Enfin la paulette [2] est arrivée pour plusieurs officiers, mais avec d’assez dures conditions. Il y en a plusieurs autres qui n’y sont pas admis, c’est qu’il n’a pas plu au Saint-Esprit ni au roi. [3] Plusieurs se plaignent ici, et les médecins aussi, vu qu’il n’y a ni malades, ni argent. Il n’y a plus que les comédiens qui gagnent au Tartuffe de Molière. [4] Grand monde y va souvent ; il ne s’en faut pas étonner, il n’y a rien qui ressemble tant à la vie humaine que la comédie. La Cour des monnaies [5] était exceptée de la paulette, mais aujourd’hui on dit qu’ils ont assurance de l’avoir. M. le comte de Saint-Pol [6] a écrit de Malte [7] au roi qu’il y a été bien malade et qu’il en est, Dieu merci, heureusement échappé avec l’aide de son médecin qui en a eu grand soin (c’est M. Thuillier, [1][8] médecin de Paris) ; qu’il se met en état de revenir à Rome, de voir toute l’Italie et de s’en revenir en France par le pays des Suisses, où il passera à Neuchâtel [9] dont il est seigneur, et delà par la Bourgogne, à Paris où il est fort attendu de Madame sa mère [10] et autres. Ce prince est bien spirituel et en bonne réputation, il est le cadet de M. de Longueville, [11] qui est tout à fait dans la dévotion et qui ci-devant s’était fait jésuite, mais cette envie lui a changé. [2]
Un vieux médecin huguenot nommé M. Du Four, [12] âgé de 78 ans, est mort depuis peu de jours. Il avait été longtemps à feu M. de Vendôme, [13] puis s’était retiré à Blois, [14] sa patrie. Enfin, étant revenu à Paris, il y est mort avec une prise de vin émétique [15][16] qu’un badin lui donna fort mal à propos car il n’y avait aucune indication. [3] Son mal était une excoriation de la vessie dont il m’avait autrefois demandé mon avis. [4][17] Je vous prie de le dire à M. Spon, je crois qu’ils étaient amis. Je vous enverrai sur la fin du carême les thèses [18] que je vous ai destinées et quelques autres nouveautés. On parle ici d’une nouvelle réformation pour les rentes de l’Hôtel de Ville. [19] Il court aussi un petit poème français intitulé L’Arrière-ban des moines. Adieu, Monsieur, et consolez-vous-en, le monde est si fou qu’ils ne seront jamais bannis. [5][20] Je suis de tout mon cœur votre, etc.
De Paris, ce 29e de mars 1669.
1. |
Matthieu Thuillier, natif d’Amiens, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1666 (Baron), gendre d’Eusèbe Renaudot (v. seconde notule {a}, note [21], lettre 80). |
2. |
Charles Paris d’Orléans (v. note [68], lettre 166), né en 1649 pendant le siège de Paris, était le fils adultérin de la duchesse de Longueville et du duc de La Rochefoucauld. Son frère, Jean-Louis Charles d’Orléans, avait l’esprit mal timbré. |
3. |
Un doute plane ici sur l’opinion qu’avait alors Guy Patin de l’antimoine : si l’émétique (accrédité par la Faculté depuis le printemps 1666) n’avait en ce cas « aucune indication », n’était-ce pas qu’en d’autres circonstances, il pouvait en avoir de bonnes ? |
4. |
Une excoriation est une écorchure, plaie superficielle d’origine traumatique, mais il s’agissait ici d’une lésion spontanée de la vessie (c’est-à-dire non consécutive à un acte chirurgical ou à un sondage). Sa seule manifestation concevable était une hématurie (émission d’urines sanglantes, v. note [3] de la Consultation 13), en lien avec une lithiase, un cancer ou une infection (tuberculose) de la vessie. |
5. |
Je n’ai pas mis la main sur les vers qui justifiaient cette nouvelle charge contre les moines. |
a. |
Bulderen, no cccclxxxviii (tome iii, pages 304‑305) ; Reveillé-Parise, no L(tome iii, pages 691‑692). |