix [17][18] tandis que la faveur présente durera. Tout est paisible en Angleterre. Le roi de Suède [19] est toujours devant Copenhague [20] qui n’a pu être secourue jusqu’à présent par les Hollandais, faute de bon vent avec lequel les vaisseaux pussent avancer. Il y a ici un livre nouveau intitulé Utriusque Indiæ historia medica et naturalis, in‑fo. L’auteur en est un certain Piso, [21] qui a fait par ci-devant L’Histoire du Brésil[6] Je vous baise les mains, et à monsieur votre fils, et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin

De Paris, ce lundi 28e d’octobre 1658.


a.

Ms BnF no 9358, fo 172, « À Monsieur/ Monsieur Belin,/ le père, Docteur en médecine,/ À Troyes. » ; Reveillé-Parise, no cxl (tome i, pages 236‑237).

1.

Isaaci Casauboni Animadversionum in Athen. Dipnosophistas libri xv. Opus præclarum in lucem iam ante editum : quo non solum Athenæi libri quindecim κατα ποδα recensentur, illustrantur, emendantur : verum etiam multorum aliorum scriptorum loci multi qua explicatunr, qua corriguntur. Secunda editio postrema, Authoris cura diligenter recognita et ubique doctissimis additionibus aucta, suisque Indicibus illustrata.

[Quinze livres des remarques d’Isaac Casaubon {a} sur les Déipnosophistes d’Athénée. {b} Ouvrage remarquable qui n’a jamais été précédemment publié, où les quinze livres d’Athénée sont non seulement recensés, expliqués, amendés pas à pas, mais où les nombreuses citations de maints autres auteurs sont aussi expliquées et corrigées. Seconde et dernière édition, que l’auteur a soigneusement revue et partout augmentée de très savants compléments, en l’enrichissant de ses index]. {c}


  1. V. note [7], lettre 36.

  2. Athénée de Naucratis, v. note [17], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657.

  3. Lyon, veuve d’Ant. de Harsy et Pierre Ravaud, 1621, in‑fo de 998 pages.

2.

La Methodus ad facilem Historiarum cognitionem [Méthode pour connaître facilement l’histoire] de Jean Bodin (v. note [25], lettre 97) avait paru pour la première fois en 1566 (Paris, Martin le Jeune, in‑4o de 492 pages) ; la dernière édition datait alors de 1650 (Amsterdam, in‑12). Bodin y déclarait que l’histoire permet de rassembler les lois des anciens dispersées çà et là pour en opérer la synthèse ; le meilleur du droit universel se cache dans l’histoire.

V. notes :

3.

V. notes [25], lettre 524, pour les Dissertationes de acidulis… [Dissertations sur les eaux acides…] de Melchior Sebizius (Strasbourg, 1627), et [21], lettre 352, pour Francis Bacon.

4.

Caspar Dornau (Dornavius ; Ziegenrueck, Thuringe 1577-Brieg 1632) avait reçu le bonnet de docteur en médecine à Bâle, puis devint successivement recteur du collège de Görlitz (1608), de Beuthen, en Silésie, et médecin des princes de Brieg et de Liegnitz qui le chargèrent de négociations diplomatiques auprès de la cour de Pologne. Morhoff a dit de lui : Diligens fuit in nugis sed eruditus [Il fut prolixe en sornettes, mais érudit].

Guy Patin citait ici son :

Amphitheatrum Sapientiæ Socraticæ joco-seriæ, hoc est, Encomia et Commentaria autorum, qua veterum, qua recentiorum propre omnium : quibus res, aut pro vilibus vulgo aut damnosis habitæ, styli patrocinio vindicantur et exornantur : Opus ad mysteria naturæ discenda, ad omnem amœnitatem, sapientiam, virtutem, publice privatimque utilissimum : in Duos Tomos partim ex libris editis, partim manuscriptis congestum tributumque, a Caspare Dornavio Philos. et Medico.

Amphitheatri Sapientiæ… Tomus Posterior…

[Amphithéâtre de la sagesse socratique à la fois sérieuse et plaisante, qui sont des éloges et commentaires des auteurs anciens et modernes, dont des gens vils ou blâmables font communément leur profit pour servir et embellir la défense de la plume ; ouvrage fort utile pour enseigner, en public et en privé, tous les traits d’élégance, de sagesse et de vertu, tiré de livres imprimés ou manuscrits et réparti en deux tomes par Caspar Dornavius, philosophe et médecin. {a}

Tome second… de l’Amphithéâtre de la sagesse…] {b}


  1. Hanau, Wechel, Daniel et David Aubrius, et Clemens Schleichius, 1619, in‑fo de 854 pages.

  2. Ibid. et id. 1619, in‑fo de 305 pages.

« C’est un recueil de 621 facéties en prose et en vers, en grec, en latin et en allemand, qui est plus curieux qu’utile, mais qui se lit avec plaisir à cause de l’originalité des choix et du piquant des rapprochements. Il s’y trouve très peu de pièces qui soient de Dornau lui-même. Les auteurs de plusieurs recueils facétieux y ont puisé libéralement et Dornau a donné à quelques auteurs l’idée d’éloges burlesques » (J. in Panckoucke).

5.

« c’est pour moi un grand mystère » : v. note [5], lettre 542, pour les motifs du voyage royal de Lyon.

6.

Gulielmi Pisonis, Medici Amstelædamensis, de Indiæ utriusque re naturali et medica libri quatuordecim. Quorum contenta pagina sequens exhibet.

[Quatorze livres de Willem Piso, {a} médecin d’Amsterdam, sur l’histoire naturelle et médicale des deux Indes. {b} La page suivante en montre le sommaire]. {c}


  1. V. note [17], lettre 153, pour Willem Piso et son Histoire du Brésil (Leyde, 1648).

  2. Orientales (sous-continent indien) et Occidentales (Amériques).

  3. Amsterdam, Ludovicus et Daniel Elsevier, 1658, in‑fo.

V. note [1] du Faux Patiniana II‑2 pour le plaisir et l’intérêt que Guy Patin prenait à lire les récits de voyages et de découvertes lointaines, avec références à 20 auteurs de tels ouvrages qu’il conservait dans sa bibliothèque.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 28 octobre 1658

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(Consulté le 20/04/2024)

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