L. latine 51.  >
À Johann Garmers,
le 7 juillet 1656

[Ms BIU Santé no 2007, fo 41 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Garmers, docteur en médecine à Hambourg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai reçu votre très agréable lettre où je reconnais sans peine un esprit fidèle et reconnaissant, et un cœur bien assuré de notre affection mutuelle. Je me réjouis que vous ayez regagné sain et sauf votre patrie. Je salue de tout cœur MM. les illustrissimes ambassadeurs, Penshorn et Moller, [2][3] ainsi que le très savant M. Placcius, votre beau-frère. [1][4] Quand vous êtes parti d’ici, vous m’avez promis de faire en sorte que mes lettres soient rendues à M. Bartholin avec le livre de M. Riolan ; je ne doute pas un instant que vous ayez tenu votre engagement, mais je n’ai encore aucune réponse du dit Bartholin m’annonçant qu’il les a reçues de vous ; puisse-t-il enfin m’écrire. [2][5][6] Riolan, notre ancien, [7] est resté chez lui tout l’hiver à cause de son asthme et du froid très rigoureux, ennemi des vieillards, qui nous maltraite depuis quatre mois ; [8][9] il n’est pas encore rétabli, mais il est en vie cependant et médite quelque chose de nouveau. Le Duretus in Coacas de M. Meturas n’est pas encore achevé. On imprime à Lyon les Institutiones medicæ de Lazare Rivière, médecin de Montpellier. [3][10][11][12][13] À Cologny (c’est-à-dire à Genève) on a presque terminé la nouvelle édition de l’Hippocrate de Foës. [4][14][15][16] On m’envoie d’Italie le Scribonius Largus de Johannes Rhodius. [5][17][18] La controverse sur l’antimoine a entièrement cessé chez nous ; [19] il est terrassé, méprisé de tous, et le sera pour l’éternité. C’est un poison que condamnent et proscrivent les honnêtes gens. Son emploi a endeuillé tant de familles qu’à très juste raison, tout le monde le fuit avec horreur. [20] On prend ici les stibiaux pour des imposteurs qui voulaient tromper et appâter les gens imprudents sous ombre de nouveauté. Ils ne trouvent plus guère de sots qui veuillent être trompés et mourir si misérablement : ceux-là suivent les traces de leurs prédécesseurs et ont fort copieusement subi le châtiment de leur excessive crédulité par la perte de leur propre vie ou du moins, par sa mise en considérable péril. J’abandonne un tel poison aux chimistes et aux vieux renards ignorants de la famille de Paracelse. [21][22] M. Vander Linden, docteur en médecine et distingué professeur à Leyde, m’a écrit qu’il m’enverra sous peu un certain livre de Selecta medica dont il est l’auteur ; [6][23] je le recevrai à la fin d’avril ; ce savant homme a une excellente plume et je préjuge bien de son livre. Une nouvelle édition de l’Encheiridium anatomicum et pathologicum de M. Riolan, augmentée d’une troisième partie, sera imprimée vers la fin de l’été. [7][24] Nous avons ici le Lexicon philologicum et etymologicum de Martini dans la seconde édition de Francfort ; [8][25] c’est vraiment un excellent livre et digne de tous les cabinets d’étude ; le très méritant auteur d’un si grand ouvrage est aussi digne d’être loué par les savants. Vous saluerez de ma part, s’il vous plaît, notre ancien ami M. Christian Buncken, votre compatriote et collègue. [26] Vale, mon très cher ami, et aimez-moi.

Votre Guy Patin de tout cœur, docteur en médecine de Paris et professeur royal.

Ce vendredi 7e de juillet, 1656.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Garmers, ms BIU Santé no 2007, fo 41 vo.

1.

V. note [13] des Leçons au Collège de France, pour David Penshorn et Diedrich Moller, les deux émissaires des Villes hanséatiques à Paris.

Johann Placcius, médecin de Hambourg et professeur à Iéna, avait épousé Margaretha Garmers, sœur de Johann (v. note [1], lettre latine 33).

2.

V. note [1], lettre 414, pour les Responsiones duæ [Deux réponses] de Jean ii Riolan (Paris, septembre 1655) contre Jean Pecquet. Dans sa lettre du 10 mars 1656 à Thomas Bartholin, Guy Patin lui en avait annoncé l’envoi par l’intermédiaire de Johann Garmers. Dès 1652, Bartholin avait confirmé chez l’homme les découvertes de Pecquet sur les voies du chyle (v. note [16], lettre 308).

3.

V. notes [25], lettre 516, pour les Hippocratis magni Coacæ prænotiones… [Prénotions coaques du grand Hippocrate…] traduites du grec et commentées en latin par Louis Duret (réédition de Paris, Gaspard Meturas, 1658) et [5], lettre 429, pour les « Institutions médicales » de Lazare Rivière (Lyon, 1656).

4.
Réédition des œuvres complètes d’Hippocrate par Anuce Foës (1657-1672, Genève, v. note [41], lettre 396).

5.

V. note [1], lettre 205, pour les Scribonii Largi Compositiones medicæ… [Préparations médicales de Scribonius Largus…] éditées par Johannes Rhodius (Padoue, 1655).

6.

V. note [29], lettre 338, pour les « Morceaux médicaux choisis » de Johannes Antonides Vander Linden (Leyde, 1656).

7.

Cette quatrième édition augmentée du « Manuel anatomique et pathologique » de Jean ii Riolan ne parut qu’après sa mort (Paris, 1658, v. notes [37], lettre 514).

8.

V. note [2], lettre 408, pour cette réédition du « Lexique philologique et étymologique » de Matthias Martini (Francfort, 1655 ; première édition en 1623).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 41 vo.

Clarissimo viro D. Garmers, Medicinæ Doctori, Hamburgum.

Suavissimas tuas accepi, vir doctissime, ex quibus gratum memorémque
animum, et mutuis benefidum pectus amoribus facilè agnosco. Gaudeo quod
salvus et incolumis in patriam perveneris. Saluto ex animo ampliIllustrissimos D.D.
Legatos, Penshornium et Mollerum : ut et doctissimum virum D. Placcium,
Sororium tuum. Cùm hinc discessisti, mihi pollicitus es te effecturum, ut ad
D. Bartholino reddentur literæ meæ cum libro D. Riolani : an quod tuæ
promissioni satisfeceris, nullus dubito : sed à D. dicto Bartholino nullum adhuc
responsum habeo, an ista per Te accepit : utinam tandem scribat. Noster
Senior Riolanus tota hyeme decubuit propter asthma, et 2 frigus inten-
sissimum, 1 senibus inimicum, quo graviter mulctati sumus à sex 4. mensib.
necdum recreatus, vivit tamen, et aliquid novum meditatur. Duretus
in Coacas D. Meturas nondum pervenit ad finem. Lugduni Celtarum
sub prælo currunt Institutiones Medicas Laz. Riverij, Med. Monspel.
Coloniæ Allobrogorum, (Geneva est,) ferè ad umbilicum pervenit nova
editio Hipp. Foesij. Scribonius Largus Rhodij ad me missus est ex
Italia. De stibio nulla alia superest inter nos controversia : jacet
æternúmque jacebit à singulis contemptum, à bonis damnatum et
proscriptum venenum : tot ab ejus usu sunt funeratæ familiæ, ut summo
jure ab eo singuli abhorreant : Stibiales ipsi, qui specie novitatis incau-
tos inescare ac decipere volebant, tanquam impostores hîc habentur :
nec fatuos amplius inveniunt qui velint decipi, et tam miserè mori :
quos nempe vestigia tenent eorum qui præiverunt, et nimiæ credulitatis
pœnas propriæ vitæ dispendio, aut saltem insigni periculo nimis prodigè luerunt.
^ Tale venenum relinquo Chy-/ mistis, et imperitis veterato-/ ribus de familia Paracelsi.
Scripsit ad me D. Vander Linden, Medicinæ Doctor et professor egregius
civitatis Leidensis, se brevi ad me missurum librum quendam Selectorum
Medicinalium
, à se exaratum, quem ante finem Aprilis accipiam : ele-
ganter scribit eruditus ille vir et de hoc libro bene sentio. Nova editio tertia
parte acta, Enchir. Anat. et Pathol. Do. Riolani, circa Paschalia finem æstatis prælo
subijcietur. Hîc habemus Lexicum Martinij Etymologicum Philologicum
secundò editum Francofurti : librum sanè optimum et omni Musæo dignum.
^ a dignus est qui laudetur/ ab eruditis tanti operis/ author dignissimus.
Veterem amicum nostrum verbis meis salutabis, si placet, popularem vestrum
και ομοθεχνον, D. Christianum Buncken. Vale, amice carissime, et me ama.

Tuus ex animo Guido Patin, Doctor Med. Paris. et Prof. regius.

Die Veneris, 7. Iulij, 1656.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Garmers, le 7 juillet 1656

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(Consulté le 20/04/2024)

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