Je vous remercie de la vôtre du 6e de ce mois. J’attendrai patiemment le livre de M. Bonet [2] et après l’avoir vu, je l’en remercierai. [1] Le livre des éloges de feu M. Moreau, [3] illustrium medic. Paris., n’a jamais été fait, nec unquam videbitur. [2] Le fils de M. Moreau [4] a bien aujourd’hui d’autres affaires, il a ses malades, il a l’Hôtel-Dieu, [5] il a ses leçons publiques, etc. qui l’empêchent d’avoir du temps de reste. M. Le Vasseur, [6] notre collègue, n’a rien fait imprimer. C’est un autre médecin ainsi nommé, qui a par ci-devant étudié à Leyde, [7] dont j’ai autrefois connu le père qui avait jadis été secrétaire de M. le maréchal de Bouillon, [8] père de M. de Turenne. Je vous en enverrai deux exemplaires, pour vous et pour M. Falconet. Ce M. Le Vasseur [9] demeure à Paris, est de la petite paroisse et ne se soucie guère de voir des malades. [3] L’on m’a dit qu’il avait refusé d’être professeur à Leyde à la place de feu M. Vander Linden. [10] On ne parle ici que du beau banquet / carrousel [4][11] qui est préparé pour Versailles, [12] qui me semblerait bien plus raisonnable et plus beau si les soldats qui ont été congédiés avaient reçu quelque douceur ad repetendum solum patrium. [5] On parle aussi de quelques nouveaux cardinaux et maréchaux de France, et même d’un gouverneur pour M. le Dauphin. [13] Une impudente femme, outrée de quelque forte passion, a passé les bornes de la modestie et sur ce qu’elle n’avait pas eu réponse favorable d’un placet qu’elle avait présenté, s’est laissé emporter à un excès de paroles et d’injures ; pour quel crime, elle a été condamnée au fouet [14] et aux Petites-Maisons, [15] ce qui a été exécuté. [6][16] Il y a ici alentour une troupe de voleurs qui ont volé à quantité d’églises, et des faubourgs et de la ville. Aujourd’hui au matin trois ont été attrapés, saisis de leur vol, qui pourront servir à découvrir les uns et à retenir les autres. Ils ont été pris dans le faubourg Saint-Antoine [17] avec des ciboires et des calices d’argent. Voilà de la pratique pour M. le lieutenant criminel. [18] Je vous prie de m’apprendre quid sit ille liber Lugduni nuper excusus, [7] d’un médecin italien, Febrilogia, in‑fo. [19] On a mis dans la Bastille [20] un prêtre que l’on dit être sorcier, ad populum phaleras ! [8][21] Je n’en crois non plus ce qu’en dit le peuple que ce qu’en a dit Delrio in Disquisitionibus magicis. [22] Vive, vale et me ama. Tuus ex animo, G.P.
1. |
Pharos Medicorum, hoc est cautiones, animadversiones, et observationes practicæ ex operibus Gulielmi Ballonii, Medici Parisiensis celeberrimi excerptæ, et in libros decem distinctæ. Opera Theophili Boneti D.M. Pars prior. [Phare des médecins, qui contient les précautions, remarques et observations pratiques tirées des œuvres de Guillaume de Baillou, {a} très célèbre médecin de Paris, et distribuées en dix livres. Par les soins de Théophile Bonet, {b} docteur en médecine. Première partie]. {c}
Au sujet de cette première publication de Bonet (qui n’eut jamais de seconde partie), Éloy écrit :
Mme Caroline Chevallier, bibliothécaire en charge des manuscrits et de la musique à l’Université d’Uppasala (v. note [a], lettre 1019), nous a très obligeamment communiqué la référence d’une lettre autographe de Théophile Bonet à Charles Spon, le 25 juillet 1668 (Uppsala universitetsbibliotek, Waller Ms ch-00042, ro et vo) :
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2. |
« et jamais on ne le verra » ; v. note [1], lettre 22, pour le projet avorté d’éloges « des médecins illustres de Paris » par feu René Moreau. |
3. |
V. note [5], lettre 583, pour le surnom de « petite paroisse » que Guy Patin donnait à la Religion réformée. V. note [5], lettre latine 242, pour Louis Le Vasseur, docteur en médecine de Montpellier qui vivait à Paris, dont Guy Patin avait appris l’existence par Johannes Antonides Vander Linden car, comme lui, il combattait les opinions de Frans Sylvius de Le Boë (Leyde, 1663, réédité à Paris, 1668, v. note [13], lettre 759). Son homonyme, Claude Le Vasseur, natif de Paris, avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1638 (Baron). Dans les commentaires portant sur la seconde année de son décanat (1683-1684, Comment. F.M.P., tome xvi, fo 275 ro), le doyen Bertin Dieuxivoye a consigné la mort de Le Vasseur survenue en 1684, sans indiquer le jour, mais avec cette mention : Nosocomii fratrum Charitatis medicus plurimis annis fuit. |
4. |
Sans biffer « carrousel », la plume de Patin a écrit au-dessus le mot « banquet », mieux choisi, il est vrai, pour désigner le Grand Divertissement royal de 1668 (v. note [4], lettre 932). |
5. |
« pour avoir reconquis la terre de nos pères » : c’est-à-dire la Flandre espagnole, soit une grande partie de ce qui est aujourd’hui la Belgique et de la région des Hauts-de-France (sans la Picardie). |
6. |
Guy Patin a fourni un complément d’information sur le gouverneur du dauphin et sur l’« impudente femme » dans la lettre à André Falconet de même date que celle-ci. Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, page 552) :
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7. |
« ce qu’est ce livre récemment publié à Lyon ». V. note [2], lettre 932, pour la Febrilogia [Étude des fièvres] (Lyon, 1668) du médecin espagnol Juan Lazaro Gutiérrez, que Guy Patin persistait à prendre pour un Italien. |
8. |
« du clinquant bon pour le peuple ! » : à d’autres, mais pas à moi ! (Perse, v. note [16], lettre 7). |
9. |
« Vive et vale, et aimez-moi. Vôtre de tout cœur, Guy Patin. À Paris, ce 17e de juillet 1668. » V. note [54], lettre 97, pour les six livres des Disquisitionum magicarum [Recherches sur la magie] de Martin Anton Delrio (Mayence, 1603). Les punitions des prêtres qui pratiquent la sorcellerie sont traitées dans le livre cinquième, section xvi, De la Peine et Supplice des Sorciers, pages 806‑807 de la traduction française (Paris, 1611) :« Les prêtres qui, par vengeance ou par dépit, dépouillent les autels, éteignent les luminaires, ou font des choses semblables à dessein de nuire à ceux pour lesquels ils les emploient aux offices de sépulture, doivent être simplement privés de leurs honneurs et dignités, et marqués d’une ineffaçable note d’infamie. Mais ceux qui, poussés de quelques inimitiés et haines particulières, célèbrent des messes des trépassés pour des vivants, afin que ceux pour lesquels ils les célèbrent fondent plus tôt dedans les coffres de la mort, doivent être premièrement dégradés, et puis bannis à perpétuité, quant et {a} ceux qui les ont induits à ce faire ; si ce n’est toutefois que volontairement ils s’en soient confessés devant leur évêque ou métropolitain, et qu’ils en aient fait une condigne pénitence {b} […]. |
a. |
Ms BnF no 9357, fo 367, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; à côté de l’adresse, de la main de Charles Spon : « 1668./ Paris, du 17 juillet./ Lyon, adi 27 dudit./ par M. Falconet./ Rispost./ Adi 21 août. » |