L. 654.  >
À André Falconet,
le 26 novembre 1660

Monsieur, [a][1]

Le jour de ma vespérie [2][3] est venu. J’ai récité ma harangue qui a duré une heure tout entière, non sans l’impatience de quelques particuliers qui avaient regret de s’y voir maltraités, tels que nos vendeurs de remèdes spécifiques, [4] poudres hydragogues, [1][5] pilules et autres secrets, lesquels pouvaient pourtant s’en aller puisque les portes étaient ouvertes. C’est la coutume des méchants de n’écouter qu’impatiemment qu’on leur fasse leur procès ; mais mon exhortation a plu à tout le reste de la Compagnie. M. Blondel [6] continue à faire le doyen, je crois que ses opposants n’osent poursuivre, quoique Guénault [7] en soit un qui s’est déclaré des premiers contre lui et a fait ensuite signer quelques autres de sa cabale. M. Blondel me dit hier qu’il avait en main une pièce pour faire perdre le procès de Des Gorris, [8] et qu’il ne jouirait jamais du revenu et ne tiendrait jamais la place d’ancien maître : [9] c’est qu’autrefois il passa maître ès arts en l’Université de Paris et fit serment d’être catholique, et n’eût point autrement été reçu ; or est-il qu’il ne fut jamais que huguenot, [10] étant né à Châteaudun [11] de parents huguenots ; et Messieurs de la Grand’Chambre seront bien aise d’avoir ce prétexte pour le condamner. Messieurs de l’Université de Paris ont fait travailler un habile homme nommé M. Du Boulay, [12] Angevin qui a fait par plusieurs années la première dans le Collège de Navarre, [13] à l’histoire de leur Corps studii Parisiensis[2][14] Enfin le bonhomme M. Perreau [15] est enterré dans Saint-Paul, [16] sa paroisse ; je n’ai pu y assister d’autant qu’il m’a fallu aller à quatre grandes lieues d’ici. Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 26e de novembre 1660.


a.

Bulderen, no ccxvix (tome ii, pages 163‑164) ; Reveillé-Parise, no dxlvi (tome iii, page 292).

1.

Hydragogue : « médicament qui purge les eaux et les sérosités […]. Les hydragogues sont les sucs d’yéble, de sureau, de la racine d’iris, de la soldanelle, le méchoacan, le jalap, etc. ; et généralement, tous les remèdes sudorifiques, apéritifs et diurétiques sont des hydragogues » (Trévoux). V. note [1], lettre latine 397, pour les diurétiques.

V. note [16], lettre 642, pour la vespérie de Charles de Laval sur la purge ou la saignée dans l’ascite, le mercredi 24 novembre 1660, sous la présidence de Guy Patin.

2.

« d’enseignement parisien » ; v. note [30], lettre 642, pour l’Historia Universitatis Parisiensis… que César Egasse Du Boulay était en train de rédiger.

Châteaudun, sur le Loir, aujourd’hui dans le département d’Eure-et-Loir, était la capitale du Dunois (petite région du sud de la Beauce).

Tout tolérant qu’il voulût paraître envers la Réforme, Guy Patin s’acharnait avec malignité contre Jean iii Des Gorris, son collègue huguenot qui semait le trouble au sein de la Faculté de médecine de Paris.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 26 novembre 1660

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(Consulté le 20/04/2024)

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