L. 835.  >
À André Falconet,
le 22 septembre 1665

Monsieur, [a][1]

On a joué depuis peu à Versailles [2] une comédie de médecins de la cour, où ils ont été traités en ridicules devant le roi [3] qui en a bien ri. [4] On y met en premier chef les cinq premiers médecins et par-dessus le marché, notre maître Élie Béda, autrement des Fougerais, [5] qui est un grand homme de probité et fort digne de louanges si l’on croit ce qu’il en voudrait persuader[1] Je vous envoie un extrait imprimé des Registres de Sorbonne[6] que je vous prie de donner à M. Spon, par lequel il verra comment nos bons docteurs croient au purgatoire, [7] et je prie Dieu que cela serve à sa conversion et au salut de son âme. [2] On parle fort ici d’un seigneur piémontais nommé le marquis de Fleury, [8] qui a été surpris couché avec une maîtresse du duc de Savoie, [9] qui l’a fait mettre dans un cachot. Le roi a fait menacer la duchesse de Mantoue [10] d’une armée de 50 000 hommes si elle mettait la citadelle de Casal [11] entre les mains des Espagnols comme on le craignait. [3] Adieu.

De Paris, ce 22e de septembre 1665.


a.

Du Four (édition princeps, 1683), no cxxxv (pages 386‑387) ; Bulderen, no ccclxxi (tome iii, pages 96‑97) ; Reveillé-Parise, no dclxxxiii (tome iii, page 555).

1.

La comédie de Molière, L’Amour médecin a été « représentée pour la première fois à Versailles par ordre du roi le 15e septembre 1665 et donnée depuis au public à Paris sur le théâtre du Palais-Royal le 22e du même mois de septembre 1665 par la Troupe du roi » (dédicace).

Cinq médecins (et non six, comme disait ici Guy Patin) y sont caricaturés sous des noms tirés du grec et forgés, dit-on, par Nicolas Boileau-Despréaux :

Antoine Vallot, premier médecin du roi, n’en était apparemment pas. « Ce n’est ici qu’un simple coup de crayon, un petit impromptu dont le roi a voulu faire un divertissement. Il est le plus précipité de tous ceux que Sa Majesté m’ait commandés et lorsque je dirai qu’il a été proposé, fait, appris et représenté en cinq jours, je ne dirai que ce qui est vrai » (Au lecteur).

Éminent spécialiste du sujet, Geroges Forestier (Molière, Paris, 2018, v. notule {a}, note [23] de Thomas Diafoirus et sa thèse) a fait deux utiles remarques sur L’Amour médecin dans son chapitre 17, Consécration royale et satire médicale (1665).

Parmi les traits les mieux acérés de la pièce :

Cette comédie se jouait au moment où tant de médecins de la cour dansaient le pathétique ballet de leur impuissance autour de la reine, mère du roi.

En 1669, après l’affaire du Tartuffe (v. note [3], lettre 950), et pour riposter aux satires antimédicales répétées de Molière, parut sous la signature de Le Boulanger de Chalussay une comédie satirique en vers intitulée Élomire hypocondre ou les Médecins vengés. On y lit notamment à propos de l’Amour médecin, de la bouche d’Élomire (Molière) :

« Ce chef-d’œuvre qui fut le fléau des médecins,
Me fit des ennemis de tous les assassins. »

2.

V. note [2], lettre 836, pour quelques écrits du temps sur le purgatoire.

3.

Charles iii de Mantoue, né le 31 août 1652, venait de succéder à son père, Charles ii (v. note [8], lettre 414), sous la régence de sa mère, Isabelle (morte en 1685), fille de Léopold v, comte de Tyrol.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 22 septembre 1665

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0835

(Consulté le 20/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.