L. 547.  >
À Charles Spon,
le 3 décembre 1658

Monsieur mon cher ami, [a][1]

Ce 13e de novembre. Je vous dirai que depuis ma dernière, laquelle fut du vendredi, 8e de novembre, un de nos jeunes docteurs nommé Douté [2] a fait imprimer un petit traité in‑4o de 50 pages de Succo Cyrenaïco[1][3][4] contre un autre docteur de gente stibiali, nec bonum, nec eruditum, sed Cenomanum[2][5] J’en ai céans une copie pour vous et une pour M. Vander Linden, [6] que je lui enverrai en Hollande à la prochaine occasion. On dit que le roi [7] est hors de Dijon et qu’il s’en va à Lyon, et qu’il est ici passé un courrier de la part de M. de Turenne [8] qui s’en va demander au roi la neutralité pour ceux de Bruxelles, [9] qu’il y a d’étranges désordres en Flandres, [10] que le peuple de ces provinces se sauve en Hollande où le nombre des gueux est merveilleusement accru depuis l’été dernier. On dit que le roi a mandé les premiers présidents de Toulouse, [11] de Bordeaux et d’Aix, [12] et qu’ils ont charge de le venir trouver à Lyon ; mais on dit qu’il ira à Marseille si les mutins de cette ville, [13] de peur d’être maltraités, ne mettent de l’eau à leur vin et ne deviennent plus sages. Une gazette d’Italie envoyée de deçà parle d’une grande confédération entre nous, les ducs de Savoie, [14] de Mantoue, [15] de Modène [16][17] et autres, [3] par laquelle nous prendrons le Milanais, [18] dont ces petits Messieurs auront leur part ; et entre autres, Savoie aura Milan et en récompense, nous cédera la Savoie, [19] c’est-à-dire tout ce qu’il a au delà des monts. [4] On dit qu’il y a du bruit en Angleterre entre le milord Richard, [20] protecteur, son jeune frère [21] et son beau-frère, [22] gendre de feu M. Olivier Cromwell. [5][23] Voilà des mouvements qui commencent en plusieurs endroits, le temps futur en fera voir la fin à ceux qui y seront. J’ai aujourd’hui rencontré M. de Masclari, [6][24] secrétaire du roi, qui m’a dit qu’il avait obtenu le privilège des œuvres de Cardan, [25] qu’il l’avait mandé à M. Huguetan [26] et qu’il était en peine de ses nouvelles. M. Huguetan a ici un garçon (qui est neveu de M. Caze) [27] qui n’est pas bien sage. [7][28] Je ne sais s’il y fait le profit de son maître, mais au moins j’ai grand peur qu’il ne soit bien débauché. Je vous prie d’en toucher quelque mot à M. Huguetan, son maître, si le jugez à propos, et de lui faire mes recommandations.

Ce samedi 16e de novembre. Aujourd’hui au matin, M. de Lamoignon [29] a été reçu en plein Parlement, les chambres assemblées, en sa charge de premier président. Et Dieu merci, voilà la vôtre du 15e de novembre que je reçois avec grande joie. [8] Je suis bien aise que M. de La Poterie [30] soit arrivé et qu’il vous ait rendu les Opérations de Chirurgie[9] Pour la lettre que j’ai reçue de M. Monin, [31] elle ne m’appartient que par le titre, il y a là-dedans plusieurs choses qui ne m’appartiennent pas : il y parle d’opérations de chirurgie et de mon voyage à Grenoble ; je pense que c’est une lettre qu’il écrit à quelque chirurgien de sa connaissance, auquel il écrivait en même temps qu’à moi et en la suscription desquelles il se sera trompé. Si vous lui écrivez par hasard, vous lui en donnerez s’il vous plaît avis ; sinon, demeurez-en là, c’est une affaire qui pourra s’éclaircir par quelque autre voie. Il me semble qu’il a demeuré quelque temps chez M. Jamot, le chirurgien de la Charité. [32] Ma lettre pourrait bien lui appartenir ; si je le rencontre, je lui en parlerai. Je vous remercie pour la boîte de Grenoble et serai bien aise de connaître ce brave jeune homme de Saint-Gall [33] que vous appelez M. de Baumgartner [34] qui, puisqu’il vient de Padoue, [35] pourra me dire des nouvelles de M. Rhodius [36] et de son Celse[10][37] Je m’attends que les Observations de Rivière viendront de deçà [38] puisqu’elles sont achevées. Si vous pouvez retrouver le pars v historiæ Eccles. Hottingeri[39] vous me ferez faveur de me les envoyer ensemble et de me les mettre sur mon compte. [11] Pour la censure de Sorbonne, [40] elle vaut toujours mieux que rien. Il est vrai qu’elle est faible et que la noire et forte machine qui étend ses bras jusqu’à la Chine [12][41] a merveilleusement du crédit à la cour ; mais néanmoins, ces bons pères [42] ont aussi beaucoup d’ennemis et quelque malice qui reste dans le siècle, il faut pourtant avouer qu’il y a encore d’honnêtes gens : on dit ici que cinq évêques du Languedoc ont tout nouvellement censuré ce même livre, [13] et y a ici quelques curieux qui ont reçu des copies de ces censures. Je vous prie de ne pas oublier de faire mes très humbles recommandations à M. Eus[ta]che qui est à mon gré, un excellent personnage, et du[quel je fais gr]and état. [14]

Pour le fils de M. Falconet, [43] je ne vous sais que dire. Il est assez bon garçon et n’a que le sang bien chaud. Il va en classe tous les jours, il a de l’esprit et étudie bien, mais je ne vous puis rien dire touchant sa pension, ce n’est point mon métier d’en parler. Je ne l’ai point pris céans en intention d’y gagner, mais seulement pour témoigner à Monsieur son père [44] que je ne lui veux rien refuser de ce que je pourrai faire pour son service. Je le fais étudier tous les soirs céans avec moi jusqu’à souper. Il est bon enfant et docile. Après souper, je l’exempte d’étudier et l’invite de s’aller coucher de bonne heure afin qu’il puisse se lever plus matin, étudier un peu et s’en aller en classe, ce qu’il fait ; et j’espère qu’avec cette souplesse d’esprit et d’autres bonnes qualités qu’il a, que nous en ferons quelque jour un honnête homme et un bon médecin car il a l’esprit fort et prompt, et n’a en soi ni malice, ni fourberie. Je ne doute pas que Monsieur son père, avant que de partir, ne lui ait donné de bons préceptes, desquels je reconnais les effets en ses déportements ; et en suis bien aise, et j’en ai bonne espérance. Dieu lui fasse la grâce de bien faire toujours en continuant jusqu’à ce qu’il soit hors de mes mains et puis après, encore toute sa vie.

Pour M. Restaurand, [45] obligez-moi d’acheter son Figulus pour moi si vous le rencontrez ; je ne l’ai jamais vu et ne sais ce que c’est. Pour celui de M. Graindorge, [46] je ne doute point qu’il n’en vienne à Lyon puisqu’il a été imprimé en Languedoc. Je n’ai céans qu’un petit in‑4o du dit Restaurand, qui n’est pas ainsi intitulé, que M. Gras [47] m’envoya l’an passé. [15]

Pour des nouvelles de la cour, je ne vous en demande nullement, je les saurai toujours assez tôt sans vous en donner aucune peine. On tient ici que le roi de Suède [48] est fort affaibli, qu’il ne prendra pas Copenhague [49] et qu’il a bien perdu de ses troupes devant l’île d’Amac. [50] On a peur que cela n’affaiblisse nos conquêtes de Flandres pour l’été prochain. Voilà un mauvais rencontre qui peut relever le courage de la Maison d’Autriche. [16]

On dit que l’été prochain nous serons obligés de faire grosse guerre en Italie, voire même d’aller jusqu’au siège de Milan pour obliger le roi d’Espagne [51] d’y avoir une grosse armée, afin que cela l’empêche d’envoyer grand secours en Flandres. Les lettres de Hollande portent les mêmes choses que la Gazette de Flandres au désavantage du roi de Suède, et tout cela en vertu d’une lettre que l’on dit être venue de Lübeck, [52] qui n’est peut-être pas vraie.

Ce 20e de novembre. La reine d’Espagne [53] est prête d’accoucher, voilà la plus grande nouvelle que l’on attend de ce pays-là. Si c’est un mâle, cette naissance portera coup à marier plus tôt sa fille, [54] laquelle est infailliblement fort nubile[17]

Ce 21e de novembre. On dit que la reine d’Espagne est accouchée d’un second fils, [18][55] que l’Archiduc Léopold [56] a refusé le gouvernement des Pays-Bas, [57] que don Juan d’Autriche [58] s’en retourne en Espagne et que M. le prince de Condé [59] y envoie pareillement son fils [60] avec bel équipage. Il court ici un bruit que l’on va ôter les sceaux à M. le chancelier [61] et qu’on les donnera à M. de Marca, [62] archevêque de Toulouse, que l’on a fait depuis peu ministre d’État afin qu’il puisse assister au Conseil d’en haut [63] et y tenir sa place. Vous savez quel personnage c’est, mais néanmoins je ne puis croire cette nouvelle, laquelle me semble ridicule et extravagante. Ce M. de Marca est présentement à Lyon où il va attendre le roi quand il y arrivera.

La nouvelle Apologie des jésuites pour les casuistes faite par le P. Pirot, [64] jésuite breton, a fait merveilleusement du bruit dans le Clergé. Plusieurs évêques l’ont déjà récusée dans leurs diocèses, tels que sont l’évêque d’Orléans, [65] l’archevêque de Sens, [66][67] l’évêque de Nevers, [68][69] cinq évêques du Languedoc, les grands vicaires de Paris. [19] On attend dans peu de jours celles de Rouen, d’Angers, [70] de Beauvais, [71] d’Évreux, et encore d’autres qui pourront suivre. Un curé de Paris m’a dit aujourd’hui que de toutes ces censures sera fait un recueil, in‑4o avec de savantes réflexions que l’on y mettra au nom des curés de Paris. Les jésuites en sont ici en grosse colère et jettent feu et flamme contre M. Mazure, [72] docteur de Sorbonne et curé de Saint-Paul, [73] qui est leur grand et puissant adversaire, qui a pressé celle de Sorbonne, qui gouverne M. le cardinal Mazarin, qui a du crédit à la cour, etc. Les jésuites, hominum genus quod vindicta æque gaudet quam femina, imo ultionis avidissimum et appetentissimum[20][74] disent qu’il veut être évêque, qu’il s’en va l’être, mais qu’ils s’y opposeront, qu’ils empêcheront ses bulles [75] à Rome, etc. Voyez comment voilà de bons chrétiens, bien fournis en charité apostolique, et comment ces gens-là pardonnent bien à leurs ennemis. N’est-ce point pratiquer le précepte évangélique en équivoquant, Diligite inimicos vestros, benefacite his qui oderunt vos ? [21][76] Vraiment ces bons pères sont […] du christi[anisme …].

Ce 23e de novembre. Nous avons aujourd’hui enterré un de nos collègues nommé M. Régnier, [77] âgé de 40 ans, qui est mort d’une maladie lente et toute tabide, [78] cum vomitu purulento[22] pour un abcès qu’il avait quelque part dans les poumons plutôt que dans le mésentère. [79][80] Nous en avons un autre qui a quitté Paris depuis quelques années et abiit in agrum Turonensem[23] où il vivait en philosophe ; mais la vieillesse l’a accablé de plusieurs incommodités et entre autres, d’une paralysie pour laquelle il se fit mener à Bourbon [81] l’été passé, dont il est revenu tout autrement plus mal, abattu, exténué et ne pouvant presque plus parler. C’est M. Mandat, [82] je pense qu’il n’ira plus guère loin car il passe 70 ans et toute sa vie a été assez déréglée.

J’ai aujourd’hui passé demi-heure de temps à lire quelques chapitres d’un livre que m’avez envoyé de la part de M. Volckamer, [83] qui est pourtant un don de l’auteur à moi destiné. C’est Guerneri Rolfinckii Methodus cognoscendi et curandi febres generales[24][84] Il y a là-dedans du travail et du latin, mais il n’y a là-dedans guère de bonne médecine. Notre pratique de Paris vaut mieux que tout cela, je pense que ces gens-là n’ont jamais guère vu de malades et qu’ils en guérissent encore moins. Il y a quelques curiosités, mais il n’y profonde pas et le plus souvent, [25] il tient les mauvais avis. Bref, tales libri sunt periculosæ lectionis medicinæ studiosis[26] principalement s’ils étudient pour bien faire, qui est ce que les docteurs académiques n’entendent guère et que très peu.

On dit que ceux de Dijon [85] sont fort attristés du voyage du roi, tant pour l’argent qu’il leur a demandé dans les états [86] de la province que pour les offices nouveaux qu’il veut faire, et dans le parlement et dans la Chambre des comptes[27] Les lettres de Dijon portent que ce que le roi leur a demandé en ce dernier voyage vaut plus d’argent qu’il n’y en a en toute la Bourgogne. La reine d’Espagne n’est pas encore accouchée, le bruit qui en avait couru est faux. Tout le voyage du roi n’est pas en intention de mariage, mais seulement pour avoir de l’argent pour la guerre que nous voulons faire en Italie l’été prochain et pour apaiser l’affaire de Marseille. [28] On dit que le gouverneur des Pays-Bas sera un archiduc d’Innsbruck et que le prince de Condé aura la qualité de généralissime des armées du roi d’Espagne ; [29] que si M. Olivier Cromwell eût vécu, [87] sans doute qu’il eût assisté puissamment le roi de Suède et qu’il eût empêché que les Hollandais ne se fussent mêlés de donner du secours au roi de Danemark. Même le cardinal Mazarin se plaint du roi de Suède qui a pris notre argent pour aller en Danemark faire la guerre pour des inimitiés particulières, au lieu de faire la guerre à la Maison d’Autriche en Allemagne.

Le Port-Royal [88] a fait une nouvelle perte qu’il déplore fort après celle de M. Le Maistre, [89][90] cet avocat fameux qui était un homme incomparable : c’est que M. Fleury, [91] docteur de Sorbonne qu’ils avaient donné pour confesseur à la reine de Pologne [92] et qu’elle avait emmené quant et soi d’ici, est mort au siège de Thorn ; [30][93] et pour vous dire qu’en ce pays-là on guénaltise aussi bien qu’ailleurs, [31] le 16e jour d’une fièvre continue [94] on lui donna de l’antimoine qui lui causa aussitôt des convulsions, ex quibus penetravit in requiem sempiternam[32][95] Tous les gens de bien meurent, il n’y a que les tyrans et les jésuites qui ne meurent point. On dit que lorsque le roi sera de retour, il y aura ici divers impôts [96] qui seront portés au Parlement ; mais entre autres, on dit qu’il y en a un contre les partisans pour les remises que le roi leur a faites dans leurs traites, moyennant l’argent comptant qu’ils ont donné. On dit que c’est un nommé M. Monnerot [97] qui en a fait le parti et qui tiendra. Homo homini lupus[33]

Le Grand Turc [98] a fait emprisonner et étrangler son grand vizir [99] et a fait arrêter la sultane sa mère. [100] On dit que ce jeune prince sublimes ac ingentes gerit spiritus [34] et que ce sera un second Soliman, [101] s’il vit. M. de La Haye, [102] notre ambassadeur, y a des gardes et son fils, [103] qui lui doit succéder en l’ambassade de Constantinople, [104] y est prisonnier. [35]

Quand le roi aura fait à Lyon ce qu’il prétend, il ira à Toulouse et à Marseille ; le cardinal Mazarin l’a mandé à M. l’archevêque de Narbonne. [105] Si cela se fait, je crois bien qu’il ira delà à Bordeaux, et puis après en Bretagne, afin de faire tout le tour de la France orientale [36] et méridionale ; outre que c’est le moyen d’avoir de l’argent que de visiter tant de villes. Les Espagnols remettent toute leur espérance en une grande flotte qu’ils espèrent l’an prochain, pour laquelle escorter les Hollandais ont envoyé plusieurs vaisseaux. C’est à faire aux Anglais et aux Portugais d’y penser et ne point s’endormir sur une si belle occasion, car si cette mamelle était tarie pour le roi d’Espagne, ses affaires seraient pis que jamais, et serait abandonné l’an prochain par les Flamands. Les procureurs et les greffiers commencent à se plaindre de M. de Lamoignon. Il leur a dit qu’il veut avoir soin de leur âme aussi bien que de leur office, qu’il ne veut plus qu’il se donne d’arrêts sur requêtes [106] ni de parlers sommaires, etc. [107]

Les politiques spéculatifs de deçà tiennent qu’il n’y aura pas de mariage à Lyon, mais que tout le voyage du roi ne tend qu’à trouver de l’argent pour la traite [37] et pour la guerre de la campagne prochaine. Cela fait croire ce que quelques lettres du Languedoc portent, savoir que le roi ira à Toulouse et en Provence, et partout ailleurs où il en pourra avoir ; mais on dit qu’à Dijon le parlement a fait le procès à son greffier, [108] qu’il a été condamné à faire amende honorable, [109] à 10 000 livres d’amende pécuniaire et à se défaire de sa charge ; que M. le chancelier est sorti de Dijon et qu’il s’est retiré dans Beaune pour la peur qu’il a eue d’une révolte dans Dijon ; d’où néanmoins, l’on dit que le roi ne tirera guère d’argent, pour la pauvreté de la province.

On dit que la reine de Suède [110] est sortie de Rome sans dire adieu et qu’elle s’en vient en France y chercher de l’argent qu’elle prétend lui être dû ; que les Espagnols ont, avec une petite armée qu’ils ont ramassée de leurs débris, assiégé Le Quesnoy. [111] M. le président de Mesmes [112] a perdu son deuxième fils, [38][113] âgé de 24 ans et qui avait deux abbayes de 25 000 livres de rente, d’une fièvre continue dans laquelle Guénault [114] a fait prendre trois fois du vin émétique, [115][116] qui lui a donné un rude assoupissement, quod ad lethum deduxit[39] Voilà des bénédictions antimoniales en suite de ce que la Gazette [117] a prêché de l’excellence du vin émétique, et voilà le président de Mesmes récompensé de la fourbe qu’il me fit l’an 1653 au procès de Jean Chartier [118][119] à la recommandation de Guénault qui avait peur pour son antimoine [120] si ledit Chartier eût perdu son procès comme il le devait perdre. Il n’a pourtant pas laissé de le perdre car son malheureux libelle a été désavoué et condamné de tout le monde, lui fort blâmé et méprisé d’un si chétif ouvrage, duquel même l’on dit qu’il n’est pas l’auteur, mais qu’il a seulement prêté son nom à Davidson [121] qui était un malheureux chimiste [122] écossais et cocu qui a quitté Paris de peur d’y mourir de faim et est allé en Pologne, pensant y faire fortune, et où il est mort gueux. Ce procès de Chartier n’a pas laissé de lui coûter (ou au moins à Guénault qui payait pour lui) plus de 1 300 livres, dont ils n’ont jamais retiré un sol[40]

Ce < mardi > 3e de décembre. Hier, Monsieur le premier président fit sa première harangue dans le Parlement où il fut fort bien écouté et admiré. Après lui, M. Talon, [123] l’avocat général, harangua more solito[41] et haranguera encore demain à la mercuriale. [124] C’est un des plus habiles hommes du siècle. On espère beaucoup de M. de Lamoignon et de M. Talon (dont le plus vieux des deux n’a que 40 ans, et M. Talon n’en a que 32) dans la réformation que l’on va faire dans la Grand’Chambre et aux Enquêtes, mais principalement in maximo illo tribunali unde defluit omne malum[42] car c’est chose effroyable que les abus et désordres que les greffiers et quelques vieux conseillers font dans cette Grand’Chambre. Enseignez-moi, s’il vous plaît, en quel livre je pourrais trouver la description de ces pilules si fameuses, quæ dicuntur pilulæ Francofurtenses, quas puto constare sola aloë nutrita et infusa in aqua violarum per aliquot menses. [43][125][126] Je sais bien que les Allemands en font un grand secret, mais je ne suis pas de leur avis car, à tout prendre et omni subducta ratione[44] l’aloès est un chétif et méchant remède qui dessèche le foie, [127] l’échauffe et le dispose à l’hydropisie, [128] outre qu’il ouvre les veines du siège et fait venir les hémorroïdes. [129] J’aime mieux le séné [130] et le sirop de roses pâles. [131] Nous savons bien que toute la cour est à Lyon, et même que tous y sont incommodés, tant ceux qui logent que ceux qui sont logés. Ne m’écrivez rien de toute la cour, j’en sais assez. Je me contenterai de savoir des nouvelles de votre santé, quand le roi en sera sorti et quel chemin il aura pris. M. le comte d’Harcourt [132] est arrivé ce matin dans Paris avec deux carrosses à six chevaux et huit hommes de cheval, qui est un cortège assez chétif pour un prince de la Maison de Lorraine. [133] On dit que ce sera lui qui commandera nos troupes en Italie l’été prochain.

Je vous prie de me conserver en vos bonnes grâces, de mademoiselle votre femme, de MM. Gras et Garnier, de M. Huguetan l’avocat, de Monsieur son frère, et de M. Ravaud, et je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 3e de décembre 1658.


a.

Ms BnF no 9357, fos 320‑321 ; Reveillé-Parise, nos cccxxxix (tome ii, pages 441‑443), à Charles Spon, et ccccxlxii (tome iii, pages 101‑103), à André Falconet ; Du Four (édition princeps, 1683), no lxxvi (pages 252‑256) et Bulderen, no cxxvi (tome i, pages 327‑329), à Spon.

1.

Philippi Douté, Doctoris Medici Parisiensis, de succo Cyrenaico Diatriba ad Bertinum Dieuxivoye ejusdem Facultatis Doctorem, cui accessit ad eundem Antirrheticus in quo singula Apologetici Capita disquiruntur, indeque nata occasione Alexipharmacorum ac Purgantium vires in totius substantiæ proprietate positæ vindicantur.

[Diatribe {a} de Philippe Douté, docteur en médecine de Paris, sur le suc cyrénaïque, contre Bertin Dieuxivoye, {b} docteur de la même Faculté. Y a été ajouté l’Antirrheticus, {c} contre le même, où est scruté chaque chapitre de son apologie et où sont, quand l’occasion s’en présente, les forces des alexipharmaques {d} et des purgatifs qui sont contenues dans la propriété de sa substance tout entière]. {e}


  1. Dissertation critique.

  2. Docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1649 et partisan de l’antimoine (v. note [46], lettre 442).

  3. Philippi Douté Doctoris Medici Paris. Antirrheticus pro Diatriba de Succo Cyrenaico. Adversus Bertinum Dieuxivoye, ejusdem Facultatis Doctorem [Antirrheticus de Philippe Douté, docteur en médecine de Paris, pour sa Diatribe sur le Suc cyrénaïque. Contre Bertin Dieuxivoye, docteur de la même Faculté] (seconde partie de l’ouvrage, composée de 118 pages). Antirrhericus est un hellénisme tité d’αντιρρησις [contradiction].

  4. Contrepoisons, v. note [20], lettre 164.

  5. Paris, François Muguet, 1659, in‑4o de 118 pages, dédié au doyen François Blondel, qui surpassait Guy Patin dans son acharnement contre l’antimoine et les autres innovations thérapeutiques (v. note [11], lettre 342). Les approbations de trois docteurs de la Faculté de médecine de Paris (Jacques Perreau, Jean Merlet et Antoine ii Charpentier) sont datées de septembre 1659.

    Guy Patin parlait ici de la première édition (Paris, Nicolas Boisset, 1658, in‑4o), sans l’Antirrheticus, dont le permis d’imprimer est daté du 21 octobre 1658, et les deux approbations de la Faculté, signées Perreau et Charpentier, du 20 octobre 1658.


Philippe Douté, natif de Bourges, avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en janvier 1657 (Baron). À la page 5 de son livre, il cite un passage (page 265) de L’Antimoine justifié… d’Eusèbe Renaudot (v. note [21], lettre 312), concernant Hippocrate :

« Le suc d’hippophaès, qui est une espèce de mouron, {a} lui servait à purger les eaux des hydropiques, et les sérosités qui occupent la hanche dans la sciatique, et autres maux causés de fluxion, aussi bien que celui de silphium ou benjoin, dit par excellence suc cyrénaïque pour ce que la plante dont il est extrait croît abondamment en la ville de Cyrène. » {b}


  1. Hippophaès : « petit arbrisseau qui croît dans la Morée, proche de la mer, en des lieux sablonneux. […] Sa racine est grosse, longue, remplie d’un suc laiteux très amer, d’une odeur forte. […] La racine de l’hippophaès est fort purgative » (Trévoux).

    Le mouron est une plante herbacée qu’on disait avoir des vertus contre les poisons, la manie, le délire, l’hydropisie et les obstructions.

  2. V. notule {a}, note [14] du Borboniana 6 manuscrit.

Du suc cyrénaïque, dit de Galien, ou silphium, le Dictionnaire de Trévoux dit :

« On fait un grand cas de cette racine en Libye, aux environs de Cyrène, tant à cause de ses grandes propriétés médicinales que de l’usage qu’on en faisait dans les ragoûts. Le suc ou la gomme de Cyrène était tellement estimé que les Romains déposaient dans le trésor public, comme quelque chose de fort rare, tout ce qu’ils en pouvaient acquérir. La connaissance du silphium de Cyrène était perdue longtemps avant que Pline écrivît. Les botanistes modernes croient reconnaître le silphium de Cyrène dans notre Assa fœtida. {a} James ne pense point ainsi, parce que Dioscoride dit que le silphium de Cyrène rend une odeur très agréable. »


  1. Gomme puante ou merde du diable.

L’authenticité de ce que les apothicaires vendaient alors sous le nom de suc cyrénaïque avait servi de motif à une vive querelle de la Faculté, dont le véritable motif était le quinquina, autrement appelé « écorce du Pérou » ou « poudre des jésuites » (v. note [7], lettre 909). Paul Delaunay est un des rares auteurs à l’avoir évoquée en détail (et avec drôlerie) dans la première série de ses Vieux médecins sarthois (Paris, Honoré Champion, 1906, pages 53‑59).

2.

« de la nation antimoniale, ni honnête homme, ni savant, mais manceau ».

3.

Alphonse iv d’Este, duc de Modène (1634-16 juillet 1662), fils aîné du duc François ier (v. note [10], lettre 398) et de Marie Farnèse, avait été marié le 27 mai 1655 avec Laure Martinozzi, nièce du cardinal Mazarin. Il venait de succéder à son père (mort le 14 octobre 1658), dans ses États et dans le titre de généralissime des armées de France en Italie, dont la patente lui fut expédiée au mois de décembre. En 1659, voyant la France disposée à faire la paix avec l’Espagne, il travailla, par le conseil de Mazarin, à faire aussi son accommodement avec elle et y réussit, en renonçant à la ligue que son père avait contractée avec la France.

Par la paix des Pyrénées, conclue entre la France et l’Espagne, le 7 novembre de la même année, il fut dit (article 97) que l’Espagne retirerait la garnison qu’elle tenait à Correggio et engagerait l’empereur à en donner l’investiture au duc de Modène. Alphonse allait mourir de ce qu’on appelait la goutte (v. note [30], lettre 99), à l’âge de 28 ans, laissant deux enfants : François ii, âgé de deux ans, qui lui succéda sous la régence de sa mère, et Marie Béatrix qui épousa Jacques ii, roi d’Angleterre (A.V.D.).

Le mariage du duc de Modène fut (selon Doscot, Mancini, page 18) :

« le moins sentimental du monde, une pure action politique, ce qui n’empêcha pas Laure {a} d’être heureuse de son sort. Par malheur, Alphonse mourut six ans plus tard, âgé de 28 ans, et sa veuve se trouva régente du duché avec un enfant en bas âge et de nombreux soucis de voisinage. Ce que Laure avait hérité de l’esprit Mazarin, c’était l’acharnement à la tâche et le sens de la dignité. Elle mena son petit pays à la baguette, se battit comme un homme contre une autre régente, la duchesse de Mantoue, au point d’obliger la France à une intervention diplomatique ; puis son fils devenu majeur, elle se retira à Rome et vieillit pieusement, comme une honnête matrone, auprès de sa mère, Laure-Marguerite Martinozzi, considérant d’un œil effaré les turpitudes de ses cousines Mancini. »


  1. Martinozzi.

4.

Remplace « de Chambéry », barré par Guy Patin.

5.

V. note [8], lettre 528, pour Charles Fleetwood, gendre d’Oliver Cromwell, et pour Henry, frère puîné de Richard, le nouveau Lord Protector. Une pétition de l’armée républicaine avait réclamé que Fleetwood en fût nommé le commandant en chef, mais Richard avait décidé de conserver ce grade pour lui-même et de ne nommer son beau-frère que lieutenant général en le maintenant sous ses ordres. Dépité, Fleetwood prit le parti de mener l’opposition militaire contre le protecteur. Henry Cromwell était Lord Deputy d’Irlande depuis novembre 1657 ; il avait soutenu la nomination de son frère Richard au protectorat, mais fut dépité, quand ce fut chose faite, de ne pas être rappelé à Londres auprès de lui ; il dut se contenter d’être élevé au rang de Lord Lieutenant d’Irlande en novembre 1658 (Plant). En s’écartant si maladroitement de ses plus solides soutiens familiaux, Richard préparait irrémédiablement l’effondrement du protectorat (2 mai 1659).

6.

V. note [3], lettre 113, pour Gaspard de Masclari.

7.

Dans une lettre ultérieure, Guy Patin (v. note [48], lettre 549) a donné Seignoret pour nom de famille de ce jeune homme.

Les seuls neveux de Jean Caze (v. note [24], lettre 277) qui pussent porter le nom de Seignoret étaient les enfants de Jacques Seignoret et Suzanne Huguetan, dont la sœur Marie avait épousé Jean Caze en 1640 (Marie et Suzanne étant sœurs du libraire Jean-Antione ii Huguetan). Mariés en 1632, Jacques et Suzanne Seignoret avaient alors eu six fils. Le benjamin, prénommé Étienne, âgé de 18 ans en 1658, pouvait être le jeune déluré dont Guy Patin contait ici les débauches. Étienne se maria en 1680 à une nommée Isabeau Got. Par son épouse, Marie Seignoret (v. note [1], lettre 280), cousine germaine de Jacques, Charles Spon était lointain parent par alliance de ce jeune homme.

8.

Cette date incompatible avec celle que Guy Patin avait inscrite dans la marge deux lignes plus haut. La dernière lettre de Charles Spon à Patin dont on ait la trace certaine (par une note de Spon sur le manuscrit, v. note [a], lettre 537) datait du 22 octobre.

9.

Ces Opérations de Chirurgie étaient probablement le manuscrit inachevé de Jean ii Riolan dont Guy Patin avait parlé à Charles Spon dans sa lettre du 8 juin 1657 (v. note [10], lettre 484).

10.

Guy Patin a reparlé de cette boîte de Grenoble au moment où le jeune Tobias Baumgartner la lui a portée à son domicile. Destinée au médecin botaniste Denis Joncquet (v. note [7], lettre 549), elle contenait probablement des échantillons de bulbes et de graines.

V. note [2], lettre latine 127, pour le projet avorté de Johannes Rhodius sur Celse.

11.

V. notes [8], lettre de Charles Spon, le 15 mars 1657, pour les Observations de Lazare Rivière, et [1], lettre 432, pour la 5e partie de l’Historia ecclesiastica [Histoire de l’Église] de Johann Heinrich i Hottinger.

12.

La Compagnie de Jésus, v. note [46], lettre 99.

13.

Censure d’un livre anonyme intitulé Apologie pour les casuistes, imprimé à Paris 1657, {a} faite par Messeigneurs les évêques d’Alet, de Pamiers, de Comminges, de Bazas, et de Conserans. {b}


  1. V. note [9], lettre 527.

  2. Toulouse, 1658, in‑4o, réimprimé comme pièce vi (pages 17‑20) du recueil référencé dans la note [43], lettre 544.

    Les évêques signataires étaient dans l’ordre : Nicolas Pavillon, Francois Étienne de Caulet, Gilbert de Choiseul, Samuel Martineau, Bernard de Marmiesse.


14.

De petites déchirures au bas de la feuille créent deux lacunes du texte qu’on a tenté de reconstituer (entre crochets) ; Guy Patin a plus loin parlé à Charles Spon de ce M. Eustache (v. note [14], lettre 549).

15.

V. notes [3], lettre 546, pour la dispute entre Raymond Restaurand, médecin de Nîmes, et André Graindorge, médecin de Narbonne, sur le Figulus, et [15], lettre de Charles Spon, le 21 novembre 1656, pour la « Monarchie du microcosme » de Restaurand.

16.

La défaite prochaine de Charles x Gustave devant Copenhague (v. note [22], lettre 539) favorisait l’empereur, dont le roi de Suède était alors le plus puissant ennemi en Europe, et Guy Patin s’en désolait. Amac était le nom français de l’île d’Amager située devant de Copenhague, dont elle n’est séparée que par un bras de mer très étroit.

17.

« On dit qu’une chose porte coup lorsqu’elle fait quelque effet considérable, ou dont on tire quelque conséquence » (Furetière). La fille, bonne à marier, de Philippe iv était l’infante Marie-Thérèse (Maria Teresa de Austria), alors âgée de 20 ans. Après la naissance de Felipe-Prosper en 1657, celle d’un second héritier mâle levait toute prétention du futur gendre sur la Couronne d’Espagne.

18.

Annonce prématurée de la naissance de l’infant Tomas : v. note [2], lettre 553.

19.

Eustache de Chéry (mort en 1669) avait été nommé évêque de Nevers en 1643. En 1666, il démissionna en faveur d’Édouard Valot, fils d’Antoine, premier médecin du roi (Gallia Christiana). V. notes : [15], lettre 444, pour Alphonse d’Elbène, évêque d’Orléans ; [9], lettre 229, pour Henri-Louis de Pardaillan de Gondrin, archevêque de Sens ; et [13], lettre 547, pour les cinq évêques de Languedoc.

20.

« race d’hommes qui trouve autant de joie que la femme à se venger, et qui est même la plus avide et la plus convoiteuse de revanche ». Dans ce nouvel assaut contre les jésuites, Guy Patin s’inspirait de Juvénal (Satire xiii, vers 191‑192) :

vindicta
nemo magis gaudet quam femina
.

[personne plus que la femme ne trouve sa joie à se venger].

Nicolas Mazure ne devint jamais évêque.

21.

« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent » (Matthieu, 5:44).

Équivoquer : « faire des équivoques. Cet homme est heureux à équivoquer, à trouver des équivoques. Il se dit plus ordinairement avec le pronom personnel, et alors il signifie, se tromper, se méprendre » (Furetière).

Les déchirures du bas de la feuille ont créé des lacunes (entre crochets) qui rendent impossible une reconstitution exacte de la phrase qui suit.

22.

« avec vomissement purulent » : sans doute une vomique, qui est l’expectoration d’une grande quantité de pus, par vidange d’un abcès pulmonaire.

23.

« et s’est retiré en Touraine ».

24.
Guerneri Rolfincii Phil. et Med. Doct. Prof. Publici Ordo et methodus cognoscendi et curandi febres generales. Hippocraticis, Paracelsis, Harveianis et Helmontianis principiis illustrata.

[Ordre et méthode pour reconnaître et soigner les fièvres générales, illustrés par les principes d’Hippocrate, Paracelse, Harvey et Van Helmont. Par Guernerus Rolfincius, {a} docteur et professeur public de philosophie et médecine]. {b}


  1. Werner Rolfinck.

  2. Iéna, Samuel Krebs, 1658, in‑4o de 437 pages.

25.

Profonder : pénétrer jusqu’au fond (La Curne).

26.

« de tels livres sont de lecture périlleuse pour ceux qui étudient la médecine ».

27.

Un des édits cités par Lacuisine dans l’affaire du parlement de Dijon (v. note [2], lettre 545) portait :

« création au parlement de Bourgogne de deux conseillers clercs, six conseillers laïcs, deux secrétaires de la Cour, deux audienciers, deux contrôleurs, deux référendaires et un chauffe-cire en la chancellerie du parlement, de plusieurs officiers de la Chambre des comptes et du Bureau des finances de cette ville, et moyennant ce, confirmation auxdites compagnies de l’union du pays de Bresse à leur ressort et juridiction, et attribution aux conseillers des bailliages du ressort de ce parlement de juger les causes qui regardent les chancelleries ».

28.

V. lettre à Spon, datée du 13 août 1658, lettre 533.

29.

Le successeur de Don Juan d’Autriche au gouvernement des Pays-Bas espagnols ne fut pas un archiduc de Tyrol, mais Luis de Benavides Carrillo, marquis de Caracena. Il avait gouverné à Milan de 1648 à 1656, et allait gouverner à Bruxelles jusqu’en 1664.

30.

V. notes [45], lettre 544, pour Antoine Le Maistre et [47], lettre 224, pour l’abbé François Fleury.

Thorn (Toruń en polonais) est une ville de Poméranie, sur la Vistule, que les Suédois avaient prise en 1655 ; assiégée par les Polonais, elle capitula le 16 novembre 1658. Thorn a vu naître Nicolas Copernic (v. note [9], lettre 61).

31.

Guénaltiser : verbe fantaisiste pour dire : on administre de l’antimoine à tout va, à la manière de François Guénault en France.

32.

« qui l’ont fait accéder au repos éternel. »

33.

« l’homme est un loup pour l’homme », célèbre proverbe de Plaute (v. note [3], lettre 127).

Nicolas Monnerot (1615-1669), trésorier des parties casuelles, et son frère Pierre étaient deux richissimes partisans qui avaient lié leur sort à Mazarin et à Nicolas Fouquet, et qui suivirent le surintendant des finances dans ses infortunes. Nicolas Monnerot réussit à fiancer sa fille au fils aîné du duc de Saint-Aignan, qui multiplia les démarches pour le tirer de la Bastille où il fut incarcéré en 1661 avant d’être écrasé en 1665 par une taxe de cinq millions de livres ; il mourut dans la prison du Châtelet (Dessert a, no 390, Adam, Petitfils c).

Le Catalogue des partisans (pages 14 et 18) mentionne les frères Monnerot :

« Manerot, {a} Brossamin et autres leurs associés, ont fait tous les traités qui ont causé les retranchements des rentes, des tailles et des gages, droits et revenus des officiers du Taillon, et autres ; ledit Monnerot demeure rue de Richelieu […].

Mommirot, {a} ci-devant commis de Bretonvilliers, a si bien volé le roi et son maître qu’il est extrêmement riche et demeure en l’île Notre-Dame. »


  1. Sic pour Monnerot.

34.

« a d’immenses et extraordinaires desseins ».

35.

Denis de La Haye (1633-1722), fils de Jean (v. note [3], lettre 539), ambassadeur à Constantinople, était alors aux côtés de son père. Il lui succéda d’ailleurs dans cette ambassade en décembre 1665 et y demeura jusqu’en 1670 (v. note [1], lettre 955) ; puis il fut ambassadeur à Venise de 1684 à 1701.

Le Grand Seigneur était le Grand Turc (ou sultan ottoman), Mehmed iv (v. note [12], lettre 184) ; Soliman était son lointain prédécesseur, Soliman ier, dit le Magnifique (1495-1566, Grand Turc en 1520).

C’était la suite de l’affaire des lettres diplomatiques chiffrées que le grand vizir Mehmed Pashha Köprülü avait interceptées sur la trahison du renégat français Vertamont (v. note [4], lettre 539), mais Guy Patin se trompait en annonçant la mort de Köprülü, qui ne survint qu’en 1661 (v. note [11], lettre latine 183).

La mère de Mehmed iv était la sultane Turhan Hatice (vers 1628-1683) qui avait pris la régence de la Turquie après avoir fait assassiner sa belle-mère Kensym (ou Kösem) en 1651. Voici ce que dit Jean Chardin dans son Journal (page 15‑16) sur les suites des lettres compromettantes apportées par le traître Vertamont aux Turcs :

« Monsieur de La Haye, qui avait su le dessein de Vertamont et ce qu’il allait faire à la cour, et qui d’ailleurs connaissait le naturel du grand vizir, la disposition de son esprit ennemi et l’importance de ce qui se passait, ne douta point que le paquet intercepté ne lui fît une grande affaire. […] Il était au lit travaillé de la pierre, tellement qu’il ne put aller à Andrinople lorsqu’il reçut l’ordre de s’y rendre. Il fit dire au caïmacan qui lui envoya cet ordre de la part du grand vizir, qu’il était au lit et qu’il lui était impossible de se mettre en chemin, qu’il enverrait son fils en sa place. […]

Cela irritait toujours de plus en plus le grand vizir. Monsieur de La Haye, le fils, le trouva en cette méchante humeur lorsqu’il arriva à Andrinople ; et lui ayant répondu peut-être avec un peu plus de fermeté que la circonstance ne le requerrait, Köprülü, que la passion emportait, le fit outrager en sa personne {a} et le fit emprisonner en une tour qui est attachée aux murailles d’Andrinople en disant “ Qu’il ne fallait pas endurer dans le député d’un ambassadeur, quoique son fils, ce qu’il faudrait endurer dans l’ambassadeur même. ” »


  1. C’est-à-dire battre, ou pire…

V. note [14], lettre 663, pour les suites de cette affaire.

36.

Sic pour occidentale.

37.

Guy Patin a ici remplacé « le voyage par « la traite », mot dont le premier sens était alors en effet, la « distance d’un lieu à un autre » (Furetière).

 »
38.

Henri iii de Mesmes, deuxième des trois fils de Jean-Antoine de Mesmes (v. note [28], lettre 524), était conseiller et aumônier du roi, abbé de Lavalroy en Champagne, et de Hambie (Popoff, no 1745).

39.

« lequel l’a conduit au tombeau. »

40.

V. notes [6], lettre 273, pour le procès de la Faculté contre Jean Chartier, auteur de La Science du plomb sacré des sages (Paris, 1651, v. note [13], lettre 271), et [1], lettre 275, pour William Davidson. Ne digérant décidément pas le récent triomphe royal de l’antimoine, Guy Patin vomissait haineusement sa haine contre ce médicament, les médecins qui le défendaient et le prescrivaient, les juges qui avaient condamné la Faculté, et même les malades qui acceptaient de le prendre.

41.

« suivant la coutume ». Le premier président était Guillaume de Lamoignon, et l’avocat général, Denis Talon.

42.

« dans cette Grand’Chambre, d’où découle tout le mal. »

43.

« qu’on appelle pilules de Francfort, que je crois n’être autre chose que l’aloès nourri et trempé dans l’eau de violettes pendant quelques mois » : v. note [24], lettre 332.

44.

« et tout bien considéré ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 3 décembre 1658

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(Consulté le 19/04/2024)

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