L. 724.  >
À Charles Spon,
le 10 février 1662

Monsieur, [a][1]

Je vous donne avis que j’ai délivré à M. Josse, [2] par ci-devant syndic des libraires de la rue Saint-Jacques, [1][3] un paquet de livres pour vous qu’il a envoyé à M. de La Garde, libraire de Lyon, [4] qui vous le doit rendre franc de port. Obligez-moi je vous prie, au nom de Dieu, de voir M. Falconet, [5] votre collègue, et de lui dire (en ami) que vous vous êtes chargé de le voir de ma part et de lui rendre tout l’argent qu’il a déboursé pour un paquet de livres qui me vient par eau, pour un baril d’huile d’Aramon [6][7] et pour un autre livre intitulé Bibliotheca Ravanelli [8] qu’il a fait acheter pour moi dans Genève et qu’il a payé de ses propres deniers. [2] Je lui ai tant d’obligation de toutes les peines que je lui donne qu’après qu’il aura été remboursé de son argent, je lui serai encore très obligé. L’argent qu’en aurez déboursé, sur le premier mémoire que m’en enverrez, s’il vous plaît, vous sera rendu par mon ordre, par les mains du commis de M. Troisdames, [9] l’ordinaire suivant. Pour le paquet que je vous ai envoyé, ce n’est pas si grande chose que je voudrais bien, mais je vous prie de le recevoir de bon cœur en attendant mieux. Vous y trouverez deux in‑fo en blanc, un in‑4o de M. Minjot, et quelques autres petits livres curieux. [3]

Le roi [10] s’en va être duc de Lorraine, [11] on dit que le traité en est fait et conclu, sed nondum sunt exploratæ conditiones tanti negotii[4] On ne dit plus rien du cardinal de Retz. [12] Ses créatures croient qu’il est arrivé à Commercy, [13] dont il est seigneur, c’est sur la frontière de Lorraine. On traite avec le roi d’Angleterre [14] pour Dunkerque. [15] Le roi n’ira point en Alsace, c’était un voyage feint par raison politique. Vive, vale et me ama. Carissimam tuam saluto. Datum Parisiis, die Veneris, 10 febr. 1662.

Tuus ex animo, Guido Patin[5]


a.

Ms BnF no 9357, fo 351, « À Monsieur/ Monsieur Spon, Docteur en/ médecine/ À Lyon ».

À l’exception de la signature, la lettre n’est pas de la plume de Guy Patin, qui l’a dictée à la même main que les trois précédentes à Hugues ii de Salins, Charles Spon et Pierre de Marca. Au revers, à côté de l’adresse, de l’écriture de Spon : « 1662./ Paris, 10 févr./ Lyon, adi 21 ditto./ Rispost./ Adi 14 Martii [mars]. »

1.

Georges Josse, libraire et relieur de Paris, avait été reçu en 1627. Il exerçait rue Saint-Jacques à La Couronne d’épines. Adjoint en 1650, il avait été élu syndic des libraires en 1659. Il mourut en 1676. De son second mariage avec Denyse de Heuqueville étaient nés quinze enfants entre 1632 et 1658 (Renouard).

2.

Aramon, à présent chef-lieu de canton du Gard (arrondissement de Nîmes), sur la rive droite du Rhône, était réputé pour la qualité de son huile d’olives.

V. note [15], lettre 446, pour la Bibliotheca sacra… de Pierre Ravanel (Bâle, 1650, rééditée en 1660-1663).

3.

Le contenu de ce paquet de livres, envoyé à Charles Spon par Guy Patin, a été décrit dans la lettre du 16 décembre précédent (v. sa note [8]) : il n’y était pas question d’un ouvrage de l’énigmatique Minjot, ici mentionné ; il s’agit probablement d’une erreur de dictée que Patin n’a pas corrigée.

4.

« mais les conditions d’une si grande affaire ne sont pas encore assurées. »

Le duc de Lorraine Charles iv, à la suite d’un long imbroglio dans le gouvernement de son duché (abdication, destitution, occupation par la France, régence…), l’avait récupéré par le traité de Vincennes (28 février 1661). Presque aussitôt il décida de le vendre à Louis xiv par le traité de Montmartre, signé le 6 février 1662, à la grande fureur de son frère, le duc François-Nicolas (v. note [32], lettre 1023), et de son neveu, le prince Charles, futur Charles v de Lorraine, fils de François-Nicolas, qui se trouvaient ainsi dépossédés d’une souveraineté qu’ils estimaient leur appartenir.

5.

« Vive, vale et aimez-moi. Je salue votre très chère. De Paris, ce vendredi 10e de février 1662. Votre Guy Patin de tout cœur. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 10 février 1662

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0724

(Consulté le 20/04/2024)

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