L. 741.  >
À André Falconet,
le 30 janvier 1663

Monsieur, [a][1]

Votre M. Gras [2] est tout plein de mines et de mystères. Passe pour tout cela, si l’on faisait ce qu’il faut et que les malades en pussent guérir. Les fièvres continues [3] malignes qui sont dans les Épidémies étaient des maladies pestilentielles, mais Hippocrate [4] n’a point parlé de la poudre de vipère. [5] Est-ce que ce bon homme n’était qu’un ignorant au prix d’un tas de novateurs et de nos thaumaturges, qui est le nom que Galien [6] a donné à ces prétendus faiseurs de miracles [7] en plusieurs endroits de sa Méthode ? Je sais bien que vous n’aimez pas à Lyon toutes les grimaces de votre collègue. On ne sait comment faire avec ces fantasques, ils sont à charge à eux-mêmes et à tout le monde. Le Livre des fièvres de Sennertus [8] me semble bon à lire à monsieur votre fils. [1][9] Cet ouvrage est une belle ville pour y passer, Galien et Fernel [10] pour y demeurer. Ces deux derniers contiennent une doctrine ferme et constante, dans laquelle il faut mourir jusqu’à ce que Dieu nous ait fait voir le contraire par quelque grand miracle ; à quoi il n’emploiera jamais nos nouveaux empiriques, [11] ni tels prophètes qui ne font que du bruit et ne sont bons qu’à faire sonner des cloches.

Le Parlement a donné un arrêt assez sévère contre une thèse en théologie qui devait être disputée en Sorbonne, [12] et qui ne l’a pas été, dans laquelle on voulait faire passer comme un article de foi cette prétendue infaillibilité [13] du pape, contre laquelle M. Talon [14] fit merveilles au Parlement. Un savant homme m’a dit à l’oreille qu’un honnête homme du parti des jansénistes [15] avait fait un livre in‑fo, qu’on a fait imprimer en Allemagne, touchant cette matière et autres en français, qui sera bientôt ici ; [2] c’est-à-dire que, quand on a remis l’épée dans le fourreau, les hommes ne laissent point de faire la guerre avec la plume. Je suis, etc.

De Paris, ce 30e de janvier 1663.


a.

Du Four (édition princeps, 1683), no cix (pages 328‑329) ; Bulderen, no cclxxxv (tome ii, pages 341‑342) ; Reveillé-Parise, no dcvii (tome iii, page 420).

1.

V. notes [16], lettre 239, pour les quatre livres de Daniel Sennert de Febribus [sur les Fièvres], et [31], lettre 334, pour la poudre de vipère.

2.

Le dogme d’infaillibilité pontificale ne fut établi qu’en 1870 (premier concile du Vatican). « L’infaillibilité ne se doit attribuer proprement qu’à Dieu et à ceux à qui il l’a bien voulu communiquer, comme aux prophètes, aux évangélistes, aux apôtres et à son Église ; on a écrit pour et contre l’infaillibilité du pape » (Trévoux). Périodiquement débattu de très longue date, ce dogme était alors en butte au gallicanisme d’une bonne partie de la Sorbonne et du Parlement. De nombreux esprits y étaient en outre échauffés par les deux bulles pontificales contre les jansénistes : Cum occasione, 1653 (v. note [16], lettre 321), et Ad sacram, 1656, immédiatement suivie du Formulaire (v. note [10], lettre 463).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 30 janvier 1663

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(Consulté le 29/03/2024)

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