Je crois bien que présentement vous êtes à Turin, [2] et je souhaite que ce soit pour le bien de votre malade [3] et le vôtre ; [1] mais en quelque endroit que vous soyez, je vous donne le bon jour et bon an, et vous prie de croire que je suis de toute mon affection votre très humble serviteur. Le roi [4] n’a point été, comme l’on disait, au Parlement depuis les ducs et pairs, [5] mais on dit qu’il y ira dans un mois et avant que d’entreprendre son grand voyage. [2] Jamais il ne fut si peu de malades, tous nos vieillards n’ont jamais rien vu de pareil et s’en réjouissent. Je vous prie, si vous êtes à Turin, de saluer de ma part MM. de Torrini, [6] Morisset [7] et Touvenot. [8] On ne dit plus rien du Turc, [9] mais on parle de guerre en Italie pour l’été prochain, sed quis novit tam grande secretum ? [3] M. le duc d’Orléans [10] a été à la Chambre des comptes, et M. le Prince [11] à la Cour des aides, [12] y porter les déclarations du roi par lesquelles sont faites plusieurs suppressions de divers offices et commissions ; ce fut le dernier jour de l’an. [4] On dit que l’on n’a pas donné aujourd’hui les livrées ni < les > habits aux pages de la cour, d’autant que l’on s’attend à porter le deuil bientôt, mais on ne nomme pas de qui ce sera : an vestræ Ducissæ futurum sit ? dies revelabit. [5] Je vous baise les mains et suis de toute mon âme votre, etc.
De Paris, ce 1er de janvier 1664.
1. |
La Gazette n’annonça la mort de Madame Royale que dans l’ordinaire no 6 du 12 janvier 1664 (pages 44‑45) : La cour de France n’avait appris la nouvelle que le 7 janvier, « dont Leurs Majestés témoignèrent tout le déplaisir imaginable, se préparant à en prendre le deuil avec toute la cour ». |
2. |
Guy Patin se fiait à la rumeur de guerre contre le pape, mais elle n’eut pas lieu, et Louis xiv ne quitta pas la région parisienne avant le déclenchement de la guerre de Dévolution (mai 1667). |
3. |
« mais qui connaît un si grand secret ? » |
4. |
La Gazette, ordinaire no 3 du 5 janvier 1664 (pages 23‑24) :
|
5. |
« est-ce que ce ne sera pas celui de votre duchesse [de Savoie, Madame Royale] ? Un jour le dira. » À en croire Guy Patin (et la date que ses premiers éditeurs ont donnée à cette lettre), l’annonce de la mort imminente de Madame Royale était donc parvenue à la cour avant le 7 janvier (v. supra note [1]). |
a. |
Bulderen, no ccciv (tome ii, pages 388‑389) à Charles Spon, mais la présence à Turin auprès de Madame Royale impose André Falconet. |