L. 843.  >
À André Falconet,
le 24 octobre 1665

Monsieur, [a][1]

M. Anisson [2] est-il encore en procès pour cette maison des champs qu’il a achetée, pour laquelle il a fait déjà deux voyages à Paris ? Je prie Dieu qu’il en sorte à son profit et qu’il me tienne sa parole pour des manuscrits de Gaspard Hofmann [3] qu’il m’a promis d’imprimer ; c’est un livre très bon et précieux comme de l’or. [1] M. le cardinal Antoine, [4] grand aumônier de France, est à Rome ; le pape [5] y est fort mal et tout caduc. Le cavalier Bernin [6] s’en est retourné à Rome chargé des libéralités et des bonnes grâces du roi. [2][7][8] On parle encore bien fort de la peste de Londres [9] qui ne s’apaise point.

J’ai aujourd’hui consulté [10][11] pour un gentilhomme normand qui est accablé de quatre terribles accidents : fièvre quarte, [12] hydropisie, [13] épilepsie [14] et phtisie. [15] Je me souviens d’avoir vu même chose autrefois en une autre consultation que je fis avec M. Moreau [16][17] l’an 1644 pour un Provençal, chevalier de Malte. [18] Hippocrate a fait mention d’une rencontre presque pareille en ses Coaques[19] où Louis Duret [20] n’a point manqué, suivant sa coutume, d’en faire un bon commentaire. [3] Vous, l’admirable M. Delorme [21] et moi, nous en ferions aisément le pronostic, his gradibus itur ad requiem sempiternam[4] Je vous baise les mains et suis de tout mon cœur votre, etc.

De Paris, ce 24e d’octobre 1665.


a.

Bulderen, no ccclxxviii (tome iii, pages 107‑108) ; Reveillé-Parise, no dclxxxvii (tome iii, pages 560‑561).

1.

Manuscrits des Chrestomathies de Caspar Hofmann que Guy Patin ne désespérait toujours pas de faire publier (v. note [17], lettre 192).

2.

Giovanni Lorenzo Bernini (Naples 1598-Rome 1680), dit le cavalier Bernin, architecte, peintre et sculpteur, était l’un des plus grands maîtres de l’art baroque ; sa réputation, établie à Rome (en dépit de ses détracteurs, v. note [34] du Naudæana 2), s’était étendue à toute l’Europe. Désireux de lui faire achever les agrandissements du Louvre (v. note [4], lettre 735), Louis xiv l’avait fait venir en juin 1665. Il s’en retournait à Rome quelques mois plus tard, comblé de présents, mais sans avoir su convaincre la cour de son projet architectural qui fut définitivement abandonné en 1667 (R. et S. Pillorget).

La Gazette, ordinaire no 125 du 24 octobre 1665 (pages 1040‑1041) :

« De Paris, le 24 octobre 1665. Le 17 […], le roi posa la première pierre, avec les cérémonies accoutumées, au nouveau bâtiment du Louvre, auquel on travaille suivant les desseins {a} qu’en a donnés le chevalier Bernin ; et l’on mit sur cette pierre une médaille d’or, de la façon du sieur Varin, ayant d’un côté l’effigie du roi et de l’autre, la façade du Louvre, avec deux tables de bronze où sont des inscriptions en latin et en français. Ensuite, il se fit une largesse de grand nombre de pièces d’argent au peuple qui s’était rendu en affluence à cette cérémonie. […]

Le 20, le chevalier Bernin, après avoir pris congé du roi et laissé un dessein de ce qui est à faire pour l’accomplissement des bâtiments du Louvre, partit de cette ville pour retourner à Rome ; Sa Majesté lui ayant fait donner, outre dix mille écus qu’il a touchés avant que venir en France, onze mille écus, en trois mille louis d’or effectifs, avec un brevet de pension de deux mille écus, à son fils, deux autres mille écus, aussi avec un brevet de pension de 400 écus, deux mille écus à celui qui doit venir faire exécuter ses desseins, et pareille somme qui fut distribuée à ses domestiques ; et donné ses ordres pour le faire reconduire et traiter à ses frais jusque dans sa maison, comme lorsqu’il est venu de Rome en cette ville, et durant le temps qu’il y a séjourné. »


  1. Plans.

3.

Cinquième pronostic du livre ii, chapitre xix, De Hydrope [L’Hydropisie], des Prénotions coaques d’Hippocrate commentées par Louis Duret (pages 336‑338, édition de 1588, v. note [10], lettre 11) :

Hydrωpicis quæ supervenit epilepsia, funesta. Cum enim signa hæc mutuo certent inter se maleficientia : tum vero profusiores faciunt alvos.

[L’épilepsie qui survient aux hydropiques est de funeste pronostic. Parce qu’en effet ces signes rivalisent en malfaisance l’un contre l’autre ; mais alors ils rendent les déjections plus abondantes].

4.

« ainsi va-t-on pas à pas vers le repos éternel. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 24 octobre 1665

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0843

(Consulté le 19/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.