L. 662.  >
À Charles Spon,
le 7 janvier 1661

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière de quatre pages que je vous envoyai le mardi 30e de novembre par la voie de M. Falconet, notre bon ami, et que sans doute avez reçue, je vous dirai que j’appris hier d’un Hollandais que l’on imprime dans Amsterdam [2] de nouveaux ouvrages de feu M. Hugo Grotius [3] et entre autres, des Épîtres latines.

Un autre m’a dit aujourd’hui que l’on y a depuis peu imprimé un tome de lettres latines que l’on appelle en ce pays-là les Lettres des arminiens ; [4] mais je pense que c’est un livre que j’attends, duquel par ci-devant on m’a fait état sous ce titre : Epistolæ eruditorum virorum. Le livre de M. Vossius [5] le père, intitulé Originationes linguæ Latinæ, est encore sur la presse, aussi bien qu’un fort bon Cicéron in‑4o[1][6]

Ce 20e de décembre. J’ai ce matin reçu votre belle, bonne et agréable lettre datée de Lyon du 14e de ce mois. Ô que vous m’avez obligé ! elle m’a bien appris des choses dont je suis tout glorieux. M. Wende m’a fait l’honneur de me venir voir et de me rendre ce que lui aviez commis. Il ne m’a point encore parlé de se mettre chez un chirurgien ; s’il en a le dessein, je l’y servirai et lui en parlerai la première fois qu’il viendra céans. Je l’ai mené à nos Écoles le jour que je donnai le bonnet à M. De Laval, [7] et le vit faire docteur. Pour ma vespérie, [8][9] elle est véritablement faite, mais elle n’est pas prête d’être imprimée. J’ai bien encore d’autres préceptes à y mettre qui sont aussi nécessaires que les deux qu’avez vus, mais je ne pus les y mettre alors, d’autant qu’elle eût été trop longue. J’espère d’y mettre la main l’été prochain quand j’aurai fini mes leçons de Cambrai[10][11] ce qui ne peut arriver qu’au mois d’août prochain, qui est une saison douce et en laquelle il fait bon se tenir coi et travailler dans son étude. Je ne la ferai jamais imprimer que je n’en prenne votre avis et que je ne vous l’envoie manuscrite auparavant afin que vous en retranchiez tout ce que vous y trouverez de superflu. Pour les deux articles qu’en avez vus, c’est peu de chose au prix du reste, j’y ai bien daubé les charlatans de notre métier. [2][12]

Pour le livre de Melchior Sebizius, [13] l’on m’a dit qu’il sera fait à Pâques et qu’il y aura trois volumes in‑8o[3] Les livres d’Allemagne ont ordinairement de beaux titres et comme dit Pline, [14] propter quos deseri posset vadimonium ; [4] mais l’effet ne réussit point à l’attente et souvent, l’on y trouve pro thesauro carbones[5] Il vous en arrivera quelque chose de pareil en ceux qu’avez choisis de la foire de Francfort, [15] præsertim in Anthropologia Kyperi[6][16] et même peut-être encore en quelques autres.

M. Io. Daniel Horstius [17][18] m’a envoyé la feuille de fabula Mussipontana[7] J’ai même céans le livre de M. Lauthier, [19][20] médecin de Provence. Ces gens-là ont bon foie, abutuntur in otio et litteris[8][21] La Relation de Pont-à-Mousson est fausse, cela est impossible, conceptio non fit extra uterum[9][22] Voilà ce que j’en ai mandé à M. Horstius qui m’en demandait mon avis ; et y a déjà longtemps que l’on me le proposa au Collège royal, ce que je rejetai bien loin tanquam aliquid fabulosum et fictum ad libidinem alicuius nebulonis : fabulæ Æsopi non sunt fabulæ præ isto commento[10][23] Ne vous souvenez-vous point de l’arrêt de Grenoble, controuvé par Sauvage, [11][24] d’une religieuse qui avait conçu par imagination ? C’est bille pareille. [12]

Je n’ai jamais vu cette dissertation de quindecimestri partu [13] de M. Lauthier, mais je voudrais bien l’avoir. Vous me ferez plaisir de m’indiquer où elle a été imprimée quand vous le saurez, ou bien en faire venir plusieurs copies si vous apprenez qu’elle ait été imprimée en Provence. Refundam pretium[14]

Pour votre M. Engelschal de Nuremberg, [25] Dieu le console, je suis bien aise qu’il n’ait point été trop saigné et qu’il m’ait délivré de la peine qu’il m’eût donnée de le traiter en cas qu’il m’eût voulu voir. Le bonhomme Liénard [26] est assez patelin pour avoir fait faire le coup car il a intelligence dans toutes les auberges de son quartier avec les hôtes ; et je n’en doute point, si cette auberge a été dans la rue des Trois-Mores ou Bry-Boucher car j’en sais cette vérité il y a longtemps : [15][27][28] c’est un homme lâche qui n’a jamais vécu autrement, hic et alibi venditur piper[16][29] Pour la fréquente saignée, [30] vous savez que c’est une pierre que l’on nous jette souvent dans notre jardin, à tous tant que nous sommes. Ce bonhomme Liénard se connaît fort bien à faire durer longtemps un mal afin de gagner davantage ; et votre homme de Nuremberg n’y a point beaucoup gagné puisque, sous ombre d’épargner quelques saignées par flatterie, son mal a tant duré. Dieu soit loué de tout, je ne manque point de pratique ni n’en souhaite < plus >, je vous remercie néanmoins de votre bonne affection. Je vous supplie seulement, s’il est encore à Lyon, sans faire semblant de rien, de savoir de lui le nom de sa rue et l’enseigne de son auberge car je pense l’avoir deviné. [17] Je souhaiterais néanmoins qu’il fût bien guéri, mais les restes qu’il a, selon < ce > que me mandez, sont des marques de forte intempérie pour laquelle combattre, il eût été plus heureusement traité s’il eût été plus diligemment saigné. Je souhaite néanmoins qu’il guérisse bientôt entre vos mains, ce que j’espère qui arrivera par la méthode que vous y tenez. Le jeune Liénard [31] n’est point en état d’aller en Allemagne pour y apprendre la langue : il est ici lié par les pieds, il a femme et enfants. [18] Je vous prie de faire mes recommandations à un de vos voisins nommé M. Simonet, [32] qui est joaillier, et à Mlle sa femme. Vous verrez quelles plaintes il vous fera de moi, et si je l’ai trop fait saigner. Cette plainte qu’on vous a faite de moi est infailliblement une lâcheté du bonhomme Liénard qui en a bien fait d’autres en sa vie. Ce que vous me mandez de votre malade me fait encore peur pour lui : il est encore en mauvais état dans une mauvaise saison et peut encore en mourir ; et ainsi, tel y croirait avoir gagné qui y perdra plus que moi. Mon fils Carolus [33] vous fera rendre son livret in Stirpem regiam[19] Pour votre livre des Pronostics[34] il n’importe où il sera imprimé. Si c’est à Genève, le libraire en pourra plus tôt débiter un plus grand nombre à Francfort ; ubicumque sit[20] je vous en ai bien de l’obligation et vous en rends grâces de toute mon affection. Pour le papier sur lequel se fera l’impression, il n’importe pas beaucoup, pourvu que l’édition soit correcte. Je ne sais plus ce que je dois croire de l’impression du Rabelais [35] qui ne vient point, je n’en ai aucune nouvelle assurée. Je crois bien ce qu’on vous a dit de l’Île sonnante, mais même le Cinquième livre [36] n’a jamais été mis en lumière que longtemps après sa mort, qui néanmoins est beau et aussi bien fait que les autres. [21] On pend encore en Angleterre ; mais c’est chose étrange, ces gens y meurent fort courageusement et comme martyrs de la liberté mourante du pays.

J’ai céans un livre in‑4o imprimé depuis peu à Leipzig [37] (c’est celui que m’avez envoyé depuis peu, avec l’Almanach de Meyssonnier), [38] intitulé Thomæ Reinesii ad viros clariss. D. Casp. Hofmannum et Christ. Adamum Rupertum, Professores Noricos Epistolæ, Lipsiæ, 1660, dans lequel vous êtes nommé, page 597[22][39][40][41]

L’auteur du livre de causis febrium intermittentium [23] que vous avez était grand-père de notre dernier M. Perreau. [42] Celui-là s’appelait François, [43] et celui-ci s’appelait Jacques. C’est lui qui écrivit, il y a six ans, contre Guénault [44] et le Gazetier[45] le Rabat-Joie de l’antimoine in‑4o[46] que je pense vous avoir envoyé ; si vous ne l’avez plus, je vous en offre un autre. Son père était un médecin de Tonnerre, [47] nommé Jean, [48] qui était licencié, [49] mais non jamais docteur de notre Faculté. Ce Jean était grand ami de feu André Du Laurens, [50] qui a écrit de l’Anatomie[24]

Aujourd’hui m’est venu voir un jeune homme bien sage et civil, natif de Brunswick, qui a bien étudié en médecine pour son âge. Il m’a dit qu’il veut ici demeurer un an entier pour y voir des opérations en chirurgie et qu’après, il s’en ira en Italie ; [25][51][52][53] mais il m’a appris une nouvelle de son pays, dont j’ai regret, qui est la mort d’un certain savant médecin de ce pays-là, nommé Io. Henricus Meibomius. [54] C’est celui qui a fait un commentaire sur le Iusiurandum Hippocratis. Je me suis enquis d’un grand ouvrage qu’il avait promis de Vitis medicorum usque ad sæculum xv ; [26] sur quoi il m’a répondu que l’ouvrage était parfait et achevé, entre les mains du fils de l’auteur, qui est de présent à Leyde, [55][56] où il s’est transporté tant pour y étudier que pour traiter avec un libraire qui le fasse imprimer in‑4o, qui sera assez gros. On commence ici l’impression d’une histoire du feu roi Henri iv [57] faite par M. de Péréfixe, [58] évêque de Rodez, précepteur du roi, pour l’instruction duquel elle a été faite ; ce sera un in‑4o par sommaires. [27] On dit ici que les vents et les eaux ont fait de grands ravages et d’insignes dommages dans la Hollande, et qu’il y a eu quantité de vaisseaux chargés de plusieurs marchandises qui y ont été perdus. [59]

Ce 29e de décembre. J’ai eu des nouvelles de Bâle [60] par lesquelles j’apprends que M. Bauhin le fils [61] m’enverra bientôt un paquet de quelques thèses et disputes publiques de leur Académie, qu’ils vous adresseront, comme j’en ai donné l’ordre. Je vous supplie de les recevoir et d’en payer le port de Bâle à Lyon ; et par après, je me recommande à votre industrie pour trouver l’occasion et le moyen de me les faire tenir sûrement. Le Paulus Zacchias [62] est-il achevé, quand le sera-t-il ? Le Cardan [63] se continue-t-il, combien y en a-t-il de tomes parfaits ? On réimprime en Allemagne toutes les œuvres de Greg. Horstius, [64][65] je n’en suis point marri, mais il me semble qu’il y a bien de meilleurs livres que cela à réimprimer. [28]

Il y a longtemps que j’attends des livres de Hollande, trois divers paquets par différentes voies ; mais je ne sais quel démon empêche qu’ils ne me viennent et ne me soient rendus : ou les rivières trop grosses, ou les tempêtes. Un bon ami m’avait envoyé d’Angleterre un in‑4o nouveau intitulé Gnomologia Homerica[66] qui ne pouvait être qu’un bon livre. Il a de malheur été perdu en chemin. N’est-ce point mal traiter, et fort indignement, le bon Homère, [67] de l’avoir mis entre les mains d’un chasse-marée [68] qui l’a perdu entre Dieppe [69] et Paris ? [29]

Ce dernier de décembre. La reine d’Angleterre [70] a mandé qu’elle espère de partir de Londres pour revenir à Paris devant la fin du mois de janvier. Le Mazarin [71] est toujours malade. Sa goutte [72] lui a redoublé de douleurs depuis trois jours, on dit qu’il a lui-même mauvaise opinion de l’issue de son mal.

On dit que les vents ont fait merveilleusement du désordre dans les ports de Hollande et qu’il y a de la perte pour plus de 20 millions ; et même, il y a eu au delà de Rouen un grand foncet, navis oneraria[30][73] fort chargé de plusieurs marchandises, qui a enfoncé. On dit entre autres qu’il y avait pour 80 000 livres de sucre [74] à un épicier et que 200 marchands de Paris y perdent, principalement des épiciers. [75]

On fait le malheur de Hollande bien plus grand et plus cruel que je ne vous ai dit ci-devant car l’on dit qu’il y a plus de 140 vaisseaux de noyés, enfoncés ou égarés et que la perte passe 100 millions, [31] et que ceux de Rotterdam [76] et d’Amsterdam sont tellement étonnés de cette perte qu’ils ne savent où ils en sont. Même, cela épouvante ici bien du monde, qui ont peur que plusieurs marchands n’en fassent banqueroute et qui seraient bien aises de se servir de telle occasion, ou au moins d’avoir un si spécieux et si apparent prétexte.

Le roi d’Angleterre [77] a découvert une furieuse et horrible conspiration contre sa personne et sa famille royale. Ils sont plus de cent arrêtés prisonniers. On dit qu’il y avait sur le jeu force coups de poignards et des caques de poudre à canon, comme firent les jésuites, l’an 1605. [32][78][79]

Faites-moi la faveur de me mander, s’il vous plaît, quels livres in‑fo ont été imprimés depuis trois ans, chez MM. Arnaud [80] et Borde, [81] et principalement quels Commentaires sur la Sainte Écriture. Enfin, le Gnomologia Homerica Iac. Duporti, Cantobrigiensis[29] n’est point perdu, il est retrouvé et m’a été rendu ce matin sain et sauf, dont je suis fort réjoui car c’est un fort beau livre : Qui dicit Homerum, dicit fontem et compendium ingeniorum[33] Mais en récompense, je suis bien en peine de deux paquets de livres de Hollande qui sont quelque part en chemin, dont l’un vient de Leyde de la part de M. Vander Linden, [82] et l’autre d’Utrecht et par mon bon ami M. Utenbogard. [34][83] Pourvu qu’ils ne soient point perdus par quelque malheur car il arrive souvent ce que Lucrèce [84] a dit :

     Medio de fonte leporum
Surgit amari aliquid quod in ipsis faucibus angat
[35]

Nous avons un nouveau doyen, qui est M. Morisset, [85] de notre licence, [36] à la place de M. Blondel [86] qui est un brave et savant personnage. Le cardinal Mazarin se porte mieux, il voit et fait jouer [87] en sa chambre. Il parie et joue aussi, et gagne pareillement ; mais ce n’est que sa coutume, il gagne toujours et partout. Cet homme a été heureux toute sa vie.

On parle ici d’un grand dessein, qui est de faire la guerre au Turc [88] afin de le chasser de l’Europe ; ce que l’on ferait aisément, et en viendrait-on à bout si tant de princes chrétiens qu’il y a dans l’Europe étaient assez gens de bien pour s’accorder et unir toutes leurs forces ensemble ; sed talis sapientia apud nos non habitat[37][89] Le Moscovite [90] et le Polonais [91] l’attaqueraient d’un côté, les Vénitiens, le pape et autres princes d’Italie, avec le roi d’Espagne, sur la mer Méditerranée. Nous y contribuerions des forces par hommes et par argent. L’empereur des Abyssins attaquerait l’Égypte, [92] le Persan, [93] du côté de la Mésopotamie. Sed desino, videtur enim mihi somnio simillima isthæc narratio. Vive igitur, vale, et me ama.

Tuus ex animo, Guido Patin[38]

De Paris, ce vendredi 7e de janvier 1661.


a.

Ms BnF no 9358, fos 191‑192 ; Reveillé-Parise, no cccxl (tome ii, pages 447‑454). Les bords du manuscrit sont en fort mauvais état ; il faut savoir gré aux précédents transcripteurs d’en avoir sauvé nombre de détails aujourd’hui illisibles ; on les accable ad nauseam de reproches, mais il leur est souvent arrivé, comme ici particulièrement, de sauvegarder une exactitude du texte désormais irrecouvrable.

1.

2.

V. note [16], lettre 642, pour l’acte de doctorat de Charles de Laval, le 7 décembre 1660, où Guy Patin lui donna le bonnet. Il avait préalablement présidé sa vespérie le 24 novembre, où il avait copieusement fustigé pharmaciens, chirurgiens et chimistes. Les deux articles dont Guy Patin parlait ici étaient ceux de ce discours que Noël Falconet avait transcrits pour être envoyés à Lyon (v. le début de la lettre à André Falconet, datée du 9 novembre 1660). Tout cela est resté inédit.

3.

V. note [9], lettre 557, pour le Manuale seu Speculum medicinæ practicum [Manuel ou Miroir pratique de médecine] de Melchior Sebizius (Strasbourg, 1661, en deux épais in‑8o).

4.

« auxquels il est impossible de résister » (v. note [5], lettre 527).

5.

« des charbons pour un trésor » (v. note [12], lettre 54).

6.

« particulièrement en l’Anthropologie de Kyper » :

Alberti Kyperi Med. Doct. et Profess. in Acad Leyd. Anthropologia, Corporis humani, contentorum, et Animæ Naturam et Virtutes secundum Circularem Sanguinis Motum explicans. Cui accedit ejusdem Responsio ad Pseud-Apologema V.F. Plempii.

Anthropologie d’Albertus Kyperus, {a} docteur en médecine et professeur en l’Université de Leyde, expliquant la nature et les vertus de l’âme et de ce que contient le corps humain, conformément au mouvement circulaire du sang. {b} Y est ajoutée sa Réponse à la Pseudo-Apologie de V.F. Plempius ]. {c}


  1. V. note [67], lettre 166, pour Albert Kyper (mort en 1655) et sa querelle avec Vopiscus Fortunatus Plempius.

  2. Ce que l’incrédule Guy Patin qualifiait d’un méprisant pro thesauro carbones (v. supra note [5]).

  3. Leyde, Petrus Dedier, 1660, in‑4o de 665 pages ; précédente édition ibid. 1650, sans la Responsio à Plempius.

7.

« sur la fable de Pont-à-Mousson », v. infra note [9].

8.

« ils abusent du loisir et des lettres » : hominis est intemperanter abutentis et otio et litteris [il est bien humain d’abuser sans retenue du loisir et des lettres] (Cicéron, Tusculanes, livre i, chapitre iii).

« On dit proverbialement et bassement “ Vous avez bon foie, Dieu vous sauve la rate ”, quand un homme est paisible [naïf] et va trop à la bonne foi, ou quand on parle de lui avec ironie » (Furetière).

9.

« la conception ne peut avoir lieu hors de l’utérus. »

10.

« comme une fable inventée au bon plaisir de quelque fripon : celles d’Ésope ne sont pas des fables, en comparaison avec cette fiction. »

L’incrédulité de Guy Patin surprend ici car dans sa lettre à André Falconet, datée du 27 août 1648 (v. sa note [8]), à propos du lithopædium Senonense [lithopædion de Sens], il avait explicitement reconnu la possibilité du prodige observé à Pont-à-Mousson : le lithopædion ou persistance d’un fœtus mort et pétrifié dans l’utérus ou hors de l’utérus (dans la cavité abdominale).

11.

M. Alain Duc, dont les recherches visent à dénoncer la supercherie qui a abouti à l’absurde arrêt que le parlement de Grenoble a prononcé en 1637 (v. notes [39], lettre latine 154, et [5], lettre latine 197), a eu l’extrême gentillesse de m’expliquer cette assertion de Guy Patin (qui m’avait d’abord égaré vers Denis Sauvage, écrivain et historien du xvie s.). Voici son message du 14 janvier 2019, dont je ne saurais trop le remercier :

« Ce qui peut égarer, c’est que la mention d’une religieuse est due à un trou de mémoire de Guy Patin. Il s’agit encore du faux arrêt de Grenoble paru en 1637. Le Sauvage en question n’est pas Denis Sauvage, mais un bien moindre personnage, qui n’est connu que par une historiette de Tallemant des Réaux (tome i, pages 361‑362).

“ Sauvage était à M. d’Orléans. C’était un goinfre fort agréable ; {a} il contrefaisait admirablement bien les chansons du Pont-Neuf […].

De Bruxelles, Sauvage envoyait des gazettes pleines de chimères pour contrecarrer celles de Renaudot, qui commençaient à avoir cours. On aimait bien mieux la gazette de Sauvage que l’autre. Outre cela, tous les jours pour se divertir, il faisait quelque imposture. […] La dernière imposture qu’il ait faite, ç’a été un arrêt du parlement de Grenoble, par lequel un enfant était déclaré légitime, quoique sa mère confessât l’avoir conçu durant l’absence de son mari, et cela par la force de l’imagination, en songeant qu’il habitait avec elle. Les noms y étaient, et aussi ceux des médecins et de la sage-femme. Assez de bonnes gens le crurent ; c’était le vrai style de Grenoble. {b} Le procureur général de Paris écrivit à celui de Grenoble touchant cet arrêt, et ce parlement-là en donna un contre l’auteur, dont il se moqua. Dans les écoles de médecine, on agita la question, à savoir si la force de l’imagination pouvait suffire pour faire concevoir. ”

Son identification grâce à Tallemant est indiquée dans un article bien documenté de Cabanès, paru en 1899 dans La Lancette française - Gazette des hôpitaux, volume 72, pages 1412‑1414, {c} article repris en volume dans L’Esprit d’Esculape, 1922, pages 154 et suivantes. » {d}


  1. « Il faut bien comprendre que goinfre ne signifie nullement ce qu’il veut dire aujourd’hui. C’est Cotgrave qui nous donne son vrai sens en le traduisant par good fellow. Sauvage était un “ bon compagnon ” » (note d’Antoine Adam).

    Le prénom de Sauvage est inconnu, comme tout le reste de sa biographie.

  2. « Style, en termes de jurisprudence, est la différente manière de faire des procédures suivant les réglements établis en diverses cours ou juridictions » (Furetière).

  3. Comme quoi une femme peut engendrer sans avoir eu commerce avec l’homme, cet article commente un « roman, dit physiologique » (mais prophétique), de MM. Yveling RamBaud et Dubut de Laforest, intitulé Le Faiseur d’hommes (Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1884) : « Supprimer la paternité, écrit Augustin Cabanès, oser substituer à l’un des agents de reproduction une vulgaire seringue, quel crime de lèse-Divinité ! Toutes les plumes se levèrent en rang de bataille. »

  4. A. Duc recommande aussi le travail d’Alain Mothu (v. notre Journal de bord, en date du 22 juin 2019), L’arrêt Sauvage (1637), paru dans l’ouvrage de Geneviève Artigas-Menant, Antony McKenna, Maria Susana Seguin et coll., Le délit d’opinion à l’âge classique : du colporteur au philosophe (Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2009, pages 211‑276) :

    « Comme vous pouvez le constater, il y en a soixante pages. Tous les documents originaux sont annexés. A. Mothu a rassemblé tout ce qu’on sait sur l’auteur du faux et son entourage. Il insiste sur le côté blasphématoire perceptible dans le texte. Il est très indulgent avec ceux qui persistent dans l’erreur de prendre l’arrêt pour authentique, mais il n’en pense pas moins. »

12.

En référence au jeu de billard, « on dit proverbialement, que deux hommes sont billes pareilles, qu’ils sont sortis d’une affaire billes pareilles, quand ils n’ont point remporté d’avantage l’un sur l’autre » (Furetière). Guy Patin a employé l’expression au singulier.

13.

« d’un accouchement à 15 mois », ouvrage non répertorié d’Honoré-Marie Lauthier.

14.

« Je vous en rembourserai le prix. »

15.

V. note [3], lettre 253, pour la rue Aubry-le-Boucher (dont le nom est ici contracté en Bry-Boucher) ; non loin d’elle, parallèle à la rue Saint-Denis, la rue des Trois-Mores joignait la rue des Lombards à la rue Troussevache.

16.

« ici comme ailleurs on vend du poivre [on trompe le monde] » (Horace, v. note [3], lettre 247).

Guy Patin se déchargeait ici sur son collègue Claude Liénard du mécontentement d’un Allemand de Nuremberg qui, de passage à Paris, était tombé malade dans une auberge. Parvenu à Lyon, ce M. Engelschal avait consulté Charles Spon et avait dû lui dire comment, mis en garde contre les copieuses saignées dont Patin était accoutumé, il avait, sur les conseils de son hôte, recouru aux services de Liénard, sans toutefois en obtenir le soulagement qu’il espérait.

17.

On voit ici comment les aubergistes pouvaient, à l’occasion, garnir la bourse des médecins de Paris. Celui dont M. Engelschal avait été l’hôte dut avoir des nouvelles de Guy Patin.

18.

V. note [8], lettre 579, pour Nicolas Liénard le jeune, fils de Claude (le bonhomme Liénard), tous deux docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, respectivement reçus en 1620 et 1657.

19.

V. note [4], lettre de Reiner von Neuhaus datée du 21 octobre 1663, pour les épigrammes de Charles Patin in Stirpem regiam [sur la Maison Royale] (1660).

20.

« où que ce soit ».

La Sibylla medica… [Sibylle médicale…] de Charles Spon, traduction en hexamères latins du Pronostic d’Hippocrate, dédiée à Guy Patin (v. note [6], lettre de Charles Spon, datée du 15 janvier 1658), parut finalement à Lyon en 1661.

21.

V. note [4], lettre 574, pour les éditions hollandaises des Œuvres de François Rabelais parues en 1663. Les premiers chapitres du Cinquième livre y décrivent le voyage de Pantagruel dans l’île sonnante (chapitre i) :

« Continuant notre route, naviguâmes par trois jours sans rien découvrir ; au quatrième, aperçûmes terre et nous fut dit par notre pilote que c’était l’île sonnante, et entendîmes un bruit de loin venant, fréquent et tumultueux, et nous semblait à l’ouïr que fussent cloches grosses, petites et médiocres, ensemble sonnantes comme l’on fait à Paris, à Tours, Jargeau, Nantes et ailleurs aux jours des grandes fêtes ; plus approchions, plus entendions cette sonnerie renforcée. »

« Le long épisode de l’île sonnante commence par une critique du jeûne, se poursuit par celle des institutions monastiques et des ordres de chevalerie, s’achève par celle du pape. C’est toute l’organisation cléricale qui est mise en cause » (Mireille Huchon).

D’abord publié en 1562 sous le titre de L’Île sonnante…, le Cinquième livre parut complet pour la première fois en 1564. Rabelais étant mort en 1553, il subsiste des incertitudes sur l’authenticité de ce dernier ouvrage qu’on lui attribue. Antoine Du Verdier (1605) en donnait pour auteur un « écolier de Valence » (v. seconde notule {b}, note [54] du Borboniana 10 manuscrit).

22.

V. note [4], lettre 557, pour les « Lettres de Thomas Reinesius à des hommes très illustres, Me Caspar Hofmann et Christoph Adam Rupertus, professeurs bavarois [d’Altdorf], Leipzig, 1660 ».

Pour l’allusion à Charles Spon qui s’y trouve, Guy Patin renvoyait à un passage de la lettre lxvii (pages 597‑598), de Reinesius à Rupertus (v. note [15], lettre 656), datée d’Altenbourg (Westphalie), le 20 janvier 1646 :

Lapidem inscriptum nuper in ruderibus Alesiæ apud Heduos repertum ferunt, in quo deus moritasgus, numen gentis, ne auditum quidem atehac, nominatur : multæ de eo inter eruditos fabulæ. Percontare igitur quæso, adventores e Galliis apud vos de re digna eruditorum cognitione. Cl. Sponius quem aliquando mihi laudabas, Lugduno, si abs Te rogaretur, fortasse satisfaceret desiderio ; spectatur enim lapsis certatim et describitur a quamplurimis ; sed exemplum ad nos necdum pervenit, deum martem augustum in Saxo Nemausense, Diovionense et Genevense nominari scio ; e cujus appellatione minima mutatione exierit corrupta ista, duntaxat illius primæ vocali substituta quarta : Verum nihil dum adfirmo.

[On a, dit-on, récemment découvert dans les fouilles d’Alésia chez les Éduens {a} une pierre gravée avec cette inscription : deus moritasgus, divinité de ce peuple que nul n’a jusqu’ici connue. Bien des fables courent à son sujet parmi les savants. Je vous prie donc de vous enquérir de cette affaire, digne d’instruire les érudits, auprès de vos proches qui reviennent de France. Cl. {b} Spon, de Lyon, dont vous m’aviez un jour fait les louanges, satisferait peut-être mon souhait si vous pouviez l’interroger. La pierre a en effet été examinée en tous sens et bien des gens l’ont décrite, mais nous n’en avons encore obtenu aucune reproduction. Je sais qu’on trouve l’inscription deum martem augustum à Orange, Dijon ou Genève, d’où viendrait, par minime corruption, cette dénomination, en ne remplaçant que la quatrième voyelle de la première, {c} mais je n’oserais encore rien en affirmer].


  1. Gaulois peuplant la Bourgogne.

  2. Clarissimus (le très distingué), ou sc pour Ch. (Charles).

  3. Explication peu claire de l’anagramme hautement hypothétique transformant deum martem A G S [L’auguste Dieu Mars] (au cas accusatif singulier) en deus moritasgus [Le Dieu Moritasgus] (cas nominatif singulier).

    Le site Epigraphica Romana répertorie cette inscription (au cas ablatif singulier), mais sur une plaquette de bronze découverte à Alise-Sainte-Reine en 1910 et sans faire le lien avec l’explication de Reinesius.

    Dans sa Mythologie du Nord éclairée par des inscriptions latines en Germanie, en Gaule et dans la Bretagne ancienne des premiers siècles de notre ère… (Stockholm, P.A. Norstedt, 1892), Frédéric Sander a commenté une autre inscription trouvée à Alésia (page 120) :

    ti. cl. professvs niger omnibvs honoribvs apvd aedvos et lingonas fvnctvs deo moritasgo porticvm testamento poni ivssit svo nomine et ivlae virginalae vxoris et filiavm clvdiae professae et iulianae virgvlae.

    [Titus Cl. Professus Niger, qui s’est acquitté de tous les honneurs parmi les Éduens et les Lingons {i} a ordonné par testament d’édifier un portique au dieu Moritasgus, en son propre nom, et en ceux de son épouse Iulia Virginalia et de ses filles Cludia Professa et Juliana Virgula].

    « Le Deus Moritasgus, auquel est dédiée cette belle inscription, a le même nom qu’un homme des Sénonais {ii} mentioné par César (B. G., v. 54). {iii} Ce n’est pas le dieu qui tire de lui son nom, mais le contraire. Mori-tas-guz signifie littéralement : le célèbre ou le bon père des dieux et des hommes, savoir Odin, germ. Wodan, celt. Tevtates ou Toutates. »

    1. Gaulois de la région de Langres.

    2. Gaulois de la région de Sens.

    3. César, Commentaires sur la Guerre des Gaules, livre v chapitre 54 :

      « Cependant les Sénons, nation très puissante et jouissant d’un grand crédit parmi les Gaulois, avaient, en plein conseil, résolu la mort de Cavarinus que César leur avait donné pour roi ; il descendait des anciens chefs du pays, et Moritasgus, son frère, y régnait à l’arrivée de César en Gaule. »

23.

« sur les causes des fièvres intermittentes » :

Fran. Perelli de Febribus intermittentibus, deque veris intermissionum causis Libellus.

[Petit livre de Fran. Perrellus {a} sur les Fièvres intermittentes et les véritables causes des intermittences]. {b}


  1. François Perreau, grand-père de Jacques, auteur du Rabat-joie de l’Antimoine triomphant (1654, v. note [3], lettre 380) et fils de Jean.

  2. Paris, Ambrosius Drouart, 1597, in‑8o de 162 pages.

24.

La liste établie par Baron contient un Joannes Perellus (Perreau, sans indication du lieu de naissance) pendant le décanat de Claude Roger (1540-1541) ; mais sans mention d’un autre licencié de ce nom entre celui-là et Jacques Perreau en 1612 (v. note [7], lettre 373), qui est qualifié de Lingonensis, natif de Langres (une centaine de kilomètres à l’est de Tonnerre).

V. note [3], lettre 13, pour l’Anatomie d’André i Du Laurens.

25.

Brunswick (Braunschweig) est une ville et un duché de Basse-Saxe, dans le nord de l’Allemagne.

La coïncidence des dates laisse penser que ce jeune médecin allemand pouvait être Julius Georgius Behrens, dont Guy Patin a reparlé dans sa lettre du 18 mars 1661 à Johannes Antonides Vander Linden (v  sa note [4]) ; mais sa thèse de 1659 le dit natif de Zell (Bavière), et non de Brunswick. D’autres courriers établissent un lien entre Behrens et Heinrich Meibomius, professeur à Helmstedt, ce qui plaide pour ses origines bavaroise et pour une méprise de Patin.

26.

V. note [8], lettre 660, pour Le Serment d’Hippocrate (Leyde, 1643) de Johann Heinrich Meibomius (père d’Heinrich) et son manuscrit « sur les vies des médecins jusqu’au xve s. » qui est demeuré inédit.

27.

Les sommaires sont des extraits, abrégés. V. note [14], lettre 660, pour l’Histoire du roi Henri le Grand par Hardouin de Beaumont de Péréfixe. L’épître Au lecteur commence par ces mots :

« Lecteur, cette Histoire du roi Henri le Grand n’est que l’échantillon d’un sommaire de l’Histoire générale de France que j’ai composé par le commandement du roi et pour l’instruction de Sa Majesté. Comme mon intention n’a été que de recueillir tout ce qui peut servir à former un grand prince et à le rendre capable de bien régner, je n’ai point trouvé à propos d’entrer dans le détail des choses, et de raconter au long toutes les guerres et toutes les affaires comme font les historiens, qui doivent écrire pour toutes sortes de personnes. Je n’en ai pris que le gros, et n’ai rapporté que les circonstances que j’ai jugées les plus belles et les plus instructives ; laissant tout le reste à part, afin d’abréger matière et de donner, comme en petit, une suite de tout ce qui s’est passé qui pût éclairer l’esprit du roi sans lui surcharger la mémoire. »

28.

Trois tomes des Gregorii Horstii Senioris του μακαριτου Operum medicorum [Œuvres médicales de feu Gregor ii Horst l’Ancien] : {a}

V. notes [10], lettre 568, pour les « Questions médico-légales » de Paolo Zacchias (Lyon, 1661), et [8], lettre 749, pour les Opera omnia de Jérôme Cardan.

29.
Homeri Poetarum omnium seculorum facile Principis Gnomologia, duplici Parallelismo illustrata ; Uno ex Locis S. Scripturæ, quibus Gnomæ Homericæ aut propre affines, aut non prorsus absimiles. Altero ex Gentium Scriptoribus ; ubi Citationes, Parodiæ, Allusiones, et denique loci Paralleli. Insertis hinc inde Observationibus Ethico-Politicis in Sententias, et ad Voces insigniores Notis Criticis. Cum triplici Indice, Sententiarum, Locorum S. Scripturæ, Vocabulorum. Quibus Mantissæ loco accessit Appendix continens Syllogen Testimoniorum de Homero, ex variis Auctoribus, qui Antiquis, qui Neotericis collectam. Per Jacobum Duportum Cantabrigiensem, Græcæ Linguæ nuper Professorem Regium.

[Gnomologie {a} d’Homère, le premier des poètes de tous les temps, éclairée par un double parallèle : le premier tiré des passages de la Sainte Écriture qui sont presque similaires au texte homérique, ou qui en diffèrent très peu ; {b} le second tiré des écrivains de diverses nations, où l’on trouve des citations, des parodies, des allusions, et des passages parallèles, à propos de quoi ont été insérées des observations ethno-politiques sur les sentences, et des notes critiques touchant aux mots les plus remarquables. Avec trois index : des sentences, des passages de la Sainte Écriture, et du vocabulaire. Y a été ajouté, pour tenir lieu de mantisse, un Appendice contenant une revue des témoignages que divers auteurs, antiques comme modernes, ont rendus sur Homère. Par Jacobus Duportus, {c} natif de Cambridge, naguère Regius Professor de langue grecque]. {d}


  1. Recueil de sentences.

  2. L’œuvre homérique et la Bible ayant probablement été écrites vers le viiie s. av. J.‑C., plusieurs auteurs ont cherché des concordances entre les deux textes : v. note [6] du Borboniana 8 manuscrit (première citation de Bayle) pour Jean Dorat (Auratus), professeur de grec au Collège de France au xvie s., qui s’est particulièrement adonné à cet exercice.

  3. Outre les fonctions universitaires qu’il a exercés, James Duport (1606-1679) a été chapelain de Charles ii.

  4. Cambridge, Johannes Field, 1660, in‑4o de 291 pages.

V. note [52], lettre 292, pour chasse-marée qui avait égaré cet ouvrage que Guy Patin attendait.

30.

« navire de transport », un Foncet, fonce ou fonsset, est (Furetière) :

« le plus grand des bateaux qui servent à naviguer sur les rivières. Il en vient de Normandie et de Picardie sur la Seine et l’Oise en remontant jusqu’aux ponts de Paris. Il y a des foncets qui ont jusqu’à 27 toises entre chef et quille, {a} c’est-à-dire, plus de longueur que les plus grands vaisseaux de l’Océan, qui n’en ont que 22 ou 23. Ils consomment jusqu’à 2 200 pièces de bois mises en œuvre et réduites {b} selon les usages de charpenterie. »


  1. Près de 54 mètres de longueur, entre proue et poupe.

  2. Débitées.

31.

Pour échoués [noyés], coulés vers le fond [enfoncés], désemparés [égarés]. Loret a versifié sur ces naufrages (Muse historique, livre xii, lettre i, du samedi 1er janvier 1661, page 303, vers 169‑216) :

« Plus de soixante nefs chargées,
Non de sucre, ni de dragées,
Mais de morues et harengs,
De harengs, tant saurets que blancs,
Ont fait, assez près du rivage,
Aux ports de Hollande, naufrage.
Ô traîtres vents, ô vents méchants,
Vous ruinez bien des marchands,
Et tel, dit-on, de cette ville,
Y perd des francs, plus de cent mille.
Peste de vous ! vents irrités
Par qui les flots sont agités
De mainte tempête bourrue ;
Las ! je crois qu’au lieu de morue
Il faudra, quoi que nous fassions,
Qu’en carême nous nous passions
À des perches, saumons et truites,
Brochets, turbots et soles frites.
Après cet étrange fracas,
Que feront donc les délicats ?
Ô Mesdames les harengères,
Pires souvent que des mégères,
Lorsque nous enverrons vers vous,
N’aurez-vous point pitié de nous ?

Un autre vaisseau d’importance,
Rempli d’une extrême abondance
D’ambre gris, perles et lingots,
De perroquets et de magots,
De peaux de martres zibelines,
De diamants, de cornalines,
De bois à faire violons,
D’ouate à fourrer des cotillons,
D’indiennes fort précieuses,
De cent raretés curieuses,
Et de toiles de fin coton,
Est aussi péri, ce dit-on,
Vers les côtes de la Zélande ;
Et ladite perte est si grande
Qu’on la fait monter, tous frais faits,
À vingt-deux millions d’effets.

Certainement, Maître Neptune
A fait assez grande fortune
Depuis un mois, ou depuis deux,
Aux dépens des gens hasardeux ;
Et ce dieu, de trésors avide,
Dedans son grand coffre liquide,
(Y compris vivres et boissons)
En a mis de bien des façons. »

32.

V. note [6], lettre 643, pour la Conspiration des poudres en 1605.

Une caque est « un petit baril qui tient le quart d’un muid » (Furetière). Loret s’est interrogé sur la véracité du bruit qui courait (Muse historique, livre xii, lettre ii, du samedi 8 janvier 1661, page 305, vers 87‑100) :

« Plus d’octante conspirateurs,
D’Angleterre perturbateurs,
Tramant mainte noire cabale
Pour perdre la Maison royale,
Malice digne des enfers,
Ont été pris et mis aux fers.
Et Dieu sait comme l’on travaille
À tirer de cette canaille,
(Comme l’on dit) les vers du nez,
Afin d’être après condamnés.

Je parle ici de cette affaire
Sur un bruit douteux et vulgaire,
Dont quelqu’un m’entretint jeudi,
Et s’il n’est vrai, je m’en dédis. »

Plus loin, Loret met en cause les trembleurs. {a}

33.

« Qui célèbre Homère, célèbre la source et l’abrégé des génies ».

34.

Christiaen Utenbogard, médecin d’Utrecht en Hollande, a été l’un des correspondants étrangers de Guy Patin (58 lettres de notre édition).

35.

« Du plein de la fontaine des agréments surgit quelque chose à aimer, qui étreint au plus profond de la gorge » (v. note [13], lettre 211).

36.

N’ayant pu avoir lieu normalement le 6 novembre 1660, l’élection du doyen (v. note [16], lettre 247) avait eu lieu le 18 décembre, ainsi que l’avait prescrit le Parlement sur la plainte de François Blondel, doyen sortant (v. note [2], lettre 649).

Cette fois, tout se déroula normalement et dans le calme (Comment. F.M.P., tome xiv, pages 561‑562). Les cinq mêmes électeurs qu’en novembre (Robert Tullouë, Antoine Charpentier, Michel Marès, Pierre Perreau et François Landrieu) se retirèrent dans la chapelle et en revinrent avec trois noms : Claude Liénard, Philibert Morisset et Philippe Douté ; ce fut Morisset qui sortit du chapeau et qui prêta le serment décanal.

Guy Patin et lui avaient été reçus licenciés de médecine la même année, 1626 ; Morisset avait été classé quatrième, et Patin, onzième et dernier.

37.

« mais pareille sagesse n’est pas chez nous coutumière » (v. note [30], lettre 293).

38.

« Mais j’en finis, ce récit-là me semble en effet n’être rien d’autre qu’un rêve. Vive, vale et aimez-moi. Vôtre de tout cœur, Guy Patin. »

V. notes [1], lettre 697, pour Fasilidas, empereur des Abyssins (négus d’Éthiopie), et [8], lettre 374, pour Abbas ii, shah de Perse.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 7 janvier 1661

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(Consulté le 29/03/2024)

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