L. 580.  >
À André Falconet,
le 7 octobre 1659

Monsieur, [a][1]

Ce 4e d’octobre. Je vous remercie de la vôtre du 29e de septembre que M. Troisdames [2] me vient d’envoyer. Je n’ai pas encore vu l’Hygiène de M. Gontier. [1][3][4] Je pense que M. Esprit André [5] est guéri, on n’en dit rien ici. [2] Pour des Fougerais, [6] il commence à se lever et à regarder à la fenêtre, je l’y vis hier comme je passai. Son abcès [7] vide toujours, il porte une canne. Hæret lateri lethalis arundo[3][8] la < fièvre > continue [9] l’emportera ; et tandem contabescet[4] il vous sera permis alors de dire Belle âme devant Dieu, s’il y croyait ! [5] Je sais bien les vers de Buchanan, [10] il y a longtemps, Non ego Romulea, etc. ; [6] même, il y a plus de dix mois que Noël Falconet [11] les a mis dans son cahier. J’ai autrefois su par cœur toutes ses épigrammes, son Franciscanus et Fratres fraterrimi, mais donnez-vous le plaisir de voir celle in Romam, qui commence ainsi, Hi colles, ubi nunc vides ruinas, Et tantum veteris cadaver urbis, etc. et qui finit ainsi, Nihil comperies, nisi luperos, lupercale, lupos, lupas, lupanar ; [7] et l’autre qui est intitulée Imago ad peregre venientes, religionis ergo, qui commence < par >

Fare, age, qui terras lustras, vagus hospes et undas
Quid petis hinc ? longæ quæ tibi causa viæ ? etc.
 [8][12]

Virgile [13] ne fit jamais mieux, mais il a fallu 15 siècles pour faire un poète comme Virgile.

Mon fils aîné [14] traite la femme de l’écuyer du cardinal Mazarin au Bois de Vincennes, [15] laquelle a été fort malade et où j’ai été deux fois en consultation. [16][17] Elle était grosse et avait une fièvre maligne ; [18] enfin, elle est guérie et est accouchée heureusement. Comme il s’y en allait en carrosse hier, il vint prendre sa mère [19] pour lui faire voir le château de Vincennes, laquelle mena quant et soi Noël Falconet, il n’avait jamais vu cette maison royale. Ce matin il est allé en classe commencer sa physique, il nous promet merveilles, Dieu lui fasse la grâce de bien faire ! Nous avons ici un docteur en théologie nommé M. de Launoy, [20] fort habile homme et extrêmement savant dans l’histoire ecclésiastique (c’est celui qui a écrit que saint Denis Aréopagite [21] n’est jamais venu en France, que la Madeleine [22] n’est jamais venue en Provence, que saint René d’Angers [23] n’a jamais été ; on disait autrefois de lui qu’il ôtait tous les ans un saint du paradis et qu’il fallait que Dieu se gardât qu’enfin il ne l’en ôtât lui-même), qui a écrit contre les chartreux touchant cette fable d’un chanoine de Notre-Dame [24][25] qui revint de l’autre monde et qui dit Iusto Dei iudicio condemnatus sum ; [9] ce qui fut cause de la conversion de leur P. Bruno, [26] sed isthæc sunt anilibus fabulis simillima ; [10] il en a encore bien écrit d’autres. Enfin, ce galant homme s’en va faire imprimer un livre de Academiis[11] qui sera un traité bien curieux et bon, car c’est un excellent homme, qui écrit bien et qui prouve bien son fait.

On me vient de donner des vers latins sur la paix [27] et le mariage du roi, [28] dont l’auteur est un bel esprit nommé M. Ménage, [29] natif d’Angers. Les voici, adressés à la reine : [30]

Respondere tuis tandem pia Numina votis
Anna parens Patriæ, Principis Anna parens.
Ille tuus Lodoix Hominum Divumque voluptas,
Qui tenet invicta Gallica Sceptra manu,
Uxorem ducit Mariam, quam Regibus ortam
Hesperiis, flavi suspicit unda Tagi.
At tu, læta, fave sponsis, o pronuba Iuno,
Nam meruere. Hostes vincit uterque tuos,
Illa sua, ut cernis, vincit tibi Cyprida forma,
Viribus Alcidem vincit et ille suis
[12]

Le traité du prince de Condé [31] est tout à fait conclu, M. Le Tellier [32] a été à Bordeaux en conférer avec M. le prince de Conti. [33] On dit que, par ce traité de paix, trois provinces et trente villes reviennent au roi. Le roi s’en va à Toulouse [34] où le cardinal Mazarin [35] le viendra trouver dès que les conférences seront achevées. Il y en a qui disent que, selon que M. le maréchal de Gramont [36] enverra des nouvelles à la cour, le roi pourra bien revenir à Paris, sauf à retourner au printemps où il faudra. On dit que l’infante, [37] sortant d’Espagne, viendra par la Catalogne [38] à cause des grandes neiges qui pourraient être cet hiver aux Pyrénées. Le roi de Suède [39] est fort mal en ses affaires. Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 7e d’octobre 1659.


a.

Bulderen, no clii (tome i, pages 398‑400) ; Reveillé-Parise, no cccclxxxviii (tome iii, pages 154‑156).

1.

La publication de cette Hygiène allait attendre 9 ans :

Petri Gontier Roannæi Consiliarii et Medici Regis ordinarii, Exercitationes hygiasticæ, sive de Sanitate tuenda et Vita producenda, Libri xviii. Opus ex luculentissimis selectissimorum authorum monumentis nova methodo adornatum, omnibus suæ valetudinis studiosis, cuiuslibet naturæ, ætatis, sexus, conditionis, gentis, non tantum non iniucundum, sed utile admodum, atque imprimis necessarium.

[Essais hygiéniques de Pierre Gontier de Roanne, {a} conseiller et médecin ordinaire du roi, ou sur la façon de protéger la santé et de prolonger la vie, en 18 livres ; ouvrage agrémenté d’une méthode nouvelle, tirée des témoignages les plus éclairés des auteurs les mieux choisis, qui est non seulement plaisant, mais fort utile et particulièrement nécessaire à tous ceux qui sont soucieux de leur santé, quels qu’en soient la nature, l’âge, le sexe, la condition]. {b}


  1. V. note [2], lettre 143.

  2. Lyon, Antoine Julliéron, 1668, in‑4o de 560 pages.

    Le titre est suivi d’une devise empruntée à Horace (L’art poétique, vers 343) : Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci [Celui qui a su mêler l’utile à l’agréable a emporté tous les suffrages]. Elle surmontant le frontispice du libraire où figure une autre devise encadrée par deux lions assis et encerclée par deux serpents dont l’un avale l’autre et engendre des petits serpents, Quod tibi fieri non vis, alteri ne feceris [Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse] (dicton romain). Le privilège du roi est daté de Paris le 26 janvier 1668, mais il n’y a pas d’achevé d’imprimer.


L’épître dédicatoire, datée de Roanne, l’an 1668, est adressée à Nobilissimo, summæque eruditionis laude præstantissimo viro, Domino Andreæ Falconet Roannæo, Collegio medicorum Lugdunensium aggregato, Regi Christianissimo, necnon Serenissimo Principi Duci Sabaudiæ a medicis consiliis, ac in urbe Lugdunensis Primo Consuli meritissimo [à Maître André Falconet natif de Roanne, très illustre et tout à fait sans égal pour la gloire de son éminent savoir, agrégé au Collège des médecins de Lyon, conseiller médecin du roi très-chrétien, ainsi que du sérénissime prince duc de Savoie, et premier consul très méritant en la ville de Lyon].

Parmi les signataires des neuf poèmes latins que contiennent les pièces liminaires, figurent cinq médecins du Collège de Lyon (André et Noël Falconet, Charles et Jacob Spon, Pierre Barra), un médecin de Mâcon, Philibert Brun, et bien sûr Guy Patin : {a}

Clarissimo Viro
Petro Gonterio
Roannæo,
regi a consiliis et medicis :
ob hygieinen celebratam
novem Musarum votis
æternitati mancipato.
Ode dicolos tertrastrophos

Contende totis viribus, et sacrum
Dictura carmen, Calliope novo
      Heroë capta, iam per omnes
      Gonterium Celebrabis oras.

Lasciva molli nunc Erato gradu
Te votum amoris blandula nuncupat,
      Atque huius arcu Sanctiorem
      Gonterii Calamum frequentat.

Cernis Thaliam cingere floribus,
Lauroque Divum Gonterii Caput,
      Aptare cervici coronam,
      Cuius honor superabit ævum.

Audis ? laborum frangere tædia
Certat canoram Melpemone trahens
      Arguta vocem ; blanda cantat,
      Plaudite Gonterio sorores.

Audis sonantem Terpsichores Lyram,
Non Phœbi amores, non Iovis impigram
      Salacitatem, sed perennes
      Gonterii resonare curas.

Iucunda ludens cespite proximo,
Saltante Fauno cogit arundine
      Sylvestris Euterpe Choreas
      Pieridum volucres sororum.

Oblivioni non Polyhimnia,
Te tradet ; inquit non ego Te meis
      Chartis inornatum silebo,
      Quin potius super astra tollam.

Blandæ sorores, audio quid preces,
Quid vota poscant : Uraniæ placet
      Æternitatis candidatum
      Gonterium superis referre
.

Canebat Celebrrimo Medico
G.P.

[Ode en tétrastiches à deux périodes, {b}
au très distingué M. Pierre Gontier,
conseiller médecin du roi natif de Roanne,
que les souhaits des neuf Muses ont de toute éternité
voué à célébrer l’hygiène

Mets toutes tes forces, Calliope, à chanter tes vers sacrés, toi qu’a charmée Gontier, et longtemps grâce à toi toutes les lèvres célébreront ce nouveau héros. {c}

Voici maintenant la câline Érato qui, de son pas souple et lascif, vient te déclarer son désir d’amour ; et à son arc, la sainte plume de Gontier sert très souvent de flèche. {d}

Tu vois Thalie ceindre de fleurs et de laurier la divine tête de Gontier, elle ajuste une couronne au front de celui dont la gloire résistera au passage des ans. {e}

L’entends-tu, subtile Melpomène, lutter pour briser la lassitude de ses travaux en sollicitant son harmonieuse voix ? Chères sœurs, applaudissez donc Gontier, car il chante agréablement ! {f}

Tu entends la lyre de Terpsichore qui ne fait résonner ni les amours de Phébus ni l’ardente lubricité de Jupiter, mais retentir l’inlassable zèle de Gontier. {g}

Dans un pré voisin, la sylvestre Euterpe, jouant de sa mélodieuse flûte, incite un faune à danser et entraîne les Piérides, ses sœurs, dans une ronde aérienne. {h}

Polymnie te recommandera de ne pas l’oublier : je ne te permettrai pas, dit-elle, de priver mes livres de louanges car je les place bien plutôt au-dessus des nues. {i}

Douces sœurs, je perçois ce que réclameraient vos prières et vos vœux : plaise à Uranie de revêtir Gontier de la blanche toge destinée aux divinités éternelles]. {j}

G.P. composait ces vers pour un très célèbre médecin]. {k}


  1. Patin était ami de Gontier : il lui avait même confié pendant deux ou trois ans l’éducation de son second fils, le très cher Carolus, qui en a parlé dans son Autobiographie (v. sa note [9]), mais n’a pas lui-même ici pris la plume pour honorer son ancien précepteur.

  2. Type classique de composition latine poétique où chaque strophe (stance) de quatre vers (tétrastiche) est composée de deux hendécasyllabes (11 pieds) suivis de deux heptamètres (7 pieds) ; chaque couplet est consacré à l’une des neuf Muses ; avec ce titre, Patin faisait un vaniteux étalage de son art à rimer en latin, qui faisait alors partie du bagage ordinaire de tout maître ès arts.

  3. Calliope est la Muse de l’éloquence et de la poésie épique.

  4. Érato est la Muse de la poésie lyrique et galante ; compagne d’Éros, elle a aussi un arc pour l’un de ses attributs.

  5. Thalie est la Muse enjouée de la comédie, ce qui n’a pas de lien clair avec la couronne qu’elle tresse à Gontier.

  6. En écrivant Melpemone Patin (ou l’imprimeur) a écorché le nom de Melpomène, la grave Muse de la tragédie.

  7. Terpsichore est la Muse de la danse. Peu de déesses on échappé aux ardeurs de Jupiter ; v. note [8], lettre 997, pour son fils Phébus (Apollon).

  8. Euterpe est la Muse de la musique, dont l’emblème est la flûte. Les Piérides sont un autre nom des Muses, mais désignent aussi leurs rivales malheureuses, filles de Piérus (v. notule {g}, note [4], lettre de Reiner von Neuhaus datée du 15 mai 1664).

  9. Polymnie est la Muse de la rhétorique.

  10. Uranie est la Muse de l’astronomie.

  11. J’ai fait de mon mieux pour traduire ce poème de Patin car il est à ma connaissance le plus long à être issu de sa plume. Il montre, je pense, son piètre talent à versifier : on peut certes fermer les yeux sur quelques libertés prises avec la syntaxe afin de respecter l’ambitieuse métrique de l’ode ; mais la construction est inharmonieuse, tutoyant tantôt le lecteur, tantôt les Muses, tantôt Gontier, sacrifiant abusivement la musique au sens des mots et, sans doute à court d’inspiration, éclipsant Gontier dans deux des neuf strophes pour y accabler les Muses de platitudes, quand leur chœur devrait louer leur héros de bout en bout. Le tout est hélas besogneux, triste et profondément ennuyeux, sans le moindre trait de cet esprit qui pétille partout dans la prose de Patin.

Mon intérêt pour l’histoire familiale des Patin m’a enfin poussé à chercher leurs mentions dans le livre de Gontier. Je n’en ai trouvé que deux :

Ici encore (v. supra notule {a}), l’absence de Charles Patin surprend et laisse supposer que son exil volontaire (novembre 1667) sa condamnation (janvier 1668) l’avaient aussi arraché au bon souvenir de son ancien précepteur ; à moins de croire que ces fâcheuses circonstances aient incité Gontier à changer le prénom de Charles en celui de Robert.

2.

V. note [15], lettre 292, pour Jean-André Esprit (Esprit André pour Guy Patin, v. note [1], lettre 582), médecin de Monsieur, Philippe d’Orléans.

3.

« Le trait mortel reste fiché dans son flanc » (Virgile, v. note [46], lettre 222).

4.

« et enfin il dépérira ».

5.

V. note [11], lettre 507.

6.

Trois premiers mots de la deuxième des trois épigrammes que George Buchanan a écrites In Romam [Contre Rome], appartenant à ses Fratres fraterrimi [Frères très fraternels] (satire jumelle de son Franciscanus [Cordelier]), page 301 de ses Poemata (Amsterdam, 1641, v. première notule {a}, note [11], lettre 65) :

In eandem Romam

Non ego Romulea miror quod pastor in urbe
Sceptra gerat, pastor conditor urbis erat.
Cumque lupæ gentis nutritus lacte sit auctor
Non ego Romulea miror in urbe lupos.
Illa meum superat tantum admiratio captum,
Quomodo securum fervet ovile lupus.

[Une autre contre Rome

Belle Romaine, je ne m’étonne pas qu’un pasteur règne sur ta ville car c’est un pasteur qui la fonda. Et comme ton ancêtre s’est nourri du lait d’une louve, je ne m’étonne pas, belle Romaine, que ta ville soit emplie de loups. Non : ce qui me saisit d’étonnement, c’est la brebis qui demeure paisible devant le loup qui se pourlèche].

7.

Début et fin de la première épigramme In Romam [Contre Rome] du Fratres fraterrimi (v. supra note [6]), ibid. pages 300‑301 ; George Buchanan y évoque la fondation de Rome pour déplorer que, fidèle à ses origines mythiques, elle demeure la capitale des loups, des louves, et de tous les méfaits que commettent ces fauves voraces et vicieux, sous les lubriques auspices de leur dieu Pan :

« Il y avait des collines là où maintenant tu vois des ruines et la dépouille d’une fort ancienne cité […] Tu ne découvriras rien au Lupercal que luperques, loups, louves, lupanar. » {a}


  1. Les luperques sont les prêtres du dieu Pan ; le Lupercal est la grotte creusée sous le mont Palatin où la louve légendaire a allaité Romulus et Remus ; lupa, la louve, a aussi en latin le sens de putain, qui a donné lupanar.

8.

Deux premiers vers d’une autre virulent épigramme des Fratres fraterrimi de George Buchanan (v. supra note [6]), ibid. pages 297‑298, contre l’iconolâtrie catholique :

Imago ad peregre venientes religionis ergo.

Fare age qui terras lustras vagus hospes et undas,
Quid petis hinc ? longæ quæ tibi causa viæ ?
Non Deus hic quisquam, nec imagine numen in ista est,
Nos Lapis, et tantum putria ligna sumus :
Vermibus esca, cibus tineis, domus hospita blattis,
Opprobrium cœli, ludibriumque soli.
Non capiunt humiles numen cœleste penates,
Structa nec humana saxea tecta manu.
Quem mare, quem tellus, quem non capit igneus æther,
Clauditur in nullo spiritus ille loco.
Ut Christum invenias, animi secreta revolve,
Aut lege fatidici quæ cecinere patres :
Aut quæ dives habet passim circumspice mundus,
Hæc vera est ædes, hoc penetrale Dei.
At quisquis picto gaudet dare basia trunco,
Crassaque pulvereo lingere saxa croco,
Dignus morte perit, qui mortua vivus adorat,
Et vitæ in fragili spem sibi ponit humo.
Si te picta iuvant, cariem ne perline trunci,
Sed vera mentem simplicitate tuam.
Hac ratione domi poteris reperire, quod omnes
Erro vagus terras, sic peragrando, fugis
.

[Parabole contre ceux qui viennent de l’étranger, au nom de la religion.

Eh bien, parle, donc voyageur vagabond ! Pourquoi viens-tu ici chercher des terres et des eaux pures ? Quelle a été la raison de ta longue route ? Il n’y a deçà nul dieu, nul pouvoir attaché à cette icône : ce ne sont que pierre et bois pourris, pour nous qui ne sommes que pâture vouée à la vermine, festin pour les vers, demeure accueillante pour les blattes, honte du ciel, risée de la terre. Nos humbles toits n’abritent pas un dieu céleste, les hommes ne lui construisent pas de temples de pierre. Un esprit que ni la mer, ni la terre, ni l’air embrasé ne savent contenir, ne peut être en aucun lieu. Pour trouver le Christ, remets-t’en au secret de ton âme, ou lis ce qu’ont écrit les prophètes, ou regarde tout autour de toi les richesses que recèle le monde ; c’est là qu’est la véritable demeure de Dieu et là qu’est son secret. Mais quiconque se réjouit d’embrasser une statue peinte et de lécher les pierres encrassées de poudre jaune est digne de mourir ; comme celui qui, vivant, adore les choses mortes et qui fonde l’espoir de sa vie sur une terre meuble. Si tu aimes tant les choses peintes, ne va pas barbouiller des bouts de bois pourris, mais barbouille-toi l’esprit de véritable simplicité. Tu ne pourras te retrouver à la maison que si, continuant à vagabonder de par le monde, tu t’enfuis d’ici].

9.

« Je suis damné par la juste sentence de Dieu ».

10.

« mais tout cela n’est rien d’autre que fables de vieilles femmes. »

Bruno, moine d’origine allemande, fondateur de l’Ordre des chartreux au xie s., est fêté comme saint, bien qu’il n’ait jamais été officiellement canonisé ni même béatifié par l’Église ; elle reconnaît néanmoins sa sainteté et a inscrit son nom dans son calendrier liturgique (le 6 octobre). Sa vie, mal connue, a donné lieu à nombre de légendes : dans sa Defensa Romani Brevarii Correctio… [Correction revendiquée du Bréviaire romain (v. note [55] du Borboniana 7 manuscrit)…] (Paris, 1646), Jean de Launoy (v. note [9], lettre 91) s’était notamment attaqué à celle de sa conversion au monachisme, attribuée à la déclaration d’un chanoine mort qui serait revenu dire que Dieu l’avait damné pour ses péchés (v. notes [49], [50] et [51] du Patiniana I‑3).

V. notes [9], lettre 91, pour sainte Madeleine, et [20], lettre 207, pour saint Denis et saint René.

11.

Le livre « sur les Universités » de Jean de Launoy parut bien plus tard :

Academia Parisiensis illustrata, quatuor partibus divisa. ia Continet quæ ab anno mccciv. usque ad annum mdcxl. in Regio Navarræ Gymnasio gesta sunt. iia Regiæ Navarræ Elogia. iiia Scriptores cxxxiv. Scriptorumque Vitam seu Elogium, cum Operum indice ; iva Doctorum clxiii. qui bene acta vita claruerint, Elogium. Auctore Joan. Launoio, Constantiensi, Paris. Theologo. Tomus i.

[L’Université de Paris illustrée, divisée en quatre parties : la première contient ce qui est arrivé de 1304 à 1640 dans le Collège royal de Navarre ; {a} la deuxième, les éloges du dit Collège ; la troisième, 134 auteurs et leur vie ou l’éloge de leurs écrits, avec un index des œuvres ; la quatrième, l’éloge funèbre de 163 docteurs qui ont brillé par leur vie bien menée. Par Jean de Launoy, natif de Coutances, théologien de Paris. Tome i]. {b}


  1. V. note [21], lettre 207.

  2. Paris, veuve d’Edmond Martin et Jean Boudot, 1682, in‑4o de 1 113 pages, pour le premier de deux tomes, dont le sommaire complet est annoncé dans le titre du premier, qui ne contient que l’histoire du Collège de Navarre (précédemment publiée en 1677, v. seconde notule {a}, note [57] du Borboniana 5 manuscrit).

12.

Ce poème de Gilles Ménage s’intitule In Nuptias Ludovici xiv Galliarum Regis, et Mariæ Theresiæ Austriacæ, Philippi iv Hispaniarum Regis Filiæ, ad Annam Austriacam, Galliarum Reginam [À Anne d’Autriche, reine de France, en l’honneur des noces de Louis xiv, roi de France, et de Marie-Thérèse d’Autriche, fille de Philippe iv, roi d’Espagne] (sans lieu ni nom, ni date, in‑4o d’une page ; réimprimé dans la 8e édition in‑12 des Menagii Poemata, Amsterdam, Henr. Wetstenius, 1687, page 119) :

Respondere tuis tandem pia Numina votis,
Anna Parens Patriæ, Principis Anna Parens.
Ille tuus Ludovix, Hominum Divumque voluptas,
Qui tenet invicta Gallica sceptra manu,
Iungitur Austriacæ, geniali fœdere, Nymphæ,
Aurea formosi quam stupet unda Tagi.
At tu læta fave Sponsis, o pronuba Iuno.
Nam meruere. Hostes vincit uterque tuos.
Cernis, ut Alciden vincit tibi viribus ille :
Ut Venerem forma vincit et illa tibi
.

[Répondent enfin à tes vœux les bienveillantes divinités, Anne, mère de la patrie, Anne, mère du prince. Voici que ton Louis, la délectation des hommes et des dieux, qui tient en son invincible main le sceptre de la France invaincue, s’est uni par un pacte nuptial à la Nymphe autrichienne, sur qui s’extasie l’onde dorée du Tage somptueux. Sois donc favorable aux fiancés, ô nuptiale Junon ! Voilà qui est bien mérité. Tous deux triomphent de tes ennemis. Tu décides que lui, par sa force, l’emporte pour toi sur Hercule, et qu’elle, par sa beauté, l’emporte pour toi sur Vénus].

Cette version imprimée diffère légèrement de la transcription fournie dans la lettre :

« […] épouse Marie, née des rois espagnols, que contemple l’onde du Tage. […] Elle, comme tu le vois, t’a conquise par son allure de Vénus, et lui, par ses propres forces, a vaincu Hercule. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 7 octobre 1659

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(Consulté le 29/03/2024)

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