[Ms BIU Santé no 2007, fo 26 ro | LAT | IMG]
Au très distingué M. Antonides Vander Linden, très célèbre docteur en médecine, à Leyde.
Très distingué Monsieur, [a][1]
Je serais le plus ingrat des mortels, si je ne vous remerciais pour votre livre (et fasse Dieu que je puisse un jour vous en rendre la pareille) ; il est remarquable et c’est le mieux achevé de tous les ouvrages. Je l’ai reçu des propres mains de notre ami Simon Moinet, imprimeur de Paris, qui n’est ni ignorant, ni mal intentionné. [1][2] Je veux parler de votre Medicina physiologica, ouvrage distingué et tout à fait digne de recevoir la palme. Après l’avoir très vite parcouru, je l’ai aussitôt envoyé au très distingué Riolan, notre plus ancien maître, [3] pour qu’il y discerne clairement l’importance de ce que prouvent les étrangers et pour qu’en son grand âge, qui approche de 80 ans, il y cueille les fruits de sa renommée. [2][4] Je vous remercie aussi pour votre seconde édition du livre de Scriptis medicis, que vous avez remise pour moi à Elsevier ; je ne l’ai pas encore reçue et ne sais quand on me la remettra. [3][5][6] En attendant, très distingué Monsieur, sachez-le bien, jamais je ne serai oublieux de tant de bienfaits que je reçois de vous, et je ne vous refuserai aucun service que je penserai pouvoir vous rendre, en quelque façon que ce soit. Notre Riolan se consacre ici tout entier à réfuter l’antimoine, [7][8] poison paracelsistes et des chimystiques, [9][10] dont, sous prétexte de médecine, certains imposteurs publics ont très misérablement abusé depuis quelques années, en tuant quantité de malades. [11] Dieu fasse que sa vie soit prolongée de quelques mois, pour qu’il puisse mener un si grand ouvrage au terme qu’on souhaite. [4] Aussitôt que, dans le tumulte des guerres anglaises, nos marchands auront retrouvé la liberté de commercer, [5][12] je vous en ferai cadeau avec d’autres livres issus des presses parisiennes ; Dieu fasse que cela arrive vite. Sur ses entrefaites, très distingué Monsieur, vale et vive, travaillez avec ardeur et aimez-moi.
Vôtre de toute mon âme, Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris.
De Paris, ce 12e de décembre 1653.
1. |
V. note [13] de la lettre inédite de Guy Patin venue de Russie, pour Simon Moinet, imprimeur parisien qui travaillait à Amsterdam chez les Elsevier. |
2. |
V. note [39], lettre 334, pour la « Médecine physiologique » de Johannes Antonides Vander Linden (Amsterdam, 1653) qui contient de nombreuses remarques critiques sur les ouvrages anatomiques de Jean ii Riolan ; ce qui lui avait chauffé la bile et l’avait fait se moquer de ce livre en l’appelant Medicina philologica (v. note [41], lettre 334). |
3. |
Célèbre pour sa bibliomanie, Guy Patin surprenait fort en parlant ici pour la toute première fois des : Ioh. Antonidæ Vander Linden, Doct. et Professoris Medicinæ Practicæ in Acad. Lugduni-Batava ordinarii, de Scriptis medicis Libri duo. Editio altera, auctior et emendatior. La première édition, dont Patin n’a jamais parlé, est intitulée : Ioannis Antonides Ander {a} Linden de Scriptis Medicis Libri duo. Quibus præmittitur ad D. Petrum Tulpium Manuductio ad Medicinam. Victime d’un long délai de livraison, Guy Patin a pour la première fois dit avoir consulté ce précieux ouvrage dans sa lettre à Charles Spon du 19 janvier 1657 (v. sa note [5]). Après l’avoir si tardivement découvert, il s’y est beaucoup référé, comme ont fait nombre de ses contemporains et d’historiens après eux. J’y ai souvent trouvé de l’aide dans mes recherches. Patin a volontiers suggéré à Linden (sans toujours le convaincre) d’y ajouter certaines références pour enrichir sa 3e édition. |
4. |
Dans ses lettres de cette période, tant latines que françaises, tandis que foisonnaient les libelles pour et contre l’antimoine, Guy Patin a dit et répété que Jean ii Riolan travaillait ardemment à réfuter ce médicament, mais il n’en a résulté aucun livre imprimé (v. note [18], lettre 252). Riolan avait alors encore un peu plus de trois ans à vivre. |
5. |
La première guerre anglo-hollandaise (1652-1654, v. note [34], lettre 282) entravait alors les échanges maritimes entre la France et les Provinces-Unies. |
a. |
Brouillon autographe de la première des 69 lettres de Guy Patin à Johannes Antonides Vander Linden que contient notre édition : ms BIU Santé no 2007, fo 26 ro ; écrit au verso d’une feuille qui a servi d’enveloppe à une autre lettre envoyée à Patin, avec les restes d’un cachet et cette adresse : « À Monsieur/ Monsieur Patin, docteur/ en médecine de la Faculté/ de Paris, en sa maison de la/ place du Chevalier du Guet./ À Paris » (l’écriture est celle d’André Falconet). Ce feuillet a aussi servi pour le premier brouillon (entièrement biffé) de la lettre suivante à Vander Linden, datée du 26 décembre 1653. |
s. |
Ms BIU Santé no 2007, fo 26 ro. Clarissimo viro D.D. Ingratissimus essem mortalium, vir clarissime, nisi gratias Tibi agerem, Tuus ex animo Guido Patinus, Bello- Parisijs, 12. Dec. 1653. |