L. 808.  >
À André Falconet,
le 13 janvier 1665

Monsieur, [a][1]

Le 11e de janvier. M. Le Conte [2] est mort et enterré, moi et mes deux fils venons de son service. La gangrène [3] l’a étouffé en trois jours, voilà bien du grec et du latin perdu. M. Rainssant [4] reçut hier notre Seigneur ; [1] il ne dort point sans opium, [5] il a toujours soif, il tousse souvent et je tiens sa maladie très dangereuse, quoique ceux qui le traitent lui promettent de le guérir. Ce sont des flatteurs et des ignorants, il ne guérira jamais. M. Piètre [6] est encore malade, et le sera car il a eu une rude attaque dans la tête quæ labem relinquet[2] Le roi [7] a changé d’avis, il ne va plus au Parlement ; mais M. le duc d’Orléans [8] ira demain à la Chambre des comptes pour les affaires des rentes[3][9] Le présent porteur est M. Julien, [10] marchand de Lyon, duquel je vous ai ci-devant écrit ; je vous le recommande. On dit que les Hollandais ont été plus fins que les Anglais, sur lesquels ils ont eu grand avantage dans la Guinée, [11] y ayant surpris beaucoup de vaisseaux qui valent bien mieux que ceux que les Anglais ont pris de deçà sur eux ; [12] cela pourra être cause de quelque bon accord. [4] On dit que les Anglais ne veulent point permettre que leur roi [13] nous vende Tanger, [14] qui est sur la côte d’Afrique. [5]

J’ai recommencé aujourd’hui mes leçons [15] au Collège royal[16] où j’avais plus de 200 auditeurs, mais il y fait si froid que je les ai congédiés jusqu’à un temps plus doux. Il ne faut plus se tuer pour personne puisque l’on meurt si aisément. Je vous baise très humblement les mains et suis de toute mon âme votre, etc.

De Paris, ce 13e de janvier 1665.


a.

Bulderen, no cccxlvi (tome iii, pages 36‑37).

1.

Le saint viatique (v. note [15], lettre 251).

2.

« qui laisse la ruine derrière elle. »

3.

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, pages 294‑295) :

« Le mercredi 14 janvier, M. le duc d’Orléans fut à la Chambre des comptes porter une déclaration pour rétablir les rentes des tailles, {a} supprimées par la dernière déclaration, {b} en retranchant les deux cinquièmes de ce qui se paye actuellement, et que le fonds en serait fait à l’avenir sur la ferme des entrées. »


  1. Dites de l’Hôtel-de-Ville.

  2. V. note [6], lettre 784.

4.

Il n’y eut pas d’accord (v. note [6], lettre latine 333), c’étaient les prémices de la seconde guerre anglo-hollandaise : sous le haut commandement du duc d’York, James, frère du roi Charles ii et Lord High Admiral, la flotte anglaise commençait à s’attaquer avec plus ou moins de succès aux colonies hollandaises d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique du Nord (v. note [9], lettre 802). La guerre ouverte fut déclarée le 4 mars 1665 et dura jusqu’en août 1667. Son principal motif politique était l’intention de Charles ii, roi d’Angleterre, de faire recouvrer à son neveu, Guillaume iii d’Orange-Nassau (v. note [11], lettre 252), le stathoudérat des Provinces-Unies.

La Guinée était un vaste territoire d’Afrique de l’Ouest qui correspondait à peu près à la réunion des actuels États de Côte-d’Ivoire et du Ghana.

5.

Tanger, au Maroc (roayaume de Fez), porte d’entrée en Méditerranée, était tombée au pouvoir des Portugais en 1475 ; elle avait été donnée en dot à l’infante du Portugal lors de son mariage avec Charles ii, roi d’Angleterre.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 13 janvier 1665

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0808

(Consulté le 28/03/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.