Ce 26e de juillet. On chante aujourd’hui le Te Deum [2] à Notre-Dame [3] pour la prise de Courtrai. [1][4] L’armée du roi marche avec de la provision pour huit jours, ce qui fait soupçonner un grand dessein. M. le chancelier [5] et le Conseil retournent à Compiègne [6] parce que M. le Dauphin [7] y est et qu’il ne peut être sûrement ramené ni à Paris, ni à Saint-Germain, [8] ni au Bois de Vincennes, [9] parce qu’il y a de la petite vérole. [2][10][11] Les Anglais ont fait leur paix avec nous et les Hollandais, elle est signée et ratifiée, [12] ils y ont été obligés par le mauvais état de leurs affaires, mais pourtant elle n’est point encore publiée.
On a publié par toutes les paroisses un monitoire [13] très important, lequel contient plusieurs chefs d’accusations contre une certaine quidame, [3] etc. C’est un monitoire hardi, violent, médisant et diffamatoire, c’est une pièce dangereuse et diffamante pour les horribles choses qu’elle contient. On l’explique ici de Mme de Fouquerolles, [14] nièce de M. le président de Mesmes, [15] fille et sœur de MM. d’Herbigny, [16][17][18] maîtres des requêtes. Elle faisait ici la dévote et la trésorière des pauvres, elle a emprunté plus de 700 000 livres à plusieurs particuliers et après, elle a fait un trou à la nuit [4] et s’en est allée, ou s’est si bien cachée que l’on ne sait où elle est aujourd’hui. [19] On lit ce monitoire à toutes les portes des églises et dès que l’on en a arraché un, on y en met un autre ; adeo verum illud Dominici Baudii : Populus, lex, grex, mundus omnis facit histrioniam. [5][20] Je vous baise les mains et suis de toute mon âme votre, etc.
De Paris, ce 29e de juillet 1667.
1. |
Courtrai (v. note [42], lettre 156) avait été prise le 19 juillet après un siège de quelques jours, sous le commandement du maréchal d’Aumont. |
2. |
Le diagnostic de Guy Patin (ou de ses transcripteurs) ne s’accordait guère avec celui de Mlle de Montpensier (Mémoires, seconde partie, chapitre viii, page 51) et de la cour :
Maladie redoutable, une petite vérole (variole) {a} n’aurait pas échappé au diagnostic des médecins ni guéri aussi simplement. Une varicelle est beaucoup plus probable, mais il s’agit d’un anachronisme nosologique {b} méritant explication. La première partie (pages 1‑34) de La Vérolette ou petite vérole volante. En deux parties. Par M** (Paris, L. Ch. d’Houry, 1759, in‑8o de 67 pages) contient une étude historique détaillée sur cette maladie. Son auteur {c} y avance qu’elle a été clairement caractérisée pour la première fois en Italie au xvie s. par Guy Vide. {d} Le premier Français à en écrire semble avoir été Lazare Rivière (chapitre iii, pages 7‑9) : « En consultant les écrivains français sur les maladies éruptives, nous ne trouvons aucune trace de ces pustules cristallines dans Fernel, Houllier, Duret, Baillou : preuve incontestable que cette maladie ne s’était point encore montrée à ces génies de l’observation. Nous allons voir sous quel aspect elle a commencé à paraître en France, du temps du fameux Rivière, sous le nom de vérolette.Rivière. {e} |
3. |
Quidam, quidame (Furetière) : « se dit seulement dans les monitoires, {a} à cause qu’il est défendu d’y marquer les noms, quoiqu’on les sache. Tous ceux qui sauront que certains quidams ou quidames ont fait telle chose sont avertis d’en venir à révélation. » |
4. |
Elle s’est enfuie (v. note [11], lettre 716). Mme de Fouquerolles (v. note [4], lettre 898) était née Marie Lambert. Elle était la plus jeune sœur de Henri Lambert (1623-1700), seigneur d’Herbigny, marquis de Thibouville, qui avait été reçu conseiller au Parlement en 1650, puis maître des requêtes en 1660, surintendant et chef du Conseil de Mademoiselle, intendant à Moulin et à Bourges en 1666 et 1667. Leur père, François Lambert, sieur d’Herbigny, avait aussi été maître des requêtes de 1621 à 1628, puis avait été fait conseiller d’État (Popoff, no 1515). |
5. |
« d’où la profonde vérité de ce qu’a dit Dominicus Baudius : “ Peuple, loi, roi, troupeau, le monde entier joue la comédie ” » (v. notule {e}, note [37] du Patiniana I‑3). |
a. |
Bulderen, no cccclvi (tome iii, pages 251‑253) ; Reveillé-Parise, no dccliv (tome iii, pages 658‑659). |