L. 614.  >
À André Falconet,
le 4 juin 1660

Monsieur, [a][1]

Ce 2d de juin. > Je vous écrivis hier par la voie de M. Langlois [2] avec une de Noël Falconet. [3] Aujourd’hui j’ai reçu une lettre de votre collègue M. Meyssonnier [4] avec la Pharmacopée accomplie[1] Il me remercie dans sa lettre du service que j’ai rendu à votre Collège, [5] ce sont ses mots, pour la vérification de vos statuts. Dieu soit loué de tout, il y a grand plaisir de bien faire, et principalement à d’honnêtes gens. Je lui ferai réponse à mon premier loisir. Il dit là-dedans que vous êtes son bon et véritable ami. Quelques-uns disent que nous allons avoir la guerre avec les Anglais à cause de Dunkerque. [2][6] Je viens de rencontrer un huguenot, [7] lequel m’a dit que le roi d’Angleterre [8] devait hier partir à La Haye [9] pour s’en aller en Angleterre, tout l’accord est fait ; qu’il y a 41 têtes exceptées du pardon et de l’amnistie, desquelles il y en aura sept d’exécutées, les autres seront punies de la perte de leurs biens, d’exil ou de galères. [3][10]

M. Rousselet [11] est bien guéri de la fièvre tierce, [12] mais non pas de son humeur mélancolique, [13] il parle de s’en retourner. Il m’a aujourd’hui fort loué le médecin de sa famille qu’il m’a nommé, M. Guillemin ; [14] à quoi je ne lui ai répondu que oui. [4] M. Cochardet [15] avait eu quelque petite chose qu’il m’a contée, puis une dame lui donna un autre médecin, puis il a pris M. Merlet ; [16] il l’a quitté pour un apothicaire que lui a baillé Rainssant, [17] qu’il a encore quitté pour me reprendre, mais je ne sais combien il me gardera. Tamdiu, quamdiu, o miseram, incautam et inconsulam iuventutem ! Nec volunt doceri, nec possunt, nec merentur ! O lubricam ætatem, et in deterius proclivem ! Multis abundat vitiis, virtutibus inimica, voluptatibus dedita, intemperans, et luxuriosa, libidinosa[5][18] Et voilà comment et à quoi s’emploie l’argent que les pères prennent soin d’amasser par tant de veilles et tant de sueurs ! Noël Falconet continue ses leçons et ses répétitions, et dit qu’il sait tantôt tout ce qu’il faut répondre publiquement ; mais il me témoigne d’être en peine de savoir si M. l’archevêque de Lyon [19] sera alors à Paris, de quo nihil ausim affirmare ; [6] joint que nous ne savons quand le roi [20] y arrivera, n’y ayant encore rien de certain touchant le mariage. Voilà que j’écris à M. Meyssonnier, qui vous aime bien et fait grand état de vous. Obligez-moi de lui faire rendre ma lettre au plus tôt et en assurance. MM. Cochardet, Savaron et Rousselet vous remercient de votre souvenir et vous baisent les mains. J’en fais autant à vous et à Mme Falconet, à notre bon ami M. Spon et à M. Garnier ; je serai toute ma vie votre, etc.

De Paris, ce < vendredi > 4e de juin 1660.


a.

Bulderen, no clxxxii (tome ii, pages 52‑53) ; Reveillé-Parise, no dxvi (tome iii, pages 215‑216).

1.

La Pharmacopée accomplie. Par un grand nombre de sections et de compositions usitées à présent, qui manquent et ne se trouvent point en celle de MM. Bauderon, {a} avec des Paraphrases curieuses sur chacune et le mélange en français. Ouvrage nouveau et nécessaire aux médecins, maîtres apothicaires, chirurgiens, et pharmaciens qui vont par la campagne, et à tous ceux qui sont curieux de leur santé. Par Lazare Meyssonnier {b} natif de Mâcon, conseiller et médecin ordinaire du roi, docteur en l’Université de Montpellier, profeseur agrégé au Collège des médecins demeurant à Lyon. {c}


  1. V. note [15], lettre 15, pour la Pharmacopée de « Monsieur, Monsieur » Brice Bauderon.

  2. Lazare Meyssonnier a correspondu avec Guy Patin.

  3. Lyon, Jean Huguetan, 1657, in‑8o de 221 pages. La large place concédée à l’antimoine dut déplaire à Guy Patin, qui tenait Meyssonnier pour un esprit mal timbré.

2.

Prise aux Espagnols à l’issue de la bataille des Dunes et remise aux républicains anglais (25 juin 1658), Dunkerque ne fut pas l’objet d’une guerre anglo-française ; par le traité de Londres, le 27 octobre 1662, Louis xiv allait la racheter à Charles ii.

3.

Le 18 mai, le Convention Parliament (v. note [15], lettre 595) avait proclamé Charles ii roi en fixant le début de son règne au 9 février 1649, jour de l’exécution de son père. L’acte d’amnistie (Bill of general pardon, indemnity, and oblivion, 22 mai) excluait les 59 régicides qui avaient condamné Charles ier à mort, ordonnant l’arrestation de tous ceux qui étaient encore en vie (Plant).

4.

Que par mon approbation.

5.

« Ce sera aussi longtemps qu’il voudra, ô jeunesse misérable, imprudente et irréfléchie ! Ils ne veulent pas être instruits, et ne le peuvent, ni ne le méritent ! Ô dangereux âge, et enclin au pire ! Ennemi des vertus, livré aux plaisirs, excessif, exubérant et débauché, il déborde de multiples vices. »

Presque tous les membres de cette tirade m’ont mené aux 81 articles de l’entrée Adolescentia (colonnes 51‑77) qui figure dans un précieux recueil où Guy Patin pouvait puiser les citations latines qui pimentent ses lettres :

Polymnemon seu Florigelium locorum communium ordine novo, exactiori, et ad usum accommodatiori animatum ; Selectioribus etiam Sententiis et Exemplis ex Scriptorum probatissimorum et elegantissimorum, Græcorum, Latinorum ; antiquorum, novorum ; Philosophorum, Oratorum, Poetarum, Historicorum, Legumlatorum, etc. monumentis confertum, sub quingentis quadraginta octo Titulis : cui Introductione, una cum Onomatologo critico præstructum ; in subsidium iis qui docte scribere, fructuose legere, prompte dicere, aut memoriam quoquo pacto suam adiuvare præoptant. Cura et opera Tobiæ Magiri.

Polymnemon {a} ou Florilège des lieux communs, {b} conçu suivant un ordre nouveau, fort soigneux et bien adapté à l’emploi ; et aussi rempli de sentences et d’exemples très choisis tirés des ouvrages des auteurs les plus approuvés et élégants, grecs et latins, anciens et modernes, philosophes, orateurs, poètes, historiens, juristes, etc., sous 548 intitulés ; {c} précédé d’une Introduction et d’une Onomatologie. {d} Tobias Magirus {e} l’a diligemment composé pour venir au secours de ceux qui préfèrent écrire savamment, lire fructueusement, parler avec aisance, ou aider leur mémoire en toute circonsatnce]. {f}


  1. Mot grec, πολυμνημων, « qui se souvient de beaucoup de choses », ou « aide-mémoire universel ».

  2. Anthologie de citations.

  3. Classés par ordre alphabétique d’Abortus à Zodiacus.

  4. Notices sur tous les auteurs cités dans l’ouvrage.

  5. Tobias Magirus (Angermünde, Bradebourg 1586, Francfort-sur-l’Oder 1652), érudit philologue qui a occupé plusieurs chaires professorales dans les universités allemandes.

  6. Francfort-sur-le-Main, Clemens Schleichius et la veuve de Daniel Aubrius, 1629, in‑fo de 2 426 colonnes, auquel Patin n’a curieusement jamais fait allusion dans ses écrits.

6.

« sur quoi je n’oserais rien affirmer ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 4 juin 1660

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0614

(Consulté le 29/03/2024)

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